Luis Cernuda

Luis Cernuda.

Luis Cernuda écrit ce poème le 6 juillet 1929 à Madrid. Il figure dans la célèbre anthologie de Gerardo Diego. Poesía española: antología 1915-1931. Madrid, 1932. Anaphores et anadiploses…

“Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?”

Estoy cansado

Estar cansado tiene plumas,
tiene plumas graciosas como un loro,
plumas que desde luego nunca vuelan,
mas balbucean igual que loro.

Estoy cansado de las casas,
prontamente en ruinas sin un gesto;
estoy cansado de las cosas,
con un latir de seda vueltas luego de espaldas.

Estoy cansado de estar vivo,
aunque más cansado sería el estar muerto;
estoy cansado del estar cansado
entre plumas ligeras sagazmente,
plumas del loro aquel tan familiar o triste,
el loro aquel del siempre estar cansado.

Un río, un amor, 1929.

Rainer Maria Rilke

Rainer Maria Rilke. Statue qui se trouve dans un jardin situé derrière l’Hôtel Reina Victoria à Ronda, Il séjourne dans cet établissement du 9 décembre 1912 au 19 février 1913. Il nomme cette ville andalouse “La Ville rêvée”.

Pour me fêter fait pendant au recueil Pour te fêter adressé à Lou Andreas-Salomé. Il paraît en décembre 1900. La plupart des textes sont rédigés entre novembre 1897 et fin mai 1898. Ils sont repris dans une nouvelle édition très remaniée publiée en mai 1909 sous le titre Poèmes de l’aube.

Pour me fêter

Telle est la nostalgie: habiter dans les vagues
et ne jamais avoir d’asile dans le temps.
Et tels sont les désirs: dialogues à voix basse
des heures quotidiennes avec l’éternité.

Et ainsi va la vie – jusqu’à ce que des heures
de la veille s’élève la plus solitaire
qui, souriant autrement que ses sœurs,
s’offre en silence à l’éternel.

3 novembre 1897.

°°°
Les pauvres mots que la vie quotidienne
flétrit, les mots sans éclat, je les aime.
Je leur prodigue les couleurs de mes fêtes,
et ils sourient et lentement trouvent la joie.

Ils chauffent leurs blanches joues d’hiver
au miracle qui survint à leur douleur;
jamais encore ils ne furent chantés,
mais frémissants, dans mon chant ils s’avancent.

°°°

Tu ne dois pas chercher à comprendre la vie,
elle sera dès lors pour toi comme une fête.
Laisse chaque jour te combler
comme un enfant qui passe
se voit comblé de fleurs
par chaque brise.

Il ne lui vient pas à l’esprit
de les ramasser ni de les garder.
Doucement de sa chevelure,
tendre prison, il les enlève,
et à ses chères jeunes années
il tend les mains pour avoir d’autres fleurs.

°°°

Les rêves de ta vie profonde,
libère-les de leur ténèbre.
Ils sont jeux d’eaux et tombent
plus clairs et en pauses chantantes
dans le sein de leurs vasques.

Et je sais maintenant : deviens tel un enfant
Toute angoisse n’est qu’un commencement;
mais la terre est illimitée,
et la peur n’en est que le geste
et le désir en est le sens.

Oeuvres 2. Poésie. Poèmes de jeunesse. Le Seuil. 1972. Traduction Jacques Legrand.

Luis Cernuda

Luis Cernuda. Ayamonte (Huelva). 1934.

Ce poème fait partie du recueil Los placeres prohibidos qui ne sera publié pour la première fois qu’en 1936 dans La Realidad y el Deseo. Cette oeuvre est le produit d’une période de production intense à Madrid en avril, mai et juin 1931. Elle correspond à la chute de la monarchie d’Alfonso XIII et à la proclamation de la République. L’allusion à “la araña de la razón” fait référence à Friedrich Nietzsche.

Ainsi parlait Zarathoustra. 1883-85. Traduction Henri Albert . Le Mercure de France.1903. Troisième partie: Avant le lever du soleil.
« J’ai mis en place de cette volonté, cette pétulance et cette folie, lorsque j’ai enseigné: «Une chose est impossible partout – et cette chose est le sens raisonnable! »
Un peu de raison cependant, un grain de sagesse, dispersé d’étoile en étoile, – ce levain est mêlé à toutes choses: c’est à cause de la folie que la sagesse est mêlée à toutes choses!
Un peu de sagesse est possible; mais j’ai trouvé dans toutes choses cette certitude bienheureuse: elles préfèrent danser sur les pieds du hasard.
Ô ciel au-dessus de moi, ciel pur et haut! Ceci est maintenant pour moi ta pureté qu’il n’existe pas d’éternelle araignée et de toile d’araignée de la raison: –
– que tu es un lieu de danse pour les hasards divins, que tu es une table divine pour le jeu de dés et les joueurs divins! – »

Telarañas cuelgan de la razón

Telarañas cuelgan de la razón
En un paisaje de ceniza absorta;
Ha pasado el huracán de amor,
Ya ningún pájaro queda.

Tampoco ninguna hoja,
Todas van lejos, como gotas de agua
De un mar cuando se seca,
Cuando no hay ya lágrimas bastantes,
Porque alguien, cruel como un día de sol en primavera,
Con su sola presencia ha dividido en dos un cuerpo.

Ahora hace falta recoger los trozos de prudencia,
Aunque siempre nos falte alguno;
Recoger la vida vacía
Y caminar esperando que lentamente se llene,
Si es posible, otra vez, como antes,
De sueños desconocidos y deseos invisibles.

Tú nada sabes de ello,
Tú estás allá, cruel como el día;
El día, esa luz que abraza estrechamente un triste muro,
Un muro, ¿no comprendes?,
Un muro frente al cuál estoy sólo.

Abril de 1931.
Los placeres prohibidos, 1931.

Des fils d’araignée couvrent la raison

Des fils d’araignée couvrent la raison,
Méditative dans un décor de cendres;
L’ouragan de l’amour est passé,
Il ne reste aucun oiseau.

Et plus aucune feuille,
Elles s’en vont, comme des gouttes d’eau
D’une mer qui s’assèche,
Quand il ne reste plus assez de larmes,
Car un être, cruel comme un jour de printemps ensoleillé,
Par sa seule présence, a divisé un corps en deux.

Il faudra maintenant rassembler les morceaux de prudence,
Il en manque toujours un;
Rassembler l’existence vide
Et marcher avec l’espoir qu’un jour elle se remplisse,
À nouveau, comme avant, si possible,
De rêveries inconnues et de désirs invisibles.

Mais toi, tu n’en sais rien,
Tu es loin, cruel comme le jour;
Le jour, lumière qui étreint étroitement un triste mur,
Un mur, le comprends-tu?
Un mur devant lequel je suis seul.

Les plaisirs interdits. Presse Sorbonne Nouvelle. 2010. Traduction: Françoise ÉTIENVRE, Serge SALAÜN, Zoraida CARANDELL, Laurie-Anne LAGET, Melissa LECOINTRE.

Fernando Pessoa

Fernando Pessoa. 1 février 1935. Dernière photo (Augusto Ferreira Gomes).

« Je relis – plongé dans une de ces somnolences sans sommeil où l’on s’amuse intelligemment sans intelligence – certaines des pages qui formeront, rassemblées, mon livre d’impressions décousues. Et voici qu’il monte de ces pages, telle l’odeur de quelque chose de bien connu, une impression désertique de monotonie. Je sens que, même en disant que je suis toujours différent, j’ai répété sans cesse la même chose; que je suis plus semblable à moi-même que je ne voudrais l’avouer; et qu’en fin de compte, je n’ai eu ni la joie de gagner, ni l’émotion de perdre. Je suis une absence de bilan de moi-même, un manque d’équilibre spontané, qui me consterne et m’affaiblit.
Tout ce que j’ai écrit est grisâtre. On dirait que ma vie entière, et jusqu’à ma vie mentale, n’a été qu’un long jour de pluie, où tout est internement et pénombre, privilège vide et raison d’être oubliée. Je me désole en haillons de soie. Je m’ignore moi-même, en lumière et ennui.
Mon humble effort, pour dire au moins qui je suis, pour enregistrer, comme une machine à nerfs, les impressions les plus minimes de ma vie subjective et suraiguë – tout cela s’est vidé soudain comme un seau d’eau qu’on renverse, et qui a trempé le sol comme l’eau de toute chose. Je me suis fabriqué à coups de couleurs fausses – et le résultat, c’est mon empire de pacotille. Ce coeur, auquel j’avais confié en dépôt les grands événements d’une prose vécue, me semble aujourd’hui écrit dans le lointain de ces pages que je relis d’une âme différente, la vieille pompe d’un jardin de province, montée par instinct, actionnée par nécessité. J’ai fait naufrage sans la moindre tempête, dans une mer où j’avais pied.
Et je demande à ce qui me reste de conscient, dans cette suite confuse d’intervalles entre des choses qui n’existent pas, à quoi cela a servi de remplir tant de pages avec des phrases auxquelles j’ai cru, les croyant miennes, des émotions que j’ai ressenties comme pensées, des drapeaux et des oriflammes d’armées qui n’étaient, en fin de compte, que des bouts de papier collés avec sa salive par la fille d’un mendiant s’abritant dans les encoignures.
Je demande à ce qui reste de moi à quoi riment ces pages inutiles, consacrées au rebut et aux ordures, perdues avant même d’exister parmi les bouts du papier du Destin.
Je m’interroge, et je poursuis. J’écris ma question, je l’emballe dans de nouvelles phrases, la désenchevêtre de nouvelles émotions. Et je recommencerai demain à écrire, poursuivant ainsi mon livre stupide, les impressions journalières de mon inconviction, en toute froideur.
Qu’elles se poursuivent donc, telles qu’elles sont. Une fois achevée la partie de dominos – et qu’on l’ait gagnée ou perdue -, on retourne toutes les pièces, et tout le jeu, alors, est noir.”

Le livre de l’intranquillité. Christian Bourgois Éditeur. Édition de 1999. 442. p.419.

«Releio, em uma destas sonolências sem sono, em que nos entretemos inteligentemente sem a inteligência, algumas das páginas que formarão, todas juntas, o meu livro de impressões sem nexo. E delas me sobe, como um cheiro de coisa conhecida, uma impressão deserta de monotonia. Sinto que, ainda ao dizer que sou sempre diferente, disse sempre a mesma coisa; que sou mais análogo a mim mesmo do que quereria confessar; que, em fecho de contas, nem tive a alegria de ganhar nem a emoção de perder. Sou uma ausência de saldo de mim mesmo, de um equilíbrio involuntário que me desola e enfraquece. Tudo, quanto escrevi, é pardo. Dirse-ia que a minha vida, ainda a mental, era um dia de chuva lenta, em que tudo é desacontecimento e penumbra, privilégio vazio e razão esquecida. Desolo-me a seda rota. Desconheço-me a luz e tédio. Meu esforço humilde, de sequer dizer quem sou, de registrar, como uma máquina de nervos, as impressões mínimas da minha vida subjetiva e aguda, tudo isso se me esvaziou como um balde em que esbarrassem, e se molhou pela terra como a água de tudo. Fabriquei-me a tintas falsas, resultei a império de trapeira. Meu coração, de quem fiei os grandes acontecimentos da prosa vivida, parece-me hoje, escrito na distância destas páginas relidas com outra alma, uma bomba de quintal de província, instalada por instinto e manobrada por serviço. Naufraguei sem tormenta num mar onde se pode estar de pé. E pergunto ao que me resta de consciente nesta série confusa de intervalos entre coisas que não existem, de que me serviu encher tantas páginas de frases em que acreditei como minhas, de emoções que senti como pensadas, de bandeiras e pendões de exércitos que são, afinal, papéis colados com cuspo pela filha do mendigo debaixo dos beirais. Pergunto ao que me resta de mim a que vêm estas páginas inúteis, consagradas ao lixo e ao desvio, perdidas antes de ser entre os papéis rasgados do Destino. Pergunto, e prossigo. Escrevo a pergunta, embrulho-a em novas frases, desmeado-a de novas emoções. E amanhã tornarei a escrever, na seqüência do meu livro estúpido, as impressões diárias do meu desconvencimento com frio. Sigam, tais como são. Jogado o dominó, e ganho o jogo, ou perdido, as pedras viram-se para baixo e o jogo findo é negro.»

Livro do Desassossego por Bernardo Soares. Assírio & Alvim, 1998.

Luis de Góngora

Portrait de Luis de Góngora y Argote (Diego Velázquez) 1622. Boston, Musée des Beaux-Arts.

Philippe C. a publié aujourd’hui sur Facebook Inscripción para el sepulcro de Dominico Greco que Jean Cassou considérait comme un des plus beaux sonnets du poète andalou. on peut retrouver son article publié dans Le Mercure de France en 1924. Il tenait dans cette revue, environ une fois par mois, la rubrique des Lettres espagnoles.

http://viedelabrochure.canalblog.com/archives/2018/06/21/36505347.html?fbclid=IwAR1LllvsFc8RXQTlOEgDuBE_Z2arlgcGj4DSVRfUgIGa1u7HxwWc41nSAJw

il insistait aussi sur la richesse et la diversité de la poésie de Luis de Góngora y Argote (1561-1627). On trouve aussi dans son oeuvre des élégies d’un ton simplement populaire. Ainsi, le premier disque de Paco Ibáñez était dédié à deux monuments de la poésie andalouse: Luis de Góngora y Federico García Lorca. Il y a longtemps déjà, nous écoutions La más bella niña.

1580

La más bella niña
de nuestro lugar,
hoy viuda y sola,
ayer por casar,
viendo que sus ojos
a la guerra van,
a su madre dice
que escucha su mal:
dejadme llorar
orillas del mar.

Pues me distes, madre,
en tan tierna edad
tan corto el placer,
tan largo el pesar,
y me cautivastes
de quien hoy se va
y lleva las llaves
de mi libertad:
dejadme llorar
orillas del mar.

En llorar conviertan
mis ojos de hoy más,
el sabroso oficio
del dulce mirar,
pues que no se pueden
mejor ocupar
yéndose a la guerra
quien era mi paz.
dejadme llorar
orillas del mar.

No me pongáis freno
ni queráis culpar;
que lo uno es justo,
lo otro por demás.
Si me queréis bien,
no me hagáis mal;
harto peor fue
morir y callar:
dejadme llorar
orillas del mar.

Dulce madre mía,
¿quién no llorará,
aunque tenga el pecho
como un pedernal,
y no dará voces
viendo marchitar
los más verdes años
de mi mocedad?
Dejadme llorar
orillas del mar.

Váyanse las noches,
pues ido se han
los ojos que hacían
los míos velar;
váyanse y no vean
tanta soledad,
después que en mi lecho
sobra la mita:
dejadme llorar
orillas del mar.

https://www.youtube.com/watch?v=t5m9Pov0i0o

Ce poème de Góngora est une réélaboration d’un romance primitif. Il fait probablement aussi référence aux levées de troupes qui se eurent lieu au moment de la Guerre des Alpujarras entre 1568 et 1571. La population morisque grenadine s’était soulevée pour protester contre la sanction pragmatique de 1567 qui portait atteinte à sa liberté religieuse.

Carlos Pezoa Véliz – Roberto Bolaño

Carlos Pezoa Véliz. Vers 1905.

Le poète et journaliste chilien , anarchiste et autodidacte, Carlos Pezoa Véliz, de son vrai nom Carlos Enrique Moyano Jaña, est né à Santiago le 21 juillet 1879.

Il est très gravement blessé aux jambes lors du terrible tremblement de terre qui secoue Valparaíso le 16 août 1906 et cause 3000 morts et 20 000 blessés. Les murs de la pension où il habite à Viña del Mar s’écroulent sur lui. Il fait de longs séjours dans les hôpitaux de Santiago et meurt, à 28 ans, le 21 avril 1908 de tuberculose. Son œuvre complète est éditée en 1927 sous le titre de Poesías y prosas completas (Editorial Renacimiento). On retrouve un peu l’influence de sa poésie rebelle, ironique et populaire chez Nicanor Parra. Roberto Bolaño pensait que le poème Tarde en el hospital méritait de figurer dans une anthologie de la mélancolie latinoaméricaine (voir son article La poesía chilena y la intemperie. Numero Chile de la revue Litoral. Poesía contemporánea con una mirada al arte actual (número 223-224. 1999). Cette revue, encore bien vivante, a été fondée à Málaga en 1926 par les poètes Emilio Prados et Manuel Altolaguirre.

Tarde en el hospital

Sobre el campo el agua mustia
cae fina, grácil, leve;
con el agua cae angustia:
llueve…

Y pues solo en amplia pieza,
yazgo en cama, yazgo enfermo,
para espantar la tristeza,
duermo.

Pero el agua ha lloriqueado
junto a mí, cansada, leve;
despierto sobresaltado:
llueve…

Entonces, muerto de angustia
ante el panorama inmenso,
mientras cae el agua mustia,
pienso.

1907.

Litoral. Número 223-224. 1999.

César Vallejo

Étang du Maubuée l’hiver.

César Vallejo, un de mes poètes préférés, toutes langues confondues. J’aimerais me promener au bord de la Marne.

El libro de la naturaleza

Profesor de sollozo – he dicho a un árbol –
palo de azogue, tilo
rumoreante, a la orilla del Mame, un buen alumno
leyendo va en tu naipe, en tu hojarasca,
entre el agua evidente y el sol falso,
su tres de copas, su caballo de oros.

Rector de los capítulos del cielo,
de la mosca ardiente, de la calma manual que hay en los asnos;
rector de honda ignorancia, un mal alumno
leyendo va en tu naipe, en tu hojarasca,
el hambre de razón que le enloquece
y la sed de demencia que le aloca.

Técnico en gritos, árbol consciente, fuerte,
fluvial, doble, solar, doble, fanático,
conocedor de rosas cardinales, totalmente
metido, hasta hacer sangre, en aguijones, un alumno
leyendo va en tu naipe, en tu hojarasca,
su rey precoz, telúrico, volcánico, de espadas.

¡Oh profesor, de haber tánto ignorado!
¡oh rector, de temblar tánto en el aire!
¡oh técnico, de tánto que te inclinas!
¡Oh tilo! ¡oh palo rumoroso junto al Marne!

21 de octubre de 1937.
Poemas humanos. (1923-1938)

Max Aub – Juan Ramón Jiménez

Max Aub en su despacho de Radio UNAM, Universidad Nacional Autónoma de México, 1962 (Ricardo Salazar)

41 jours de confinement. Je range ma bibliothèque principale. Je retrouve certains livres, délaissés depuis longtemps. Cuerpos presentes de Max Aub. Biblioteca “Max Aub” Fundación Max Aub, 2001. De magnifiques portraits de littérature et de vie. Ceux de Juan Ramón Jiménez et de Luis Cernuda sont à signaler.

J.R.J

” Nunca quise conocerle. Bastábamos los demás; lo que decía de ellos, ellos de él. No le importaban tanto las palabras ajenas como los afectos incondicionales. Además yo tenía por entonces la sospecha de que iba a gustarme la poesía con barba.
Con el tiempo muy pasado, nos escribimos cada vez con mayor cordialidad. Seguía con su manía persecutoria, pero ya no podía ir, por las buenas a su casa.

-¿Vienes?

-No.

Tampoco me pedían explicaciones. Después murieron los dos y algo mío también, y a todos los que les conocieron se les quedó algo muerto dentro.
España fue un país agraciado en el primer tercio del siglo XX; no porque Juan Ramón fuera o no mejor que Eliot o Valéry sino porque uno podía ir o no a su casa o sentarse a perder el tiempo con Valle, con Machado, con Federico o irse a París o quedarse en Madrid para andar y beber con Buñuel, y Dalí era todavía una persona decente. Y Américo Castro y Salinas y Moreno Villa estaban en Medinaceli o en la residencia. Y Ortega daba clases. No es cierto aquello de que «Cualquier tiemo fue mejor». Aquel tiempo, sí.

-¿Vienes?

-No.

O se iba uno a hablar catalán con Rita o López Picó en un café de las Ramblas o al teatro con Canedo.
Hace un tercio de siglo que no he ido a Madrid ni a Barcelona. Sé que rebosan salud y hay de todo en los bares y en las pastelerías, y que puede hablarse sin cuidado tan mal del gobierno como lo hacíamos entonces. Y, sin duda, el Prado sigue siendo el Prado. Pero la cultura no es eso, ni que Valle, Unamuno, Azaña pudieran decir lo que quisieran. Era un aire. Y nadie lo recogió mejor, sin nombrarlo, que Juan Ramón. Todos ellos están mal enterrados, sobre todo, parece mentira, el andaluz universal que debe de llevarse tan mal con muchos del otro mundo como le pasó con algunos de éste.
Hombre difícil de olvidar, sobre todo si no se le conoció, como yo. ¡Qué Juan Ramón aquél ! ¡Qué Juan Ramón éste! ¿Desde cuándo no hubo un poeta como él?”

Julio Cortázar – Manuel Vicent

Julio Cortázar.

L’écrivain et journaliste Manuel Vicent a publié dans El País le 27 août 2006 un bel article qui montre l’importance de cet écrivain pour les gens de notre génération.

Con el sonido y la libertad del jazz

Tenía las piernas demasiado largas para ser ciclista, pero se paseaba por París montado en una bicicleta que había bautizado con el nombre de Aleluya, por aquel París que de buena mañana, con las calles recién regadas, olía a croasán y a pan caliente. Vivía como un estudiante y no era un estudiante; daba la sensación de estar exiliado y no era un exiliado; queda por saber si Julio Cortázar era realmente argentino y no un ser desarraigado, que había convertido la literatura fantástica, el jazz, la pintura de vanguardia, el boxeo y el cine negro en su única patria y París en una metáfora, en una cartografía íntima. Si ser argentino consiste en estar triste y en estar lejos, Julio Cortázar hizo de su parte todo lo posible por responder a ese modelo, que cada lector podía armar y desarmar a su manera.

Había nacido en Bruselas, en 1914, hijo de madre francesa y de un diplomático argentino, agregado comercial de la embajada de su país en Bélgica, que los abandonó al poco tiempo. Pasó la infancia en Banfield, una barriada al sur de la capital porteña, y en la adolescencia una enfermedad le permitió comerse mil libros; luego se graduó de maestro y fue profesor en la universidad de Cuyo, en Mendoza, pero su espíritu refinado acabó por chocar contra lo más grasiento del peronismo. Hubo otros enredos. Por la pasión con una de sus alumnas, Nelly Martín, aquellos burgueses de provincias lo aislaron con un cordón sanitario, y el hecho de que un día se negara en público a besar el anillo del nuncio Serafini acabó por convertirlo en un proscrito. Estaba ya listo para decir adiós a todo aquello.

El joven Cortázar conoció a la traductora Aurora Bernárdez, hija de emigrantes gallegos, que sería su primera mujer; en 1951 consiguió una beca del gobierno francés y con ese pretexto se instaló definitivamente en París. Ya había escrito Bestiario, el primer libro de cuentos, ponderado por Borges, que se convertiría en el germen de su fama. Realmente, se sentía muy lejos. Podías imaginarlo sentado en la terraza de cualquier café del Barrio Latino midiendo con la mente la distancia que lo separaba de Buenos Aires, mientras escribía Rayuela, su obra maestra, sin ahorrarse un gramo de melancolía. Tal vez por allí cruzaban los grandes del jazz, de paso por París, que después de una noche de gloria en la sala Pleyel volvían a llenar el depósito de whisky en el mercadillo callejero de la rue de Seine, antes de irse a la cama en el hotel La Louisiane, donde se hospedaban. En esa calle empieza la acción de Rayuela, por allí va Oliveira hasta el arco del Quai de Conti para encontrarse con la Maga. En ese hotel vivieron Sartre y Simone de Beauvoir. Y también Albert Camus y Juliette Greco. Ahora, en su angosto ascensor, unas chicas molonas que soñaban con ser modelos de Yves Saint Laurent se entreveraban con Miles Davis y Charlie Parker, uno con la trompeta y otro con el saxo a cuestas.

Amar a Cortázar fue el oficio obligado de toda una generación. En él se reconoció una tribu, que a mitad de los años sesenta había descubierto con sorpresa que en castellano también se podía escribir con la misma libertad con que suena el jazz, rompiendo el principio de causalidad, o de la manera con que Duchamp cambiaba de sitio los objetos cotidianos y los colocaba en un lugar imprevisto para que una mirada nueva los convirtiera en arte. Un argentino con acento francés que arrastraba guturalmente las erres podía ser muy seductor, y si encima usaba gafas de carey negro como Roger Vadim sin necesitarlas, y aún tenía la cara de joven universitario de la Sorbona a los 50 años y el jersey de cuello vuelto le hacía juego con el mechón de pelo que le sombreaba la frente y aparecía en las fotos tocando la trompeta y se comportaba con una ética personal coherente con lo que escribía, no es extraño que produjera estragos entre los lectores libres e imaginativos de entonces. No había ninguna chica que, después de leer Rayuela, no soñara con ser la Maga.

Cuando en 1981 Mitterrand le concedió la nacionalidad francesa, en una pared de Buenos Aires apareció esta pintada: “Volvé, Julio, qué te cuesta”. Cortázar volvió a Buenos Aires para visitar a su madre muy enferma y se le vio vagar por el aeropuerto de Eceiza como un extraño, sin que nadie hubiera acudido a recibirle. Nunca fue aceptado por ninguna autoridad establecida. Hoy, en el barrio de Palermo de Buenos Aires hay una plazoleta con su nombre, de la que arranca la calle dedicada a Jorge Luis Borges y muy cerca se alarga un paredón donde en la oscuridad se sacrifican los travestis.

Conoció otros amores. La lituana Ugnė Karvelis forzó su divorcio con Aurora y lo concienció políticamente, y a partir de entonces hubo el otro Cortázar: el que bajó de la torre de marfil al barro para comprometerse con las causas perdidas, el que firmaba manifiestos, presidía tribunales contra las tiranías de Videla y de Pinochet, el que amaba a Salvador Allende y el sandinismo de Nicaragua; esta actitud militante, unida a su estética de vanguardia, fue una mezcla explosiva para sus lectores de izquierdas, pero acabó por distanciarlo de algunos viejos amigos y colegas latinoamericanos que antepusieron su ideología a su admiración. Luego su pasión por Carol Dunlop le hizo cabalgar en otros viajes, uno de los cuales fue el que los llevó al más allá. Carol partió primero a causa de la leucemia y dos años después esta misma enfermedad acabó también con el escritor. A medida que envejecía su rostro lampiño iba recobrando las facciones de un niño, con sus mismas piernas interminables. Murió el 12 de febrero de 1984 en el hospital de St Lazare y la gallega Aurora Bernárdez, que había vuelto a su lado, lo acompañó hasta el final durmiendo en una colchoneta en el suelo.

Cortázar está enterrado en la misma tumba de Carol, en el cementerio de Montparnasse, y sus fieles, cuando la visitan, cumplen con el rito de dejar sobre la nubecilla grabada en la losa un vaso de vino y un papel con el dibujo de una rayuela, ese juego de los niños en la calle. Sin premios, ni medallas, ni academias, ni ropones severos, se fue al otro mundo sólo con la pasión de sus lectores. En Cortázar amábamos lo que París tenía de libertad y a toda una lista de amores, personajes y lugares secretos, que uno podía confeccionar en un minuto, y también a todas las chicas que pasaban en bicicleta, con la baguette y un libro en la cestilla del manillar y que podían ser la Maga.

Manuel Vicent.

Cristina Peri Rossi – Julio Cortázar

J’ai lu avec intérêt le livre de souvenirs de la romancière et poète uruguayenne Cristina Peri Rossi Julio Cortázar y Cris. (Ediciones Cálamo, 2014). Elle rend hommage à Julio Cortázar qu’elle rencontra en 1974. Ils vécurent à Paris et Barcelone une relation intense d’amitié amoureuse jusqu’à la mort de l’écrivain argentin à l’hôpital saint-Lazare le 12 février 1984. Celui-ci écrivit Quince poemas de amor a Cris, publiés en 1984 dans Salvo el crepúsculo (Alfaguara, 1984). Ce livre a été édité en français sous le titre Crépuscule d’automne. Traduction: Silvia Baron Supervielle. Paris, José Corti, 2010.

Quelques citations:

«No me gusta viajar, me gustan las personas»

«La provincia literatura es la provincia vida, son el mismo país.»

«Desde entonces pienso que tendríamos que conservar la voz de nuestros seres queridos como conservamos las fotografías o los objetos fetiche.»

«El tiempo real es el pasado, el tiempo inmediato es el pasado.»

«¿Quién que lee no es un melancólico, quién que escribe no lo es?»

«Lo cierto es que ni a vos ni a mí nos atraía mucho la cala, aunque nos gustaba mirar el mar; más bien nos repelía la arena, ese lugar donde se crían bichos conchudos.»

«-¿Sabés una cosa? A los pocos días de la muerte de Carol, levanté el teléfono y escuché un mensaje grabado. Era de Onetti. Decía: «El de arriba es un Hijo de Puta.»

«Los paranoicos son los únicos que comprenden el misterio de la vida.»

Texte lu à la Maison de l’Améerique Latine en espagnol par Julio Cortázar et en français Laure Bataillon un soir des années 80 après la mort de Carol Dunlop.

Las líneas de la mano (Julio Cortázar)

“De una carta tirada sobre la mesa sale una línea que corre por la plancha de pino y baja por una pata. Basta mirar bien para descubrir que la línea continúa por el piso de parqué, remonta el muro, entra en una lámina que reproduce un cuadro de Boucher, dibuja la espalda de una mujer reclinada en un diván y por fin escapa de la habitación por el techo y desciende en la cadena del pararrayos hasta la calle. Ahí es difícil seguirla a causa del tránsito, pero con atención se la verá subir por la rueda del autobús estacionado en la esquina y que lleva al puerto. Allí baja por la media de nilón cristal de la pasajera más rubia, entra en el territorio hostil de las aduanas, rampa y repta y zigzaguea hasta el muelle mayor y allí (pero es difícil verla, solo las ratas la siguen para trepar a bordo) sube al barco de turbinas sonoras, corre por las planchas de la cubierta de primera clase, salva con dificultad la escotilla mayor y en una cabina, donde un hombre triste bebe coñac y escucha la sirena de partida, remonta por la costura del pantalón, por el chaleco de punto, se desliza hasta el codo y con un último esfuerzo se guarece en la palma de la mano derecha, que en ese instante empieza a cerrarse sobre la culata de una pistola.”

Historias de cronopios y de famas, 1962.

Les lignes de la main

D’une lettre jetée sur la table s’échappe une ligne qui court sur la veine d’une planche et descend le long d’un pied. Si l’on regarde attentivement, on s’aperçoit qu’à terre la ligne suit les lames du parquet, remonte le long du mur, entre dans une gravure de Boucher, dessine l’épaule d’une femme allongée sur un divan et enfin s’échappe de la pièce par le toit pour redescendre dans la rue par le câble du paratonnerre. Là il est difficile de la suivre à cause du trafic mais si l’on s’en donne la peine, on la verra remonter sur la roue d’un autobus arrêté qui va au port… Elle monte sur le bateau aux sonores turbines, glisse sur les planches du pont de première classe, franchit avec difficulté la grande écoutille et, dans une cabine où un homme triste boit du cognac, elle remonte la couture de son pantalon, gagne son pull-over, se glisse jusqu’au coude et, dans un dernier effort, se blottit dans la paume de sa main droite qui juste à cet instant saisit un revolver.

Cronopes et fameux, Gallimard, Collection du Monde entier, 1977. Traduction: Laure Guille-Bataillon. Folio n° 2435, 1992.

Édition hongroise. Institut Cervantes de Budapest.