Julio Cortázar – Carlos Fuentes – Gabriel García Márquez – Mario Vargas Llosa – Milan Kundera

Las cartas del Boom (Julio Cortázar, Carlos Fuentes, Gabriel García Márquez Mario Vargas Llosa) 2023. Edición de Carlos Aguirre, Gerald Martin, Javier Munguía y Augusto Wong Campos. Alfaguara, juin 2023. 568 pages.

https://www.youtube.com/watch?v=fsPQ81CmFME

En août 1968, Julio Cortázar, Carlos Fuentes, Gabriel García Márquez y Mario Vargas Llosa et d’autres intellectuels espagnols et latino-américains signent une lettre de protestation contre l’invasion de Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie.

Le Monde, 26 août 1968

Une protestation d’intellectuels espagnols et latino-américains de Paris

Des Intellectuels espagnols et latino – américains résidant à Paris ont adressé à l’Union des écrivains de l’U.R.S.S. un message dont nous extrayons le passage suivant :
” Les soussignés, écrivains et intellectuels espagnols et latino-américains, dont la position démocratique et anti – impérialiste est bien connue, condamnent énergiquement l’agression militaire du gouvernement soviétique et ses alliés du pacte de Varsovie contre le peuple et le gouvernement socialistes de Tchécoslovaquie.

” Ils considèrent cette intervention comme contraire aux principes de la morale internationale, au droit d’autodétermination des peuples, dans la mesure où elle renforce la position américaine au Vietnam, éloigne les espoirs d’un socialisme authentiquement démocratique et sème la division dans le camp des forces progressistes. (…) “

Le texte est signé par : Carlos Barrai, José Maria Castellet, Alfonso Carlos Comin, Julio Cortazar, Francisco Fernandez Santos, Carlos Fuentes, Juan Garcia Hortellano, Gabriel Garcia Marquez, Jaime Gil de Biedma, Angel Gonzalez, Juan Goytisolo, Luis Goytisolo, Jesus Lopez Pacheco, Ana Maria Matute, Jorge Semprun, José Angel Valente, Mario Vargas Llosa.

Bonnieux (Vaucluse), 15 août 1970. C’est la seule photo où apparaissent ensemble les 4 principaux écrivains du Boom. (Jordan Schnitzer Museum of Art, Université de l’Orégon.

En décembre 1968, Carlos Fuentes, Julio Cortázar et Gabriel García Márquez voyagent ensemble à Prague à l’invitation de l’Union des écrivains tchécoslovaques. Trois livres de Cortázar (El perseguidor y otros relatos, Rayuela, Historias de cronopios y de famas ) ainsi que deux romans de Fuentes (La región más transparente, La muerte de Artemio Cruz) ont déjà été traduits en tchèque. L’édition de Cien años de soledad de García Márquez est en préparation. La revue Listy, dirigée alors par Antonin Liehm (volume 2, n°6), publie le 13 février 1969 un entretien entre les trois écrivains et Petr Pujman : Literatura en América Latina Julio Cortázar Carlos Fuentes, et Gabriel García Márquez. (pages 479-484)

Carlos Fuentes El otro K. Prólogo de La vida está en otra parte (Barcelona, Seix Barral, 1979) y Vuelta (México, n°28, marzo de 1979)

« En diciembre de 1968, tres latinoamericanos friolentos descendimos de un tren en la terminal de Praga. Entre París y Múnich, Cortázar, García Márquez y yo habíamos hablado mucho de literatura policial y consumido cantidades heroicas de cerveza y salchicha. Al acercarnos a Praga, un silencio espectral nos invitó a compartirlo (…) Kundera nos dio cita en un baño de sauna a orillas del río para contarnos lo que había pasado en Praga. Parece que era uno de los pocos lugares sin orejas en los muros. »

Julio Cortázar

Julio Cortázar Carlos Fuentes Gabriel García Márquez Mario Vargas Llosa, Las Cartas del Boom. Alfaguara, 2023. Edition de Carlos Aguirre, Gerald Martin, Augusto Wong Campos et Javier Munguía.

Ce livre réunit la correspondance entre les quatre principaux romanciers du Boom latino-américain. Gabriel García Márquez a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1982 et Mario Vargas Llosa en 2010.

il regroupe 207 lettres qu’ils se sont envoyées entre 1955 et 2012. Toutes n’ont pas été retrouvées. Elles mettent bien en valeur l’importance qu’ a eu leur amitié. Ils se lisaient attentivement, se donnaient des conseils, s’aidaient et se voyaient régulièrement. En 1971, se produit l’affaire Heberto Padilla (1932-2000). Ce poète cubain qui s’est montré critique envers le régime de son pays est emprisonné, puis placé en résidence surveillée. Il doit s’exiler aux États-Unis en 1980. Dans un premier temps, les quatre écrivains signent, avec d’autres figures de la gauche internationale, une lettre de protestation qui est publiée dans Le Monde le 9 avril 1971. Puis Vargas Llosa lance une deuxième campagne, mais Cortázar et García Márquez se désolidarisent de cette nouvelle action. Cette affaire provoqua une rupture majeure entre l’intelligentsia de gauche et le régime de Fidel Castro alors que castrisme jouissait jusque-là de la sympathie et du soutien de nombreux intellectuels en Europe et dans le monde.

En 1971, Julio Cortázar écrit : “Hay algo peor, y es el sentimiento de que cosas que quiero mucho pueden resquebrajarse, amistades de muchos años y afectos muy hondos”.

La dernière lettre du livre est datée du 14 mars 2012. Carlos Fuentes l’envoie à Gabriel García Márquez pour le 85 ème anniversaire de l’écrivain colombien alors que ce dernier a déjà perdu complètement la mémoire :

“ Muy querido Gabriel:

¡Felicidades por tus 85!

¡Pensar que nos conocimos hace medio siglo!

Nuestras vidas son inseparables.

Te agradezco tus grandes libros.

Tu cuate.

Carlos Fuentes.”

Julio Cortázar et son chat Flanelle. Paris, 1982.

Beaucoup de passages sont très drôles. Un des chats de Julio Cortázar s’appelait Teodoro W. Adorno.

Ernesto González Bermejo, Revelaciones de un Cronopio: Conversaciones con Cortárzar. Montevideo, Ediciones de la Banda Oriental, 1986.

« Desde niño el reino vegetal me ha sido profundamente indiferente (…) En cambio los animales me fascinan; el mundo de los insectos, de los mamíferos, descubrir poco a poco afinidades y similitudes. Yo considero que el gato es mi animal totémico y los gatos lo saben. »

Les révélations d’un cronope. Entretiens avec Julio Cortázar. p.69-70. VLB éditeur, 1990. (Traduction : Javier García Méndez)

« Depuis l’enfance le règne végétal m’est profondément indifférent. Je n’ai jamais bien distingué un eucalyptus d’un bananier. J’aime les fleurs mais je ne me ferais pas un jardin. Les animaux, par contre, me fascinent ; le monde des insectes, des mammifères, découvrir peu à peu les affinités et les similitudes. Je considère que le chat est mon animal totémique, et les chats le savent ; j’ai pu le constater souvent en arrivant chez des amis qui ont des chiens et des chats : les chiens sont indifférents à mon égard, mais les chats me cherchent tout de suite. Cela me rappelle un peu cette vieille nouvelle à moi – Circe – dans laquelle les animaux suivaient Delia, le personnage maléfique qui fabriquait des bonbons aux cafards pour ses fiancés ( cette nouvelle dont nous disions qu’elle a guéri ma petite névrose liée à la nourriture). Là, il y avait une relation de magie noire, absolument fantastique, entre certains animaux et Delia. Dans mon cas, c’est plutôt une bonne relation diurne. Le chat sait qui je suis ; je sais qui est le chat. Il n’y a plus rien à dire : nous sommes des amis, un point, c’est tout, et chacun de son côté.
Si on soumettait mes livres à des statistiques, on trouverait que le pourcentage d’animaux est énorme. Pour commencer, mon premier livre s’intitule Bestiario. Il est très fréquent, d’ailleurs, que les êtres humains soient perçus comme des animaux dans mes textes, ou considérés sous un angle animal. Il y a certains climats dans lesquels ils sont perçus de manière zoologique.
Pour moi, ça a été un grand plaisir, il y a quelques années que Ricci, l’éditeur italien, me demande un texte pour accompagner la publication des très belles gravures de Zötl, un naïf autrichien. J’ai alors écrit un texte qui n’a rien à voir avec les gravures mais où je raconte des souvenirs d’animaux, des anecdotes de toutes sortes.
Dans mon territoire du fantastique il y a, en effet, une grande circulation d’animaux. Je crois que cela est aussi en rapport avec le monde onirique, parce que même les archétypes jungiens – le thème du taureau, le thème du lion – reviennent dans les rêves et sont toujours des symboles sexuels ou de volonté ou de puissance. Chez moi, cela se produit au plan de la nouvelle. »

Glenda Jackson 1936-2023

Glenda Jackson (Bernarda), Joan Plowright (La Poncia) dans La maison de Bernarda Alba.

Glenda Jackson est née le 9 mai 1936 à Birkenhead, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Fille d’un maçon et d’une femme de ménage, elle quitte l’école à 16 ans et travaille comme préparatrice en pharmacie. Elle intègre une troupe de théâtre amateur. Malgré le manque de soutien familial, elle est reçue à la prestigieuse Académie royale d’art dramatique de Londres. Elle connaît le succès en 1964 dans Hamlet de William Shakespeare, puis dans Marat-Sade, la pièce de Peter Weiss, mise en scène par Peter Brook.
Au cinéma, elle a reçu deux Oscars : en 1971 pour Love de Ken Russell (Women in Love, d’après le roman de D.H.Lawrence Femmes amoureuses) et en 1974 pour Une maîtresse dans les bras, une femme sur le dos de Melvin Frank (A touch of Class)

Elle se lance en politique pour combattre Margaret Thatcher qu’elle accuse de détruire la société britannique. Entre 1992 et 2015, elle siège à la Chambre des communes comme députée travailliste de Hampstead and Highgate (district londonien de Camden). Elle consacre une attention particulière aux pauvres, aux chômeurs et aux malades. Elle est nommée sous-secrétaire d’état aux transports dans le gouvernement de Tony Blair de 1997 à 1999. Elle en devient une farouche opposante après l’invasion de l’Irak en 2003.

En avril 2013, lors des hommages parlementaires rendus à Margaret Thatcher à la suite de son décès, elle dresse la liste des dégâts matériels et moraux du thatchérisme qu’elle a pu constater dans sa circonscription : hôpitaux sans argent et sans médicaments, écoles sans moyens et sans livres pour faire cours, des milliers de sans-abris supplémentaires à la suite des fermetures d’hôpitaux psychiatriques. Elle ajoute que, pendant le mandat de Margaret Thatcher, tout ce qui était traditionnellement considéré comme un vice, comme la cupidité, l’égoïsme, le dédain pour les plus fragiles, la rapacité, était vu comme des vertus.

Elle est morte le 15 juin 2023 à 87 ans.

Je me souviens de sa présence au cinéma, de sa voix grave et de son interprétation extraordinaire dans La Casa de Bernarda Alba de Federico García Lorca, sous la direction de Núria Espert au Lyric Hammersmith en 1986 (Téléfilm de 1991. Mise en scène : Stuart Burge et Núria Espert). Elle a toujours refusé toute sophistication et recherché l’authenticité.

Julio Cortázar a écrit une nouvelle, publiée en 1980 Queremos tanto a Glenda que j’ai relue hier.

Nous l’aimons tant, Glenda. Traduction : Laure Guille-Bataillon et Françoise Campo-Timal, Gallimard, 1982 ; réédition, Gallimard, Folio n° 5728, 2014.

Résumé : Un groupe de fans de l’actrice Glenda Garson (adaptation du nom de l’actrice Glenda Jackson) commence à voler tous les films de l’actrice pour les remplacer par des versions éditées cherchant à montrer « la perfection de l’actrice ». Lorsque Glenda annonce sa retraite, le groupe est heureux de considérer que leur travail est terminé. Cependant, lorsque l’actrice change d’avis, ils décident de prendre des mesures drastiques.

https://www.literatura.us/cortazar/aglenda.html

Julio Cortázar, Queremos tanto a Glenda.

« De golpe los errores, las carencias se nos volvieron insoportables ; no podíamos aceptar que Nunca se sabe por qué terminara así, o que El fuego de la nieve incluyera la infame secuencia de la partida de póker (en la que Glenda no actuaba pero que de alguna manera la manchaba como un vómito, ese gesto de Nancy Phillips y la llegada inadmisible del hijo arrepentido). »

Nous l’aimons tant, Glenda et autres récits.

« Soudain les erreurs, les faiblesses des mises en scène nous furent insupportables ; nous ne pouvions par accepter que On ne sait jamais pourquoi finisse ainsi et que Le feu de la neige comprenne l’infâme séquence de la partie de poker (où Glenda n’apparaissait pas, mais qui l’atteignait quand même comme une éclaboussure de vomi, ce geste de Nancy Philipps et l’inadmissible arrivée du fils repenti). »

Julio Cortázar

Je lis Salvo el crepúsculo de Julio Cortázar. J’ai trouvé ce livre d’occasion chez Gibert, il y a quelques semaines. L’auteur argentin n’est pas un très grand poète, mais ses textes me touchent encore comme dans les années 70-80.

Julio Cortazár, Crépuscule d’automne. Éditions José Corti. Collection Ibériques, 2010. Traduit par Silvia Baron Supervielle.

« Je ne sais pas ce qui rend un livre inoubliable mais je sais que, depuis que je découvris Salvo el crepúsculo, dans la première édition mexicaine, je n’ai jamais pu l’oublier. C’était en 1984, année de la mort de Cortázar. Une nouvelle édition est sortie récemment aux éditions Alfaguara, elle inclut de légères retouches faites par l’auteur sur des épreuves retrouvées. Mais il n’a rien supprimé, ni changé, ni désavoué de cet ensemble de textes d’époques diverses de sa vie, choisis et spécialement réunis par ses soins.
De quelle manière ce livre est arrivé entre mes mains, je ne saurais le dire. J’en suis tombée amoureuse et ensuite il s’est de lui-même enraciné dans mon souvenir. Car peu de temps après, je me suis mise sans succès à le chercher sur mes étagères. Depuis lors, à intervalles réguliers, je n’ai pas cessé d’essayer de le retrouver en vain. Il me semblait impossible de l’avoir perdu ou prêté à quelqu’un ; il avait disparu et je ne me consolais pas. Il m’était cher, il enfermait une signification particulière, une musique, une indépendance, une nostalgie qui trouvaient en moi une résonance pleine.
Après qu’il eut publié Rayuela (Marelle) en Argentine, Cortázar adressa une lettre à son ami Fredi Guthman, où il dit : “Maintenant les philologues, les rhétoriciens, les versés en classifications et en expertises se déchaîneront, mais nous sommes de l’autre côté, dans ce territoire libre et sauvage et délicat où la poésie est possible et arrive jusqu’à nous comme une flèche d’abeilles.… ». (Silvia Baron Supervielle).

Ley del poema (Julio Cortázar)

Amargo precio del poema,
las nueve sílabas del verso;
una de más o una de menos
lo alzan al aire o lo condenan.

Somos el ajedrez de un río,
el naipe siempre entre dos lumbres;
caen las caras y las cruces
a cada curva del camino.

Cae en el verso la palabra,
en el recuerdo llueve el llanto,
cae la noche, cae el pájaro,
todo es caída amortiguada.

¡Oh libertad de no ser libre,
golpe de dados que desata
la sigilosa telaraña
de encrucijadas y deslindes!

Como tu boca a la manzana,
como mis manos a tus senos,
irá la mariposa al fuego
para danzar su última danza.

Salvo el crepúsculo. Alfaguara, 1984.

Loi du poème

Amer est le prix du poème,
les neuf syllabes de chaque vers ;
l’une superflue, l’autre manquante
le font voler ou le condamnent.

Nous sommes l’échiquier d’un cours d’eau
la carte à jouer entre deux feux ;
tombent les faces tombent les piles
chaque fois que tourne le chemin

Tombe le rythme dans les vers,
pleuvent les larmes dans le souvenir,
tombe la nuit, tombe l’oiseau
tout est chute lente sans bruit.

Ô liberté de la prison,
coup de dés qui lance et détache
l’énigmatique toile d’araignée
des murs et des démarcations !

Comme ta bouche découvre la pomme
comme mes mains découvrent tes seins,
le papillon suivra le feu
pour sa dernière danse danser.

Crépuscule d’automne. Éditions José Corti. Collection Ibériques. 2010. Traduction de Silvia Baron Supervielle.

El interrogador

No pregunto por las glorias ni las nieves,
quiero saber dónde se van juntando las golondrinas muertas,
adónde van las cajas de fósforos usadas.
Por grande que sea el mundo
hay los recortes de uñas, las pelusas,
los sobres fatigados, las pestañas que caen.
¿Adonde van las nieblas, la borra del café,
los almanaques de otro tiempo?

Pregunto por la nada que nos mueve;
en esos cementerios conjeturo
que crece poco a poco el miedo,
y que allí empolla el Roc.

Salvo el crepúsculo. Alfaguara, 1984.

L’interrogateur

Je ne questionne pas sur les gloires ni les neiges,
je veux savoir où se retrouvent les hirondelles mortes,
où vont les boîtes d’allumettes usées.
Aussi grand que soit le monde
il y a les ongles à couper, les effiloches,
les enveloppes fatiguées, les cils qui tombent.
Où vont les brumes, le dépôt du café,
les almanachs d’un autre temps ?

Je questionne sur le vide qui nous anime ;
je présume que dans ces cimetières
la peur pousse peu à peu
et que c’est là où couve le Rokh.

Crépuscule d’automne. Éditions José Corti. Collection Ibériques. 2010. Traduction de Silvia Baron Supervielle.

Ixelles (Belgique). Buste de Julio Cortázar (Edmund Valladares-2005) devant la maison où l’écrivain est né, à l’intersection de l’avenue Louis Lepoutre et de la place Brugmann.

Cristina Peri Rossi

Cristina Peri Rossi et Julio Cortázar.

Cristina Peri Rossi est une poétesse, traductrice, nouvelliste et romancière. Elle vient de recevoir le Prix Cervantès 2021, la récompense la plus importante pour la littérature en espagnol . Elle est la sixième femme à obtenir ce prix après María Zambrano (1988), Dulce María Loynaz (1992), Ana María Matute (2010), Elena Poniatowska (2013) et Ida Vitale (2018).

Elle est née à Montevideo le 12 novembre 1941.

Après une licence de littérature comparée, elle commence à enseigner. Son premier recueil de nouvelles, Viviendo, paraît en 1963. Elle publie ensuite un recueil de poèmes, Evohé : poemas eróticos (1971), qui fait scandale par son expression du lesbianisme.

Elle s’exile le 4 octobre 1972, sous le gouvernement autoritaire du président Juan María Bordaberry, sa vie étant menacée. En effet, elle est militante du Frente Amplio et collaboratrice de la revue progressiste Marcha. Après le coup d’état du 27 juin 1973, l’armée détient la réalité du pouvoir en Uruguay. Les livres de Cristina Peri Rossi sont interdits. Elle s’installe à Barcelone en 1974 où elle vit encore aujourd’hui. Elle obtient la nationalité espagnole en 1975, tout en conservant sa nationalité uruguayenne.

Cristina Peri Rossi a publié des nouvelles, des romans et de nombreux recueils de poèmes.

Son oeuvre fait souvent allusion à la répression en Amérique latine dans les années 70 et 80, à la dictature dans les pays du Cône Sud et à l’exil. Elle a rendu hommage à Julio Cortázar dont elle fut proche dans Julio Cortázar et Cris, 2014. J’ai relu ce livre hier soir. J’en avais déjà parlé sur ce blog.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2020/04/24/cristina-peri-rossi-julio-cortazar/

Julio Cortázar avait écrit pour elle 15 poèmes que l’on trouve dans Salvo el crepúsculo (Alfaguara, 1984) : Cinco poemas para Cris, Otros cinco poemas para Cris, Cinco últimos poemas para Cris. Ce livre a été traduit par les Éditions José Corti en 2010 (Crépuscule d’automne. Traduction: Silvia Baron Supervielle. ) Il mêle poésie et prose et avait été assemblé par Cortázar peu avant sa mort le 12 février 1984.

Ouvrages de Cristina Peri Rossi traduits en français :

1976 La tarde del dinosaurio 1980 La rebelión de los niños. Ces deux recueils de nouvelles ont été publiés ensemble sous le titre Le soir du dinosaure. Actes sud, 1985.
1988 Solitario de amor, traduit sous le titre L’Amour sans elle chez Phébus en 1997.

Cinco poemas para Cris (Julio Cortázar)

1.
Ya mucho más allá del mezzo
camin di nostra vita
existe un territorio del amor
un laberinto más mental que mítico
donde es posible ser
lentamente dichoso
sin el hilo de Ariadna delirante
si espumas ni sábanas ni muslos.
Todo se cumple en un reflejo de crepúsculo
tu pelo tu perfume tu saliva.
Y allí del otro lado te poseo
mientras tú juegas con tu amiga
los juegos de la noche.

Julio Cortázar aimait la boxe. Cristina Peri Rossi préférait le football.

Distancia justa (Cristina Peri Rossi)

En el amor y en el boxeo,
todo es cuestión de distancia.
Si te acercas demasiado me excito
me asusto
me obnubilo, digo tonterías
me echo a temblar.
Pero si estás lejos
sufro entristezco
me desvelo
y escribo poemas.

Otra vez Eros, 1994.

Juste distance
 
En amour, et dans la boxe
tout est question de distance.
Si tu t’approches trop je m’excite
m’effraie
m’obnubile, je dis des bêtises
me mets à trembler.
mais si tu es loin
je souffre deviens triste
perds le sommeil
et j’écris des poèmes.

Traduction : Colette Museur.

Palindromes (Julio Cortázar – Juan Filloy – Darío Lancini)

Julio Cortázar. Paris, 1961 (Pierre Boulat)

12/02/2021.

Jour palindrome. En espagnol “día capicúa” (du catalan “cap i cua” = tête et queue).

Nous attendons la naissance de Gabriel à Madrid ce jour. Notre petit-fils va naître un jour palindrome…

Le plus célèbre palindrome espagnol est anonyme: «Dábale arroz a la zorra el abad.» («Il lui donnait du riz, à la renarde, l’abbé»)

Une nouvelle de Julio Cortázar, Satarsa, (Deshoras, 1982. Heures indues, Gallimard, 1986) tourne autour du palindrome Atar a la rata (Attacher le rat). On trouve en épigraphe un autre palindrome, de Juan Filloy celui-là: Adán y raza, azar y nada.

Dans Lejana (Bestiario 1951. Gîtes, Gallimard, 1968), le personnage principal, Alina Reyes, commente le fait qu’elle passe son temps à faire des jeux de mots et à répéter des palindromes: “Los fáciles, salta Lenin el atlas; amigo, no gima; los más difíciles y hermosos, átale, demoníaco Caín, o me delata; Anás usó tu auto, Susana”.

Juan Filloy.

Le roi du palindrome semble bien être l’écrivain et juriste argentin Juan Filloy (1894-2000), décédé à Córdoba (Argentine) à plus de 105 ans. Il en aurait écrit 8 000. Par exemple:
Acaso hubo búhos acá.
Adán y raza, azar y nada.
Allí va Ramón y no maravilla.
Al reparto, otra perla.
Amad a la dama.
Amada dama.
A Mercedes ese de crema.
Amargor pleno con el programa.
Amigo, no gima.
Amó la paloma.
Amo la pacífica paloma.
Amor a Roma.
Ana lava lana.
Ana lleva al oso la avellana.
Ana lleva nenes al abad, al reconocerla, dábala Senén avellana.
Anás usó tu auto, Susana.
Anita lava la tina.
Anita, la gorda lagartona, no traga la droga latina.
Anita patina.
A ruda metralla he de hallarte madura.
Así le ama Elisa.
Así mal oirá Sor Rosario la misa.
Así Ramona va, no Marisa.
A sor Paloma Fidel le difamó la prosa.
A su margen negra musa.
Atale, demoníaco Caín, o me delata.
Atar a la rata.
Ateo por Arabia iba raro poeta.
De cera pareced.
Échele leche.
Edipo lo pide.
Ella te dará detalle.
Ese bello sol le bese.
Eso lo dirá mi marido, lo sé.
Eva usaba rimel y le miraba suave.
Isaac no ronca así.
La moral, claro, mal.
La ruta natural.
La ruta nos aportó otro paso natural.
Le avisará Sara si va él.
Le vino dote de todo nivel.
Luz azul.
No bajará Sara el jabón.
No di mi decoro, cedí mi don.
Nos ideó Edison.
No traces en ese cartón.
Obeso, lo sé: sólo sebo.
O dolor o lodo.
Oír a Darío.
Oirás orar a Rosario.
¡Ojo! corre poco perro cojo.
O rey o joyero.
Robaba oro a babor.
Roza las alas al azor.
Saca tú butacas.
Sale el as.
Salta Lenin el Atlas.
Sarita Sosa es idónea en odiseas o sátiras.
Se es o no se es.
Se laminan animales.
Sí, lo sé Solís.
Si peca Hebe donde su sed no debe, hace pis…
Si tragar era gratis…
Sólo di sol a los ídolos.
Sólo diseca la fe de falaces ídolos.
Sometamos o matemos.
Somos o no somos.
Sor Rebeca hace berros.
¡Sosa ya pagó su soga, payasos!
Subo tu autobús.
¡Y él alababa la ley!
Yo de lo mínimo le doy.

Le poète vénézuélien Darío Lancini (1932-2010) fait preuve lui aussi d’une remarquable agilité verbale. Il est connu pour son oeuvre Oír a Darío (Monte Ávila Editores, 1975) qui réunit trente de ses palindromes. Le plus court n’ a que quatre mots: «Yo hago yoga hoy». L’un d’eux, fait unique en espagnol, en comporte 750, un record (Ubú Rey).

Après la publication de son livre, Julio Cortázar lui écrivit cette lettre admirative:

París 13/3/77

Amigo Darío Lancini, acabo de recibir por Sergio Pitol su maravilloso OÍR A DARÍO. Gracias, muchas gracias por estas horas fascinantes que he pasado con su libro. Un libro interminable porque se vuelve a él una y otra vez, a solas y con los amigos, en plena calle, en pleno sueño.

Me ha hecho usted un regalo que no olvidaré nunca. Al mostrarnos así las dos caras del espejo, nos enriquece en poesía, nos entraña aún más en el vértigo de la palabra. Gracias.

Con un abrazo,

Su amigo
Julio Cortázar.

Un autre exemple remarquable de Darío Lancini:

Amor Azul

Amor azul
Ramera, de todo te di.
Mariposa colosal, sí,
yo de todo te di.
Poda la rosa, Venus.
El átomo como tal
es un evasor alado.
Pide, todo te doy: isla,
sol, ocaso, pirámide.
Todo te daré: mar, luz, aroma.

(Merci à Jean-François M. et à Nathalie de C.)

In girum imus nocte et consumimur igni . Guy Debord, édition critique (Éditions Gérard Lebovici, 1990).

Julio Cortázar

La Toussaint (Jules Bastien-Lepage) v 1882 Musée des Beaux-Arts de Budapest.

Aujourd’hui, dimanche de la Toussaint, un poème de Julio Cortázar:

Los amigos
En el tabaco, en el café, en el vino,
al borde de la noche se levantan
como esas voces que a lo lejos cantan
sin que se sepa qué, por el camino.

Livianamente hermanos del destino,
dióscuros, sombras pálidas, me espantan
las moscas de los hábitos, me aguantan
que siga a flote en tanto remolino.

Los muertos hablan más pero al oído,
y los vivos son mano tibia y techo,
suma de lo ganado y lo perdido.

Así un día en la barca de la sombra,
de tanta ausencia abrigará mi pecho
esta antigua ternura que los nombra.

Salvo el crepúsculo, 1984.

Les amis
Dans le tabac, le café ou l’alcool,
au bord de la nuit ils se redressent
comme ces voix lointaines qui entonnent
une mélodie inconnue sur le chemin.

Comme s’ils étaient des frères du destin,
les ombres pâles des dioscures chassent
les mouches des habitudes et me maintiennent
à la surface d’un tourbillon constant.

Les morts aiment parler mais à l’oreille,
et les vivants sont une main et un toit
qui totalisent le gain et la perte.

Ainsi, un jour, dans la barque de l’ombre,
l’absence de ma poitrine sera habitée
par l’ancienne tendresse qui les nomme.

Crépuscule d’automne. Traduction: Silvia Baron Supervielle. Editions: José Corti. 2010.

Edith Aron – Julio Cortázar

Édith Aron.

Edith Aron est décédée à Londres le 25 mai 2020. Elle avait 96 ans. Julio Cortázar avait utilisé certains aspects de sa personnalité pour construire le personnage de La Sibylle (La Maga) dans son roman Marelle (Rayuela. 1963).

Elle était née dans une famille juive à Hombourg en Sarre en 1923, mais avait émigré avec sa mère en Argentine avant la Seconde Guerre Mondiale. Elle vécut toute sa jeunesse à Buenos Aires. Elle avait rencontré l’écrivain argentin en 1950 dans le bateau qui les menait en France. Elle revenait alors en Europe pour revoir son père qui avait survécu en France à la guerre.

Elle épousa le peintre britannique John Bergin en 1968. Ils eurent une fille Joanna, chanteuse et photographe. Édith Aron et John Bergin vécurent en Argentine, puis en Angleterre. Ils se séparèrent en 1976. Elle traduisit Julio Cortázar en allemand, mais aussi Jorge Luis Borges, Octavio Paz et Silvina Ocampo. Elle vivait dans un petit appartement du quartier St. John’s Wood à Londres.

Rayuela. 1963.

«¿Encontraría a la Maga? Tantas veces me había bastado asomarme, viniendo por la rue de Seine, al arco que da al Quai de Conti, y apenas la luz de ceniza y olivo que flota sobre el río me dejaba distinguir las formas, ya su silueta delgada se inscribía en el Pont des Arts, a veces andando de un lado a otro, a veces detenida en el pretil de hierro, inclinada sobre el agua. Y era tan natural cruzar la calle, subir los peldaños del puente, entrar en su delgada cintura y acercarme a la Maga que sonreía sin sorpresa, convencida como yo de que un encuentro casual era lo menos casual en nuestras vidas, y que la gente que se da citas precisas es la misma que necesita papel rayado para escribirse o que aprieta desde abajo el tubo de dentífrico.»

“Horacio y la Maga no tenían nada que ver, él analizaba demasiado todo, ella sólo vivía”.

Elle disait: “Yo no soy La Maga. Yo soy mi propia persona”.

Marelle (Rayuela) a été publié en France chez Gallimard en 1967. Traduction: Laure Guille-Bataillon et Françoise Rosset. Réédition: Collection L’Imaginaire n° 51, Gallimard 1979.

Julio Cortázar

Paris. Métro ligne 14. Station Bibliothèque François-Mitterrand. Passage de la nouvelle Axototl. “…el tanteo de las finas patas en las piedras…”

«¿Encontraría a la Maga? Tantas veces me había bastado asomarme, viniendo por la rue de Seine, al arco que da al Quai de Conti, y apenas la luz de ceniza y olivo que flota sobre el río me dejaba distinguir las formas, ya su silueta delgada se inscribía en el Pont des Arts, a veces andando de un lado a otro, a veces detenida en el pretil de hierro, inclinada sobre el agua. Y era tan natural cruzar la calle, subir los peldaños del puente, entrar en su delgada cintura y acercarme a la Maga que sonreía sin sorpresa, convencida como yo de que un encuentro casual era lo menos casual en nuestras vidas, y que la gente que se da citas precisas es la misma que necesita papel rayado para escribirse o que aprieta desde abajo el tubo de dentífrico.»

Marelle. 1967. Gallimard. Traduction: Laure Guille Bataillon.

« Allais-je rencontrer la Sibylle? Il m’avait tant de fois suffit de déboucher sous la voûte qui donne Quai Conti en venant de la rue de Seine pour voir, dès que la lumière cendre olive au-dessus du fleuve me permettait de distinguer les formes, sa mince silhouette s’inscrire sur le Pont des Arts, parfois allant et venant, parfois arrêtée contre la rampe de fer, penchée au dessus de l’eau. Et c’était tout naturel de traverser la rue, de monter les marches du pont, d’entrer dans sa mince ceinture et de m’approcher de la Sibylle qui souriait sans surprise, persuadée comme moi qu’une rencontre fortuite était ce qu’il y avait de moins fortuit dans la vie et que les gens qui se donnent des rendez-vous précis sont ceux qui écrivent sur du papier rayé et pressent leur tube de dentifrice par le fond.»

Julio Cortázar (1914-1984) est surtout un grand nouvelliste. Mais son roman Marelle (Rayuela), publié en 1963, a marqué beaucoup d’Hispano-américains et d’Espagnols et a eu une grande influence sur les écrivains de la fin du siècle dernier. Son importance est mise en cause parfois aujourd’hui, mais moi j’aime toujours ce roman.
«Marelle est une sorte de capitale, un de ces livres du XXe siècle auquel on retourne plus étonné encore que d’y être allé, comme à Venise. Ses personnages entre ciel et terre, exposés aux résonances des marées, ne labourent ni ne sèment ni ne vendangent : ils voyagent pour découvrir les extrémités du monde et ce monde étant notre vie c’est autour de nous qu’ils naviguent. Tout bouge dans son reflet romanesque, la fiction se change en quête, le roman en essai, un trait de sagesse zen en fou rire, le héros, Horacio Oliveira, en son double, Traveler, l’un à Paris, l’autre à Buenos Aires.
Le jazz, les amis, l’amour fou – d’une femme, la Sibylle, en une autre, la même, Talita -, la poésie sauveront-ils Oliveira de l’échec du monde ? Peut-être… car Marelle offre plusieurs entrées et sorties. Un mode d’emploi nous suggère de choisir entre une lecture suivie, “rouleau chinois” qui se déroulera devant nous, et une seconde, active, où en sautant de case en case nous accomplirons une autre circumnavigation extraordinaire. Le maître de ce jeu est Morelli, l’écrivain dont Julio Cortázar est le double. Il cherche à ne rien trahir en écrivant et c’est pourquoi il commence à délivrer la prose de ses vieillesses, à “désécrire” comme il dit. D’une jeunesse et d’une liberté inconnues, Marelle nous porte presque simultanément au paradis où on peut se reposer et en enfer où tout recommence.» (Florence Delay.)

Julio Cortázar – Manuel Vicent

Julio Cortázar.

L’écrivain et journaliste Manuel Vicent a publié dans El País le 27 août 2006 un bel article qui montre l’importance de cet écrivain pour les gens de notre génération.

Con el sonido y la libertad del jazz

Tenía las piernas demasiado largas para ser ciclista, pero se paseaba por París montado en una bicicleta que había bautizado con el nombre de Aleluya, por aquel París que de buena mañana, con las calles recién regadas, olía a croasán y a pan caliente. Vivía como un estudiante y no era un estudiante; daba la sensación de estar exiliado y no era un exiliado; queda por saber si Julio Cortázar era realmente argentino y no un ser desarraigado, que había convertido la literatura fantástica, el jazz, la pintura de vanguardia, el boxeo y el cine negro en su única patria y París en una metáfora, en una cartografía íntima. Si ser argentino consiste en estar triste y en estar lejos, Julio Cortázar hizo de su parte todo lo posible por responder a ese modelo, que cada lector podía armar y desarmar a su manera.

Había nacido en Bruselas, en 1914, hijo de madre francesa y de un diplomático argentino, agregado comercial de la embajada de su país en Bélgica, que los abandonó al poco tiempo. Pasó la infancia en Banfield, una barriada al sur de la capital porteña, y en la adolescencia una enfermedad le permitió comerse mil libros; luego se graduó de maestro y fue profesor en la universidad de Cuyo, en Mendoza, pero su espíritu refinado acabó por chocar contra lo más grasiento del peronismo. Hubo otros enredos. Por la pasión con una de sus alumnas, Nelly Martín, aquellos burgueses de provincias lo aislaron con un cordón sanitario, y el hecho de que un día se negara en público a besar el anillo del nuncio Serafini acabó por convertirlo en un proscrito. Estaba ya listo para decir adiós a todo aquello.

El joven Cortázar conoció a la traductora Aurora Bernárdez, hija de emigrantes gallegos, que sería su primera mujer; en 1951 consiguió una beca del gobierno francés y con ese pretexto se instaló definitivamente en París. Ya había escrito Bestiario, el primer libro de cuentos, ponderado por Borges, que se convertiría en el germen de su fama. Realmente, se sentía muy lejos. Podías imaginarlo sentado en la terraza de cualquier café del Barrio Latino midiendo con la mente la distancia que lo separaba de Buenos Aires, mientras escribía Rayuela, su obra maestra, sin ahorrarse un gramo de melancolía. Tal vez por allí cruzaban los grandes del jazz, de paso por París, que después de una noche de gloria en la sala Pleyel volvían a llenar el depósito de whisky en el mercadillo callejero de la rue de Seine, antes de irse a la cama en el hotel La Louisiane, donde se hospedaban. En esa calle empieza la acción de Rayuela, por allí va Oliveira hasta el arco del Quai de Conti para encontrarse con la Maga. En ese hotel vivieron Sartre y Simone de Beauvoir. Y también Albert Camus y Juliette Greco. Ahora, en su angosto ascensor, unas chicas molonas que soñaban con ser modelos de Yves Saint Laurent se entreveraban con Miles Davis y Charlie Parker, uno con la trompeta y otro con el saxo a cuestas.

Amar a Cortázar fue el oficio obligado de toda una generación. En él se reconoció una tribu, que a mitad de los años sesenta había descubierto con sorpresa que en castellano también se podía escribir con la misma libertad con que suena el jazz, rompiendo el principio de causalidad, o de la manera con que Duchamp cambiaba de sitio los objetos cotidianos y los colocaba en un lugar imprevisto para que una mirada nueva los convirtiera en arte. Un argentino con acento francés que arrastraba guturalmente las erres podía ser muy seductor, y si encima usaba gafas de carey negro como Roger Vadim sin necesitarlas, y aún tenía la cara de joven universitario de la Sorbona a los 50 años y el jersey de cuello vuelto le hacía juego con el mechón de pelo que le sombreaba la frente y aparecía en las fotos tocando la trompeta y se comportaba con una ética personal coherente con lo que escribía, no es extraño que produjera estragos entre los lectores libres e imaginativos de entonces. No había ninguna chica que, después de leer Rayuela, no soñara con ser la Maga.

Cuando en 1981 Mitterrand le concedió la nacionalidad francesa, en una pared de Buenos Aires apareció esta pintada: “Volvé, Julio, qué te cuesta”. Cortázar volvió a Buenos Aires para visitar a su madre muy enferma y se le vio vagar por el aeropuerto de Eceiza como un extraño, sin que nadie hubiera acudido a recibirle. Nunca fue aceptado por ninguna autoridad establecida. Hoy, en el barrio de Palermo de Buenos Aires hay una plazoleta con su nombre, de la que arranca la calle dedicada a Jorge Luis Borges y muy cerca se alarga un paredón donde en la oscuridad se sacrifican los travestis.

Conoció otros amores. La lituana Ugnė Karvelis forzó su divorcio con Aurora y lo concienció políticamente, y a partir de entonces hubo el otro Cortázar: el que bajó de la torre de marfil al barro para comprometerse con las causas perdidas, el que firmaba manifiestos, presidía tribunales contra las tiranías de Videla y de Pinochet, el que amaba a Salvador Allende y el sandinismo de Nicaragua; esta actitud militante, unida a su estética de vanguardia, fue una mezcla explosiva para sus lectores de izquierdas, pero acabó por distanciarlo de algunos viejos amigos y colegas latinoamericanos que antepusieron su ideología a su admiración. Luego su pasión por Carol Dunlop le hizo cabalgar en otros viajes, uno de los cuales fue el que los llevó al más allá. Carol partió primero a causa de la leucemia y dos años después esta misma enfermedad acabó también con el escritor. A medida que envejecía su rostro lampiño iba recobrando las facciones de un niño, con sus mismas piernas interminables. Murió el 12 de febrero de 1984 en el hospital de St Lazare y la gallega Aurora Bernárdez, que había vuelto a su lado, lo acompañó hasta el final durmiendo en una colchoneta en el suelo.

Cortázar está enterrado en la misma tumba de Carol, en el cementerio de Montparnasse, y sus fieles, cuando la visitan, cumplen con el rito de dejar sobre la nubecilla grabada en la losa un vaso de vino y un papel con el dibujo de una rayuela, ese juego de los niños en la calle. Sin premios, ni medallas, ni academias, ni ropones severos, se fue al otro mundo sólo con la pasión de sus lectores. En Cortázar amábamos lo que París tenía de libertad y a toda una lista de amores, personajes y lugares secretos, que uno podía confeccionar en un minuto, y también a todas las chicas que pasaban en bicicleta, con la baguette y un libro en la cestilla del manillar y que podían ser la Maga.

Manuel Vicent.