Francisco de Goya a contracté à l’hiver 1792 une grave maladie qui a provoqué sa surdité. Il aurait réalisé en tout seize autoportraits. Les derniers sont d’un telle force qu’on peut les mettre au niveau de ceux de Rembrandt et de Velázquez, ses maîtres.
Autorretrato. 1815. (46 x 33 cm). Madrid, Museo del Prado.
Goya avait 69 ans. Ce tableau se trouvait probablement à la Quinta del Sordo, la maison de campagne du peintre acquise en 1819 et qu’il décora de ses peintures noires de 1819 à 1823. La toile figure au recensement d’Antonio de Brugada de 1834. Elle fut acquise par le Musée du Prado en 1872 auprès du Musée de la Trinité. Goya donne de lui une image proche, quotidienne. Il semble maître de lui, en paix malgré l’âge et la fatigue.
Autoportrait. 1815. Madrid, Prado.
Autorretrato. 1815. (51 x 46 cm). Madrid, Real Academia de san Fernando.
Cet autoportrait a été donné par son fils à la Real Academia de san Fernando en 1829. Il a presque 70 ans. Il a perdu 6 de ses 8 enfants. Son épouse, Josefina Bayeu, est décédée en 1812. Il a assisté à la tragique guerre de l’Indépendance contre les troupes napoléoniennes. Le retour d’exil de Ferdinand VII marque la fin de ses espérances d’une monarchie constitutionnelle et libérale. Sa tête est légèrement inclinée, mais elle se maintient quand même. Il nous regarde fixement, avec attention. La lumière éclaire encore son visage.
Autoportrait. 1815. Madrid. Real Academia de san Fernando.
Goya atendido por el doctor Arrieta. (117 ×79 cm). 1820. Minneapolis Institute of Art.
Ce tableau déchirant reflète la grave maladie dont l’artiste souffre à la fin de 1819 (fièvres typhoïdes ou maladie vasculaire cérébrale). Il se représente malade, tête renversée en arrière, presque agonisant. Il est soutenu par le docteur Eugenio García Arrieta (1770-?). Ses mains se crispent sur le drap. Il semble à demi inconscient. Dans le fond sombre apparaissent les visages d’une ou deux femmes (Les Parques?). Pourtant, le salut va lui permettre de recommencer à peindre.
En bas, on peut lire :
“Goya agradecido, á su amigo Arrieta: por el acierto y esmero con qe le salvo la vida en su aguda y peligrosa enfermedad, padecida á fines del año 1819, a los setenta y tres de su edad. Lo pintó en 1820.” ” Goya reconnaissant, à son ami Arrieta : pour la justesse et l’application avec lesquelles il lui a sauvé la vie dans son intense et dangereuse maladie, dont il a souffert fin 1819, à l’âge de soixante-treize ans. Il l’a peint en 1820. “ Friedrich Hebbel (1813-1863), Judith, 1840 : « Nos convertimos en aquello que miramos. »
Goya soigné par le Docteur Arrieta. 1820. Minneapolis Institute of Art.
Francisco de Goya meurt en exil à Bordeaux le 16 avril 1828.
Bordeaux. Francisco De Goya (Mariano Benlliure). 1902. Place du Chapelet.
Las Viejas (El Tiempo). v 1820. Lille, Palais des Beaux-Arts.
Les Phares
(…) Goya, cauchemar plein de choses inconnues, De foetus qu’on fait cuire au milieu des sabbats, De vieilles au miroir et d’enfants toutes nues, Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas; (…)
(…) Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes, Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum, Sont un écho redit par mille labyrinthes ; C’est pour les coeurs mortels un divin opium !
C’est un cri répété par mille sentinelles, Un ordre renvoyé par mille porte-voix ; C’est un phare allumé sur mille citadelles, Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !
Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage Que nous puissions donner de notre dignité Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge Et vient mourir au bord de votre éternité !
Les Fleurs du Mal, 1857.
Quelques caricaturistes étrangers
II En Espagne, un homme singulier a ouvert dans le comique de nouveaux horizons. A propos de Goya, je dois d’abord renvoyer mes lecteurs à l’excellent article que Théophile Gautier a écrit sur lui dans le Cabinet de l’Amateur, et qui fut depuis reproduit dans un volume de mélanges. Théophile Gautier est parfaitement doué pour comprendre de semblables natures. D’ailleurs, relativement aux procédés de Goya, — aquatinte et eau-forte mêlées, avec retouches à la pointe sèche, — l’article en question contient tout ce qu’il faut. Je veux seulement ajouter quelques mots sur l’élément très-rare que Goya a introduit dans le comique : je veux parler du fantastique. Goya n’est précisément rien de spécial, de particulier, ni comique absolu, ni comique purement significatif, à la manière française. Sans doute il plonge souvent dans le comique féroce et s’élève jusqu’au comique absolu ; mais l’aspect général sous lequel il voit les choses est surtout fantastique, ou plutôt le regard qu’il jette sur les choses est un traducteur naturellement fantastique. Los Caprichos sont une œuvre merveilleuse, non seulement par l’originalité des conceptions, mais encore par l’exécution. J’imagine devant lesCaprices un homme, un curieux, un amateur, n’ayant aucune notion des faits historiques auxquels plusieurs de ces planches font allusion, un simple esprit d’artiste qui ne sache ce que c’est ni que Godoï, ni le roi Charles, ni la reine ; il éprouvera toutefois au fond de son cerveau une commotion vive, à cause de la manière originale, de la plénitude et de la certitude des moyens de l’artiste, et aussi de cette atmosphère fantastique qui baigne tous ses sujets. Du reste, il y a dans les œuvres issues des profondes individualités quelque chose qui ressemble à ces rêves périodiques ou chroniques qui assiègent régulièrement notre sommeil. C’est là ce qui marque le véritable artiste, toujours durable et vivace même dans ces œuvres fugitives, pour ainsi dire suspendues aux événements, qu’on appelle caricatures ; c’est là, dis-je, ce qui distingue les caricaturistes historiques d’avec les caricaturistes artistiques, le comique fugitif d’avec le comique éternel. Goya est toujours un grand artiste, souvent effrayant. Il unit à la gaieté, à la jovialité, à la satire espagnole du bon temps de Cervantès, un esprit beaucoup plus moderne, ou du moins qui a été beaucoup plus cherché dans les temps modernes, l’amour de l’insaisissable, le sentiment des contrastes violents, des épouvantements de la nature et des physionomies humaines étrangement animalisées par les circonstances. C’est chose curieuse à remarquer que cet esprit qui vient après le grand mouvement satirique et démolisseur du dix-huitième siècle, et auquel Voltaire aurait su gré, pour l’idée seulement (car le pauvre grand homme ne s’y connaissait guère quant au reste), de toutes ces caricatures monacales, — moines bâillants, moines goinfrants, têtes carrées d’assassins se préparant à matines, têtes rusées, hypocrites, fines et méchantes comme des profils d’oiseaux de proie ; — il est curieux, dis-je, que ce haïsseur de moines ait tant rêvé sorcières, sabbat, diableries, enfants qu’on fait cuire à la broche, que sais-je ? toutes les débauches du rêve, toutes les hyperboles de l’hallucination, et puis toutes ces blanches et sveltes Espagnoles que de vieilles sempiternelles lavent et préparent soit pour le sabbat, soit pour la prostitution du soir, sabbat de la civilisation ! La lumière et les ténèbres se jouent à travers toutes ces grotesques horreurs. Quelle singulière jovialité ! Je me rappelle surtout deux planches extraordinaires : — l’une représente un paysage fantastique, un mélange de nuées et de rochers. Est-ce un coin de Sierra inconnue et infréquentée ? un échantillon du chaos ? Là, au sein de ce théâtre abominable, a lieu une bataille acharnée entre deux sorcières suspendues au milieu des airs. L’une est à cheval sur l’autre ; elle la rosse, elle la dompte. Ces deux monstres roulent à travers l’air ténébreux. Toute la hideur, toutes les saletés morales, tous les vices que l’esprit humain peut concevoir sont écrits sur ces deux faces, qui, suivant une habitude fréquente et un procédé inexplicable de l’artiste, tiennent le milieu entre l’homme et la bête. L’autre planche représente un être, un malheureux, une monade solitaire et désespérée, qui veut à toute force sortir de son tombeau. Des démons malfaisants, une myriade de vilains gnomes lilliputiens pèsent de tous leurs efforts réunis sur le couvercle de la tombe entrebâillée. Ces gardiens vigilants de la mort se sont coalisés contre l’âme récalcitrante qui se consume dans une lutte impossible. Ce cauchemar s’agite dans l’horreur du vague et de l’indéfini. A la fin de sa carrière, les yeux de Goya étaient affaiblis au point qu’il fallait, dit-on, lui tailler ses crayons. Pourtant il a, même à cette époque, fait de grandes lithographies très-importantes, entre autres des courses de taureaux pleines de foule et de fourmillement, planches admirables, vastes tableaux en miniature, — preuves nouvelles à l’appui de cette loi singulière qui préside à la destinée des grands artistes, et qui veut que, la vie se gouvernant à l’inverse de l’intelligence, ils gagnent d’un côté ce qu’ils perdent de l’autre, et qu’ils aillent ainsi, suivant une jeunesse progressive, se renforçant, se ragaillardissant, et croissant en audace jusqu’au bord de la tombe. Au premier plan d’une de ces images, où règnent un tumulte et un tohu-bohu admirables, un taureau furieux, un de ces rancuniers qui s’acharnent sur les morts, a déculotté la partie postérieure d’un des combattants. Celui-ci, qui n’est que blessé, se traîne lourdement sur les genoux. La formidable bête a soulevé avec ses cornes la chemise lacérée et mis à l’air les deux fesses du malheureux, et elle abaisse de nouveau son mufle menaçant ; mais cette indécence dans le carnage n’émeut guère l’assemblée. Le grand mérite de Goya consiste à créer le monstrueux vraisemblable. Ses monstres sont nés viables, harmoniques. Nul n’a osé plus que lui dans le sens de l’absurde possible. Toutes ces contorsions, ces faces bestiales, ces grimaces diaboliques sont pénétrées d’humanité. Même au point de vue particulier de l’histoire naturelle, il serait difficile de les condamner, tant il y a analogie et harmonie dans toutes les parties de leur être ; en un mot, la ligne de suture, le point de jonction entre le réel et le fantastique est impossible à saisir ; c’est une frontière vague que l’analyste le plus subtil ne saurait pas tracer, tant l’art est à la fois transcendant et naturel.
Francisco de Goya. Todos caerán. Capricho n°19. Serie Los Caprichos 1799.
Perro semihundido (Francisco de Goya), 1819-1823. Madrid, Museo del Prado.
Le Chien ou Tête de chien (en espagnol : Perro semihundido) est le nom d’une des quatorze « peintures noires » de Francisco de Goya. Ces oeuvres ont été peintes entre 1819 et 1823 directement sur les murs de la maison de campagne de l’artiste (La Quinta del Sordo), au bord du Manzanares, à Madrid. Il y vécut de 1819 à 1823. Elles furent transférées sur toile entre 1874 et 1878 sur ordre du Baron Frédéric Émile d’Erlanger, un banquier allemand, qui pensait les vendre à l’Exposition Universelle de Paris de 1878. Elles ne trouvèrent pas d’acquéreur. Il les céda donc en 1881 au Musée du Prado de Madrid où elles sont actuellement conservées (salle 67). On voit la tête d’un petit chien noir, triste et solitaire, qui regarde vers le haut. Il semble enfoncé dans le sable. Le chien est presque perdu dans l’immensité de l’image, vide à l’exception d’une zone sombre en pente vers le bas qui dissimule le corps de l’animal. Qu’ a voulu exprimer le peintre ? La solitude, le vide, l’angoisse, la peur de la mort… L’ambiguïté règne. Goya avait 73 ans. Il avait traversé deux maladies qui l’avaient mené au seuil de la mort. Il se sentait meurtri par la situation sociale et politique de son pays qu’il allait fuir en 1823. Il allait mourir en exil à Bordeaux le 16 avril 1828. Sur les photos prises par le photographe Jean Laurent (1816 – 1886) entre 1863 et 1874, on peut voir un paysage au loin, un grand rocher et des oiseaux qui s’envolent. Cette œuvre d’une extrême liberté était en avance sur son temps. Elle a notamment inspiré des peintres comme Rafael Canogar (1935) ou Antonio Saura (1930-1998), qui la considérait comme «el cuadro más bello del mundo».
Aún aprendo. Álbum de Burdeos I o Álbum G, n.º 54. 1825-1828. Madrid, Museo del Prado.
Autoportrait symbolique du peintre qui devait se faire aider par son compatriote, le peintre Antonio de Brugada (1804-1863) pour marcher dans les rues de Bordeaux.
Naissance et mort de Francisco de Goya y Lucientes.
Il est né à Fuendetodos (Zaragoza), le village de sa famille maternelle. Son père Braulio José Goya, maître doreur d’origine basque, et sa mère Gracia Lucientes, de famille paysanne aisée, résident à Saragosse, où ils se sont mariés en 1736. Francisco est la quatrième enfant d’une famille de six.
La lechera de Burdeos (Francisco de Goya) 1827. Madrid, Museo del Prado.
L’arrivée en Espagne des Cent Mille Fils de Saint Louis en avril-mai 1823, dirigés par le duc d’Angoulême, fils du futur roi de France Charles X) signifie le rétablissement de la monarchie absolue de Ferdinand VII et la fin du triennat libéral. Beaucoup de ses amis libéraux doivent s’exiler. Goya se réfugie d’abord chez son ami le chanoine José Duaso y Latre. Le 2 mai 1824, il demande l’autorisation au Roi d’aller en France pour prendre les eaux à Plombières-les-Bains (Vosges). Il arrive à Bordeaux au cours de l’été 1824 et continue vers Paris. Il revient en septembre à Bordeaux, où il réside jusqu’à sa mort. Son séjour en France n’a été interrompu qu’en 1826. Il voyage alors à Madrid pour finaliser les papiers administratifs de sa retraite et obtient une rente de 50 000 réaux.
Son ami Leandro Fernández de Moratín (1760-1828) raconte ainsi à un ami l’arrivée du peintre: “sordo, viejo, torpe y débil, y sin saber una palabra de francés […] y tan contento y deseoso de ver mundo”.
Goya arrive à Bordeaux à 78 ans. Cette période de création est pourtant encore bien riche: dessins au crayon noir rassemblés dans l’Album G et l’Album H, La Laitière de Bordeaux (entre 1825 et 1827), des portraits de ses amis, la série de quatre estampes des Taureaux de Bordeaux (1824-1825).
Le 28 mars 1828, sa belle-fille et son petit-fils Mariano lui rendent visite à Bordeaux. Son fils Javier, lui, n’arrive pas à temps. L’état de santé du peintre est très délicat. Il souffre d’une tumeur. De plus, une chute dans les escaliers l’oblige à garder le lit. Il ne se relèvera pas. Il meurt à deux heures du matin le 16 avril 1828, accompagné de sa famille et de ses amis Antonio de Brugada et José Pío de Molina.
Le lendemain, il est enterré au cimetière bordelais de la Chartreuse. En 1888 (soixante ans plus tard), une première exhumation des corps de Goya et de son ami et beau-frère Martin Goicoechea a lieu. Le crâne du peintre ne figure pas parmi les ossements. Le 6 juin 1899, ils sont de nouveau exhumés et transférés à Madrid, sans qu’il ait été possible de retrouver la tête de l’artiste. Ils sont déposés provisoirement dans la crypte de l’église collégiale Saint-Isidore de Madrid. Ils sont enterrés ensemble définitivement le 29 septembre 1919 à l’église San Antonio de la Florida de Madrid, au pied de la coupole que Goya a peinte en 1798.
Madrid, Église San Antonio de la Florida. Tombe de Goya.
Il y a longtemps, j’enseignais l’Espagnol en collège (Quatrième et Troisième). Dans le manuel de l’époque (Lengua y Vida 2, Pierre Darmangeat, Cécile Puveland, Jeanne Fernández Santos), il y avait une belle page qui mettait en parallèle Goya et Antonio Machado. J’utilisais avec plaisir ces documents et les élèves réagissaient bien.
La Nevada o el Invierno (Francisco de Goya) 1786. Madrid, Museo del Prado.
Cette peinture fait partie de la cinquième série des cartons pour tapisserie destinée à la salle à manger du Prince des Asturies (futur Carlos IV 1748-1819) et de sa femme Marie Louise de Bourbon-Parme au Palais du Pardo. C’est l’une des quatre représentations de chaque saison avec LasFloreras (le printemps), La Era (l’été) et La Vendimia (l’automne). Magnifique utilisation des blancs et des gris.
Soria. Mirador de los Cuatro Vientos. Escultura homenaje a Antonio Machado y Leonor Izquierdo. 2007.
Campos de Soria (Antonio Machado)
V
La nieve. En el mesón al campo abierto se ve el hogar donde la leña humea y la olla al hervir borbollonea. El cierzo corre por el campo yerto, alborotando en blancos torbellinos la nieve silenciosa. La nieve sobre el campo y los caminos cayendo está como sobre una fosa. Un viejo acurrucado tiembla y tose cerca del fuego; su mechón de lana la vieja hila, y una niña cose verde ribete a su estameña grana. Padres los viejos son de un arriero que caminó sobre la blanca tierra y una noche perdió ruta y sendero, y se enterró en las nieves de la sierra. En torno al fuego hay un lugar vacío, y en la frente del viejo, de hosco ceño, como un tachón sombrío -tal el golpe de un hacha sobre un leño-. La vieja mira al campo, cual si oyera pasos sobre la nieve. Nadie pasa. Desierta la vecina carretera, desierto el campo en torno de la casa. La niña piensa que en los verdes prados ha de correr con otras doncellitas en los días azules y dorados, cuando crecen las blancas margaritas.
Campos de Castilla. 1912.
Champs de Soria
V
La neige. Dans l’auberge ouverte sur les champs on voit le foyer où le bois fume et la marmite chaude qui bouillonne. La bise court sur la terre glacée, soulevant de blancs tourbillons de neige silencieuse. La neige tombe sur les champs et les chemins comme dans une fosse. Un vieillard accroupi tremble et tousse près du feu ; la vieille femme file un écheveau de laine, et une petite fille coud un feston vert à la robe d’étamine écarlate. Les vieillards sont les parents d’un muletier qui, cheminant sur cette terre blanche, perdit une nuit son chemin et s’enterra dans la neige de la montagne. Au coin du feu il y a une place vide, et sur le front du vieillard, au plissement farouche, comme une tache sombre, -Un coup de hache sur une bûche-. La vieille femme regarde la campagne, comme si elle entendait des pas sur la neige. Personne ne passe. La route voisine est déserte, déserts les champs autour de la maison. La petite fille songe qu’elle ira courir dans les prés verts, avec d’autres fillettes, par les journées bleues et dorées, lorsque poussent les blanches pâquerettes.
Champs de Castille, Solitudes, Galeries et autres poèmes et Poésies de la guerre, traduits par Sylvie Léger et Bernard Sesé, préface de Claude Esteban, Paris, Gallimard, 1973; Paris, Gallimard, coll. Poésie, 1981.
Mon cher ami, que je vous regrette ici et quelle joie c’eût été pour vous de voir ce Vélasquez qui à lui seul vaut le voyage ; les peintres de toutes les écoles qui l’entourent au musée de Madrid et qui y sont très bien représentés semblent tous des chiqueurs. C’est le peintre des peintres: il ne m’a pas étonné mais m’a ravi. Le portrait en pied que nous avons au Louvre n’est pas de lui. L’infante seule ne peut être contestée. Il y a ici un tableau énorme rempli de petites figures comme celles qui se trouvent dans le tableau du Louvre intitulé les cavaliers, mais figures de femmes et d’hommes, supérieures peut-être et surtout parfaitement pures de restauration. Le fond, le paysage est d’un élève de Vélasquez.
Le morceau le plus étonnant de cet [sic] œuvre splendide et peut-être le plus étonnant morceau de peinture que l’on ait jamais fait est le tableau indiqué au catalogue, portrait d’un acteur célèbre au temps de Philippe IV ; le fond disparaît, c’est de l’air qui entoure ce bonhomme tout habillé de noir et vivant ; et les fileuses, le beau portrait d’Alonzo Cano, las Meninas (les nains), tableau extraordinaire aussi, ses philosophes, étonnants morceaux – tous les nains, un surtout assis de face les poings sur les hanches, peinture de choix pour un vrai connaisseur, ses magnifiques portraits, il faudrait tout énumérer, il n’y a que des chefs- d’œuvre; un portrait de Charles Quint par Titien, qui a une grande réputation qui doit être méritée et qui m’aurait certainement je crois paru bien autre part, me semble ici être de bois;
Et Goya, le plus curieux après le maître, qu’il a trop imité dans le sens le plus servile d’imitation. Une grande verve cependant. Il y a de lui au musée deux beaux portraits équestres dans la manière de Vélasquez, bien inférieurs toutefois. Ce que j’ai vu de lui jusqu’ici ne m’a pas plus énormément; je dois en voir ces jours-ci une magnifique collection chez le duc d’Ossuna.
Je suis désolé, le temps est très laid ce matin et je crains que la course de taureaux qui doit avoir lieu ce soir et à laquelle je me fais un plaisir d’aller, ne soit remise, à quand? – Je vais demain faire une excursion à Tolède. Là, je verrai Gréco et Goya très bien représentés, m’a-t-on dit.
Madrid est une ville agréable, pleine de distractions. Le Prado, charmante promenade couverte de très jolies femmes toutes en mantilles, ce qui est d’un aspect très original; dans les rues encore beaucoup de costumes, les toreros qui eux aussi ont un costume de ville curieux.
Adieu, mon cher Fantin, je vous serre la main et suis t. à vous.
E. Manet
Vous pouvez compter sur votre catalogue quoiqu’il soit très difficile à avoir.
J’ai trouvé à Madrid, le jour de mon arrivée, un Français qui s’occupe d’art et qui me connaissait.
Je ne suis donc pas seul.
La Lechera de Burdeos (Francisco de Goya) 1827 Madrid Prado.
El 16 de abril de 1828, Francisco de Goya murió en Burdeos en su casa de la rue des Fossés de l’Intendance n° 39, hacia las 2 de la madrugada, acompañado por el joven artista Antonio Brugada y José Pío de Molina. Se le enterró junto a Martín Miguel de Goicoechea, su consuegro, en el cementerio de la Chartreuse. Vivía en Burdeos desde 1824.
En junio de 1899, sus restos fueron trasladados a la Sacramental de San Isidro y finalmente, el 29 de noviembre de 1919, a la ermita de San Antonio de la Florida. Falta el cráneo del pintor.
Francisco de Goya. Estatua sedente de Goya (José San Bartolomé Llaneces). 1901. Paseo de la Florida Madrid al lado de la ermita de San Isidro.
Aún aprendo ( Álbum G, 54)
Hacia 1826. Lápiz negro, Lápiz litográfico sobre papel verjurado, agrisado, 192 x 145 mm.
“Quizá sea este dibujo del Álbum de Burdeos titulado Aún aprendo, el que mejor sintetiza el espíritu de Goya en esos postreros años de su vida, realizado hacia 1825-28. De hecho, se ha convertido en una referencia recurrente en la historiografía de Goya, que ha querido ver en él un autorretrato simbólico en el que se expresa la voluntad inquebrantable de desarrollo personal que le llevó a continuar materializando sus nuevas ocurrencias en variados soportes. Si en ocasiones anteriores los viejos que aparecían en sus obras mostraban una visión negativa del paso del tiempo, en este dibujo se puede apreciar un significativo cambio de perspectiva, subrayado por el elocuente título de raíz clásica, acorde con el optimismo recobrado en Burdeos por Goya. Sin embargo, Laurent Matheron, en su romántica biografía del pintor publicada en 1858, recoge una anécdota que induce a considerar este dibujo, como ocurre con el resto de su producción, desde una óptica más melancólica. Narraba Matheron que, a poco de llegar el pintor a Burdeos, le fue ya imposible salir sin la ayuda de su joven compatriota Brugada. Apoyándose en su brazo y por los sitios menos frecuentados probaba a marchar solo, pero eran inútiles sus esfuerzos; las piernas no le sostenían. Entonces exclamaba montando en cólera: -¡Qué humillación! ¡A los ochenta años me pasean como a un niño; es necesario que aprenda a andar!-. Buena parte de las interpretaciones del dibujo que aquí comentamos vienen condicionadas por los referentes visuales que Goya pudo haber conocido y utilizado. Según estos planteamientos, Goya habría sido un artista de extraordinaria cultura visual y literaria, conocedor de los clásicos latinos a través de las traducciones y de las fuentes emblemáticas del Renacimiento presentes en numerosos libros y estampas, que le habrían servido de punto de partida para elaborar este dibujo. El título todavía aprendo tiene su origen en la sentencia utilizada por Platón y Plutarco: anchora imparo; mientras que la imagen de un viejo apoyado en dos bastones se ha relacionado con la estampa también llamada Anchora imparo grabada en 1536 por Girolamo Fagiuoli, en la que se representa a un anciano en el andador de un niño. En la primera mitad del siglo XVI era un lugar común representar a Cronos como a un anciano barbado, provisto de una túnica y apoyado en dos bastones con los que camina trabajosamente, tal y como aparece en una estampa de Marcantonio Raimondi (h. 1470/82-1527/34). Más cercana en el tiempo está la estampa de William Blake (1757-1827) que ilustraba el libro de Henry Fuseli Lectures on Painting, que Goya pudo conocer, y con la que Aún aprendo presenta ciertas similitudes formales. En ella se muestra a M. Angelo Bonarotti apoyado en un bastón, mirando penetrantemente al espectador, ante un fondo oscuro en el que se vislumbra el Coliseo de Roma. El lema de esta estampa es asimismo Ancora imparo, también aplicado al polifacético artista del Renacimiento en su biografía. En el dibujo Goya nos expresa en primer lugar la soledad del hombre en el tránsito de la vida, pero también el camino de la oscuridad hacia la luz, soberbiamente representada la primera con intensos trazos de lápiz litográfico sutilmente matizados con unas leves líneas oblicuas del rascador, apenas perceptibles, mientras que la luz se muestra con la propia blancura del papel. El inestable paso adelante, solo posibilitado por el sustento que le aportan los dos bastones que sujeta con unas manos, cuya cuidadosa representación permite apreciar la inflamación de las articulaciones producida por la artrosis, ayuda a expresar la fragilidad del anciano que necesita aprender de nuevo a caminar pese a la edad, del mismo modo que el niño ha de hacerlo en su infancia. El venerable rostro, circunscrito en una cabellera y una barba encrespadas y abundantes, muestra una mirada que, como en tantas obras de Goya, alberga el sentido final del dibujo. Los ojos cansados dejan entrever unas pupilas que, lejos de mirar al frente, lo hacen hacia un lado de modo melancólico. Se produce así una tensión entre el rumbo de sus pasos y su mirada lateral que, si queremos comprender el dibujo en clave de autorrepresentación, expresaría esa tensión entre las carencias de la vejez y la voluntad de continuar avanzando” (Texto extractado de Matilla, J. M.: “Aun aprendo“, en Matilla, J. M., Mena Marqués, M.: Goya: Luces y Sombras, 2012, pp. 314-317, n. 95).