Darío Villalba 1939 – 2018

La Espera blanca, 1993.

Le Monde de ce jour indique que la Galerie Poggi qui se trouve maintenant dans de nouveaux locaux face au Centre Pompidou (135 rue Saint-Martin, Paris IV) présente jusqu’au 27 janvier de grands formats de Darío Villalba, peintre et photographe espagnol, peu connu en France. Ce fils de diplomate, a vécu aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Grèce. Sa famille l’a toujours aidé même lorsqu’il a pratiqué le patinage artistique, sport qui n’existait pas dans l’Espagne franquiste d’alors. Il a participé aux Jeux Olympiques de Cortina d’Ampezzo en 1956. Il fut Prix National des Arts Plastiques en 1983 et membre de la Real Academia de Bellas Artes de San Francisco en 2002.

“Decía que pintaba cuando hacía fotografía y que hacía fotografía cuando pintaba.” Sa série la plus connue est celle des “Encapsulados”. Il s’agit d’une sorte de cocons qui contiennent des images de marginaux ( prisonniers, malades mentaux, sans-abris, personnes âgées ) qui semblent flotter dans un monde parallèle. Andy Warhol a essayé de l’enrôler dans le pop art ( pop soul) ce que Villalba a refusé. Des artistes espagnols, bien différents de lui, comme Luis Gordillo ou Eduardo Arroyo, l’ont appuyé et ont souligné son importance.

Ces jours-ci, nous avons vu au musée Carmen Thyssen de Málaga une belle exposition, Fieramente humanos. Retratos de santidad barroca. On y trouve des oeuvres des grands artistes du baroque méditerranéen (Ribera, Cano, Murillo, Giordano, Velázquez, Ribalta, Martínez Montañés, Juan de Mena), mais aussi trois oeuvres contemporaines (Equipo Crónica, Darío Villalba, Antonio Saura). Ce choix, a posteriori, me paraît judicieux étant donné l’influence qu’a eue l’art baroque sur ces artistes espagnols. L’oeuvre de Darío Villalba, peintre original, catholique et homosexuel mérite d’être davantage reconnue.

Místico (Darío Villalba) 1974. Colección de Arte ABANCA.

Francisco de Aldana

En novembre dernier, la collection Letras Hispánicas de Cátedra a publié Poesía de los siglos XVI y XVII. Le professeur Pedro Ruiz Pérez est responsable de cette édition de 1064 pages et de l’introduction (100 pages quand même). On remarque la présence de Francisco de Aldana dont l’importance a été reconnue par Quevedo, Cervantes ou Luis Cernuda (Tres poetas metafísicos, 1946).

On pense qu’Aldana est né à Naples en 1537. Il a suivi la carrière des armes comme son père et son frère. Il n’aimait pas ce métier. Il est pourtant mort au combat le 4 août 1578 lors de la bataille d’Alcazarquivir. Il avait été envoyé par Felipe II pour aider son neveu, le roi du Portugal, Sebastián I, dans sa tentative de conquête du Maroc.

Son frère Cosme a publié son oeuvre poétique en deux parties : Milan, 1589 et Madrid, 1591.

Le travail du professeur Ruiz Pérez est excellent. On regrettera neanmoins l’erreur dans le titre du poème Reconocimiento de la vanidad del mundo qui devient Reconocimiento de la variedad del mundo.

Reconocimiento de la vanidad del mundo

En fin, en fin, tras tanto andar muriendo,
tras tanto varïar vida y destino,
tras tanto, de uno en otro desatino,
pensar todo apretar, nada cogiendo;

tras tanto acá y allá yendo y viniendo,
cual sin aliento inútil peregrino,
¡oh, Dios!, tras tanto error del buen camino,
yo mismo de mí mal ministro siendo,

hallo, en fin, que ser muerto en la memoria
del mundo es lo mejor que en él se asconde,
pues es la paga dél muerte y olvido,

y en un rincón vivir con la vitoria
de sí, puesto el querer tan sólo adonde
es premio el mismo Dios de lo servido.

Francisco de Aldana.

María Victoria Atencia

SAZÓN

Ya está todo en sazón. Me siento hecha, 
me conozco mujer y clavo al suelo 
profunda la raíz, y tiendo en vuelo 
la rama, cierta en ti, de su cosecha. 

¡Cómo crece la rama y qué derecha! 
Todo es hoy en mi tronco un solo anhelo 
de vivir y vivir: tender al cielo, 
erguida en vertical, como la flecha

que se lanza a la nube. Tan erguida 
que tu voz se ha aprendido la destreza 
de abrirla sonriente y florecida. 

Me remueve tu voz. Por ella siento 
que la rama combada se endereza 
y el fruto de mi voz se crece al viento. 

 Arte y parte. Madrid,Colección Adonais.1961.
https://paulatinygriego.wordpress.com/2021/07/13/poesia-maria-victoria-atencia.sazon/
María Victoria Atencia.

Guillaume Apollinaire – Pablo Picasso

Málaga. Patio principal du Palacio de los Condes de Buenavista. Vers 1530-1540.

Visite du Musée Picasso de Málaga hier. Il est installé depuis 2003 dans le Palacio de los Condes de Benavista (Calle San Agustín,8). 3 parties : Diálogos con Picasso. Colección 2020-2023 + El eco de Picasso + Las múltiples caras de la obra tardía de Picasso. On y fait allusion au poème d’Apollinaire Les saisons. On peut lire la première strophe en espagnol et en anglais, pas en français.

Retrato de Paulo con gorro blanco. París, 14 de abril de 1973. Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso.
Publié dans La grande revue, novembre 1917. Repris dans Calligrammes, 1918.
Retrato de mujer con sombrero de borlas y blusa estampada. Mougins, 1962. Málaga, Museo Picasso.

Paco Roca – Rodrigo Terrasa

Paterna. Monument aux républicains enterrés dans les fosses communes.

Paterna est une petite ville de la Huerta de Valence. Elle se trouve à 8 km de la capitale de la Communauté. Elle est surtout connue pour ses fosses communes. En effet, de 1939 à 1956, plus de 2000 républicains espagnols furent exécutés contre les murs du cimetière. 2238 personnes exactement furent enterrées dans des fosses communes.

Paco Roca (1968), dessinateur de bande dessinée, et Rodrigo Terrasa (1978), journaliste à El Mundo , viennent de publier un roman graphique qui s’intitule El abismo del olvido. Le 14 septembre 1940, 532 jours après la fin de la Guerre Civile, José Celda Beneyto, 45 ans, agriculteur de Masamagrell, est fusillé contre le mur du cimetière. Il est enterré avec 11 autres personnes dans une fosse commune. Sa peine est commuée 3 mois après son exécution. Plus de 7 décennies plus tard, Pepica, la fille de José, octogénaire, réussit à localiser et à récupérer les restes de son père. Elle avait 8 ans à sa mort. Le rôle de Leoncio Badia Navarro, fossoyeur republicain et humaniste, fut essentiel. Il aida les veuves, fit de son mieux pour enterrer dignement ces malheureux laissant de petits flacons avec leurs noms pour qu’on puisse plus tard identifier leurs corps.

Pepica Celda.

Rainer Maria Rilke

Lettre écrite par le poète à la vieille de sa mort à Nimet Eloui Bey.

” Madame, oui, misérablement, horriblement malade, et douloureusement jusqu’à un point que je n’ai jamais osé imaginer. C’est cette souffrance déjà anonyme, que les médecins baptisent, mais qui, elle, se contente à nous apprendre trois ou quatre cris où notre voix ne se reconnaît point. Elle qui avait l’éducation des nuances !

Point de fleurs, Madame, je vous en supplie, leur présence excite les démons dont la chambre est pleine. Mais ce qui m’est venu avec les fleurs, s’ajoutera la grâce de l’invisible. Oh merci !

(mercredi) 29 décembre 1926. “

La dernière amitié de Rainer Maria Rilke. Arguments, Les vies imaginaires. 2023.

Tombe de Rainer Maria Rilke. Cimetière de Rarogne (Suisse)

Rainer Maria Rilke est décédé des suites d’une leucémie le 29 décembre 1926 dans un sanatorium de Val-Mont, au-dessus de Montreux (Suisse). Il est enterré au cimetière de Rarogne. Il avait rencontré Nimet Eloui Bey en 1926 à Lausanne. Celle-ci, de souche circassienne ou tcherkesse, était née vers 1903 au Caire. Elle avait épousé à 18 ans Aziz Eloui Bey, riche homme d’affaires égyptien que la photographe Lee Miller lui ravit. Elle est morte à Neuilly le 4 août 1943.

Nimet Eloui Bey (Lee Miller), années 30.

Colita 1940 – 2023

Colita ( de son vrai nom Isabel Steva Hernández) (Vicens Giménez)

J’ai vu ces derniers temps à Paris deux très riches expositions de photographies : Corps à corps Histoire(s) de la photographie (Centre Pompidou 6 septembre 2023 – 25 mars 2024) et Noir & blanc : une esthétique de la photographie (BnF 17 octobre 2023 – 21 janvier 2024). Les photographes espagnols y sont très peu représentés. C’est dommage, selon moi.

La photographe catalane Colita (de son vrai nom Isabel Steva Hernández) est décédée le 31 décembre 2023 à 83 ans. C’était une référence du photojournalisme à Barcelone.

Elle est née le 24 août 1940 dans une famille bourgeoise du quartier de l’Eixample (Ensanche). Son père lui offre un appareil photo quand elle a douze ans. Après une scolarité dans une école de religieuses, ses parents l’inscrivent dans un cours de secrétariat. Elle refuse de se marier et part en 1957 à Paris suivre un cours de langue et de civilisation française à la Sorbonne. Ses parents viennent la chercher en 1958 car elle refuse de rentrer.

De retour à Barcelone, elle rencontre les photographes Oriol Maspons (1928-2013) et Xavier Miserachs (1937-1998). Elle se professionnalise en 1961 dans l’atelier de ce dernier, où elle travaille comme secrétaire, mais apprend aussi les techniques de laboratoire. Miserachs lui laisse faire la photographie du film Los Tarantos (1963) de Francesc Rovira-Beleta. Au cours du tournage, elle devient amie avec la chanteuse et danseuse de flamenco Carmen Amaya (1913-1963) et découvre le monde des gitans.

Sa production tourne surtout autour du monde du flamenco, du théâtre, du spectacle. Elle saisit à merveille l’ambiance de la fin des années 1970 dans sa ville ainsi que l’effervescence politique de la transition. Elle est associée au monde culturel catalan : la Discothèque Bocaccio, la Gauche Divine, la Nova Cançó. Elle photographie aussi bien la haute bourgeoisie catalane que les bidonvilles de Somorrostro ou le Barrio Chino.

Elle collabore à des publications telles que Destino, Triunfo, Interviú, Fotogramas, Telexprés, Mundo Diario.

Elle a organisé plus de 40 expositions et publié plus de 30 livres, dont Luces y sombras del flamenco (Lumen, 1975. Texte du romancier et poète José María Caballero Bonald). Ses œuvres font partie des collections des principaux musées espagnols : Museu Nacional d’Art de Catalunya (MNAC) à Barcelone, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía à Madrid.

Elle a laissé une belle galerie de portraits de célébrités : Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Rafael Alberti, Jaime Gil de Biedma, Ana María Matute, Terenci y Ana María Moix, Joan Miró, Salvador Dalí, Orson Welles, Carmen Amaya, Antonio Gades, Joan Manuel Serrat.

Joan Manuel Serrat, 1970.
Gabriel García Márquez. Barcelone, 1969.

Elle se déclarait féministe, de gauche et athée. En 2014, elle refuse le Prix National de la Photographie, décerné par le Ministère de la culture par opposition à la politique du gouvernement du Parti Populaire dirigé par Mariano Rajoy.

Un cerdo feliz, 1987.

“En 1987, Colita fotografió a un cerdo que era feliz. “Lo tenían en la granja solo para que comiera y cubriera a las hembras, así que era verdaderamente feliz”, recuerda la fotógrafa. Su rostro tremendo y contento (el del cerdo) nos observa desde la foto en blanco y negro, una a la que Colita tiene especial cariño y que suele regalar a sus amigos para que la pongan en la cocina y les alegre el día.” (PHOTOESPAÑA 2015. El cerdo y la ‘gauche divine’. (Sergio C. Fanjul) (El País, 17 juin 2015)