Rafael Cadenas

Rafael Cadenas et ses enfants, Paula et Silvio. Madrid, Bibliothèque nationale. Jeudi 20 avril 2023. (Álvaro García)

Le poète vénézuélien Rafael Cadenas, 93 ans, a reçu hier, lundi 24 avril, à Alcalá de Henares des mains du roi Felipe VI le Prix Cervantès 2022. Il s’agit de la récompense littéraire la plus prestigieuse en langue espagnole. C’est la première fois qu’un écrivain vénézuelien est primé. Après Ida Vitale, Joan Margarit, Francisco Brines et Cristina Peri Rossi, c’est le cinquième poète de suite qui reçoit ce prix. Malgré son âge, il a pu faire le voyage et c’est lui qui a commencé la lecture publique de l’ensemble de L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche qui se fait tous les ans à la même date au Cercle des Beaux-Arts de Madrid.

Madrid, Círculo de Bellas Artes (Antonio Palacios). 1921-26. Calle de Alcalá n°42.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2022/11/12/rafael-cadenas/

Colección Visor de Poesía, n.° 1012. 2017. 14 euros.

Fracaso

Cuanto he tomado por victoria es sólo humo.

Fracaso, lenguaje del fondo, pista de otro espacio más exigente, difícil de entreleer es tu letra.

Cuando ponías tu marca en mi frente, jamás pensé en el mensaje que traías, más precioso que todos los triunfos.
Tu llameante rostro me ha perseguido y yo no supe que era para salvarme.
Por mi bien me has relegado a los rincones, me negaste fáciles éxitos, me has quitado salidas.
Era a mí a quien querías defender no otorgándome brillo.
De puro amor por mí has manejado el vacío que tantas noches me ha hecho hablar afiebrado a una ausente.
Por protegerme cediste el paso a otros, has hecho que una mujer prefiera a alguien más resuelto, me desplazaste de oficios suicidas.

Tú siempre has venido al quite.

Sí, tu cuerpo, escupido, odioso, me ha recibido en mi más pura forma para entregarme a la nitidez del desierto.
Por locura te maldije, te he maltratado, blasfemé contra ti.

Tú no existes.
Has sido inventado por la delirante soberbia.

¡Cuánto te debo!
Me levantaste a un nuevo rango limpiándome con una esponja áspera, lanzándome a mi verdadero campo de batalla, cediéndome las armas que el triunfo abandona.
Me has conducido de la mano a la única agua que me refleja.
Por ti yo no conozco la angustia de representar un papel, mantenerme a la fuerza en un escalón, trepar con esfuerzos propios, reñir por jerarquías, inflarme hasta reventar.
Me has hecho humilde, silencioso y rebelde.
Yo no te canto por lo que eres, sino por lo que no me has dejado ser. Por no darme otra vida. Por haberme ceñido.

Me has brindado sólo desnudez.

Cierto que me enseñaste con dureza ¡y tú mismo traías el cauterio!, pero también me diste la alegría de no temerte.

Gracias por quitarme espesor a cambio de una letra gruesa.
Gracias a ti que me has privado de hinchazones.
Gracias por la riqueza a que me has obligado.
Gracias por construir con barro mi morada.
Gracias por apartarme.
Gracias.

Falsas maniobras 1966.

Échec

Tout ce que j’ai cru victoire n’est que fumée.

Échec, langue de fond, piste d’un autre espace plus exigeant, difficile de lire entre tes lignes.

Quand tu mettais ta marque sur mon front, jamais je n’aurais imaginé que tu m’apportais un message plus précieux que tous les triomphes.
Ta face flamboyante m’a poursuivi et moi je n’ai pas su que c’était pour me sauver.
Pour mon bien tu m’as remisé dans les coins, refusé les succès faciles, fermé les issues.
C’est moi que tu voulais défendre en m’empêchant de briller.
Par pur amour pour moi tu as modelé le vide qui, durant des nuits enfiévrées, m’a fait parler à une absente.
Si tu as toujours donné priorité aux autres, si tu t’es arrangé pour qu’une femme me préfère un homme plus décidé, si tu m’as licencié de postes suicidaires, c’était pour me protéger.

Tu es toujours intervenu à temps.

Qui, ton corps couvert de plaies, de crachats, ton corps odieux m’a reçu dans ma plus simple forme pour me livrer à la transparence du désert.
C’est folie de t’avoir maudit, maltraité, de t’avoir blasphémé.

Tu n’existes pas.
Un orgueil délirant t’a inventé.

Je te dois tant !
En me nettoyant avec une éponge rêche, en me lançant sur mon vrai champ de bataille, en me donnant les armes que le triomphe dédaigne, tu m’as levé au dessus de la mêlée.
Tu m’as pris par la main et conduit à la seule eau qui puisse me refléter.
Grace à toi je ne connais pas l’angoisse de jouer un rôle, de m’accrocher à tout prix à un échelon, de me faire pistonner à la force du poignet, de me battre pour arriver plus haut, de me gonfler jusqu’à éclater.
Tu m’as fait humble, silencieux, rebelle.
Je ne te chante pas pour ce que tu es, mais pour ce que tu ne m’ as pas laissé être. Pour ne m’avoir donné que cette vie-là. Pour m’ avoir restreint.

Tu m’as seulement offert la nudité.

Tu m’as élevé à la dure, c’est vrai. Mais toi-même apportais le cautère. Et le bonheur de ne pas te craindre.

Merci de m’ enlever de l’ épaisseur en l’ échangeant contre des caractères gras.
Merci à toi de m’avoir privé d’enflures.
Merci pour la richesse à laquelle tu m’as contraint.
Merci d’avoir construit ma demeure avec de la boue.
Merci de m’écarter.
Merci.

Fausses manœuvres. Anthologie personnelle. Traduction Daniel Bourdon. Fata Morgana, Montpellier, 2003.

Robert Desnos

Robert Desnos chez lui, 19 rue Mazarine, Paris VI. 1942.

Le grand poète et résistant Robert Desnos est toujours d’actualité. Seghers vient de publier quatre-vingt-six textes inédits sous le titre Poèmes de minuit, inédits 1936-1940 . Il ont été écrits essentiellement en 1936 et 1937. Le poète passe alors sa journée à créer des émissions et des slogans publicitaires pour Radio Luxembourg et le Poste parisien. La nuit, il se fixe une règle : ne pas dormir avant d’avoir rédigé un poème. Il les reprend en 1940, en intègre certains dans Fortunes (Gallimard, 1942) et Etat de veille (Pour mes amis – Robert J. Godet, 1943). Les quatre-vingt-six autres sont restés ignorés jusqu’à la vente aux enchères, à l’Hôtel Drouot, en ­octobre 2020, de la bibliothèque de Geneviève et Jean-Paul Kahn, un couple de collectionneurs. Les quatre cahiers de Robert Desnos ont été achetés pour 13 000 euros par un autre bibliophile, Jacques Letertre.

https://www.hotelslitteraires.fr/2021/08/06/quatre-cahiers-de-123-poemes-autographes-de-robert-desnos-dont-85-inedits-par-jacques-letertre/

Quatre cahiers de poèmes autographes inédits de Desnos, 1940. Société des Hôtels Littéraires.

A l’époque où il recopie ces poèmes, Robert Desnos rejoint le quotidien Aujourd’hui, créé par Henri Jeanson en juin 1940. Le premier numéro paraît le 10 septembre 1940. En novembre 1940, les autorités allemandes somment le directeur d’Aujourd’hui de prendre publiquement position contre les Juifs et en faveur de la politique de collaboration. Henri Jeanson démissionne et le journaliste Georges Suarez lui succède. Il sera fusillé en novembre 1944. Desnos reste à son poste. Il collecte des renseignements jusqu’en 1944 pour le réseau de résistance Agir. Dénoncé, il est arrêté par la Gestapo le 22 février 1944. Il connaît la prison de Fresnes, puis le camp de Compiègne. Il est déporté le 27 avril 1944 à Auschwitz, Buchenwald, Flossenbürg, Flöha, puis Theresienstadt (Tchécoslovaquie). Il survit aux marches de la mort, mais meurt du typhus le 8 juin 1945. Il n’avait pas 45 ans.

Trois poèmes de ce recueil :

19/04/1936

Ange blanc
Le plafond n’intercepte pas le ciel
Il le remplace
Seulement le plafond c’est plus sûr que le ciel qui n’est rien
Et je ne souhaite le ciel à aucun homme
tandis que je souhaite à chacun de mes amis
Je souhaite à tous les hommes
un plafond au-dessus de leur lit.

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29/03/1936

Bois brûlé
Bois brisé
Le printemps sent l’incendie
J’abolis toutes les armes fanées
Je pose mon pied sur aujourd’hui
Tout m’est joie jusqu’au simple fait de respirer
De sentir l’air pénétrer dans mes poumons
Tout m’est joie même de m’indigner
Contre l’injustice la sottise la méchanceté
Tout m’est joie
Et surtout de savoir que j’ai raison
Et d’avoir de l’affection
Pour d’autres hommes.

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08/02/1936

Gaieté si chèrement gagnée
Amitiés trahies
Paysages enfuis
Pavés brisés à coups de talons
Pluies d’orages
Mais je te tiens gaieté à la gorge
Et si tu meurs ce sera de rire
La chanson molle
S’étire au long des avenues.
J’imagine une pelouse d’herbe tendre
isolée au milieu d’une forêt
Couché sur cette pelouse
Sur le dos
Rire aux anges
Aux anges je vous demande un peu
En regardant passer dans le ciel bleu
les jolis nuages blancs


Lettre adressée à Youki, le 15 juillet 1944, depuis le camp de Flöha.

Mon Amour,

Notre souffrance serait intolérable si nous ne pouvions la considérer comme une maladie passagère et sentimentale. Nos retrouvailles embelliront notre vie pour au moins trente ans.
De mon côté, je prends une bonne gorgée de jeunesse, je reviendrai rempli d’amour et de forces ! Pendant le travail un anniversaire, mon anniversaire fut l’occasion d’une longue pensée pour toi. Cette lettre parviendra-t-elle à temps pour ton anniversaire ? J’aurais voulu t’offrir 100 000 cigarettes blondes, douze robes des grands couturiers, l’appartement de la rue de Seine, une automobile, la petite maison de la forêt de Compiègne, celle de Belle-Isle et un petit bouquet à quatre sous. En mon absence achète toujours les fleurs, je te les rembourserai. Le reste, je te le promets pour plus tard.

Mais avant toute chose bois une bouteille de bon vin et pense à moi. J’espère que nos amis ne te laisseront pas seule ce jour. Je les remercie de leur dévouement et de leur courage. J’ai reçu il y a une huitaine de jours un paquet de J.-L. Barrault. Embrasse-le ainsi que Madeleine Renaud, ce paquet me prouve que ma lettre est arrivée. Je n’ai pas reçu de réponse, je l’attends chaque jour. Embrasse toute la famille, Lucienne, Tante Juliette, Georges. Si tu rencontres le frère de Passeur, adresse-lui toutes mes amitiés et demande-lui s’il ne connaît personne qui puisse te venir en aide. Que deviennent mes livres à l’impression ? J’ai beaucoup d’idées de poèmes et de romans. Je regrette de n’avoir ni la liberté ni le temps de les écrire. Tu peux cependant dire à Gallimard que dans les trois mois qui suivront mon retour, il recevra le manuscrit d’un roman d’amour d’un genre tout nouveau.

Je termine cette lettre pour aujourd’hui.

Aujourd’hui 15 juillet, je reçois quatre lettres, de Barrault, de Julia, du Dr Benêt et de Daniel. Remercie-les et excuse-moi de ne pas répondre. Je n’ai droit qu’à une lettre par mois. Toujours rien de ta main, mais ils me donnent des nouvelles de toi ; ce sera pour la prochaine fois. J’espère que cette lettre est notre vie à venir. Mon amour, je t’embrasse aussi tendrement que l’honorabilité l’admet dans une lettre qui passera par la censure. Mille baisers. As-tu reçu le coffret que j’ai envoyé à l’hôtel de Compiègne ?

Robert

José Hierro 1922 – 2002

Hierro ilustrado (ed. centenario): Antología gráfica y poética de José Hierro. Nórdica Libros, 2022.

On a célébré l’année dernière le centenaire du poète espagnol José Hierro.
Il est né le 3 avril 1922 à Madrid, mais a passé son enfance et son adolescence à Santander. Il a toujours eu la passion de la mer et a gardé un lien très fort avec sa région d’origine, la Cantabrie. Il doit abandonner ses études au début de la Guerre Civile. Son père, Joaquín Hierro, fonctionnaire du télégraphe, républicain, est emprisonné par les franquistes de 1937 à 1941. Lui-même se retrouve en prison en 1939 pour avoir donné son appui à une organisation d’aide aux prisonniers politiques. Il est jugé deux fois et condamné à douze ans et un jour de réclusion. Il connaîtra les prisons de Madrid (Comendadoras, Torrijos, Porlier), Palencia, Santander, Segovia et Alcalá de Henares.
Son expérience poétique part de l’expérience extrême de l’après-guerre civile et de l’enfermement. Ses maîtres sont Lope de Vega, San Juan de la Cruz, Rubén Darío et Juan Ramón Jiménez. Il donnera le prénom de ce dernier à un de ses fils. Il a aussi beaucoup lu les poètes de la Génération de 1927 ainsi que Baudelaire, Mallarmé et Paul Valéry.
Á sa sortie de prison le premier janvier 1944, José Hierro occupe de nombreux emplois alimentaires. Il épouse en 1949 María de los Ángeles Torres (décédée le 17 juin 2020). Ils ont eu quatre enfants.
Il obtient en Espagne les plus importants prix littéraires :
1947 Prix Adonáis (Alegría).
1981 Prix Príncipe de Asturias de las Letras.
1995 Prix Reina Sofía de Poesía Iberoamericana
1998 Prix Cervantès, le plus prestigieux de la littérature hispanique.
Il devient membre de la Real Academia Española en 1999.
Son recueil Cuaderno de Nueva York (Le Cahier de New York), publié en 1998 et qui regroupe trente trois poèmes, devient en Espagne un véritable best-seller.
Il meurt le 21 décembre 2002 dans un hôpital madrilène à l’âge de 80 ans d’une insuffisance respiratoire.
La critique espagnole lui rend un hommage unanime.
L’oeuvre de José Hierro est peu traduite en français.
1951 Poèmes. Pierre Seghers. Traduction Roger Noël-Mayer.
2014 Tout ce que je sais de moi. Circé. Traduction Emmanuel Le Vagueresse.
Je me souviens de l’avoir croisé à Madrid, Paseo de Recoletos, dans les années 1990-2000. Il marchait encore avec une grande vitalité et son visage buriné par le temps et les épreuves impressionnait.

José Hierro lisant ses poèmes.

On peut voir le documentaire de Marcos Hernández Bermejo et Juanma Jiménez Aguilar José Hierro, poeta de los vencidos (2023) programmé par RTVE ces jours derniers (Imprescindibles).

https://www.rtve.es/play/videos/imprescindibles/jose-hierro-poeta-vencidos/6845923/

Les deux derniers poèmes Cuaderno de Nueva York sont un vrai testament et un adieu à la vie.

En son de despedida

No vine sólo por decirte
(aunque también) que no volveré nunca,
y que nunca podré olvidarte.

Emprendo la tarea
(imposible, si es que algo hay imposible)
de racionalizar, interpretar, reconstruir y desandar
aquellas fábulas y hechizos
que gracias a ti fueron realidad.

Recupero los pasos iniciados a la orilla del río
y que desembocaban en “Kiss Bar” (aunque no estoy seguro
dónde estaba el principio y dónde el fin).

Estoy cansado, muy cansado.
Don Antonio Machado dijo hace más de medio siglo
“Soy viejo porque tengo más de sesenta años,
que es mucha edad para un español”.
(Sin comentarios).

He vivido días radiantes
gracias a ti. Entre mis dedos se escurrían
cristalinas las horas, agua pura. Benditas sean.
Fue un tercer grado carcelario:
regresas a la cárcel por la noche,
por el día ―espejismo― te sientes libre, libre, libre.
Nadie pudo, ni puede, ni podrá por los siglos de los siglos
arrebatarme tanta felicidad.

Yo no he venido ―te lo dije―
para decirte adiós. Sé que no me echarás de menos,
y eso que yo soñaba ser todo para ti
como tú lo eres todo para mí.
¡ay vanidad de vanidades y todo vanidad!

No te importuno más (ni siquiera sé si me escuchas).
Bebo el último whisky en el “Kiss Bar”,
la última margarita en “Santa Fe”,
rodeo luego la ciudad y su muralla de agua
en la que ya no queda nada que fue mío.
Desisto de adentrarme en su recinto,
no tengo fuerzas para celebrar
la melancólica liturgia de la separación.
Sólo deseo ya dormir, dormir,
tal vez soñar…

Cuaderno de Nueva York, 1998.

Vida

A Paula Romero

Después de todo, todo ha sido nada,
a pesar de que un día lo fue todo.
Después de nada, o después de todo
supe que todo no era más que nada.

Grito “¡Todo!”, y el eco dice “¡Nada!”
Grito “¡Nada!”, y el eco dice “¡Todo!”
Ahora sé que la nada lo era todo.
y todo era ceniza de la nada.

No queda nada de lo que fue nada.
(Era ilusión lo que creía todo
y que, en definitiva, era la nada.)

Qué más da que la nada fuera nada
si más nada será, después de todo,
después de tanto todo para nada.

Cuaderno de Nueva York, 1998.

Marina (José Hierro) 2001.

Pierre Michon

Pierre Michon. 2017.

Albin Michel a réuni en 2007 trente entretiens avec Pierre Michon : Le roi vient quand il veut. Propos sur la littérature (Le Livre de Poche n° 31892. 2010). L’inspiration vient quand elle veut. La dernière publication consistante de Pierre Michon, Les Onze, date de 2009.

La Grande Beune (Gallimard, Collection Folio n°4345, 2006) est sorti chez Verdier en décembre 1995. Verdier a publié le 23 mars le dyptique Les deux Beune. Une suite donc, plus de 27 ans plus tard. On y retrouve Pierre, le narrateur-instituteur, Mado, sa fiancée, Hélène, l’aubergiste, Yvonne, la buraliste, Jean le Pêcheur, Jeanjean, l’agriculteur… J’ai relu pour l’occasion La Grande Beune cette semaine, La Petite ce sera pour plus tard. Verdier a mis le début du texte sur son site. Cela donne envie…

https://editions-verdier.fr/wp-content/uploads/2023/02/les_deux_beune_extrait.pdf

« Je ne crois guère aux beautés qui peu à peu se révèlent, pour peu qu’on les invente ; seules m’emportent les apparitions. Celle-ci me mit à l’instant d’abominables pensées dans le sang. C’est peu dire que c’était un beau morceau. Elle était grande et blanche, c’était du lait. C’était large et riche comme Là-Haut les houris, vaste mais étranglé, avec une taille serrée ; si les bêtes ont un regard qui ne dément par leur corps, c’était une bête ; si les reines ont une façon à elles de porter sur la colonne d’un cou une tête pleine mais pure, clémente mais fatale, c’était la reine. Ce visage royal était nu comme un ventre : là-dedans les yeux très clairs qu’ont miraculeusement des brunes à peau blanche, cette blondeur secrète sous le poil corbeau, cette énigme que rien, si d’aventure vous possédez ces femmes, ni les robes soulevées, ni les cris, ne dénoue. Elle avait entre trente et quarante ans. Tout en elle était connaissance du plaisir, celui sans doute qu’on entend d’habitude, mais celui aussi qu’elle dispensait à tous, à elle-même, à rien quand elle était seule et ne se voyait plus, seulement en posant là le gras de ses doigts, en tournant un peu la tête et alors les sequins d’or qu’elle avait aux oreilles touchaient sa joue, en vous regardant ou en regardant ailleurs, et ce plaisir était vif comme une plaie ; elle savait cela ; elle portait cela avec vaillance, avec passion. Allons, on ne peut en parler ; non, ça n’est pas né de l’argile : c’est comme le battement furieux de milliers d’ailes en tempête et il n’y a pas pourtant de matière plus comble, plus lourde, plus enferrée dans son poids. Le poids de ce mi-corps somme toute gracile en dépit de l’évasement des seins était considérable. Des paquets de cigarettes bien rangés derrière elle l’auréolaient. Je ne voyais pas sa jupe ; c’était pourtant là derrière le comptoir, démesuré, insoulevable. La pluie brusque dehors fouettait les vitres : je l’entendais crépiter sur cette chair intacte. »

« L’accouplement est un cérémonial – s’il ne l’est pas c’est un travail de chien. »

Blas de Otero

Blas de Otero.

Blas de Otero est né le 15 mars 1916 à Bilbao. Il est mort à Majadahonda (Communauté de Madrid) le 29 juin 1979 à 63 ans. Je me souviens de la poésie sociale espagnole des années 50.

Un poème étudié autrefois avec des élèves de Terminale :

Tañer (Blas de Otero)

Escucho,
estoy oyendo

el reloj de la cárcel
de León.

La campana de la Audiencia
de Soria.

Filo de la madrugada.

…oyendo
tañer
España.

Tintement

J’écoute
j’entends

l’horloge de la prison
de Léon.

La cloche du Tribunal
de Soria.

L’aube se lève.

… j’entends
tinter l’Espagne.

Parler clair. Pierre Seghers éditeur, 1959. Traduction Claude Couffon.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2022/01/31/blas-de-otero/

Le Monde, 3 août 1979

La silhouette ascétique de Blas de Otero

Nous avons reçu ce témoignage de Claude Couffon sur Blas de Otero, le poète espagnol mort le 29 juin (le Monde daté 1er-2 juillet) :

Je l’avais connu à Collioure en 1959. Il était venu d’Espagne avec quelques autres poètes rendre hommage au grand aîné, Antonio Machado, mort vingt ans plus tôt dans le petit port catalan français. Je le revois alors : haute silhouette ascétique sous le soleil primesautier de février, regard interrogateur entre les paupières plissées, sourire mélancolique, voix grave traînant comme un fleuve traîne ses galets bruissants des mots précis et exigeants : paix, liberté, clarté, justice, fraternité.

Quelques jours plus tard, à Paris, il me montra son dernier manuscrit que la censure de son pays venait d’examiner et d’interdire. Des cercles rageurs à l’encre rouge avaient entouré chaque mot, puis chaque vers, puis chaque strophe, puis le poème entier. L’Espagne repoussait un de ses maîtres livres que sa littérature, plus tard, retiendrait : En Castellano. Parler clair. Le poète parlait trop clair pour l’obscurantisme officiel. Je traduisis le manuscrit et le portai à Pierre Seghers, qui le publia, bilingue, dans sa précieuse collection ” Autour du monde “.

En 1963, François Maspero éditait un livre antérieur de Blas de Otero, au titre significatif : Je demande la paix et la parole. Son chef-d’œuvre ! L’ouvrage avait eu plus de chance. Publié en 1955 par une petite maison d’édition d’une ville industrielle proche de Santander, il avait échappé à la censure.

De sa bibliographie, Blas de Otero parlait peu. Né à Bilbao en 1916, il avait étudié chez les jésuites, puis préparé une carrière de droit, qu’il n’exerça pas, et de lettres, qu’il avait abandonnée. Resté en Espagne après la guerre civile, il n’avait plus vécu que par et pour la poésie. Dans ses premiers recueils : Cantique spirituel (1942), Ange férocement humain (1950), Rappel de conscience (1951), il avait d’abord cherché Dieu, à travers de beaux et fervents sonnets. Celui-ci ne lui ayant répondu que par le silence ou la violence, il s’était résolument tourné vers l’homme, l’Espagnol opprimé par la dictature, l’Espagnol solitaire, oublié, qui s’avançait avec angoisse dans le vide et la nuit de sa vie. Exprimer par le poème la souffrance collective d’un peuple bâillonné, bafoué dans sa dignité et dans ses droits les plus élémentaires, mais aussi l’encourager à la résistance, au combat, à l’espoir, devint pendant trente ans l’obsession de Blas de Otero.

Aujourd’hui, son œuvre chante dans toutes les mémoires des Espagnols, qui récitent par cœur nombre de ses poèmes. Demain, elle sera, par son authenticité, un précieux et émouvant témoignage pour qui voudra savoir ce qu’était l’Espagne sous Franco.

Claude Couffon.

https://www.universolorca.com/personaje/couffon-claude/

Henri Matisse

Matisse. Cahiers d’art, le tournant des années 30. Exposition du 1 mars au 29 mai 2023 au Musée de l’Orangerie.

https://www.musee-orangerie.fr/fr/agenda/expositions/matisse-cahiers-dart-le-tournant-des-annees-30

Visite de l’exposition Matisse avec J. et P. le jour de l’ouverture. Le public était nombreux, à l’entrée et dans les premières salles. La deuxième salle a retenu particulièrement mon attention car elle évoque le voyage du peintre à Tahiti.

Fenêtre à Tahiti (Tahiti I). 1935. Nice, Musée Matisse.

Henri Matisse (1869-1954) fait ce voyage en 1930. Il a plus de 60 ans. Il recherche une autre lumière, un autre espace. Il écrit à Florent Fels : “J’irai vers les îles pour regarder sous les tropiques la nuit et la lumière de l’aube qui ont sans doute une autre densité. “Le peintre voyage peu d’habitude. Lorsqu’il part, c’est pour ressentir le monde et les êtres. Le voyage lui rend une forme de liberté, de nouveauté.

Il quitte Paris pour New York le 19 mars. Cette ville le fascine : « Si je n’avais pas l’habitude de suivre mes décisions jusqu’au bout, je n’irais pas plus loin que New York, tellement je trouve qu’ici c’est un nouveau monde : c’est grand et majestueux comme la mer – et en plus on sent l’effort humain. » (Pierre Schneider, Matisse, Paris, Flammarion, 1994)

Il traverse en train les États-Unis et embarque à San Francisco le 21 mars. Il arrive à Tahiti le 29 mars. Il s’installe à Papeete dans une chambre de l’hôtel Stuart, face au front de mer.

Il ne peint pas. Il se contente de dessiner et de prendre des photos. Il s’imprègne des lumières et observe la nature et les couleurs.

Pendant ce voyage, il rencontre le réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau (1888-1931) qui filme Tabou. Matisse assistera à la projection du film l’année suivante.

https://www.youtube.com/watch?v=JRh60w9tzsU

Pendant ce séjour de trois mois, il visitera l’atoll d’Apataki et de Fakarava de l’archipel des Tuamotu. Il est de retour en France le 16 juillet 1930.

Il a engrangé des souvenirs et des sensations. Il est revenu avec de nouvelles lumières, de nouvelles formes qui resurgiront dans son art une dizaine d’années plus tard . Son trait s’est épuré. Il a obtenu une simplification progressive de la ligne. Aragon dira : « Sans Tahiti, Matisse ne serait pas Matisse ».

Fenêtre à Tahiti (Tahiti II). 1935-36. Le Cateau Cambrésis, Musée départemental Matisse.

« L’optimisme de Matisse, c’est le cadeau qu’il fait à notre monde malade, l’exemple à ceux-là donné qui se complaisent dans le tourment. »

Henri Matisse à Tahiti (Friedrich Wilhelm Murnau ?). 1930. Issy-les-Moulineaux, Archives Henri Matisse.

Luis García Montero – Antonio Machado

Aujourd’hui, Luis García Montero évoque dans Infolibre le printemps, la guerre et Antonio Machado…

https://www.infolibre.es/opinion/columnas/verso-libre/primavera_129_1436782.html

Le poète est mort en exil à Collioure (Pyrénées Orientales) le 22 février 1939 des suites d’une pneumonie. Il avait 64 ans.

García Montero renvoie dans cet article à un poème écrit par Machado pendant la Guerre Civile. Celui-ci vécut avec sa famille de novembre 1936 à avril 1938 Villa Amparo (Rocafort, petit village agricole qui se trouve à sept kilomètres de Valence), dans la Huerta. Il écrivit là de nombreux articles pour la presse et quelques poèmes au service de la cause républicaine.

Rocafort. Villa Amparo. Sculpture métallique qui représente le poète, inspirée par un dessin de Ramón Gaya.

La primavera (Antonio Machado)

Más fuerte que la guerra -espanto y grima-
cuando con torpe vuelo de avutarda
el ominoso trimotor se encima
y sobre el vano techo se retarda,

hoy tu alegre zalema el campo anima,
tu claro verde el chopo en yemas guarda.
Fundida irá la nieve de la cima
al hielo rojo de la tierra parda.

Mientras retumba el monte, el mar humea,
da la sirena el lúgubre alarido,
y en el azul el avión platea,

¡cuán agudo se filtra hasta mi oído,
niña inmortal, infatigable dea,
el agrio son de tu rabel florido!

Poesías de guerra. Ediciones Asomante, San Juan de Puerto Rico. 1961.

Le printemps

Plus fort que la guerre — angoisse et frayeur —
quand de son lourd vol d’échassier
monte dans le ciel le trimoteur funeste
et que sur le toit inutile il s’attarde,

aujourd’hui ton salut joyeux anime la campagne,
le peuplier dans ses bourgeons garde ton vert clair.
La neige des sommets, fondue, s’écoulera
vers la glace rouge des terres brunes.

Tandis que tonne la montagne, fume la mer,
la sirène lance son hurlement lugubre,
et l’avion dans l’azur scintille,

comme parvient, aigu, à mon oreille,
mon enfant immortelle, inlassable déesse,
l’aigre son de ton rebec fleuri !

Poésies de la guerre (1936-1939).

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction : Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973 ; NRF Poésie/ Gallimard n°144.

J’ai relu un autre poème plus ancien qui parle aussi du printemps.

La primavera besaba (Antonio Machado)

La primavera besaba
suavemente la arboleda
y el verde nuevo brotaba
como una verde humareda.

Las nubes iban pasando
sobre el campo juvenil…
Yo vi en las hojas temblando
las frescas lluvias de abril.

Bajo ese almendro florido,
todo cargado de flor
-recordé-, yo he maldecido
mi juventud sin amor.

Hoy, en mitad de la vida.
me he parado a meditar…
¡Juventud nunca vivida,
quién te volviera a soñar!

Soledades, 1903.

Le printemps doucement (Antonio Machado)

Le printemps doucement
posait sur les arbres un baiser,
et le vert nouveau jaillissait
comme une verte fumée.

Les nuages passaient
sur la campagne juvénile…
J’ai vu sur les feuilles trembler
les fraîches pluies d’avril.

Dessous l’amandier fleuri,
tout chargé de fleurs,
— je m’en souviens —, j’ai maudit
ma jeunesse sans amour.

Aujourd’hui, au milieu de la vie,
je me suis arrêté pour méditer…
Oh ! jeunesse jamais vécue,
que ne puis-je encor te rêver !

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973; NRF Poésie/ Gallimard n°144.

Dessin de Ramón Gaya. Machado traversant la acequia de Montcada, près de Villa Amparo, Rocafort.

L’Affiche rouge

Le 21 février 1944, les membres du groupe FTP-MOI de Missak Manouchian sont fusillés au Mont Valérien

La liste suivante des 23 membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands signale par la mention (AR) les dix membres que les Allemands ont fait figurer sur l’affiche rouge:
– Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans.
– Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944).
– Joseph Boczov (József Boczor; Wolff Ferenc) (AR), Hongrois, 38 ans, Ingénieur chimiste.
– Georges Cloarec, Français, 20 ans.
– Rino Della Negra, Italien, 19 ans.
– Thomas Elek (Elek Tamás), (AR) Hongrois, 18 ans. Étudiant.
– Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans.
– Spartaco Fontano (AR), Italien, 22 ans.
– Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans.
– Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans. Ouvrier métallurgiste.
– Léon Goldberg, Polonais, 19 ans.
– Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans.
– Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans.
– Cesare Luccarini, Italien, 22 ans.
– Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans.
– Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans.
– Marcel Rajman (AR), Polonais, 21 ans.
– Roger Rouxel, Français, 18 ans.
– Antoine Salvadori, Italien, 24 ans.
– Willy Schapiro, Polonais, 29 ans.
– Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans.
– Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans.
– Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans.

Missak Manouchian était un héros de la résistance. Il a été exécuté il y a 79 ans. Nous sommes nombreux à le demander : il doit entrer entrer au Panthéon.

Le Groupe Manouchian, le 21 Février 1944

Joseph Epstein, dit Colonel Gilles, le supérieur hiérarchique de Missak Manouchian, est arrêté le même jour que lui lors d’un rendez-vous à la gare d’Evry-Petit-Bourg le 16 novembre 1943. Il est torturé pendant plusieurs mois, puis fusillé au fort du Mont-Valérien avec 28 autres résistants, le 11 avril 1944.

Raimon

Raimon. Barcelona, Poblenou. 1963. (Oriol Maspons 1928 – 2013)

Al vent (Al viento), c’est le titre d’une célèbre chanson de l’auteur-compositeur valencien Raimon (Ramón Pelegero Sanchis – Játiva, 1940). Elle a été composée en 1959 et enregistrée sur son premier disque Raimon: Al Vent, La Pedra, Som, A Cops en février 1963, il y a soixante ans. Cette chanson est devenue dans les années 60 et 70 le symbole de l’opposition au franquisme en Espagne. L’auteur tentait de transmettre les désirs de liberté de la jeunesse espagnole. Il a composé cette chanson lors d’un voyage en Vespa entre sa ville natale Játiva (Xàtiva) et Valence où il faisait des études d’histoire. Les paroles parlent de la recherche de la lumière, de la paix et de dieu avec une minuscule. Elle exprime l’esprit de liberté de la jeunesse. Il s’agit d’un cri, d’une proclamation reprise maintes fois par les jeunes espagnols dans les années 60 et 70. Elle a échappé à la censure car il s’agissait d’une chanson existentielle, et non directement politique comme plus tard Diguem no ou Jo vinc d’un silenci.

Concert de Raimon à l’ Université Complutense de Madrid. Faculté de sciences politiques et d’économie. 18 mai 1968. (Juan Santiso).

60 anys d’Al vent, La col·lecció d’art de Raimon i Annalisa, c’est le titre d’une exposition inaugurée le 16 février 2023 à la Casa de l’Ensenyança – Museu de Bellas Artes de Xàtiva. Elle durera jusqu’au 20 mars. C’est la première manifestation organisée par La Fundació Raimon i Annalisa, créée par le chanteur et son épouse pour mettre en valeur le legs de cet artiste. Les 62 oeuvres proposées proviennent de la collection du chanteur et de sa femme. Elles ont été créées par des artistes qui ont été le plus souvent des amis de l’auteur (Andreu Alfaro, Joan Miró, Artur Heras, Antoni Tàpies, Juan Genovés, Josep Guinovart, Manuel Boix, Josep Armengol, Eduardo Chillida, Julio González). Cette institution, Centro Raimon de Actividades Culturales – CRAC de Xàtiva, sera hébergée à l’avenir dans le monastère de Santa Clara de Játiva qui est en cours de restauration.

Al vent

Al vent

La cara al vent
El cor al vent
Les mans al vent
Els ulls al vent
Al vent del món
I tots
Tots plens de nit
Buscant la llum
Buscant la pau
Buscant a déu
Al vent del món

La vida ens dóna penes
Ja el nàixer és un gran plor
La vida pot ser eixe plor
Però nosaltres

Al vent
La cara al vent
El cor al vent
Les mans al vent
Els ulls al vent
Al vent del món

I tots
Tots plens de nit
Buscant la llum
Buscant la pau
Buscant a déu
Al vent del món
Buscant a déu
Al vent del món

https://www.youtube.com/watch?v=qHgaLK2c_6E

Logo de la fondation.

Carlos Saura 1932 – 2023

Carlos Saura, le dernier metteur en scène classique du cinéma espagnol, est mort le 10 février 2023 chez lui à Collado Mediano (Madrid) à 91 ans. Il était né à Huesca (Aragon) le 4 janvier 1932.

Je me souviens particulièrement de ses films des années 60 et 70.

1966 La caza.
1967 Peppermint frappé.
1969 La madriguera.
1970 El jardín de las delicias.
1973 Ana y los lobos.
1974 La prima Angélica.
1976 Cria cuervos.
1977 Elisa, vida mía.
1978 Los ojos vendados.
1979 Mamá cumple cien años.

C’était aussi un excellent photographe. Je me rappelle en 2017 une belle exposition de ses œuvres au Musée Cerralbo de Madrid, Carlos Saura. España años 50, dans le cadre du festival PhotoEspaña. On pouvait voir des photos de Madrid, Cuenca, Sanabria, des villages de Castille et de l’Andalousie de cette époque. Cette Espagne encore essentiellement rurale paraît loin de la réalité actuelle, mais nous l’avons connue enfant. Le regard de Carlos Saura fait preuve d’empathie envers ce peuple travailleur qui a subi les désastres de la Guerre Civile et une après-guerre interminable.

“ El fotógrafo es como un bacalao, que produce un montón de huevos para que madure uno solo ”.