Federico García Lorca

Dernière photo connue de Federico García Lorca. Madrid, Juillet 1936. Il se trouve avec Manuela Arniches à la terrasse du Café Chiki-Kutz, Paseo de Recoletos 29.

Sur Twitter, on peut lire trois publications du journaliste culturel du quotidien La Razón, Víctor Fernández :

” Un día como hoy de 1936, el personaje de esta foto, Ramón Ruiz Alonso, se enteraba del lugar en el que Lorca estaba escondido. Por la tarde, redactaba la denuncia contra él y al día siguiente, con el visto bueno del Gobierno Civil de Granada, detenía al poeta. “

“Le 15 août 1936, ce personnage, Ramón Ruiz Alonso, apprenait où était caché Lorca. L’après-midi, il rédigeait une lettre de dénonciation et le lendemain, avec l’accord de la Préfecture de Grenade, il arrêtait le poète.”

Ramón Ruiz Alonso (1903-1982)

« Un día como hoy de 1936, Lorca fue detenido por los fascistas de Granada. Fue llevado al Gobierno Civil donde lo torturaron. Pocas horas después fue llevado a un paraje entre Víznar y Alfacar donde fue asesinado con otras tres víctimas. »

« Le 16 août 1936, Federico García Lorca fut arrêté par les fascistes de Grenade et emmené à la préfecture où il fut torturé. Peu de temps après il fut transféré dans un endroit entre Víznar et Alfacar où il fut assassiné avec trois autres victimes. »

« Éste es José Valdés Guzmán, el hombre que ordenó el asesinato de Lorca y de centenares de granadinos. Una urbanización lleva hoy su nombre en Granada. »

« Voici José Valdés Guzmán, l’homme qui a ordonné l’assassinat de Lorca et de centaines d’habitants de Grenade. Une zone résidentielle porte aujourd’hui son nom à Grenade. »

José Valdés Guzmán (1891-1939)

Federico García Lorca fut probablement fusillé le 18 août 1936 vers 4h 45 du matin. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il fut exécuté et enterré dans une fosse commune avec un instituteur, Dióscoro Galindo, et deux banderilleros anarchistes, Francisco Galadí et Joaquín Arcollas. José Valdés Guzmán demanda son avis à Gonzalo Queipo de Llano, général putchiste surnommé le vice-roi d’Andalousie. De Séville, celui-ci lui aurait répondu : «Dale café, mucho café». “El crimen fue en Granada”, il y a 87 ans. Le poète fait partie des 130.000 républicains disparus pendant la Guerre Civile et la répression qui suivit la fin du conflit.

Gonzalo Queipo de Llano (1875-1951)

Federico García Lorca – Poète à New York

Le chef-d’œuvre de ­Federico García Lorca, Poète à New York, reparaît dans la collection Pavillons Poche de Robert Laffont pour la modique somme de 11 euros. Cette version bilingue bénéficie d’une nouvelle traduction qui vient après celles de Pierre Darmangeat (Collection NRF Poésie/Gallimard n° 30 , 1968) et d’André Belamich (Blbliothèque de la Pléiade NRF, 1981). Les traductrices, Zoraida Carandell et Carole Fillière, sont professeures aux universités de Nanterre et de Toulouse-Jean-Jaurès. On doit les remercier car ce recueil rend accessible au plus grand nombre des poèmes extraordinaires qui ont eu plus d’influence aux États-Unis qu’en France. On remarque que le poète andalou qui a revendiqué dans ces premiers ouvrages le folklore populaire andalou et a été critiqué alors par ses “amis” Luis Buñuel et Salvador Dalí s’inscrit là dans les formes de l’avant-garde européenne (surréalisme, expressionnisme). La dernière strophe de Fábula y rueda de los tres amigos est une véritable prémonition de l’assassinat par les franquistes du poète le 18 août 1936 à Viznar (Grenade).

https://www.lemonde.fr/livres/article/2023/04/29/poete-a-new-york-mettre-au-jour-la-modernite-de-federico-garcia-lorca_6171543_3260.html

Fábula y rueda de los tres amigos (Federico García Lorca)

Enrique,
Emilio,
Lorenzo.
Estaban los tres helados:
Enrique por el mundo de las camas,
Emilio por el mundo de los ojos y las heridas de las manos,
Lorenzo por el mundo de las universidades sin tejados.

Lorenzo,
Emilio,
Enrique.
Estaban los tres quemados:
Lorenzo por el mundo de las hojas y las bolas de billar,
Emilio por el mundo de la sangre y los alfileres blancos,
Enrique por el mundo de los muertos y los periódicos abandonados.

Lorenzo,
Emilio,
Enrique.
Estaban los tres enterrados:
Lorenzo en un seno de Flora;
Emilio en la yerta ginebra que se olvida en el vaso,
Enrique en la hormiga, en el mar y en los ojos vacíos de los pájaros.

Lorenzo,
Emilio,
Enrique.
Fueron los tres en mis manos
tres montañas chinas,
tres sombras de caballo,
tres paisajes de nieve y una cabaña de azucenas
por los palomares donde la luna se pone plana bajo el gallo.

Uno
y uno
y uno.
Estaban los tres momificados
con las moscas del invierno,
con los tinteros que orina el perro y desprecia el vilano,
con la brisa que hiela el corazón de todas las madres
por los blancos derribos de Júpiter donde meriendan muerte los borrachos.

Tres
y dos
y uno.
Los vi perderse llorando y cantando
por un huevo de gallina,
por la noche que enseñaba su esqueleto de tabaco,
por mi dolor lleno de rostros y punzantes esquirlas de luna,
por mi alegría de ruedas dentadas y látigos,
por mi pecho turbado por las palomas,
por mi muerte desierta con un solo paseante equivocado.

Yo había matado la quinta luna
y bebían agua por las fuentes los abanicos y los aplausos.
Tibia leche encerrada de las recién paridas
agitaba las rosas con un largo dolor blanco.
Enrique,
Emilio,
Lorenzo.
Diana es dura,
pero a veces tiene los pechos nublados.
Puede la piedra blanca latir en la sangre del ciervo
y el ciervo puede soñar por los ojos de un caballo.

Cuando se hundieron las formas puras
bajo el cri cri de las margaritas,
comprendí que me habían asesinado.
Recorrieron los cafés y los cementerios y las iglesias,
abrieron los toneles y los armarios,
destrozaron tres esqueletos para arrancar sus dientes de oro.
Ya no me encontraron.
¿No me encontraron?
No. No me encontraron.
Pero se supo que la sexta luna huyó torrente arriba,
y que el mar recordó ¡de pronto!
los nombres de todos sus ahogados.

Poeta en Nueva York, 1929-1930.

Fable et ronde des trois amis

Enrique,
Emilio,
Lorenzo.
Étaient tous trois gelés :
Enrique par le monde des lits,
Emilio par le monde des yeux et des mains blessées,
Lorenzo par le monde des universités sans toits.

Lorenzo,
Emilio,
Enrique.
Étaient tous trois brûlés :
Lorenzo par le monde des feuilles et les boules de billard,
Emilio par le monde du sang et des épingles blanches,
Enrique par le monde des morts et des journaux abandonnés.

Lorenzo,
Emilio,
Enrique.
Étaient tous trois enterrés.
Lorenzo dans un sein de Flora,
Emilio dans le gin mort qu’on oublie dans le verre,
Enrique dans la fourmi, dans la mer et dans les yeux vides des oiseaux.

Lorenzo,
Emilio,
Enrique.
Furent tous trois dans mes mains
trois montagnes chinoises,
trois ombres de cheval,
trois paysages de neige et une cabane de lis
dans les pigeonniers où la lune se fait plate sous le coq.

Un
et un,
et un.
Ils étaient tous trois momifiés,
avec les mouches de l’hiver,
avec les encriers qu’ urine le chien et méprise le vilain,
avec la brise qui gèle le coeur de toutes les mères,
sur les blancs décombres de Jupiter où les ivrognes croquent la mort.

Trois
Et deux
Et un.
Je les vis se perdre en larmes et en chansons,
pour un œuf de poule,
pour la nuit qui montrait son squelette de tabac,
pour ma douleur criblée de visages et de piquantes esquilles de lune,
pour ma joie de roues dentées et de fouets,
pour ma poitrine troublée par les colombes,
pour ma mort déserte où un seul passant s’est égaré.

Moi, j’avais tué la cinquième lune
et les éventails et les hourras buvaient l’eau des fontaines.
Le tiède lait enserré des jeunes accouchées
agitait les roses de sa longue douleur blanche,
Enrique,
Emilio,
Lorenzo.
Diane est dure,
mais parfois ses seins sont nébuleux.
La pierre blanche peut palpiter dans le sang du cerf
et le cerf peut rêver par les yeux d’un cheval.

Quand sombrèrent les formes pures
sous le cri-cri des marguerites,
je compris qu’ils m’avaient assassiné.
Ils allèrent dans tous les cafés, les cimetières et les églises,
Ils ouvrirent les tonneaux et les armoires,
Ils détruisirent trois squelettes pour en arracher les dents en or.
Ils ne me trouvèrent plus.
Ils ne me trouvèrent pas ?
Non. Ils ne me trouvèrent pas.
Mais l’on sut que la sixième lune s’enfuit vers l’amont du torrent
et que la mer se rappela, soudain !
les noms de tous ses noyés.

Poète à New York. Pavillons poche. Robert Laffont. 2023.Traduction : Carole Fillère et Zoraida Carandell. Édition bilingue. 11 euros.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/?s=Fabula+y+rueda+de+los+tres+amigos

El beso (Federico García Lorca) 1927.

Federico García Lorca

Torremolinos. Mirador de Sansueña. Calle Castillo del Inglés, 9.

( Une parenthèse d’un bon mois. Lassitude. Voyage en Espagne. Hiver. ) Ce poème souvent étudié avec les élèves me trottait dans la tête.

Baladilla de los tres ríos

A Salvador Quintero

El río Guadalquivir
va entre naranjos y olivos.
Los dos ríos de Granada
bajan de la nieve al trigo.

¡Ay, amor
que se fue y no vino!

El río Guadalquivir
tiene las barbas granates.
Los dos ríos de Granada
uno llanto y otro sangre.

¡Ay, amor
que se fue por el aire!

Para los barcos de vela,
Sevilla tiene un camino;
por el agua de Granada
sólo reman los suspiros.

¡Ay, amor
que se fue y no vino!

Guadalquivir, alta torre
y viento en los naranjales.
Dauro y Genil, torrecillas
muertas sobre los estanques,

¡Ay, amor
que se fue por el aire!

¡Quién dirá que el agua lleva
un fuego fatuo de gritos!

¡Ay, amor
que se fue y no vino!

Lleva azahar, lleva olivas,
Andalucía, a tus mares.

¡Ay, amor
que se fue por el aire!

1922.

Poema del cante jondo. Écrit entre 1921 et 1924. Publié en 1931.

Petite ballade des trois rivières

A Salvador Quintero

Le fleuve Guadalquivir
va d’orangers en oliviers.
Les deux rivières de Grenade
coulent de la neige au blé.

Ah, l’amour
qui s’en fut sans retour !

Le fleuve Guadalquivir
porte une barbe grenat.
Les deux rivières de Grenade,
l’une du sang, l’autre des larmes.

Ah, l’amour
qui s’en fut dans les airs !

Pour les navires à voile
Séville ouvre des chemins.
Mais sur les flots de Grenade
ne rament que les soupirs.

Ah, l’amour
qui s’en fut sans retour !

Guadalquivir, haute tour,
vent dans les orangeraies.
Dauro et Genil, tourelles
mortes sur les bassins.

Ah, l’amour
qui s’en fut dans les airs !

Qui dira que l’eau entraîne
un feu follet de cris !

Ah, l’amour
qui s’en fut sans retour !

Porte tes fleurs d’orange, tes olives,
Andalousie, jusqu’à tes mers.

Ah, l’amour
qui s’en fut dans les airs !

Poème du cante jondo. Gallimard, 1981. Traduction André Belamich.

Sévilla. Jardines de Cristina. Baladilla de los tres ríos (Federico García Lorca).

Séville, joyeuse, active, ouverte sur le monde. Grenade, rêveuse, tournée vers le passé.

Granada Paraíso cerrado para muchos. 1926.

“Todo lo contrario que Sevilla. Sevilla es el hombre y su complejo sensual y sentimental. Es la intriga política y el arco de triunfo. Don Pedro y Don Juan. Está llena de elemento humano, y su voz arranca lágrimas, porque todos la entienden. Granada es como la narración de lo que ya pasó en Sevilla.”

” Tout le contraire de Séville. Séville, c’est l’homme et son complexe sensuel et sentimental. c’est l’intrigue politique et l’arc de triomphe. Don Pedro et don Juan. Elle est gorgée d’humanité et sa voix arrache des larmes, parce que tout le monde la comprend. Grenade, c’est comme le récit de ce qui se passa jadis à Séville. ” Federico García Lorca. Oeuvres complètes I. Bibliothèque de la Pléiade. Page 872.

Federico García Lorca

Poet in New York. Édition bilingue. édition établie par Christopher Maurer. Traduction : Greg Simon et Steven F. White.

Navidad en el Hudson

¡Esa esponja gris!
Ese marinero recién degollado.
Ese río grande.
Esa brisa de límites oscuros.
Ese filo, amor, ese filo.
Estaban los cuatro marineros luchando con el mundo.
Con el mundo de aristas que ven todos los ojos.
Con el mundo que no se puede recorrer sin caballos.
Estaban uno, cien, mil marineros
luchando con el mundo de las agudas velocidades,
sin enterarse de que el mundo
estaba solo por el cielo.

El mundo solo por el cielo solo.
Son las colinas de martillos y el triunfo de la hierba espesa.
Son los vivísimos hormigueros y las monedas en el fango.
El mundo solo por el cielo solo
y el aire a la salida de todas las aldeas.

Cantaba la lombriz el terror de la rueda
y el marinero degollado
cantaba al oso de agua que lo había de estrechar
y todos cantaban aleluya,
aleluya. Cielo desierto.
Es lo mismo, ¡lo mismo!, aleluya.

He pasado toda la noche en los andamios de los arrabales
dejándome la sangre por la escayola de los proyectos,
ayudando a los marineros a recoger las velas desgarradas.
Y estoy con las manos vacías en el rumor de la desembocadura.
No importa que cada minuto
un niño nuevo agite sus ramitos de venas
ni que el parto de la víbora, desatado bajo las ramas,
calme la sed de sangre de los que miran el desnudo.
Lo que importa es esto: hueco. Mundo solo. Desembocadura.
Alba no. Fábula inerte.
Sólo esto: desembocadura.
¡Oh esponja mía gris!
¡Oh cuello mío recién degollado!
¡Oh río grande mío!
¡Oh brisa mía de límites que no son míos!
¡Oh filo de mi amor, oh hiriente filo!

New York, 27 de diciembre de 1929.

Poeta en Nueva York, 1929-30. Publié en 1940.

Signature de Federico García Lorca pour Poète à New York.

Noël sur l’Hudson

Cette éponge grise !
Ce marin que l’on vient d’égorger.
Ce grand fleuve.
Cette brise aux limites obscures.
Ce tranchant, amour, ce tranchant.
Les quatre marins luttaient contre le monde,
contre le monde d’arêtes vives que voient tous les yeux,
contre le monde que l’on ne peut parcourir sans chevaux.
Ils étaient là, un, cent, mille marins,
en lutte contre le monde de la vitesse aiguë,
sans remarquer que le monde
était seul dans le ciel.

Le monde seul dans le ciel seul.
Ce sont les collines de marteaux et le triomphe de l’herbe épaisse.
Ce sont les fourmilières trépidantes et les pièces de monnaie dans la fange.
Le monde seul dans le ciel seul
et le vent à la sortie de tous les villages.

Le ver de terre chantait la terreur de la roue
et le marin égorgé
chantait l’ours de l’eau qui allait l’étreindre ;
et tous chantaient alléluia,
alléluia. Ciel désert.
C’est pareil, pareil ! alléluia.

J’ai passé toute la nuit sur les échafaudages des faubourgs
à perdre mon sang sur le plâtre des projets,
à aider les marins à replier les voiles déchirées.
Et me voici les mains vides dans la rumeur de l’embouchure.
Peu importe qu’à chaque minute
un nouvel enfant agite ses fines ramures de veines,
ni que la portée de la vipère, dénouée sous les branches,
calme la soif de ceux qui regardent la nudité.
Seul importe ceci : le creux. Monde seul. Embouchure.
L’aube ? non. Fable inerte.
Seulement ceci : Embouchure.
Ô mon éponge grise !
Ô mon cou que l’on vient d’égorger!
Ô mon grand fleuve !
Ô ma brise aux limites qui ne sont pas à moi !
Ô tranchant de mon amour, ô dur tranchant !

New York, 27 décembre 1929

Poète à Nueva York. Gallimard. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 1981. Traduction André Belamich.

Le poète à New-York. Fata Morgana, 2007. Dessins d’Alecos Fassianos.
                           

Federico García Lorca – Miguel Hernández

Federico García Lorca, 1925.

Je lis toujours la correspondance de Federico García Lorca. On n’y trouve qu’une seule lettre adressée à Miguel Hernández. Les deux grands poètes espagnols, qui moururent si tragiquement, se connaissaient, mais ne s’appréciaient guère. Perito en lunas, le premier recueil de Miguel Hernández, imprimé le 20 janvier 1933, connut un succès limité. Federico et Miguel se rencontrèrent pour la première fois à Murcie le 2 janvier 1933 chez Raimundo de los Reyes, éditeur et directeur du journal La Verdad de Murcia (Calle de la Merced número 2). Federico, déjà très célèbre, était alors en tournée dans cette région avec la troupe universitaire de La Barraca. Il apprécia certains poèmes de Perito en lunas. Les deux poètes échangèrent leurs adresses. Miguel Hernández écrivit une première lettre, le 10 avril 1933, se plaignant du manque d’écho que recevait son recueil. Federico lui répondit probablement à la fin du mois. C’est la seule lettre que nous connaissions de Federico à Miguel. Il lui promit son aide, mais émettait aussi certaines réserves. Il lui demanda d’être plus patient. Miguel lui répondit le 30 mai 1933. Il lui écrivit à nouveau en décembre 1934 et le 1 février 1935. Il lui faisait part de ses difficultés économiques. Federico ne l’aimait pas. Il ne répondit à aucune de ces lettres. Par la suite, il évitait de le rencontrer. En revanche, Vicente Aleixandre et Pablo Neruda établirent avec le poète d’Orihuela une très forte amitié. María Zambrano dans un chapitre de son livre, Andalucía, sueño y realidad, affirme: “Toda aquella pléyade de poetas lo acogió como mejor podía, con excepción de un poeta prometido al sacrificio en modo fulgurante, que experimentaba una especie de alergia por su presencia personal. Y de ello poco supe, pues Miguel acusaba la tristeza, mas no la causa.” On peut dire qu’aussi bien Federico García Lorca que Luis Cernuda, poètes raffinés et d’origine bourgeoise, supportaient mal la rudesse de Miguel Hernández, d’origine paysanne, portant toujours un pantalon de velours et des espadrilles. En 1937, néanmoins, dans Viento del pueblo, ce dernier publia un hommage au poète de Grenade : Elegía primera (A Federico García Lorca, poeta).

Federico García Lorca a Miguel Hernández

[abril de 1933]

Mi querido poeta:
No te he olvidado. Pero vivo mucho y la pluma de las cartas se me va de las manos.
Me acuerdo mucho de ti porque sé que sufres con esas gentes puercas que te rodean y me apeno de ver tu fuerza vital y luminosa encerrada en el corral y dándose topetazos por las paredes.
Pero así aprendes. Así aprenderás a superarte, en ese terrible aprendizaje que te está dando la vida. Tu libro está en el silencio, como todos los primeros libros, como mi primer libro, que tanto encanto y tanta fuerza tenía. Escribe, lee, estudia. ¡LUCHA! No seas vanidoso de tu obra. Tu libro es fuerte, tiene muchas cosas de interés y revela a los buenos ojos pasión de hombre, pero no tiene más cojones, como tú dices, que los de casi todos los poetas consagrados. Cálmate. Hoy se hace en España la más hermosa poesía de Europa. Pero por otra parte la gente es injusta. No se merece Perito en Lunas ese silencio estúpido, no. Merece la atención y el estímulo y el amor de los buenos. Ése lo tienes y lo tendrás porque tienes la sangre de poeta, y hasta cuando en tu carta protestas tienes en medio de cosas brutales (que me gustan) la ternura de tu luminoso y atormentado corazón. Yo quisiera que pudieras superarte de la obsesión de esa obsesión de poeta incomprendido por otra obsesión más generosa política y poética. Escríbeme. Yo quiero hablar con algunos amigos para ver si se ocupan de Perito en lunas.
Los libros de versos, querido Miguel, caminan muy lentamente.
Yo te comprendo perfectamente y te mando un abrazo mío fraternal, lleno de cariño y de camaradería.

Federico

(Escríbeme)
T/C/ Alcalá, 102.

Federico García Lorca a Miguel Hernández

[Première moitié de 1933]

Mon cher poète,

Je ne t’ai pas oublié. Mais je vis intensément et devant une feuille la plume me tombe des mains.
Je pense beaucoup à toi parce que je sais que tu souffres à cause des dégoûtants personnages qui t’entourent et je suis navré de voir ta lumineuse force vitale tenue captive et qui se cogne la tête aux murs.
Mais ainsi tu apprends. Tu apprends à te dépasser, dans ce terrible apprentissage que la vie t’impose. Ton livre est dans le silence, comme mon premier livre qui avait tant de charme et tant de force. Écris, lis, étudie. Lutte ! Ne sois pas vaniteux de ton œuvre. Ton livre est fort, intéressant en bien des endroits, et révèle aux yeux avertis une passion d’homme (des couilles, comme tu dis) mais pas plus que la majorité des poètes consacrés. Calme-toi. Aujourd’hui on écrit en Espagne la plus belle poésie d’Europe. Mais d’autre part les gens sont injustes. Ton Perito de Lunas ne mérite pas ce silence stupide, non. Il mérite l’attention, les encouragements et l’amour des meilleurs. Tu les as et tu les auras parce que tu es poète dans le sang, et même lorsque tu protestes dans ta lettre avec une brutalité – qui me plaît – on sent la tendresse de ton coeur lumineux et tourmenté.
J’aimerais que tu puisses dominer cette obsession de poète incompris au moyen d’une autre obsession plus généreuse, politique ou poétique. Écris-moi. Je vais demander à quelques amis de s’occuper de ton recueil.
Les livres de vers, mon cher Miguel, font leur chemin bien lentement. Je te comprends parfaitement et t’envoie une accolade fraternelle pleine d’affection et de camaraderie.

Federico.

(Écris-moi)
Rue d’Alcala, 102.

Federico García Lorca

Federico García Lorca.

Je continue ma lecture de la correspondance de Federico García Lorca. Elle a été publiée chez Cátedra en 1997 par Christopher Maurer et Andrew A.Anderson. André Belamich a présenté une sélection de lettres dans le tome I des Oeuvres complètes du poète andalou dans la Bibliothèque de la Pléiade en 1981. Je ne trouve pas la traduction excellente. Le biographe Ian Gibson se plaint de la perte des lettres de García Lorca à Lorenzo Martínez Fuset, Emilio Aladrén et José María García Carrillo, qui ont peut-être été détruites par leurs familles respectives. C’est le cas aussi de la plus grande partie des lettres de Federico à Rafael Rodríguez Rapún et Adolfo Salazar ainsi que presque toutes celles qu’il a envoyées à Salvador Dalí. Les destructions de la guerre civile et l’exil des républicains sont aussi responsables de cet état de fait. Néanmoins, il en reste beaucoup et certaines sont très belles. je prendrai comme exemple celle que le chanteur de flamenco Miguel Poveda a chanté : Carta A Regino Sainz De La Maza (Adaptación).

https://www.youtube.com/watch?v=L8sUcoF1lbw

Carta de Federico García Lorca a Regino Sáinz de la Maza

[¿fragmento ?]

[Membrete:] Centro Artístico

Granada, 16 [¿septiembre? ¿1922?]

Por pereza y nada más que por pereza no he contestado a tu carta; soy, pues, un sinvergüenza y un mal amigo. Yo me levantaba todas las mañanas muy triste y me iba a dar un paseo por esta maravillosa Granada, volvía a comer, me ponía a estudiar y así me sorprendía la tarde. ¿Quién escribe a los amigos por la tarde…? Yo creo que esta disculpa es suficiente para un artista como tú pero ten la completa seguridad que te recuerdo con mucha alegría y tu fantasma va ligado a tres cosas absurdas, pero que yo me explico subconscientemente: una minúscula, unos tufos débiles, y unos bacilos de Koch en caricatura. Otro día te explicaré esto. Ahora he descubierto una cosa terrible (no se lo digas a nadie) Yo no he nacido todavía. El otro día observaba atentamente mi pasado (estaba sentado en la poltrona de mi abuelo) y ninguna de las horas muertas me pertenecían porque no era yo el que las había vivido, ni las horas de amor, ni las horas de odio, ni las horas de inspiración. Había mil Federicos Garcías Lorcas, tendidos para siempre en el desván del tiempo; y en el almacén del porvenir, contemplé otros mil Federicos Garcías Lorcas muy planchaditos, unos sobre otros, esperando que los llenasen de gas para volar sin dirección. Fue en ese momento un momento terrible de miedo, mi mamá Doña Muerte me había dado la llave del tiempo, y por un instante lo comprendí todo. Yo vivo de prestado, lo que tengo dentro no es mío, veremos a ver si nazco. Mi alma está absolutamente sin abrir. ¡Con razón creo algunas veces que tengo el corazón de lata! En resumen, querido Regino, ahora estoy muy triste y aburrido de mi interior postizo. Yo espero carta tuya enseguida y sin retintines, no te creo vengativo.

Un abrazo efusivo y enorme.

Federico.

Alcalde me dice ahora mismo que recibió carta tuya despidiéndote de los amigos ; a mí m da mucha tristeza el ver que no me nombras. Perdóname que no te haya escrito, pero te aseguro que te llevo tendido dentro de mi corazón. Contéstame, pues. No seas vengativo, te vuelvo a repetir. ¡Si vieras cómo está la sierra! Toda roja, y la vega que se divisa dsede estos balcones toda en sombra. Que estudies mucho y que no té estés donde la piltra.

Mi hermano te da sus cinco dedos de hombre fuerte desde aquí. Adiós, guitarrista. Acuérdate de mí.

Epistolario completo, Cátedra, 1997.

Regino Sáinz de la Maza (1896-1981) est un guitariste et musicien espagnol. il est né à Burgos et a connu García Lorca à la Residencia de Estudiantes de Madrid en 1920. La même année, le poète consacre au guitariste son premier “hommage” (Oeuvres complètes p. 803-805). Il lui dédie les “six caprices ” du Poema del cante jondo (p.161-163). Ils passent quelque temps ensemble à Cadaqués chez Salvador Dalí pendant l’été 1927. Plus tard, ils sont voisins à Madrid. Federico et son frère Francisco fréquentent régulièrement le domicile du musicien et de sa femme Josefina de la Serna y Espina, fille de la romancière Concha Espina (1869-1955), calle Ayala. Le musicien collabore avec de nombreux compositeurs comme Manuel de Falla et Joaquín Rodrigo. Celui-ci lui dédie son célèbre Concierto de Aranjuez que Regino Sáinz de la Maza créé avec grand succès à Barcelone le 9 novembre 1940 puis à Madrid quelques jours plus tard (11 décembre 1940). C’est encore lui qui en grave le premier enregistrement en 1948 sous la direction du chef d’orchestre Ataúlfo Argenta.

Muerte (Federico García Lorca). 1934.

A Regino Sáinz de la Maza

Centro Artístico

[Grenade, été 1921?]

C’est la paresse et rien que la paresse qui m’a retenu de répondre à ta lettre ; je suis donc une canaille et un mauvais ami. Je me levais chaque matin tout triste, j’allais faire un tour dans cette merveilleuse Grenade, je rentrais manger, je me mettais à étudier et le soir me surprenait ainsi. Or qui écrit à ses amis le soir ?… Je crois que cette excuse est suffisante pour un artiste comme toi, mais sois bien assuré que je me souviens de toi avec beaucoup de joie : ton fantôme est associé à trois choses absurdes, mais que je m’explique inconsciemment, une minuscule, de faibles exhalaisons et des bacilles de Koch en caricature. Un autre jour je t’expliquerai ça. J’ai découvert une chose terrible ( ne le dis à personne ). Je ne suis pas encore né. L’autre jour j’observais attentivement mon passé ( j’étais assis dans le fauteuil de mon grand-père ) et aucune des heures mortes ne m’appartenait parce que ce n’était pas Moi qui les avait vécues, ni les heures d’amour, ni les heures de haine, ni les heures d’inspiration. Il y avait mille Federico García Lorca étendus pour toujours dans le grenier du temps et l’entrepôt de l’avenir, je contemplai mille autres Federico García Lorca tout repassés, les uns sur les autres et qui attendaient qu’on les emplit de gaz pour s’envoler sans direction. Ce fut alors un moment terrible de peur, ma maman Madame la Mort m’avait donné la clé du temps et durant un instant je compris tout. Je vis par procuration, ce que j’ai en moi n’est pas à moi, nous verrons bien si je nais. Mon âme est absolument inéclose. J’ai raison de croire parfois que j’ai un coeur de fer-blanc ! En résumé, cher Regino, à présent je suis triste et ennuyé de mon intérieur postiche. J’attends ta lettre tout de suite et sans sous-entendus, je ne crois pas vindicatif.

Une énorme accolade pleine d’effusion.

Federico.

Alcalde me dit à l’instant qu’il a reçu une lettre de toi où tu salues les amis; je suis très triste de voir que tu ne me nommes pas. Pardonne-moi de ne t’avoir pas écrit, mais je t’assure que tu as une place dans mon coeur. Réponds-moi donc. Ne sois pas vindicatif, je te répète. Si tu voyais comme la montagne est belle ! Toute rouge et la Véga que l’on distingue de ces balcons toute dans l’ombre. Étudie beaucoup, ne reste pas au plumard – Grenade le 16. – Mon frère te donne ses cinq doigts d’homme fort. Au revoir, guitariste. Souviens-toi de moi.

Œuvres complètes I. Bibliothèque de la Pléiade. NRF Gallimard. Traduction André Belamich.

Burgos. Buste de Regino Sáinz de Maza.

Federico García Lorca

Federico García Lorca resta à Cuba 3 mois, du 7 mars au 12 juin 1930, 98 jours exactement. Sa vie dans l’île fut si intense qu’il n’envoya à sa famille que deux lettres et une carte. Son séjour marqua un vrai tournant dans sa vie d’homme et d’écrivain. Il embarqua pour Cadix le 12 juin 2022. il dit alors à ses amis: “Yo hago falta en España” (On a besoin de moi en Espagne).

Federico García Lorca, Merienda, 1927.

Federico García Lorca. Epistolario completo, Cátedra, 1997.

A su familia

[Membrete :] Hotel La Unión de Francisco Suárez y Ca. Habana.

La Habana, 8 de marzo 1930

Queridísimos padres:
Como veréis por mis cables, ya me encuentro en La Habana dispuesto para actuar de conferenciante. Últimamente he trabajado mucho y me he descuidado unos días en escribiros. Pero ahora ya gracias a Dios lo hago con la gana y la alegría de siempre.
La llegada a La Habana ha sido un acontecimiento, ya que esta gente es exagerada como pocas. Pero La Habana es una maravilla, tanto la vieja como la moderna. Es una mezcla de Málaga y Cádiz, pero mucho más animada y relajada por el trópico. El ritmo de la ciudad es acariciador, suave, sensualísimo, y lleno de un encanto que es absolutamente español, mejor dicho, andaluz. Habana es fundamentalmente española, pero de lo más característico y más profundo de nuestra civilización. Yo naturalmente me encuentro como en mi casa. Ya vosotros sabéis lo que a mí me gusta Málaga, y esto es mucho más rico y variado. Por ahora no sé deciros más. A cada momento tengo la impresión de encontrarme a los amigos detrás de la esquina y a cada momento tengo que pensar que estoy en el mar Caribe, en las hermosísimas Antillas, para no hacerme en Vélez o en Motril. El mar es prodigioso de colores y luz. Se parece al Mediterráneo aunque es más violento de matices.
Yo he hecho el viaje por tren, y así que he atravesado los Estados Unidos, Norte y Sur Carolina, Georgia, Charleston y Florida. En Florida me he detenido un día con mi migo [Fernando] Belaúnde-[Terry], importante desterrado político del Perú que vive en Miami, y con un pianista Julián Decrey (?) americano y gran intérprete y especialista en Bach. Miami es un esfuerzo del hombre que solamente los americanos pueden conseguir. La playa es la más grande del mundo, naturalmente, y funciona principalmente en invierno, ya que la temperatura es siempre 20 grados. Ahora está llena de millonarios y el espectáculo de la playa llena de sombrillas de colores, automóviles y mujeres desnudas es una de las cosas de más lujo que se pueden ver. Al lado está ¡ Coral Gables !, la que conoceréis a través del imbécil [Haro] Molina que creo vive aquí. Yo me reía lo grande de pensar que estaba en Coral Gables, Córal Gueibls que pronuncian los americanos. Esta ciudad es una ciudad jardín que ha sido un desastre económico para su fundador, ya que está un poco alejada del mar y junto a Miami, que lo tiene todo. Yo comí en Coral con unos americanos. Miami es de un clima insospechado, sobre todo viniendo de New York ; del esfuerzo que aquí han hecho los americanos basta deciros que han construido 40 islas artificiales magníficas para hacer en ellas sus palacios, todas cruzadas de canales por donde corren yates blancos con las banderitas americanas.
A mi paso por Miami me vino a ver el presidente de la Universidad, y tuve por la tarde que dar una pequeña charla improvisada a los alumnos de español, donde no sé qué cosas dije, pero en Norteamérica da lo mismo decir una cosa que otra, ya que con ligeras excepciones son algo tontos.
En este momento he tenido en el cuarto del hotel una visita. Ya se ha ido y al sentarme recibo vuestro cable. Me ha producido una alegría muy grande saber que estáis buenos, gracias a Dios. Así se hace. Muy bien. ¡Son tantas las cosas que tengo que contaros! Mañana es mi primera conferencia, en el teatro de la Comedia. Será el público más numeroso de mi vida seguramente hasta ahora, pero estoy seguro de mi actuación.
Mañana escribiré anunciando cómo ha ido y mandando periódicos.

Estoy muy bien de salud. Yo espero que vosotros también.
Recibid besos y abrazos de vuestro hijo.

Federico (otra visita)

No tuve tiempo de escribiros desde New York, contando las noticias de mi recepción de Columbia University. Resultó admirablemente. Onís hizo un discurso y fue en suma muy agradable.
Yo pronuncié una conferenecia de las que tengo y cumplí mi cometido.
Os envío para que las guardáis dos invitaciones y el recorte del periódico de New York, La Prensa, que dirige el hermano de Zenobia [Camprubí] la de Juan Ramón [Jiménez].
Aunque algo retrasadas más vale tarde que nunca, y casi no quería enviaros esto por el retrato. El retrato está hecho por un fotógrafo amigo mío el día antes y es cosa pésima. Aparezco más feo de lo que soy en realidad. Ya veis : dos días antes de venirme de New York dio Sánchez Mejías una preciosa confrencia de toros y yo le presenté. Una señora (« vieja naturalmente », en New York no hay más que viejas) me dijo : «¡Qué guapo estaba usted, estaba vestido de smokin!, y en el retrato que os mando estoy feísimo…y no soy…soy algo…pero no demasiado.
También el día antes de venirme fui el padrino del hijo de Onís a quien bautizamos yo de compadre y la Argentinita de comadre. Una comadre graciosísima que iba con mantilla negra que era una monería.
El niño a quien bautizamos tiene dos años y medio, y cuando le echaron la sal dijo « está muy buena » y se relamía. Es un niño hermosísimo a quien le he puesto Juan Federico por mí y por su padre. Yo como es costumbre pagué el bautizo y ahora le compraré una medalla a mi nuevo ahijado.
La salida de New York ha sido sentida por mí porque ya tengo una sociedad de amigos verdaderamente encantadora.
En La Habana me he encontrado a [José María] Chacón y [Calvo] que, como sabéis, pertenece a una de las más linajudas familias de Cuba. Fue él quien me hizo poner el cable «que estaba con él», «para que tus padres sepan que estás aquí con viejas y verdaderas amistades.»
Abrazos, besos.

Federico

Dessin (Federico García Lorca), 1930.

A su familia

[Membrete :] Hotel La Unión de Francisco Suárez y Ca. Habana.

La Habana, 5 abril 1930

Queridísimos padres: Mis conferencias se están desarrollando con un éxito muy grande para mí. Mañana doy la del cante jondo con ilsutraciones de discos de gramófono. La de las canciones de cuna resultó un éxito enorme. Yo toqué el piano, y cantó de modo admirable la joven actriz española María Tubau, sobrina de la antigua de mismo nombre.
Para la del cante jondo hay mucha expectación. Mucha gente se ha hecho socia, y los que no, me han pedido invitaciones que me es imposible atender. He dado invitaciones a dos muchachos marineros nacidos en Sevilla que vinieron al hotel, y a una vendedora de lotería de Córdoba, vieja y antigua cantante de café. Yo he escrito une nueva conferencia sobre este tema que creo es muy sugestiva y muy polémica.
Yo he estado en dos pueblos de la isla, Sagua [la Grande] y Caibarién, donde asistí a una cacería de cocodrilos. Os estoy viendo con los ojos abiertos de par en par. Pero es así. Y pasé uno de los ratos mejores de mi vida…y un miedo bastante confortable, porque de todos modos la cosa tiene peligro. Vi cocodrilos de cuatro y seis metros de largo en cantidades fabulosas. La ciénaga de Zapata es un sitio cubierto por esta clase de animalitos. Hay fábricas de pieles y una industria del cocodrilo. Fue una excursión divertida y emocionante…emocionante porque si la barca se vira no lo contamos más. De todas formas, yo estuve muy bien y mis acompañantes elogiaron lo que ellos llamaban mi sangre fría.
Yo, siguiendo mi costumbre, no intervine en la cacería, sino que estuve de espectador. Y hubo un momento precioso cuando vi a cuarenta o cincuenta monstruos echarse asustados en el agua. Una bonita experiencia.
Ya os mandaré los periódicos, pero sólo el recortar las cosas que se han escrito y se están escribiendo tardaría tres o cuatro horas. Algunas cosas muy bien, y todas demasiado cariñosas. La prueba del éxito que he tenido es que hoy voy a dar más conferencias que lo que pensé.
Anteayer me ofrecieron un té las damas distinguidas de La Habana en un Lyceum Club. Allí vi las mujeres más hermosas del mundo. Esta isla tiene más bellezas femeninas de tipo original, debido a las gotas de sangre negra que llevan todos los cubanos. Y cuanto más negro, mejor. La mulata es la mujer superior aquí en belleza y en distinción y en delicadeza.

Esta isla es un paraíso. Cuba. Si yo me pierdo, que me busquen en Andalucía o en Cuba. El otro día entré en un gran patio colonial barroco, lleno de azulejos y fuentes, y me puse a conversar con unos niños negros muy pobres, a los que di monedas ; cuando me iba a retirar, la madre de estos niños, una negraza inmensa y bondadosa, me ofreció una taza de café que hube de aceptar y que bebí rodeado por toda la negrería. Ya supondréis lo agasajado que estoy siendo, pero yo dejo muchas veces a todos y me voy solo por La Habana hablando con la gente y viendo la vida de la ciudad. [José María] Chacón [y Calvo] se porta estupendamente conmigo. Él y dos amigos más me han acompañado a Sagua, y en Caibarién fue Chacón quien me presentó al público. No olvidéis vosotros que en América ser poeta es algo más que ser príncipe en Europa.
Sigo muy bien. Abrazos a todos. Besos a todos. Y para vosotros, besos también de vuestro hijo y hermano.

Federico

El Beso (Federico García Lorca), 1927.

A su familia

[al dorso de una fotografía]

[Cuba, primavera 1930]

Con este fondo admirable de caña bravas estoy ya, como dicen los periódicos de Cuba, «aplatanado». Mañana me dedicaré a recortar con tijeras los artículos para enviaros y las revistas. Todos los días leo la situación de España con gran interés. Aquello es un volcán. Estuve en casa del músico [Eduardo] Sánchez de Fuentes, que es autor de la habanera «Tú», que me cantabais de niño, «La palma que en el bosque se mece gentil», y dedicó un ejemplar para mamá.
Conservarse buenos. Yo lo estoy. Abrazos y besos de vuestro hijo y hermano.

Federico

¡Besos y abrazos a Manolo [Fernández-Montesinos].

Á sa famille

[Cuba, printemps 1930].

Sur ce fond admirable de cannes sauvages me voici, comme disent les journaux de Cuba, « créolisé ». Demain je m’emploierai à découper avec des ciseaux les articles pour vous les envoyer ainsi que les revues. Tous les jours je lis la situation de l’Espagne avec un grand intérêt. C’est un volcan. J’ai été chez le musicien Sánchez de Fuentes, qui est l’auteur de la habanera « Toi » que vous me chantiez quand j’étais petit : « La palme qui dans le bois se berce doucement », et il en a dédié un exemplaire pour maman. Conservez-vous en bonne santé. Moi je vais bien. Accolades et baisers de votre fils et frère, Federico.

Baisers et accolades à Manolo.

Œuvres complètes I. Bibliothèque de la Pléiade. NRF Gallimard. Traduction André Belamich.

Federico García Lorca à Cuba

Víctor Amela (1960) est un écrivain et journaliste qui écrit pour le quotidien La Vanguardia de Barcelone depuis 1984. Il a publié en 2018 Yo pude salvar a Lorca (Destino). J’avais apprécié à l’époque ce roman qui respectait la vérité historique. Le biographe du poète de Grenade Ian Gibson avait, lui aussi, défendu le livre et sa précision historique.
Dans une interview publiée dans son journal, Víctor Amela affirmait que le poète de Grenade est le disparu le plus recherché et le plus aimé au monde : « Lorca, ¡el desaparecido más buscado y amado del mundo! » ). Il disait aussi : « La sangre de Lorca no se seca nunca. »
C’est peut-être pour cela qu’il publie aujourd’hui dans la même veine Si yo me pierdo (Destino, 2022). Il évoque les jours passées par Federico à Cuba en 1930 : « Los días más felices de mi vida »
Le poète écrivait à ses parents le 5 avril 1930 : « Esta isla es un paraíso. Cuba. Si yo me pierdo que me busquen en Andalucía o en Cuba. »
Il était parti en Amérique avec son ami, l’homme politique socialiste Fernando de los Ríos en juin 1929. Il connaissait une véritable dépression après sa rupture douloureuse avec son compagnon d’alors, le sculpteur Emilio Alandrén (1906-1944), et les critiques exprimées par ses amis, Luis Buñuel et Salvador Dalí, contre les poèmes du Romancero gitano. Il passa dix mois aux États-Unis. Il assista au krach de la Bourse de New York en octobre 1929 et aux suicides que celui-ci entraîna. Il supporta mal la froideur anglo-saxonne et protestante, la dureté de la modernité capitaliste et le sort des pauvres et des noirs dans ce pays.
Federico García Lorca resta à Cuba 3 mois, du 7 mars au 12 juin 1930, 98 jours exactement. Il produisit beaucoup (des poèmes, sa pièce de théâtre El Público, drame homosexuel où il affirma son identité, des dessins) et se réconcilia avec la vie. Il retrouva sa langue, la lumière, la chaleur, les couleurs. Il apprécia particulièrement la musique des musiciens noirs, le rhum, les glaces et les cocktails de La Havane, la beauté des paysages et celle des hommes et des femmes. Il avait 32 ans.
Il devait donner trois conférences en une semaine, en réalité il en prononça neuf. Il assista aussi à des cérémonies de santería. Il fréquenta les intellectuels cubains (Les 4 enfants de la famille Loynaz : Enrique, Carlos Manuel, Dulce María – Prix Cervantès 1992 – et Flor, mais aussi José Lezama Lima, le futur auteur du mythique roman Paradiso, publié en 1966). Ses conférences eurent beaucoup de succès et il put vivre sa sexualité bien plus librement qu’en Espagne ou aux États-Unis.
Il revint pourtant à Cadix à bord du navire Manuel Arnús le 30 juin 1930. Poeta en Nueva York fut publié en 1940 après sa mort par José Bergamín. Le dernier poème de ce recueil est Son de negros en Cuba qu’il écrivit lors d’un voyage en train qui lui fit traverser toute l’île de La Havane à Santiago fin avril 1930.

Miguel Poveda, Son de negros en Cuba. 2017. Video officielle.

https://www.youtube.com/watch?v=J8YqGl155n0

Autoportrait de Federico García Lorca pour Poeta en Nueva York. 1929-30.

Son de negros en Cuba

Cuando llegue la luna llena iré a Santiago de Cuba,
iré a Santiago,
en un coche de agua negra
iré a Santiago.
Cantarán los techos de palmera
iré a Santiago.
Cuando la palma quiere ser cigüeña,
iré a Santiago
y cuando quiere ser medusa el plátano,
iré a Santiago.
Iré a Santiago
con la rubia cabeza de Fonseca.
Iré a Santiago.
Y con el rosa de Romeo y Julieta
iré a Santiago.
Mar de papel y plata de monedas.
Iré a Santiago.
¡Oh Cuba! ¡Oh ritmo de semillas secas!
Iré a Santiago.
¡Oh cintura caliente y gota de madera!
Iré a Santiago.
Arpa de troncos vivos.Caimán. Flor de tabaco.
Iré a Santiago.
Siempre he dicho que yo iría a Santiago
en un coche de agua negra.
Iré a Santiago.
Brisa y alcohol en las ruedas,
iré a Santiago.
Mi coral en la tiniebla,
iré a Santiago.
El mar ahogado en la arena,
iré a Santiago.
Calor blanco, fruta muerta
iré a Santiago.
¡Oh bovino frescor de cañavera!
¡Oh Cuba! ¡Oh curva de suspiro y barro!
Iré a Santiago.

Publicado en Informaciones, 17 de marzo de 1932.

Poeta en Nueva York, 1940.

Chant nègre de Cuba

Quand viendra la pleine lune j’irai à Santiago de Cuba,
j’irai à Santiago,
dans une calèche d’eau noire
J’irai à Santiago.
Chanteront les toits de palme
J’irai à Santiago.
Quand le palmier veut être cigogne,
j’irai à Santiago.
Et quand veut être méduse le bananier
j’irai à Santiago.
J’irai à Santiago.
Avec la tête blonde de Fonseca.
J’irai à Santiago.
Avec la rose de Roméo et Juliette
j’irai à Santiago.
Ô Cuba ! Ô rythme de graines sèches !
J’irai à Santiago.
Ô ceinture chaude et goutte de bois !
J’irai à Santiago.
Harpe de troncs vivants. Caïman. Fleur de tabac.
J’irai à Santiago.
J’ai toujours dit que j’irais à Santiago
dans une calèche d’eau noire.
J’irai à Santiago.
Brise et alcool dans les roues,
j’irai à Santiago.
Mon corail dans la ténèbre,
j’irai à Santiago.
La mer noyée dans le sable,
j’irai à Santiago.
Chaleur blanche, fruit mort,
j’irai à Santiago.
Ô bovine fraîcheur des champs de canne !
Ô Cuba ! Ô courbe de soupir et de boue !
J’irai à Santiago.

Poète à New York. Poésies III, 1926-1936. Traduction de Pierre Darmangeat.

Le Poète à New York. Fata Morgana. Édition, 2008. Poèmes traduits en 1948 par Guy Levis-Mano. Dessins : Alecos Fassianos.

Federico García Lorca

Federico García Lorca avec ses neveux, Manuel (1932-2013) et Vicenta (Tica) Fernández-Montesinos. Huerta de San Vicente (Grenade). Été 1935. (Eduardo Blanco Amor 1897-1979)

Víctor Fernández a publié le 9 octobre dans le journal La Razón un article où Il évoque la nièce de Federico García Lorca, Tica Fernández-Montesinos dont j’ai déjà parlé dans ce blog (15 décembre 2020).

Tica Fernández-Montesinos: “Claro que me gustaría llevar flores a la tumba de mi tío Federico García Lorca”
Hija de Manuel Fernández-Montesinos y Concha García Lorca, habla de sus recuerdos alrededor del autor de “Poeta en Nueva York”

https://www.larazon.es/cultura/literatura/20221009/pplylwd72rgl7aztnw2eroakw4.html

Vicenta (Tica) Fernández-Montesinos García.

Vicenta (Tica) Fernández-Montesinos García est née à Grenade en décembre 1930. Federico García Lorca, son oncle, a choisi son prénom : elle s’appelle Vicenta comme sa grand-mère.

Tica est la fille aînée de Manuel Fernández-Montesinos Lustau, médecin et maire socialiste de Grenade en 1935, fusillé le 16 août 1936 contre les murs du cimetière de Grenade, et de Concha García Lorca, la sœur du poète. Le même jour, a las cinco de la tarde, des hommes en armes, menés par l’ancien député de droite de Grenade (CEDA), Ramón Ruiz Alonso, arrêtèrent Federico, au domicile de la famille du poète phalangiste, Luis Rosales, calle Angulo n°5. Peu de temps après, il était assassiné quelque part entre Víznar et Alfacar.

Elle eut une petite enfance heureuse dans la maison de campagne de la famille, la Huerta de San Vicente. Mais, elle souffrit d’une très forte otite qui la laissa partiellement sourde. Son l’oncle Federico l’adorait. Il la faisait rire, lui apprit à chanter et à danser. « Fui para tío Federico la hija que no tendría. » dit-elle.

Le mois d’août 1936 bouleversa la vie de cette famille aisée de la Vega de Grenade. Elle avait cinq ans et sept mois quand les fascistes assassinèrent son père et son oncle.

Ses grands-parents et sa mère durent s’exiler à New York. Ils y arrivèrent le 30 juillet 1940. Quand il partit de Bilbao à bord du Marqués de Comillas, son grand-père Federico García Rodríguez dit: “No quiero volver a ver este jodío país en mi vida”. Il mourut le 15 septembre 1945 à 86 ans.

Tica fit des études de philologie anglaise dans de prestigieux établissements libéraux des États-Unis et revint en 1952 à Madrid. Elle travailla pour la maison d’édition Aguilar qui employaient de nombreux anciens républicains. Elle se maria avec le peintre de Séville Antonio de Casas puis divorça, eut deux fils (Miguel, Claudio) et sept petits-enfants.

En 2011, elle a publié ses souvenirs Notas deshilvanadas de una niña que perdió la guerra (Comares) et en 2017 la suite El sonido del agua en las acequias (Dauro) .

Elle a aujourd’hui 91 ans, bientôt 92, et vit dans une maison de retraite dans les environs de Madrid. Víctor Fernández nous dit qu’elle est la dernière personne encore en vie à avoir connu de près le poète.

« Claro que me gustaría llevarle flores a mi tío a su tumba. Pero no tengo con quién. No sé dónde está. Eso es un misterio. Es el misterio. ». Elle ajoute : « Me gustaría llevarle flores a mi tío Federico ».

Federico García Lorca

Huerta de San Vicente. Vega de Granada.

Diván del Tamarit est le recueil du retour de Federico García Lorca à Grenade. Lors d’un dîner avec des amis au cours de l’été 1934, il annonce au célèbre arabisant Emilio García Gómez (1905-1995, auteur de Poemas arabigosandaluces, 1930), présent ce jour-là qu’il a composé une collection de casidas et de gacelas, c’est à dire un Divan en l’honneur des vieux poètes musulmans de Grenade (comme par exemple Ibn Zamrak, 1333-1393, dont les vers décorent les vasques et les murs de l’Alhambra). Il veut l’appeler Tamarit du nom d’une maison de campagne de sa famille où plusieurs d’entre elles furent écrites. En réalité, c’est un oncle du poète, Francisco García, qui avait une propriété nommée la Huerta del Tamarit, près du Genil. Le Tamarit désignait dans la langue des conquérants venus d’Afrique du Nord le quartier où se trouvait également la Huerta de San Vicente, appartenant à la famille de García Lorca. Le vieil ami du poète, Antonio Gallego Burín (1895-1961), doyen de la faculté de Lettres de Grenade promet de le faire publier par l’université. Emilio García Gómez rédigera une préface. Les fortes tensions politiques en Espagne à partir de 1934 ne permettront pas cette publication. Emilio García Gómez et Antonio Gallego Burín appartiennent à l’extrême-droite.
Amour, érotisme et mort se retrouvent au centre de ces poèmes (12 gacelas, 9 casidas).

“Llámase casida en árabe a todo poema de cierta longitud, con determinada arquitectura interna (…) y en versos monorrimos, medidos con arreglo a normas escrupulosamente estereotipada. La gacela —empleada principalmente en la lírica persa— es un corto poema, de asunto con preferencia erótico, ajustado a determinadas técnicas y cuyos versos son más de cuatro y menos de quince. Diván es la colección de las composiciones de un poeta, generalmente catalogadas por orden alfabético de rimas.” (Emilio García Gómez, Nota al Diván del Tamarit.)

(d’après Federico García Lorca, Oeuvres complètes I. Bibliothèque de la Pléiade NRF. 1981)

Gacela del amor imprevisto

Nadie comprendía el perfume
de la oscura magnolia de tu vientre.
Nadie sabía que martirizabas
un colibrí de amor entre los dientes.

Mil caballitos persas se dormían
en la plaza con luna de tu frente,
mientras que yo enlazaba cuatro noches
tu cintura, enemiga de la nieve.

Entre yeso y jazmines, tu mirada
era un pálido ramo de simientes.
Yo busqué, para darle, por mi pecho
las letras de marfil que dicen siempre.

siempre, siempre: jardín de mi agonía,
tu cuerpo fugitivo para siempre,
la sangre de tus venas en mi boca,
tu boca ya sin luz para mi muerte.

Diván del Tamarit. Numéros 3-4 de la Revista Hispánica Moderna, Columbia University, juillet-octobre 1940.

Gacela de l’amour imprévu

Nul ne comprenait le parfum
du magnolia sombre de ton ventre.
Nul ne savait que tu martyrisais
un colibri d’amour entre tes dents.

Mille petits chevaux perses s’endormaient
sur la place baignée de lune de ton front,
tandis que moi, quatre nuits, j’enlaçais
ta taille, ennemie de la neige.

Entre plâtre et jasmins, ton regard
était un bouquet pâle de semences.
Dans mon coeur je cherchais pour te donner
les lettres d’ivoire qui disent toujours,

toujours, toujours : jardin de mon agonie,
ton corps fugitif pour toujours
le sang de tes veines dans ma bouche,
ta bouche sans lumière déjà pour ma mort.

Divan du Tamarit, Gallimard 1961. Traduction : Claude Couffon et Bernard Sesé.

Lecture par Laurent Stocker de la Comédie Française.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/poeme-du-jour-avec-la-comedie-francaise/federico-garcia-lorca-divan-du-tamarit-3478658

Casida de los ramos

Por las arboledas del Tamarit
han venido los perros de plomo
a esperar que se caigan los ramos,
a esperar que se quiebren ellos solos.

El Tamarit tiene un manzano
con una manzana de sollozos.
Un ruiseñor apaga los suspiros
y un faisán los ahuyenta por el polvo.

Pero los ramos son alegres,
los ramos son como nosotros.
No piensan en la lluvia y se han dormido,
como si fueran árboles, de pronto.

Sentados con el agua en las rodillas
dos valles esperaban al otoño.
La penumbra con paso de elefante
empujaba las ramas y los troncos.

Por las arboledas de Tamarit
hay muchos niños de velado rostro
a esperar que se caigan mis ramos,
a esperar que se quiebren ellos solos.

Diván del Tamarit. Numéros 3-4 de la Revista Hispánica Moderna, Columbia University, juillet-octobre 1940.

Casida des branches

Sous les arbres du Tamarit
sont arrivés les chiens de plomb,
attendant que tombent les branches,
attendant que seules se brisent.

Le Tamarit a un pommier
et une pomme de sanglots.
Un rossignol tait les soupirs
qu’un faisan chasse par la poussière.

Mais les branches ont leur gaieté,
les branches sont comme nous sommes.
Oublient la pluie, et puis s’endorment
telles des arbres, rapidement.

L’eau étalée sur leurs genoux
deux vallées attendaient l’automne.
La pénombre au pas d’éléphant
poussait les branches et les troncs.

Sous les arbres du Tamarit
il est beaucoup d’enfants voilés,
attendant que tombent mes branches,
attendant que seules se brisent.

Divan du Tamarit, Gallimard 1961. Traduction: Claude Couffon et Bernard Sesé.