Alfred Jarry

Alfred Jarry. Portrait que possédait Pablo Picasso.

Alfred Jarry est né le 8 septembre 1873 à Laval.

Son œuvre la plus connue est Ubu roi. Cette pièce de théâtre en cinq actes est publiée le 25 avril 1895 dans la revue de Paul Fort Le Livre d’art, puis aux éditions du Mercure de France. Elle est représentée pour la première fois le 10 décembre 1896 par la troupe du théâtre de l’Œuvre au Nouveau-Théâtre. Il s’agit de la première pièce du cycle Ubu. Son titre semble être inspiré de la tragédie de Sophocle, Œdipe roi.

La pièce a connu de nombreux remaniements, suites et dérivés tout au long de la carrière de l’auteur (la plupart des titres sont des parodies de titres de tragédies grecques) :
Paralipomènes d’Ubu (1896).
Ubu cocu ou l’Archéoptéryx (1897).
Almanachs du Père Ubu (1899 et 1901).
Ubu enchaîné (1899, publié en 1900).
Almanach illustré du Père Ubu (1901).
Ubu sur la Butte (1906).

Véritable portrait de Monsieur Ubu (Alfred Jarry). 1896. Bois de 74 x 113 mm publié dans Le Livre d’Art, n°2, 25 avril 1896, dans l’édition originale d’Ubu Roi et la Revue Blanche du 15 août 1896.

Le 11 mai 1906, Alfred Jarry, extrêmement malade, se réfugie chez sa soeur Charlotte à Laval. Il reçoit les derniers sacrements, rédige son faire-part de décès avec la date en blanc, son testament et une lettre à son amie Rachilde, la femme d’Alfred Valette, le directeur du Mercure de France.

Jarry se rétablit pourtant. En juillet, il revient à Paris. Mais il est épuisé par ses excès (alcools divers, absinthe, éther). Son état s’aggrave à nouveau peu après. Le 29 octobre, ses amis Alfred Vallette et Jean Saltas, inquiets de ne pas l’avoir vu depuis plusieurs jours, se rendent chez lui, 7 rue Cassette. Le logement d’Alfred Jarry, détruit en 2019, se trouvait dans une ancienne réserve d’un marchand d’objets et vêtements liturgiques, d’où le nom de Grande Chasublerie donné par Jarry. L’écrivain est très faible. Il ne peut ouvrir la porte. Ses amis doivent appeler un serrurier et le faire transporter d’urgence à l’hôpital.

Il meurt à 34 ans le 1 novembre 1907 à 4 heures 15 de l’après-midi à l’Hôpital de la Charité, 47 rue Jacob. Sa dernière volonté : un cure-dent. Ses obsèques ont lieu le dimanche 3 novembre. Après une brève cérémonie à l’église Saint-Sulpice, il est enterré au cimetière de Bagneux où sa tombe, aujourd’hui anonyme et non entretenue, est toujours en place. Rachilde Paul Léautaud, Octave Mirbeau, Lucien Descaves, Jules Renard, Charles-Louis Philippe et Paul Valéry étaient présents.

Alfred Jarry à l’époque où il écrivit Ubu Roi (Lucien Lantier). Fasquelle éditeurs, 1921, Paris.

*
Laval, 28 mai 1906.

Madame Rachilde,

Le père Ubu, cette fois, n’écrit pas dans la fièvre. (Ça commence comme un testament, il est fait d’ailleurs.) Je pense que vous avez compris, il ne meurt pas (pardon, le mot est lâché) de bouteilles et autres orgies. Il n’avait pas cette passion et il a eu la coquetterie de se faire examiner partout par les « merdecins ». Il n’a aucune tare ni au foie, ni au cœur, ni aux reins, pas même dans les urines ! Il est épuisé, simplement (fin curieuse quand on a écrit le Surmâle) et sa chaudière ne va pas éclater mais s’éteindre. Il va s’arrêter tout doucement, comme un moteur fourbu. Et aucun régime humain, si fidèlement (en riant en dedans) qu’il les suive, n’y fera rien. Sa fièvre est peut-être que son cœur essaye de le sauver en faisant du 150. Aucun être humain n’a tenu jusque-là. Il est, depuis deux jours, l’extrême oint du Seigneur et, tel l’éléphant sans trompe de Kipling, plein d’une insatiable curiosité. Il va rentrer un peu plus arrière dans la nuit des temps.

Comme il aurait son revolver dans sa poche-à-cul il s’est fait mettre au cou une chaîne d’or uniquement parce que ce métal est inoxydable et durera autant que ses os, avec des médailles auxquelles il croit s’il doit rencontrer des démons. Ça l’amuse autant que des poissons… Notons que s’il ne meurt pas, il sera grotesque d’avoir écrit tout cela… mais nous répétons que ceci n’est pas écrit dans la fièvre. Il a laissé de si belles choses sur la terre, mais disparaît dans une telle apothéose !… (Détail : prière à Vallette de prélever sur les souscriptions, s’il en reste, quelque chose pour l’[*] afin que je puisse vous léguer le portrait ; 2e legs, le Tripode, qu’en ferait ma sœur ? Et bien entendu après que les comptes restants seront payés sur le Pantagruel ou autre chose.) Et comme disait, sur son lit de mort, Socrate à Ctésiphon. « Souviens-toi que nous devons un coq à Esculape ». (Je désire, pour mon honneur, que Vallette se « couvre » des vieilles écritures passées.)

Et, maintenant, Madame, vous qui descendez des grands inquisiteurs d’Espagne, celui qui par sa mère est le dernier Dorset (pas folie des grandeurs, j’ai ici mes parchemins) se permet de vous rappeler sa double, devise : AUT NUNQUAM TENTES, AUT PERFICE (N’essaye rien où va jusqu’au bout ! J’y vais, Madame Rachilde). TOUJOURS LOYAL… et vous demande de prier pour lui ; la qualité de la prière le sauvera peut-être… mais il s’est armé devant l’Éternité et il n’a pas peur.

À propos : j’ai dicté hier à ma sœur le plan détaillé de la Dragonne. C’est sûrement un beau livre. L’écrivain que j’admire le plus au monde voudrait-il le reprendre, utiliser, à son gré, ce qu’il y aura de fait et le finir, soit pour lui, soit en collaboration posthume ? Elle vous enverra s’il y a lieu le manuscrit, aux trois quarts écrit, un gros carton de notes et le dit plan.

Le père Ubu a fait sa barbe, s’est fait préparer une chemise mauve, par hasard ! Il disparaîtra dans les couleurs du Mercure et il démarrera, pétri toujours d’une insatiable curiosité. Il a l’intuition que ce sera pour ce soir à cinq heures… S’il se trompe il sera ridicule, les revenants sont toujours ridicules.

Là-dessus, le père Ubu, qui n’a pas volé son repos, va essayer de dormir. Il croit que le cerveau, dans la décomposition, fonctionne au delà de la mort et que ce sont ses rêves qui sont le Paradis. Le père Ubu, ceci sous condition — il voudrait tant revenir au Tripode — va peut-être dormir pour toujours.

Alfred Jarry

La lettre dictée hier est presque un duplicata, mais j’ai donné ordre pour qu’on vous l’envoie après, ainsi, si vous le voulez bien, que ma bague mauve.
A. J.

Je rouvre ma lettre. Le docteur vient de venir et croit me sauver.
A. J.

* Mot effacé.

Portrait de Rachilde (Félix Vallotton). Le Livre des masques de Rémy de Gourmont. 1898.

El Cortijo del Fraile – Federico García Lorca

El Cortijo del Fraile. Parc Naturel de Cabo de Gata (Almería), (Martin A. Doe.)

Il y avait hier dans le journal El País un article sur le Parc naturel de Cabo de Gata-Níjar : Por los cortijos de Cabo de Gata en busca de rincones. C’est un endroit fragile et assez fascinant où je suis allé deux fois, en 1999 et 2005.

https://elviajero.elpais.com/elviajero/2022/07/15/actualidad/1657874975_508225.html

El Cortijo del Fraile a été construit par les Dominicains au XVIII ème siècle. Il est passé dans les mains de l’état en 1836 (Loi de désamortissement du ministre Juan Álvarez Mendizábal), puis a été vendu à des intérêts privés. Les ruines du bâtiment et ses 730 hectares sont aujourd’hui la propriété de l’entreprise de Murcia, Agrícola La Misión, S. L. La ferme est située au sud-est de Níjar (Almería). Les touristes curieux ne trouvent pas le lieu facilement. Les communes les plus proches proches sont Los Albaricoques y Rodalquilar, célèbre pour ses anciennes mines d’or.

El Cortijo del Fraile est connu pour plusieurs raisons. La première pour le crime (Crimen de Níjar) qui eut lieu le 22 juillet 1928. Francisca Cañada Morales (1907 ou 1908-1987) en fut la protagoniste. Paca la Coja (c’était son surnom) avait 20 ans et allait se marier avec Casimiro Pérez Pino. Francisca et son cousin, Francisco Montes Cañada, dix ans plus âgé (Leonardo dans l’oeuvre de García Lorca alors que tous les autres personnages ne portent pas de nom) s’enfuirent sur une mule avant la cérémonie de mariage. Le frère de Casimiro, José, pour venger l’honneur de la famille, les surprit et tua Francisco de trois coups de fusil à quelques kilomètres du Cortijo del Fraile. Paca la Coja que l’on avait essayé d’étrangler vécut célibataire toute sa vie dans les environs. Ce fait divers fut beaucoup commenté par la presse de l’époque. Il inspira le roman Puñal de Claveles (1931) de Carmen de Burgos (1867-1932) et surtout la pièce de théâtre de Federico García Lorca, Bodas de sangre (Noces de sang, écrite en 1931, représentée à Madrid au Théâtre Beatriz le 8 mars 1933 par la Compagnie de Josefina Díaz et Manuel Collado).

La ferme et ses environs apparaissent aussi dans les westerns spaghetti de Sergio Leone Pour quelques dollars de plus (1965) Le bon, la brute et le truand (1966) Il était une fois la révolution (1971) (1966) ou de Damiano Damiani, El Chuncho (1966)

Bien que le site soit un Bien de Interés Cultural, les murs s’écroulent, le clocher de l’église penche dangereusement et la végétation envahit les bâtiments.

Photo prise en 1999. (CF)

” La Novia

¡Porque yo me fui con el otro, me fui! (Con angustia). Tú también te hubieras ido. Yo era una mujer quemada, llena de llagas por dentro y por fuera, y tu hijo era un poquito de agua de la que yo esperaba hijos, tierra, salud. Pero el otro era un río oscuro, lleno de ramas, que acercaba a mí el rumor de sus juncos y su cantar entre dientes. Y yo corría con tu hijo que era como un niñito de agua fría y el otro me mandaba cientos de pájaros que me impedían el andar y que dejaban escarcha sobre mis heridas de pobre mujer marchita, de muchacha acariciada por el fuego. Yo no quería, ¡óyelo bien! ; Yo no quería. ¡Tu hijo era mi fin y yo no lo he engañado, pero el brazo del otro me arrastró como un golpe de mar, como la cabezada de un mulo, y me hubiera arrastrado siempre, siempre, siempre, aunque hubiera sido vieja y todos los hijos de tu hijo me hubiesen agarrado de los cabellos!”

” La Fiancée
Je suis partie avec l’autre. Je suis partie (avec angoisse) Toi aussi tu l’aurais suivie ! J’étais brûlée, couverte de plaies en dedans et en dehors. Ton fils était l’eau fraîche dont j’attendais des enfants, la santé. Mais l’autre était un fleuve obscur sous la ramée. Il apportait vers moi la rumeur de ses joncs, sa chanson murmurante. Je courais avec ton fils qui, lui, était tout froid comme un petit enfant de l’eau. Et l’autre par centaine m’envoyait des oiseaux qui m’empêchaient de marcher et qui laissaient du givre sur mes blessures de pauvre femme flétrie, de jeune fille caressée par le feu. Je ne voulais pas, entends moi bien , je ne voulais pas. Ton fils était mon salut et je ne l’ai pas trompé, mais le bras de l’autre m’a entraînée comme un paquet de mer, comme vous pousse le coup de tête d’un mulet. Et même si j’avais été une vieille femme avec tous les enfants nés de ton fils accrochés à mes cheveux, il m’aurait emportée.” (Traduction Marcelle Auclair)

Federico García Lorca

Federico García Lorca entrevistado por el periodista de La Voz, Felipe Morales. 7 de abril de 1936.

«La poésie, c’est quelque chose qui marche par les rues. Qui se meut, qui passe à côté de nous. Toutes les choses ont leur mystère, et la poésie, c’est le mystère de toutes les choses. On passe près d’un homme, on regarde une femme, on remarque l’allure oblique d’un chien, et c’est en chacun de ces objets humains que réside la poésie. »

« Le jour où, sur Terre, la famine sera enrayée, il se produira la plus grande explosion spirituelle que le monde ait jamais connue. L’humanité ne peut imaginer la joie qui éclatera dans le monde le jour de cette grande révolution. »

Entrevista de Felipe Morales a Federico García Lorca. La Voz de Madrid, 7 de Abril de 1936.

Qué es la poesía y el teatro

En la calle, la lluvia, y el cristal, en la ventana. Mañana de abril. Sol y barro. Federico García Lorca se asoma a un paisaje de chimeneas muertas y de nubes paralizadas. Es un cuarto piso de la calle de Alcalá, donde no llegan los gritos de vendedores ni la emoción de las aventuras.

Federico, ¿qué es la poesía?
(La habitación es pequeña. En un rincón se muere sin remedio una maceta de flores rojas.)
La poesía es algo que anda por las calles. Que se mueve, que pasa a nuestro lado. Todas las cosas tienen su misterio, y la poesía es el misterio que tienen todas las cosas. Se pasa junto a un hombre, se mira a una mujer, se adivina la marcha oblicua de un perro, y en cada uno de estos objetos humanos está la poesía.

“La poesía es algo que anda por las calles…”
(El poeta se ha metido más dentro de sí mismo. Sus ojos, vistos por mí en el espejo de la pared de enfrente, miran sin mirada.)
Por eso yo no concibo la poesía como abstracción, sino como cosa real existente, que ha pasado junto a mí. Todas las personas de mis poemas han sido. Lo principal es dar con la llave de la poesía. Cuando más tranquilo se está, entonces, ¡zas!, se abre la llave, y el poema acude con su forma brillante. No se puede hablar de si el hombre es un objeto más sugeridor que la mujer. Con ello respondo a tu pregunta. No, no se puede hablar.

Naturalmente que en la poesía vive un problema sexual, si el poema es de amor, o un problema cósmico, si el poema busca la batalla con los abismos. La poesía no tiene límites. Nos puede esperar sentada en el quicio de la puerta en las madrugadas frías, cuando se vuelve con los pies cansados y el cuello del abrigo subido. Puede estar esperándonos en el agua de una fuente, subida en la flor de un olivo, puesta a secar en la tela blanca de una azotea. Lo que no puede hacerse es proponerse una poesía con la rigurosidad matemática del que va a comprar litro y medio de aceite.

Casa de Federico García Lorca. Madrid, Calle de Alcalá n°96. Séptimo piso.

El teatro fue siempre mi vocación. He dado al teatro muchas horas de mi vida. Tengo un concepto del teatro en cierta forma personal y resistente. El teatro es la poesía que se levanta del libro y se necesita que los personajes que aparezcan en la escena lleven un traje de poesía y al mismo tiempo que se les vean los huesos, la sangre. Han de ser tan humanos, tan horrorosamente trágicos y ligados  a la vida y al día con una fuerza tal, que muestren sus traiciones, que se aprecien sus olores y que salga a los labios toda la valentía de sus palabras llenas de amor o de ascos. Lo que no puede continuar es la supervivencia de los personajes dramáticos que hoy suben a los escenarios llevados de la mano de sus autores. Son personajes huecos, vacíos totalmente, a los que sólo es posible ver a través del chaleco un reloj parado, un hueso falso o una caca de gato de esas que hay en los desvanes.

Hoy en España, la generalidad de los autores y de los actores ocupan una zona apenas intermedia. Se escribe en el teatro para el piso principal y se quedan sin satisfacer la parte de butacas y los pisos del paraíso. Escribir para el piso principal es lo más triste del mundo. El público que va a ver cosas queda defraudado. Y el público virgen, el público ingenuo, que es el pueblo, no comprende cómo se le habla de problemas despreciados por él en los patios de la vecindad. En parte tienen la culpa los actores.

No es que sean malas personas, pero… “Oiga, Fulanito -aquí un nombre de autor- , quiero que me haga usted una comedia en la que yo… haga de yo. Sí, sí; yo quiero hacer esto y lo otro. Quiero estrenar un traje de primavera. Me gusta tener veintitrés años. No lo olvide.” Y así no se puede hacer teatro. Así lo que se hace es perpetuar una dama joven a través de los tiempos y un galán a despecho de la arteriosclerosis.

¿Y tu teatro?
Yo en el teatro he seguido una trayectoria definida. Mis primeras comedias son irrepresentables. Ahora creo que una de ellas, Así que pasen cinco años, va a ser representada por el Club Anfistora. En estas comedias imposibles está mi verdadero propósito. Pero para demostrar una personalidad y tener derecho al respeto he dado otras cosas. Escribo cuando me place. No soy de los autores al uso que siguen la teoría de una obrita todos los años.

Mi última comedia, Doña Rosita o el lenguaje de las flores, la concebí en el año mil novecientos veinticuatro. Mi amigo Moreno Villa me dijo: “Había una vez una rosa…” Y cuando acabó el cuento maravilloso de la rosa, yo tenía hecha mi comedia. Se me apareció terminada, única, imposible de reformar. Y sin embargo, no la he escrito hasta mil novecientos treinta y seis. Han sido los años los que han bordado las escenas y han puesto versos a la historia de la flor.

Ahora estoy trabajando en una nueva comedia. Ya no será como las anteriores. Ahora es una obra en la que no puedo escribir nada, ni una línea, porque se han desatado y andan por los aires la verdad y la mentira, el hambre y la poesía. Se me ha escapado de las páginas. La verdad de la comedia es un problema religioso y económico-social. El mundo está detenido ante el hambre que asola a los pueblos.

Mientras haya desequilibrio económico, el mundo no piensa. Yo lo tengo visto. Van dos hombes por la orilla de un río. Uno es rico, otro es pobre. Uno lleva la barriga llena, y el otro pone sucio al aire con sus bostezos. Y el rico dice: “¡Oh, qué barca más linda se ve por el agua! Mire, mire usted, el lirio que florece en la orilla.” Y el pobre reza: “Tengo hambre, no veo nada. Tengo hambre, mucha hambre.” Natural. El día que el hambre desaparezca, va a producirse en el mundo la explosión espiritual más grande que jamás conoció la Humanidad. Nunca jamás se podrán figurar los hombres la alegría que estallará el día de la Gran revolución. ¿Verdad que te estoy hablando en socialista puro?

Y ahora, a Méjico.
Espero un cable de Margarita Xirgu. Será en este mes. Pienso marchar directamente a Nueva York, donde ya estuve viviendo un año. En Nueva York quiero saludar a antiguos amigos, que son yanquis amigos de España. Nueva York es terrible. Algo monstruoso. A mí me gusta andar por las calles, perdido; pero reconozco que Nueva York es la gran mentira del mundo. Los ingleses han llevado allí una civilización sin raíces. Han levantado casas y casas; pero no han ahondado en la tierrra. Se vive para arriba, para arriba… Pero así como en la América de abajo nosotros dejamos a Cervantes, los ingleses en la América de arriba no han dejado su Shakespeare.

(Hay una pausa)
Desde Nueva York voy directamente a Méjico. Cinco días de tren. ¡Que felicidad! En el tren veo cambiar las cosas, sucederse los paisajes y las vacas tristes. Pero nadie me habla. Tú te habrás fijado que en el tren no cabe el diálogo. Te preguntan algo y tú dices: “¡Hum!”, con la cabeza, y ya está. Lo contrario que en el barco, donde siempre te encuentras acodadas en la borda a todas las personas que te son antipáticas.

En Méjico presenciaré mis estrenos y daré una conferencia sobre Quevedo. ¡Ah! ¡Qué gran injusticia se ha cometido con Quevedo! Es el poeta más interesante de España. Mi amistad con Quevedo data de pocos años. Fue un acercamiento melancólico. En un viaje por la Mancha, me detuve en el pueblo de Infantes. La plaza del pueblo, desierta. La Torre de Juan Abad. Y muy cerca, la iglesia oscura, con carátula de los Austrias. En la iglesia sin luz se oían los aullidos de una niña del pueblo que cantaba a los dioses. Entré sobrecogido. Y allí estaba Quevedo, solo, enterrado, perpetuando la injusticia de su muerte. Me parecía que acababa de asistir a su entierro. Sí; yo le había acompañado en una comitiva de golillas y golfainas. Hablaré en Méjico de Quevedo, porque Quevedo es España.

Samuel Beckett (1906-1989)

 

Samuel Beckett.

Fin de partie, 1957.

«La fin est dans le commencement et cependant on continue.»

L’Innommable.

«Il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer. (…).»

Fin de partie.

«Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas.».

«Tu n’as pas cessé d’essayer? Tu n’as pas essayé d’échouer? Aucune importance! Réessaie, échoue encore, échoue mieux.»

Cap au pire.

“Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux.”

Le monde et le pantalon (1989).

Un client s’énervant après moultes essayages chez son vieux tailleur et perdant patience:

« Mais enfin, M. Moysche! Dieu a fait le monde en six jours et vous, il vous faut trois mois pour me faire un pantalon?» «Oui, c’est vrai mais dites, vous avez vu le monde et vous avez vu mon pantalon?»

Lettre à Robert Pinget .

« Ne vous désespérez pas, branchez-vous bien sur le désespoir et chantez-nous ça. »

Samuel Beckett à l’enterrement de Roger Blin, 1984 (Bernard Morlino).

Samuel Beckett

Portrait de Samuel Beckett . Graffiti sur un mur a Portobello road, Londres .

A un de ses amis poète qui lui demandait des nouvelles, Samuel Beckett répondait: «Ça va, ça va… sans que je sache vraiment où.»