Vera Molnár – Percy Bysshe Shelley

Jeudi 14 mars visite de l’exposition Vera Molnár Parler à l’oeil au Centre Pompidou. Elle est visible du 28 février au 26 août 2024.

Identiques mais différents. 2010. Diptyque. Paris, Centre Pompidou.

Vera Molnár, artiste française d’origine hongroise, est née Veronica Gács à Budapest le 5 janvier 1924. En 1947, elle s’installe à Paris avec son mari François Molnár (1922-1993). Elle est morte il y a peu à Paris, le 7 décembre 2023, dans la chambre de sa maison de retraite du 14e arrondissement.

Elle s’inscrit dans le courant de l’abstraction géométrique. Informaticienne avant l’heure, elle met en place dès 1959 un mode de production qu’elle nomme “Machine imaginaire”, protocole d’élaboration des formes à partir de contraintes mathématiques simples, mais riche d’infinis possibles . En 1961, elle cofonde le Groupe de recherche d’art visuel avec notamment son mari et le plasticien François Morellet (1926-2016). Elle devient en 1968 la première artiste en France à produire des dessins par ordinateur. Elle travaillait à la fin de sa vie à des vitraux pour l’abbaye de Lérins, sur l’île Saint-Honorat, en face de Cannes (Alpes-Maritimes)

Elle a été reconnue tardivement. Elle rappelait avec humour la phrase du peintre français, d’origine russe, Serge Poliakoff (1900-1969) : “La vie d’un peintre, c’est très simple, il n’y a que les soixante premières années qui sont dures.” Malevitch et Mondrian l’ont toujours fascinée. Elle admirait Le Corbusier et Fernand Léger.

Icône. 1964. Paris, Centre Pompidou.

Une de ses oeuvres exposées s’appelle OTTWW 1984-2010 (fil noir, clous. Paris, centre Pompidou). Elle a attiré mon attention. Le carton dit ceci : ” Conçue pour un Festival du vent à Caen, cette installation s’inspire d’un poème fameux du poète romantique anglais Percy Bysshe Shelly, Ode to the West Wind (1820), auquel Vera Molnár est attachée. Résultant d’un algorithme créé par l’artiste, les formes angulaires sont issues d’une figure mathématique reprenant la lettre W. Elles se déploient sur le mur à l’aide d’un fil de coton continu passant de clous en clous, comme les feuilles emportées par le souffle du vent évoquées par le poète. “

OTTWW. 1981-2010. Fil noir, clous. Paris, Centre Pompidou.

J’ai relu ce poème qui se trouve dans l‘Anthologie bilingue de la poésie anglaise (Bibliothèque de la Pléiade, NRF, 2005). La plupart des poèmes de Shelley qui y figurent ont été publiées dans une très belle édition en 2006 : Poèmes. Imprimerie Nationale Éditions, collection La Salamandre. Les traductions sont de Robert Ellrodt.

Percy Bysshe Shelley (Alfred Clint)

Ode au vent d’ouest (Percy Bysshe Shelley)

I

Ô Vent d’ouest sauvage, âme et souffle de l’automne,
Toi qui, par ton invisible présence, chasses
Les feuilles mortes, fantômes fuyant un enchanteur,

Jaunes et noires et pâles, et rouges de fièvre,
Multitudes frappées de pestilence ! Ô toi
Qui transportes jusqu’à leur sombre lit d’hiver

Les semences aillées qui, froides, y reposent,
Chacune comme un mort en sa tombe, attendant
Que ta Sœur azurée de Printemps sonne enfin

Son clairon sur la terre qui rêve, et menant
Les troupeaux des bourgeons délicats paître l’air,
Remplisse plaine et monts de couleurs et d’odeurs

Vivantes, sauvage Esprit, qui te meus en tous lieux,
Qui détruis et préserves, entends ! Ô entends-moi !

II

Toi dont le flux dans les hauteurs du ciel arrache
Les nuages, comme les feuilles sèches de la Terre,
Aux branches mêlées du Ciel et de l’Océan,

Messagers de la pluie et l’éclair, tu déploies
Á la surface bleue de ta houle aérienne,
Tels les cheveux brillants soulevés sur la tête

De quelque Ménade farouche, du bord obscur
De l’horizon jusqu’à la hauteur du zénith,
Les tresses de la tempête proche. Toi, chant funèbre

De l’an qui meurt, et sur lequel la nuit qui tombe
Se referme comme le vaste dôme d’un sépulcre,
Surplombé par toute la puissance assemblée

De tes vapeurs, dense atmosphère d’où jailliront
La pluie noire et le feu et la grêle, entends-moi !

III

Toi qui sus éveiller de ses rêves d’été
La Méditerranée lisse et bleue, assoupie
Dans les calmes remous de ses flots cristallins,

Près d’une île de ponce dans la baie de Baïes,
Et vis dans leur sommeil palais et tours antiques
Trembler dans la lumière plus vive de la vague,

Tout tapissés de mousse et de fleurs azurées,
Si douces que les sens à les peindre défaillent !
Toi pour qui l’Atlantique aux flots étales s’ouvre,
Découvrant des abîmes, au plus profond desquels
Les floraisons des mers et les bois ruisselants,
Feuillage sans sève de l’Océan, reconnaissent

Ta voix, et deviennent soudain gris de frayeur,
Et frémissent et se dépouillent, oh, entends-moi !

IV

Si j’étais feuille morte que tu puisses porter,
Nuage assez rapide pour voler avec toi,
Ou vague palpitant sous ta puissance, soumis

Par ta force à la même impulsion et à peine
Moins libre que toi, l’Irréductible ; si j’étais
Au moins ce que jeune je fus, et pouvais être

Ton compagnon en tes errances dans le Ciel
Comme au temps où dépasser ton vol éthéré
Semblait à peine un rêve, je n’aurais avec toi,

Ainsi lutté en t’invoquant dans ma détresse.
Oh ! ainsi qu’une vague, une feuille, un nuage,
Emporte-moi ! Sur les épines de la vie

Je tombe et saigne ! Le lourd fardeau du temps m’enchaîne,
Trop pareil à toi-même : indompté, prompt et fier.

V

Fais donc de moi ta lyre comme l’est la forêt.
Qu’importe si mes feuilles tombent comme les siennes !
Le tumulte harmonieux de tes puissants accords

Tirera de nous deux un son grave, automnal,
Doux même en sa tristesse. Deviens, âme farouche,
Mon âme ! Deviens moi-même, ô toi l’impétueux !

Disperse à travers l’univers mes pensées mortes,
Ces feuilles flétries, pour que renaisse la vie,
Et par la seule incantation de ce poème

Propage comme à partir d’un âtre inextinguible,
Cendres et étincelles, mes mots parmi les hommes
Par ma bouche, pour la Terre non encore éveillée,

Sois la trompette d’une prophétie. Ô vent !
Si vient l’Hiver, le Printemps peut-il être loin ?

Poèmes. Imprimerie Nationale Éditions. Collection La Salamandre. 2006. Traduction Robert Ellrodt.

Ode to the West Wind

I

O wild West Wind, thou breath of Autumn’s being,
Thou, from whose unseen presence the leaves dead
Are driven, like ghosts from an enchanter fleeing,

Yellow, and black, and pale, and hectic red,
Pestilence-stricken multitudes: O thou,
Who chariotest to their dark wintry bed

The winged seeds, where they lie cold and low,
Each like a corpse within its grave, until
Thine azure sister of the Spring shall blow

Her clarion o’er the dreaming earth, and fill
(Driving sweet buds like flocks to feed in air)
With living hues and odours plain and hill:

Wild Spirit, which art moving everywhere;
Destroyer and preserver; hear, O hear!

II

Thou on whose stream, ‘mid the steep sky’s commotion,
Loose clouds like Earth’s decaying leaves are shed,
Shook from the tangled boughs of Heaven and Ocean,

Angels of rain and lightning: there are spread
On the blue surface of thine aery surge,
Like the bright hair uplifted from the head

Of some fierce Maenad, even from the dim verge
Of the horizon to the zenith’s height,
The locks of the approaching storm. Thou Dirge

Of the dying year, to which this closing night
Will be the dome of a vast sepulchre,
Vaulted with all thy congregated might

Of vapours, from whose solid atmosphere
Black rain, and fire, and hail will burst: O hear!

III

Thou who didst waken from his summer dreams
The blue Mediterranean, where he lay,
Lulled by the coil of his crystalline streams,

Beside a pumice isle in Baiae’s bay,
And saw in sleep old palaces and towers
Quivering within the wave’s intenser day,

All overgrown with azure moss and flowers
So sweet, the sense faints picturing them! Thou
For whose path the Atlantic’s level powers

Cleave themselves into chasms, while far below
The sea-blooms and the oozy woods which wear
The sapless foliage of the ocean, know

Thy voice, and suddenly grow grey with fear,
And tremble and despoil themselves: O hear!

IV

If I were a dead leaf thou mightest bear;
If I were a swift cloud to fly with thee;
A wave to pant beneath thy power, and share

The impulse of thy strength, only less free
Than thou, O uncontrollable! If even
I were as in my boyhood, and could be

The comrade of thy wanderings over Heaven,
As then, when to outstrip thy skiey speed
Scarce seemed a vision; I would ne’er have striven

As thus with thee in prayer in my sore need.
Oh! lift me as a wave, a leaf, a cloud!
I fall upon the thorns of life! I bleed!

A heavy weight of hours has chained and bowed
One too like thee: tameless, and swift, and proud.

V

Make me thy lyre, even as the forest is:
What if my leaves are falling like its own!
The tumult of thy mighty harmonies

Will take from both a deep, autumnal tone,
Sweet though in sadness. Be thou, Spirit fierce,
My spirit! Be thou me, impetuous one!

Drive my dead thoughts over the universe
Like withered leaves to quicken a new birth!
And, by the incantation of this verse,

Scatter, as from an unextinguished hearth
Ashes and sparks, my words among mankind!
Be through my lips to unawakened Earth

The trumpet of a prophecy! O Wind,
If Winter comes, can Spring be far behind?

Ode écrite à Florence fin 1819. Publiée avec The Sensitive, The Cloud, To a Skylark dans Prometheus Unbound, with Other Poems. Août 1820.

Roberto Juarroz

Roberto Juarroz.

Je relis le poète argentin Roberto Juarroz (1925-1995)…

« Habría que dejar libros en todas partes. Seguramente en uno u otro momento, alguien los abrirá. Y hacer lo mismo con la poesía: dejar poemas en todas partes, ya que sin duda alguien los reconocerá en algún momento. »

« La poesía es la sinceridad con que habla en nosotros lo que no conocemos. Única vía veraz de aquello que cimienta nuestra ignorancia. »

Roberto Juarroz, Fragments verticaux, José Corti, 1993.

« Il faudrait laisser des livres partout. A un moment ou un autre quelqu’un les ouvrira sans doute. Et faire de même avec la poésie : laisser des poèmes partout, puisque quelqu’un les reconnaîtra sûrement un jour. »

« La poésie, c’est la sincérité avec laquelle parle en nous ce que l’on ne connaît pas. Unique voie véridique de ce qui cimente notre ignorance. »

21

A veces parece
que estamos en el centro de la fiesta.
Sin embargo,
en el centro de la fiesta no hay nadie.
En el centro de la fiesta está el vacío.

Pero en el centro del vacío hay otra fiesta.

Duodécima poesía vertical, 1991.

On dirait parfois
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n’y a personne.
Au centre de la fête c’est le vide.

Mais au centre du vide il y a une autre fête.

Douzième poésie verticale. La Différence. Collection Orphée. 1993. Traduction Fernand Verhesen.

Soria

El Cerro de los Moros desde la ermita de San Saturio. Soria. (Samuel Sánchez)

El hormigón amenaza el Cerro de los Moros, el paraje de Soria que inspiró a Machado y a Bécquer.
Varias asociaciones vecinales critican el plan de construir 1.300 viviendas en unas lomas de gran valor cultural y paisajístico (El País, 26 février 2024).

https://elpais.com/espana/2024-02-26/el-hormigon-amenaza-el-cerro-de-los-moros-el-paraje-de-soria-que-inspiro-a-machado-y-a-becquer.html

Antonio Machado, Gustavo Alfonso Bécquer, Gerardo Diego ont été inspirés par ce magnifique paysage de Castille. La spéculation immobiliaire prévoit la construction de 1304 logements (4000 habitants). Soria est une ville de moins de 40 000 habitants. La Asociación Soriana de Defensa de la Naturaleza (Asden), los Amigos del Museo Numantino, Hacendera y Soria por el Futuro (Ricardo Mínguez, Carmen Heras, José Francisco Yusta y Luis Giménez) luttent depuis des années pour protéger cet environnement extraordinaire. Merci à eux !

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2021/02/07/antonio-machado-y-soria/

Campos de Soria (Antonio Machado)

VIII
He vuelto a ver los álamos dorados,
álamos del camino en la ribera
del Duero, entre San Polo y San Saturio,
tras las murallas viejas
de Soria – barbacana
hacia Aragón, en castellana tierra -.

Estos chopos del río, que acompañan
con el sonido de sus hojas secas
el son del agua cuando el viento sopla,
tienen en sus cortezas
grabadas iniciales que son nombres
de enamorados, cifras que son fechas.

¡ Álamos del amor que ayer tuvisteis
de ruiseñores vuestras ramas llenas;
álamos que seréis mañana liras
del viento perfumado en primavera;
álamos del amor cerca del agua
que corre y pasa y sueña,
álamos de las márgenes del Duero,
conmigo váis, mi corazón os lleva !

Campos de Castilla, 1912.

Terres de Soria

VIII

Je suis revenu voir les peupliers dorés,
Peupliers du chemin sur le rivage
du Douro, entre San Polo et San Saturio,
au-delà des vieilles murailles
de Soria – barbacane tournée
vers l’Aragon, en terre castillane.

Ces peupliers de la rivière, qui accompagnent
du bruissement de leurs feuilles sèches
le son de l’eau, quand le vent souffle,
ont sur l’écorce,
gravées, des initiales qui sont des noms
d’amoureux, des chiffres qui sont des dates.
Peupliers de l’amour dont les branches hier
étaient remplies de rossignols;
peupliers qui serez demain les lyres
du vent parfumé au printemps;
peupliers de l’amour près de l’eau
qui coule, passe et songe,
peupliers des berges du Douro,
vous êtes en moi, mon coeur vous emporte !

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de la guerre. 2004. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.

Soria. Statue de Gustavo Alfonso Bécquer (Ricardo González).

Antonio Machado – Raquel Lanseros

Antonio Machado (Alfonso). Vers 1927

Antonio Machado est mort il y a 85 ans, le 22 février 1939 à Collioure. C’était le mercredi des Cendres. Le 5 mai 1941, il est expulsé post-mortem de sa chaire de professeur de lycée par les autorités franquistes. Il ne sera réhabilité comme professeur qu’en 1981. Son corps sera transféré le 16 juillet 1958 dans une autre tombe, achetée grâce à des dons venant du monde entier. Parmi les donateurs : Pau Casals, Albert Camus, André Malraux, René Char. Sur la pierre tombale se trouve depuis des décennies une boîte aux lettres qui ne désemplit pas.

“Hoy es siempre todavía”

CXX

Dice la esperanza: un día
la verás, si bien esperas.
Dice la desesperanza:
sólo tu amargura es ella.
Late, corazón… No todo
se lo ha tragado la tierra.

Campos de Castilla, 1907-17

CXX
Un jour tu la verras,
dit l’espérance,
si tu sais espérer.
Et la désespérance :
elle n’est rien
que ta souffrance.
Et le cœur bat…
La terre n’a pas
tout emporté.

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.

Raquel Lanseros.

 Raquel Lanseros est née à Jerez de la Frontera, España en 1973. Prix National de la Critique pour Matria (Madrid, Visor, 2018). Une anthologie récente : Sin ley de gravedad. Poesía reunida (2005-2022), Madrid, Visor, 2018.

22 de febrero (Raquel Lanseros)

Estos días azules y este sol de la infancia (Antonio Machado)

La poesía es azul
aunque a veces la vistan de luto.
Viento del sur escultor de cipreses
ahoga la tierra honda de dolor y de rabia.

Abel Martín, conciencia en desbandada
pájaro entre dos astros
nombrador primigenio de las cosas.
Juan de Mairena íntegro
espejo limpio donde se refleja
el rostro que tenemos de verdad.

Nos dejaste la vida
la palabra fecunda
la desnudez, la brisa.
Nos dejaste las hojas y el rocío
el mar
las instrucciones
para aprender a andar sobre las aguas.

Y después te marchaste.
Mejor dicho: te echaron a empujones.
Siempre molestan los ángeles perdidos.

Dicen que desde entonces en Collioure
no ha dejado jamás de ser invierno.

Croniria. Hiperión, Madrid, 2009. El éxodo de las nubes.

María Victoria Atencia

SAZÓN

Ya está todo en sazón. Me siento hecha, 
me conozco mujer y clavo al suelo 
profunda la raíz, y tiendo en vuelo 
la rama, cierta en ti, de su cosecha. 

¡Cómo crece la rama y qué derecha! 
Todo es hoy en mi tronco un solo anhelo 
de vivir y vivir: tender al cielo, 
erguida en vertical, como la flecha

que se lanza a la nube. Tan erguida 
que tu voz se ha aprendido la destreza 
de abrirla sonriente y florecida. 

Me remueve tu voz. Por ella siento 
que la rama combada se endereza 
y el fruto de mi voz se crece al viento. 

 Arte y parte. Madrid,Colección Adonais.1961.
https://paulatinygriego.wordpress.com/2021/07/13/poesia-maria-victoria-atencia.sazon/
María Victoria Atencia.

Rainer Maria Rilke

Lettre écrite par le poète à la vieille de sa mort à Nimet Eloui Bey.

” Madame, oui, misérablement, horriblement malade, et douloureusement jusqu’à un point que je n’ai jamais osé imaginer. C’est cette souffrance déjà anonyme, que les médecins baptisent, mais qui, elle, se contente à nous apprendre trois ou quatre cris où notre voix ne se reconnaît point. Elle qui avait l’éducation des nuances !

Point de fleurs, Madame, je vous en supplie, leur présence excite les démons dont la chambre est pleine. Mais ce qui m’est venu avec les fleurs, s’ajoutera la grâce de l’invisible. Oh merci !

(mercredi) 29 décembre 1926. “

La dernière amitié de Rainer Maria Rilke. Arguments, Les vies imaginaires. 2023.

Tombe de Rainer Maria Rilke. Cimetière de Rarogne (Suisse)

Rainer Maria Rilke est décédé des suites d’une leucémie le 29 décembre 1926 dans un sanatorium de Val-Mont, au-dessus de Montreux (Suisse). Il est enterré au cimetière de Rarogne. Il avait rencontré Nimet Eloui Bey en 1926 à Lausanne. Celle-ci, de souche circassienne ou tcherkesse, était née vers 1903 au Caire. Elle avait épousé à 18 ans Aziz Eloui Bey, riche homme d’affaires égyptien que la photographe Lee Miller lui ravit. Elle est morte à Neuilly le 4 août 1943.

Nimet Eloui Bey (Lee Miller), années 30.

Luis Cernuda

Luis García Montero évoque dans son article d’Infolibre du 23 décembre 2023 le magnifique poème de Luis Cernuda, Soliloquio del farero.

https://www.infolibre.es/opinion/columnas/verso-libre/soledad_129_1673638.html

Retrato de Luis Cernuda (Eduardo Arroyo).

Cómo llenarte, soledad,
sino contigo misma…

De niño, entre las pobres guaridas de la tierra,
quieto en ángulo oscuro,
buscaba en ti, encendida guirnalda,
mis auroras futuras y furtivos nocturnos,
y en ti los vislumbraba,
naturales y exactos, también libres y fieles,
a semejanza mía,
a semejanza tuya, eterna soledad.

Me perdí luego por la tierra injusta
como quien busca amigos o ignorados amantes;
diverso con el mundo,
fui luz serena y anhelo desbocado,
y en la lluvia sombría o en el sol evidente
quería una verdad que a ti te traicionase,
olvidando en mi afán
cómo las alas fugitivas su propia nube crean.

Y al velarse a mis ojos
con nubes sobre nubes de otoño desbordado
la luz de aquellos días en ti misma entrevistos,
te negué por bien poco;
por menudos amores ni ciertos ni fingidos,
por quietas amistades de sillón y de gesto,
por un nombre de reducida cola en un mundo fantasma,
por los viejos placeres prohibidos
como los permitidos nauseabundos,
útiles solamente para el elegante salón susurrado,
en bocas de mentira y palabras de hielo.

Por ti me encuentro ahora el eco de la antigua persona
que yo fui,
que yo mismo manché con aquellas juveniles traiciones;
por ti me encuentro ahora, constelados hallazgos,
limpios de otro deseo,
el sol, mi dios, la noche rumorosa,
la lluvia, intimidad de siempre,
el bosque y su alentar pagano,
el mar, el mar como su nombre hermoso;
y sobre todo ellos,
cuerpo oscuro y esbelto,
te encuentro a ti, tú, soledad tan mía,
y tú me das fuerza y debilidad
como el ave cansada los brazos de la piedra.

Acodado al balcón miro insaciable el oleaje,
oigo sus oscuras imprecaciones,
contemplo sus blancas caricias;
y ergido desde cuna vigilante
soy en la noche un diamante que gira advirtiendo a los hombres,
por quienes vivo, aun cuando no los vea;
y así, lejos de ellos,
ya olvidados sus nombres, los amo en muchedumbres,
roncas y violentas como el mar, mi morada,
puras ante la espera de una revolución ardiente
o rendidas y dóciles, como el mar sabe serlo
cuando toca la hora de reposo que su fuerza conquista.

Tú, verdad solitaria,
transparente pasión, mi soledad de siempre,
eres inmenso abrazo;
el sol, el mar,
la oscuridad, la estepa,
el hombre y su deseo,
la airada muchedumbre,
¿qué son sino tú misma?

Por ti, mi soledad, los busqué un día;
en ti, mi soledad, los amo ahora.

Invocaciones, 1935.

Soliloque d’un gardien de phare

Comment t’emplir, solitude
sinon de toi-même…

Editorial Renacimiento, 2021. Facsímil de la que salió en 1936 de los talleres de Manuel Altolaguirre para Ediciones del Árbol.

Antonio Machado

Antonio Machado (José Machado Ruiz 1879-1958), vers 1940. Madrid, Museo del Prado.

Un poème d’Antonio Machado. Nostalgia de Andalucía. Nostalgia de Castilla.

CXXV

En estos campos de la tierra mía,
y extranjero en los campos de mi tierra
—yo tuve patria donde corre el Duero
por entre grises peñas,
y fantasmas de viejos encinares,
allá en Castilla, mística y guerrera,
Castilla la gentil, humilde y brava,
Castilla del desdén y de la fuerza—,
en estos campos de mi Andalucía,
¡oh tierra en que nací!, cantar quisiera.
Tengo recuerdos de mi infancia, tengo
imágenes de luz y de palmeras,
y en una gloria de oro,
de lueñes campanarios con cigüeñas,
de ciudades con calles sin mujeres
bajo un cielo de añil, plazas desiertas
donde crecen naranjos encendidos
con sus frutas redondas y bermejas;
y en un huerto sombrío, el limonero
de ramas polvorientas
y pálidos limones amarillos,
que el agua clara de la fuente espeja,
un aroma de nardos y claveles
y un fuerte olor de albahaca y hierbabuena,
imágenes de grises olivares
bajo un tórrido sol que aturde y ciega,
y azules y dispersas serranías
con arreboles de una tarde inmensa;
mas falta el hilo que el recuerdo anuda
al corazón, el ancla en su ribera,
o estas memorias no son alma. Tienen,
en sus abigarradas vestimentas,
señal de ser despojos del recuerdo,
la carga bruta que el recuerdo lleva.
Un día tornarán, con luz del fondo ungidos,
los cuerpos virginales a la orilla vieja.

Lora del Río. 4 de abril de 1913.

Debolsillo. 9,99 euros. Nueva edición de la poesía completa de Antonio Machado, con numerosos inéditos y variantes
Edición a cargo de Víctor Fernández.

CXXV

Dans ces campagnes de mon pays,
et étranger dans les campagnes de mon pays
– moi j’avais ma patrie là où le Douro coule
entre des rochers gris
et des fantômes d’anciennes chênaies,
là-bas en Castille, mystique et guerrière,
noble Castille, humble et sauvage,
Castille du mépris et de la force –,
dans ces campagnes de mon Andalousie,
oh ! terre où je naquis ! je voudrais chanter.
J’ai des souvenirs de mon enfance, j’ai
des images de lumière et de palmiers,
et dans une gloire d’or,
de clochers lointains avec des cigognes,
de villes avec des rues sans femmes,
sous un ciel indigo, de places désertes
où poussent des orangers flamboyants
avec leurs fruits ronds et vermeils ;
et dans un jardin sombre, le citronnier
aux branches poussiéreuses
et aux pâles citrons jaunes
que reflète l’eau claire du bassin,
un arôme d’iris et d’œillets
et une forte odeur de basilic et de menthe ;
des images de grises oliveraies
sous un soleil torride qui étourdit et aveugle,
et de montagnes bleues et dispersées
sous les rougeurs d’un soir immense ;
mais il manque le fil qui noue le souvenir
au cœur, l’ancre au rivage,
ou ces souvenirs ne sont pas de l’âme. Ils ont
sous leurs vêtements bigarrés,
qui montrent qu’ils sont des dépouilles de la mémoire,
la charge brute que le souvenir garde.
Un jour imprégnés de la lumière des profondeurs,
les corps virginaux s’en reviendront à l’ancien rivage.

Lora del Río. 4 avril 1913.

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.

(Para Concha T.A. ¡ Cómo te echamos de menos! )

Gustavo Adolfo Bécquer 1836 – 1870

Retrato de Gustavo Adolfo Bécquer. (Valeriano Bécquer). 1862. Sevilla, Museo de Bellas Artes.

Gustavo Adolfo Domínguez Bastida, connu sous le nom de Gustavo Adolfo Bécquer, vient d’une famille de peintres d’origine flamande installée à Séville au XVII ème siècle. Orphelin à onze ans, il eut une vie marquée par la maladie, les déceptions et la pauvreté. Il découvre dans sa jeunesse la poésie dans la bibliothèque de sa marraine. Il fréquente les ateliers de peinture de sa ville où son père José María Domínguez Bécquer (1805-1841) est connu. Son frère, Valeriano Domínguez Bécquer (1833-1870), dont il sera très proche, est aussi peintre. Il arrive à Madrid en 1854 et connaît la misère jusqu’en 1860. C’est à cette période qu’il écrit la plupart des poèmes qui composeront Rimas. En 1861, il se marie et devient journaliste. Il est censeur de romans de 1865 à 1868 et mène alors une vie plus confortable. Son frère Valeriano meurt le 23 septembre 1870. Gustavo Adolfo disparaît le 22 décembre 1870. Il est considéré comme le précurseur de la poésie espagnole contemporaine. Ses oeuvres sont publiées par ses amis en deux tomes après sa mort au cours de l’été 1871. Le recueil Rimas est constitué de 86 poèmes. Il est marqué par la poésie andalouse, les chants populaires, le romantisme (Heine, Hugo, Espronceda, Zorrilla). On retrouve des échos de sa poésie chez Rubén Darío, Antonio Machado, Juan Ramón Jiménez et chez les poètes de la génération de 1927, particulièrement chez Luis Cernuda.

Sevilla, Parque de María Luisa. Glorieta de Gustavo Adolfo Bécquer. (Lorenzo Coullaut Valera) 1911. Busto del poeta.

I

Yo sé un himno gigante y extraño
que anuncia en la noche del alma una aurora,
y estas páginas son de este himno
cadencias que el aire dilata en la sombras.

Yo quisiera escribirlo, del hombre
domando el rebelde, mezquino idioma,
con palabras que fuesen a un tiempo
suspiros y risas, colores y notas.

Pero en vano es luchar; que no hay cifra
capaz de encerrarle, y apenas ¡oh hermosa!
si teniendo en mis manos las tuyas
pudiera, al oído, cantártelo a solas.

Rimas.

I

Je sais un hymne géant et étrange
Qui annonce dans la nuit de l’âme une aurore,
Et ces pages sont de cet hymne
Cadences que l’air dilate dans les ombres.

Je voudrais l’écrire, de l’homme
Domptant le rebelle et mesquin langage,
Avec des paroles qui fussent en un seul temps
Soupirs et ris, couleurs et notes.

Mais c’est en vain lutter ; point de chiffre
Capable de l’enserrer et c’est à peine – oh belle ! –
Si, ayant dans mes mains les tiennes,
Je pourrais, à l’oreille, te le chanter dans notre solitude.

Anthologie bilingue de la poésie espagnole. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 1995. Traduction Robert Pingeard.

Paco Ibáñez a chanté les poèmes de Bécquer.

https://www.youtube.com/watch?v=vfdhl-7-lQU

LIII

Volverán las oscuras golondrinas
en tu balcón sus nidos a colgar,
y, otra vez, con el ala a sus cristales
jugando llamarán;
pero aquéllas que el vuelo refrenaban
tu hermosura y mi dicha al contemplar,
aquéllas que aprendieron nuestros nombres…
ésas… ¡no volverán!

Volverán las tupidas madreselvas
de tu jardín las tapias a escalar,
y otra vez a la tarde, aun más hermosas,
sus flores se abrirán;
pero aquéllas, cuajadas de rocío,
cuyas gotas mirábamos temblar
y caer, como lágrimas del día…
ésas… ¡no volverán!

Volverán del amor en tus oídos
las palabras ardientes a sonar;
tu corazón, de su profundo sueño
tal vez despertará;
pero mudo y absorto y de rodillas,
como se adora a Dios ante su altar,
como yo te he querido…, desengáñate:
¡así no te querrán!

Rimas.

LIII

Les noires hirondelles reviendront
Suspendre à ta fenêtre leurs doux nids
Et de nouveau, de l’aile, dans leurs jeux,
Frapperont à ta vitre.
Mais celles qui volaient plus doucement
Pour mieux voir ta beauté et mon bonheur,
Celles qui surent ton nom et le mien,
Non, ne reviendront plus.

Le chèvrefeuille en touffes reviendra
Escalader les murs de ton jardin
Et de nouveau, le soir, encor plus belles,
Les fleurs en écloront.
Mais celles dont nous regardions les gouttes
De la rosée qui les comblait trembler
Et s’écouler comme larmes du jour,
Non, ne reviendront plus.

Les accents de l’amour, à tes oreilles,
Reviendront faire leur ardent murmure ;
De son profond sommeil ton cœur peut-être,
Ton cœur s’éveillera.
Mais, en suspens, muet, agenouillé,
Comme on adore Dieu devant l’autel,
Comme je t’ai aimée, détrompe-toi,
On ne t’aimera plus.

Anthologie de la poésie espagnole, Stock, 1957. Traduction Mathilde Pomès.

LX

Mi vida es un erial,
flor que toco se deshoja;
que en mi camino fatal
alguien va sembrando el mal
para que yo lo recoja.

Rimas.

LX

Ma vie est un désert ;
fleur que je touche est fleur qui meurt.
Sur mon chemin fatal,
quelqu’un sème le mal
pour que je le recueille.

Sevilla, Parque de María Luisa. Glorieta de Gustavo Adolfo Bécquer. (Lorenzo Coullaut Valera) 1911. Busto del poeta. Representación del amor que llega, del amor presente y del amor perdido. Ciprés de los pantanos.

Merci à Gio Bonzon de m’avoir rappelé “Mi vida es un erial”,

Vicente Aleixandre et Málaga

(Pour Gio Bonzon)

Vicente Aleixandre est un poète espagnol qui fait partie de la Génération de 1927. Il est né le 26 avril 1898 à Séville, la même année que Federico García Lorca. Il est élevé à Málaga (“la ciudad del paraíso”). Il souffre toute sa vie des conséquences d’une néphrite tuberculeuse. En 1932, il subit une extraction du rein droit. À cause de sa “mauvaise santé de fer”, il sort peu de sa maison de Madrid (Velintonia, 3, aujourd’hui, Vicente Aleixandre), située près de la Cité Universitaire. Tous les artistes qui comptent à cette époque viennent lui rendre visite. À la fin de la Guerre d’Espagne, il reste en Espagne et aide les jeunes poètes de l’après-guerre qui le considèrent comme un maître. Il obtient le Prix Nobel de littérature en 1977. Il meurt à Madrid le 13 décembre 1984. La Asociación de Amigos de Vicente Aleixandre (Velintonia 3) essaie depuis plus de 25 ans de sauver cet endroit de la destruction et de créer une Maison de la Poésie. Est-ce que le nouveau Ministre de la Culture, Ernest Urtasun, sauvera enfin cet endroit ?

Ciudad del paraíso

A mi ciudad de Málaga

Siempre te ven mis ojos, ciudad de mis días marinos.
Colgada del imponente monte, apenas detenida
en tu vertical caída a las ondas azules,
pareces reinar bajo el cielo, sobre las aguas,
intermedia en los aires, como si una mano dichosa
te hubiera retenido, un momento de gloria, antes de hundirte
para siempre en las olas amantes.

Pero tú duras, nunca desciendes, y el mar suspira
o brama, por ti, ciudad de mis días alegres,
ciudad madre y blanquísma donde viví, y recuerdo,
angélica ciudad que, más alta que el mar, presides sus espumas.

Calles apenas, leves, musicales. Jardines
donde flores tropicales elevan sus juveniles palmas gruesas.
Palmas de luz que sobre las cabezas aladas,
mecen el brillo de la brisa y suspenden
por un instante labios celestiales que cruzan
con destino a las islas remotísimas, mágicas,
que allá en el azul índigo, libertadas, navegan.

Allí también viví, allí, ciudad graciosa, ciudad honda.
Allí, donde los jóvenes resbalan sobre la piedra amable,
y donde las rutilantes paredes besan siempre
a quienes siempre cruzan, hervidores, en brillos.

Allí fui conducido por una mano materna.
Acaso de una reja florida una guitarra triste
cantaba la súbita canción suspendida en el tiempo;
quieta la noche, más quieto el amante,
bajo la luna eterna que instantánea transcurre.

Un soplo de eternidad pudo destruirte,
ciudad prodigiosa, momento que en la mente de un Dios emergiste.
Los hombres por un sueño vivieron, no vivieron,
eternamente fúlgidos como un soplo divino.

Jardines, flores. Mar alentado como un brazo que anhela
a la ciudad voladora entre monte y abismo,
blanca en los aires, con calidad de pájaro suspenso
que nunca arriba ¡Oh ciudad no en la tierra!

Por aquella mano materna fui llevado ligero
por tus calles ingrávidas. Pie desnudo en el día.
Pie desnudo en la noche. Luna grande. Sol puro.
Allí el cielo eras tú, ciudad que en él morabas.
Ciudad que en él volabas con tus alas abiertas.

Sombra del Paraíso (1939-1943), 1944.

Málaga, Port.

Cité du paradis

Á Malaga, ma ville.

Mes yeux toujours te revoient, ville de mes jours marins.
Au mont imposant accrochée, ta chute verticale
dans les yeux bleues de justesse arrêtée,
tu sembles régner sous le ciel, sur les eaux,
suspendue dans les airs, comme si une main heureuse
t’avait retenue un instant de gloire, avant que tu ne t’enfonces
à jamais dans les vagues aimantes.

Mais tu dures et jamais ne descends, la mer soupire
ou rugit après toi, cité de mes jours joyeux,
cité mère et si blanche où j’ai vécu et que j’évoque,
angélique cité qui, dominant la mer, présides ses écumes.

Rues à peine, légères, musicales. Jardins
où les fleurs tropicales dressent leurs jeunes, fortes palmes.
Palmes de lumière, ailées, qui, sur les têtes
bercent l’éclat de la brise et retiennent
un instant les célestes lèvres appareillant
vers les très lointaines et magiques îles,
qui là-bas dans le ciel indigo, naviguent, libérées.

Là aussi j’ai vécu, cité gracieuse, cité profonde.
Là où les jeunes gens glissent sur la pierre aimable,
où les murs rutilants toujours baisent
ceux qui sans cesse passent, murs bouillonnants qui étincellent.

Là me conduisait une main maternelle.
D’une grille fleurie une guitare triste
peut-être chantait la soudaine chanson suspendue dans le temps ;
tranquille était la nuit, et plus encore l’amant
sous la lune éternelle qui passe en un instant.

Un souffle d’éternité aura pu te détruire,
cité prodigieuse, moment où dans l’esprit d’un Dieu tu émergeas.
Les hommes dans le rêve vécurent, ils n’ont pas vécu,
éternellement brillants comme un souffle divin.

Jardins, fleurs. Mer respirant comme un bras qui aspire
à la ville volant entre abîme et montagne,
blanche dans les airs, pareille à l’oiseau en suspens
qui jamais ne se pose. Ô cité qui n’es pas de ce monde !

Par cette main maternelle, je fus conduit léger
au long de tes rues irréelles. Pieds nus dans le jour.
Pieds nus dans la nuit. Lune immense. Soleil pur.
Là-bas le ciel c’était toi, ville qu’il abritait.
Ô ville qui volais les ailes déployées !

Poésie totale. Gallimard, 1977. Traduction: Roger-Noël Mayer.

Málaga, Travesía Pintor Nogales.