Pablo Neruda – Jules Laforgue

Pablo Neruda (Padro Uhart)

Pablo Neruda tenait en haute estime Jules Laforgue (1860-1887). Il le situait dans la lignée d’un autre romantisme, américain celui-là. On peut lire ces mots dans Viaje al corazón de Quevedo, conférence prononcée à Santiago le 8 de décembre 1943 et publiée en 1955 :

” Hasta hoy, de los genios poéticos nacidos en nuestra tierra virginal, dos son franceses y dos son afrancesados. Hablo de los uruguayos Julio Laforgue e Isidoro Ducasse, y de Rubén Darío y Julio Herrera y Reissig. Nuestros dos primeros compatriotas, Isidoro Ducasse y Julio Laforgue, abandonan América a corta edad de ellos y de América. Dejan desamparado el vasto territorio vital que en vez de procrearlos con torbellinos de papel y con ilusiones caninas, los levanta y los llena del soplo masculino y terrible que produce en nuestro continente, con la misma sinrazón y el mismo desequilibrio, el hocico sangriento del puma, el caimán devorador y destructor y la pampa llena de trigo para que la humanidad entera no olvide, a través de nosotros, su comienzo, su origen.

América llena, a través de Laforgue y de Ducasse, las calles enrarecidas de Europa con una flora ardiente y helada, con unos fantasmas que desde entonces la poblarán para siempre. El payaso lunático de Laforgue no ha recibido la luna inmensa de las pampas en vano: su resplandor lunar es mayor que la vieja luna de todos los siglos: la luna apostrofada, virulenta y amarilla de Europa. Para sacar a la luz de la noche una luz tan lunar, se necesitaba haberla recibido en una tierra resplandeciente de astros recién creados, de planeta en formación, con estepas llenas aún de rocío salvaje. Isidoro Ducasse, conde de Lautréamont, es americano, uruguayo, chileno, colombiano, nuestro. Pariente de gauchos, de cazadores de cabezas del Caribe remoto, es un héroe sanguinario de la tenebrosa profundidad de nuestra América. Corren en su desértica literatura los caballistas machos, los colonos del Uruguay, de la Patagonia, de Colombia. Hay en él un ambiente geográfico de exploración gigantesca y una fosforescencia marítima que no la da el Sena, sino la flora torrencial del Amazonas y el abstracto nitrato, el cobre longitudinal, el oro agresivo y las corrientes activas y caóticas que tiñen la tierra y el mar de nuestro planeta americano. “

Pablo Neruda revendiquera l’influence de Jules Laforgue jusque dans ses derniers poèmes qui ne seront édités qu’après sa mort.

Portrait posthume de Jules Laforgue (Félix Vallotton ) paru dans Le Livre des masques de Remy de Gourmont (1898).

Paseando con Laforgue

Diré de esta manera, yo, nosotros,
superficiales, mal vestidos de profundos,
por qué nunca quisimos ir del brazo
con este tierno Julio, muerto sin compañía ?
Con un purísimo superficial
que tal vez pudo ense?arnos la vida a su manera,
la luna a su manera, sin la aspereza hostil del derrotado?
Por qué no acompañamos su violin
que deshojó el otoño de papel de su tiempo
para uso exclusivo de cualquiera,
de todo el mundo, como debe ser?

Adolescentes éramos, tontos enamorados
del áspero tenor de Sils-María,
ese sí nos gustaba,
la irreductible soledad a contrapelo,
la cima de los pájaros águilas
que sólo sirven para las monedas,
emperadores, pájaros destinados
al embalsamiento y los blasones.

Adolescentes de pensiones sórdidas,
nutridos de incesantes spaghettis,
migas de pan en los bolsillos rotos,
migas de Nietzsche en las pobres cabezas :
sin nosotros se resolvía todo,
las calles y las casas y el amor :
fingíamos amar la soledad
como los presidiarios su condena.

Hoy ya demasiado tarde volví a verte,
Jules Laforgue,
gentil amigo, caballero triste,
burlándote de todo cuanto eras,
solo en el parque de la Emperatriz
con tu luna portátil
– la condecoración que te imponías –
tan correcto con el atardecer,
tan compañero con la melancolía,
tan generoso con el vasto mundo
que apenas alcanzaste a digerir.
Porque con tu sonrisa agonizante
llegaste tarde suave joven bien vestido,
a consolarnos de nuestras pobres vidas
cuando ya te casabas con la muerte.

Ay cuánto uno perdió con el desdén
en nuestra juventud menospreciante
que sólo amó la tempestad, la furia,
cuando el frufrú que tú nos descubriste
o el solo de astro que nos enseñaste
fueron una verdad que no aprendimos :
la belleza del mundo que perdías
para que la heredáramos nosotros :
la noble cifra que no desciframos :
tu juventud mortal que quería enseñarnos
golpeando la ventana con una hoja amarilla:
tu lección de adorable profesor,
de compañero puro
tan reticente como agonizante.

Defectos escogidos, Losada, 1974

En se promenant avec Laforgue

Je vais dire tout net : Pourquoi moi, pourquoi nous,
superficiels, mal attifés, car trop profonds,
n’allâmes-nous jamais bras dessus, bras dessous
avec ce doux Laforgue, mort sans compagnie ?
Avec un purissime en apparence
qui aurait pu nous apprendre la vie à sa façon,
la lune à sa manière,
sans le ressentiment hostile du vaincu ?
Pourquoi n’accompagnâmes-nous pas son violon
qui effeuilla l’automne de papier de son époque
pour l’usage exclusif de chacun, de quiconque,
de tout le monde, comme il est normal ?

Nous étions des adolescents, des sots épris
du ténor acariâtre de Sils-Maria,
celui-là, ah ! Qu’il nous plaisait !
Nous aimions son irréductible solitude
à rebours, le piton des aigles
qui servent seulement à frapper les monnaies,
empereurs, oiseaux destinés
aux doigts de l’embaumeur et aux blasonnements.

Adolescents logés dans des pensions minables,
nourris d’éternels spaghetti,
de miettes de pain dans nos poches déchirés,
tout se réglait sans nous,
les rues et les maisons, l’amour :
nous affections d’aimer la solitude
comme les forçats, leur condamnation.

Aujourd’hui, et trop tard déjà, je t’ai revu,
Jules Laforgue,
gentil ami, sombre seigneur,
te moquant de toi-même en tes moindres détails,
solitaire au parc de l’Impératrice
avec ta lune portative
– la décoration que tu t’imposais –
si correct à l’égard du jour à son déclin,
si fraternel auprès de la mélancolie,
si généreux envers le monde en son ampleur
que tu avais à peine assimilé encore.
Car, avec ton sourire agonisant
tu es venu trop tard ô doux jeune homme bien vêtu
nous consoler de nos médiocres existence
alors qu’avec la mort déjà tu te mariais.

Ah ! Combien avons-nous perdu dans ce dédain
durant nos années de jeunesse méprisante
qui ne sut qu’aimer la tempête, la furie
tandis que le frou-frou que tu nous découvrais
ou le solo astral que tu nous enseignais
étaient des vérités que nous n’apprîmes pas :

cette beauté du monde que tu égarais
afin de nous l’offrir plus tard en héritage :
le noble chiffre qui resta de nous indéchiffré :
ta jeunesse mortelle aspirant à guider
qui cognait au carreau avec sa feuille jaune :
ta leçon d’adorable professeur,
de compagnon intègre et dont la réticence
n’avait pour l’égaler que l’ombre de la mort.

La rose détachée et autres poèmes. 1979. NRF Poésie/Gallimard n°394. 2004. Traduit de l’espagnol par Claude Couffon.

Idea Vilariño 1920 – 2009

Buscamos…

Buscamos
cada noche
con esfuerzo
entre tierras pesadas y asfixiantes
ese liviano pájaro de luz
que arde y se nos escapa
en un gemido.

(Palacio Salvo, 1982)

Poesía completa. Barcelona, Editorial Lumen, 2002.

On cherche

On cherche
toutes les nuits
avec peine
au milieu de terres lourdes et suffocantes
ce petit oiseau de lumière
qui flamboie et nous fuit
dans une plainte.

Ultime anthologie. Éditions La Barque, 2017. Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Eric Sarner.

Rapa Nui – Île de Pâques

Ahu Tongariki.

Le 1 août, l’île de Pâques (Rapa Nui -163,6 km²) se prépare à recevoir à nouveau des touristes après 28 mois de fermeture due à la pandémie.
L’île a perdu 2000 de ses 7 700 habitants. En effet, 71 % de la population vivait du tourisme. Il n’ y a plus de vols réguliers depuis le 16 mars 2020. La réouverture se fera graduellement. Les premiers mois, il n’ y aura que deux vols commerciaux par semaine (compagnie Latam), soit 600 passagers. Cela ne représente qu’un tiers des passagers qui visitaient l’île auparavant (16 vols hebdomadaires). 11 des 24 sites touristiques vont rouvrir : la plage d’ Anakena, la carrière Rano Raraku, berceau de la culture de l’île, le site d’ Ahu Akivi et ses sept moais. Le chômage concerne actuellement 58 % de la population active. Avant la pandémie, l’île recevait 156.000 visiteurs par an ce qui générait 120 millions de dollars de recettes (119 millions d’euros). Le programme Pro Empleo a donné du travail à 800 personnes qui sont occupées au nettoyage des côtes, aux plantations et à la promotion d’ activités culturelles. Le Ministère de l’Économie chilien a annoncé la semaine dernière le déblocage d’un fonds de 700.000 dollars (694.000 euros) pour l’aide aux PME. Plus d’une centaine ont fermé Ce qui empêche une réouverture complète, c’est la faiblesse du système sanitaire. L’île fait partie de la région de Valparaíso qui se trouve à 3526 kilomètres. Elle ne possède qu’un hôpital et dix-huit lits. En cas d’urgence, il faut faire appel à un avion-ambulance qui transporte les patients jusqu’au continent en 5 heures et demie, Pedro Edmunds Paoa, maire élu depuis 1994, se plaint du manque d’aides du gouvernement central. Celui-ci veut atteindre un taux de vaccination de la population de 80 %. Il n’est actuellement que de 73 %. Il n’ y a eu aucun décès pour cause de Covid dans l’île.

Informations tirées de l’article d’Antonia Laborde (El País, 18 juillet 2022) : La Isla de Pascua se prepara para mostrar de nuevo su misterioso patrimonio tras dos años de aislamiento .

https://elpais.com/cultura/2022-07-18/la-isla-de-pascua-se-prepara-para-mostrar-de-nuevo-su-misterioso-patrimonio-tras-dos-anos-de-aislamiento.html

Anakena.

Rapa Nui (Pablo Neruda)

Tepito-Te-Henúa, ombligo del mar grande,
taller del mar, extinguida diadema.
De tu lava escorial subió la frente
del hombre más arriba del Océano,
los ojos agrietados de la piedra
midieron el ciclónico universo,
y fue central la mano que elevaba
la pura magnitud de tus estatuas.

Tu roca religiosa fue cortada
hacia todas las líneas del Océano
y los rostros del hombre aparecieron
surgiendo de la entraña de las islas,
naciendo de los cráteres vacíos
con los pies enredados al silencio.

Fueron los centinelas y cerraron
el ciclo de las aguas que llegaban
desde todos los húmedos dominios,
y el mar frente a las máscaras detuvo
sus tempestuosos árboles azules.
Nadie sino los rostros habitaron
el círculo del reino. Era callado
como la entrada de un planeta, el hilo
que envolvía la boca de la isla.

Así, en la luz del ábside marino
la fábula de piedra condecora
la inmensidad con sus medallas muertas,
y los pequeños reyes que levantan
toda esta solitaria monarquía
para la eternidad de las espumas,
vuelven al mar en la noche invisible,
vuelven a sus sarcófagos de sal.

Sólo el pez luna que murió en la arena.

Sólo el tiempo que muerde los moais.

Sólo la eternidad en las arenas
conocen las palabras:
la luz sellada, el laberinto muerto,
las llaves de la copa sumergida.

Canto general, 1950.

Rapa Nui

Tepito-Te-Henua, ombilic de l’immensité,
atelier de la mer, diadème éteint.
De la scorie de tes volcans, le front de l’homme
monta plus haut que l’Océan,
les yeux crevassés de la pierre
prirent les dimensions du monde cyclonal,
et ce fut une main centrale qui dressa
la pure et suprême grandeur de tes statues.

Ta roche religieuse fut taillée
vers toutes les issues de l’Océan
et les visages de l’homme apparurent
des entrailles des îles surgissant,
naissant du vide des cratères,
les pieds entravés au silence.

Ils furent factionnaires. Ils arrêtèrent
le cycle des eaux déferlant
de tous les domaines humides.
La mer retint, devant les masques,
ses arbres bleus et tempétueux.
Nul hormis les visages n’habita
le cercle du royaume. Il était muet
comme l’entrée d’une planète,
le fil qui bâillonna cette bouche insulaire.

Ainsi, dans la clarté de l’abside marine
la fable de pierre décore
l’immensité de ses médailles mortes,
et les petits rois qui érigent
cette monarchie solitaire
pour l’éternité de l’écume,
retournent à la mer dans la nuit invisible,
rentrent dans leurs tombeaux, sarcophages de sel.

Et seul le poisson-lune qui mourut sur le sable,

seul le temps qui mord les moais,

seul l’éternité dans son gîte des grèves
ont le secret des mots :
la lumière arrêtée, le labyrinthe mort,
les clefs de la coupe engloutie.

Chant général. Éditions Gallimard, 1977. Traduction : Claude Couffon. NRF Poésie/Gallimard n°182.

Rano Raraku.

El Cortijo del Fraile – Federico García Lorca

El Cortijo del Fraile. Parc Naturel de Cabo de Gata (Almería), (Martin A. Doe.)

Il y avait hier dans le journal El País un article sur le Parc naturel de Cabo de Gata-Níjar : Por los cortijos de Cabo de Gata en busca de rincones. C’est un endroit fragile et assez fascinant où je suis allé deux fois, en 1999 et 2005.

https://elviajero.elpais.com/elviajero/2022/07/15/actualidad/1657874975_508225.html

El Cortijo del Fraile a été construit par les Dominicains au XVIII ème siècle. Il est passé dans les mains de l’état en 1836 (Loi de désamortissement du ministre Juan Álvarez Mendizábal), puis a été vendu à des intérêts privés. Les ruines du bâtiment et ses 730 hectares sont aujourd’hui la propriété de l’entreprise de Murcia, Agrícola La Misión, S. L. La ferme est située au sud-est de Níjar (Almería). Les touristes curieux ne trouvent pas le lieu facilement. Les communes les plus proches proches sont Los Albaricoques y Rodalquilar, célèbre pour ses anciennes mines d’or.

El Cortijo del Fraile est connu pour plusieurs raisons. La première pour le crime (Crimen de Níjar) qui eut lieu le 22 juillet 1928. Francisca Cañada Morales (1907 ou 1908-1987) en fut la protagoniste. Paca la Coja (c’était son surnom) avait 20 ans et allait se marier avec Casimiro Pérez Pino. Francisca et son cousin, Francisco Montes Cañada, dix ans plus âgé (Leonardo dans l’oeuvre de García Lorca alors que tous les autres personnages ne portent pas de nom) s’enfuirent sur une mule avant la cérémonie de mariage. Le frère de Casimiro, José, pour venger l’honneur de la famille, les surprit et tua Francisco de trois coups de fusil à quelques kilomètres du Cortijo del Fraile. Paca la Coja que l’on avait essayé d’étrangler vécut célibataire toute sa vie dans les environs. Ce fait divers fut beaucoup commenté par la presse de l’époque. Il inspira le roman Puñal de Claveles (1931) de Carmen de Burgos (1867-1932) et surtout la pièce de théâtre de Federico García Lorca, Bodas de sangre (Noces de sang, écrite en 1931, représentée à Madrid au Théâtre Beatriz le 8 mars 1933 par la Compagnie de Josefina Díaz et Manuel Collado).

La ferme et ses environs apparaissent aussi dans les westerns spaghetti de Sergio Leone Pour quelques dollars de plus (1965) Le bon, la brute et le truand (1966) Il était une fois la révolution (1971) (1966) ou de Damiano Damiani, El Chuncho (1966)

Bien que le site soit un Bien de Interés Cultural, les murs s’écroulent, le clocher de l’église penche dangereusement et la végétation envahit les bâtiments.

Photo prise en 1999. (CF)

” La Novia

¡Porque yo me fui con el otro, me fui! (Con angustia). Tú también te hubieras ido. Yo era una mujer quemada, llena de llagas por dentro y por fuera, y tu hijo era un poquito de agua de la que yo esperaba hijos, tierra, salud. Pero el otro era un río oscuro, lleno de ramas, que acercaba a mí el rumor de sus juncos y su cantar entre dientes. Y yo corría con tu hijo que era como un niñito de agua fría y el otro me mandaba cientos de pájaros que me impedían el andar y que dejaban escarcha sobre mis heridas de pobre mujer marchita, de muchacha acariciada por el fuego. Yo no quería, ¡óyelo bien! ; Yo no quería. ¡Tu hijo era mi fin y yo no lo he engañado, pero el brazo del otro me arrastró como un golpe de mar, como la cabezada de un mulo, y me hubiera arrastrado siempre, siempre, siempre, aunque hubiera sido vieja y todos los hijos de tu hijo me hubiesen agarrado de los cabellos!”

” La Fiancée
Je suis partie avec l’autre. Je suis partie (avec angoisse) Toi aussi tu l’aurais suivie ! J’étais brûlée, couverte de plaies en dedans et en dehors. Ton fils était l’eau fraîche dont j’attendais des enfants, la santé. Mais l’autre était un fleuve obscur sous la ramée. Il apportait vers moi la rumeur de ses joncs, sa chanson murmurante. Je courais avec ton fils qui, lui, était tout froid comme un petit enfant de l’eau. Et l’autre par centaine m’envoyait des oiseaux qui m’empêchaient de marcher et qui laissaient du givre sur mes blessures de pauvre femme flétrie, de jeune fille caressée par le feu. Je ne voulais pas, entends moi bien , je ne voulais pas. Ton fils était mon salut et je ne l’ai pas trompé, mais le bras de l’autre m’a entraînée comme un paquet de mer, comme vous pousse le coup de tête d’un mulet. Et même si j’avais été une vieille femme avec tous les enfants nés de ton fils accrochés à mes cheveux, il m’aurait emportée.” (Traduction Marcelle Auclair)

Federico García Lorca

La vocation poétique de Federico García Lorca est assez tardive. Elle ne commence vraiment que lorsqu’il abandonne l’étude régulière de la composition musicale à la mort de son professeur de musique Antonio Segura en mai 1916. Néanmoins, il jouera de la guitare et du piano avec grand talent toute sa vie. Il ne faut pas oublier que Manuel de Falla dira de lui qu’il aurait pu être encore plus grand musicien que poète. Il commence par des textes en prose (Impressions et paysages – Impresiones y paisajes, recueil publié à compte d’auteur à Grenade au début d’avril 1918). En 1916-1917, il a participé avec un groupe d’étudiants à quatre excursions universitaires sous la direction du professeur de littérature et d’art de l’université de Grenade, Martín Domínguez Berrueta. Il découvre la Castille et rencontre Antonio Machado à Baeza et Miguel de Unamuno à Salamanque. Son Livre de poèmes est publié à Madrid le 15 juin 1921 grâce à l’aide de son ami, l’éditeur Gabriel Maroto. Ses soixante-huit pièces ont été écrites de 1918 à 1920. On y reconnaît l’influence du romantisme et du symbolisme. Il est encore loin des courants d’avant-garde européens. Le livre est dédicacé à son frère Francisco (Paquito ou Paco, 1902-1976) de quatre ans son cadet qui sera diplomate, puis professeur d’université aux États-Unis.

Granada. Première statue du poète dans sa ville de Grenade (Antonio Corredor). 2010. Avenida de la Constitución.

Lluvia
Enero de 1919
Granada

La lluvia tiene un vago secreto de ternura,
algo de soñolencia resignada y amable,
una música humilde se despierta con ella
que hace vibrar el alma dormida del paisaje.

Es un besar azul que recibe la Tierra,
el mito primitivo que vuelve a realizarse.
El contacto ya frío de cielo y tierra viejos
con una mansedumbre de atardecer constante.

Es la aurora del fruto. La que nos trae las flores
y nos unge de espíritu santo de los mares.
La que derrama vida sobre las sementeras
y en el alma tristeza de lo que no se sabe.

La nostalgia terrible de una vida perdida,
el fatal sentimiento de haber nacido tarde,
o la ilusión inquieta de un mañana imposible
con la inquietud cercana del color de la carne.

El amor se despierta en el gris de su ritmo,
nuestro cielo interior tiene un triunfo de sangre,
pero nuestro optimismo se convierte en tristeza
al contemplar las gotas muertas en los cristales.

Y son las gotas: ojos de infinito que miran
al infinito blanco que les sirvió de madre.

Cada gota de lluvia tiembla en el cristal turbio
y le dejan divinas heridas de diamante.
Son poetas del agua que han visto y que meditan
lo que la muchedumbre de los ríos no sabe.

¡Oh lluvia silenciosa, sin tormentas ni vientos,
lluvia mansa y serena de esquila y luz suave,
lluvia buena y pacifica que eres la verdadera,
la que llorosa y triste sobre las cosas caes!

¡Oh lluvia franciscana que llevas a tus gotas
almas de fuentes claras y humildes manantiales!
Cuando sobre los campos desciendes lentamente
las rosas de mi pecho con tus sonidos abres.

El canto primitivo que dices al silencio
y la historia sonora que cuentas al ramaje
los comenta llorando mi corazón desierto
en un negro y profundo pentágrama sin clave.

Mi alma tiene tristeza de la lluvia serena,
tristeza resignada de cosa irrealizable,
tengo en el horizonte un lucero encendido
y el corazón me impide que corra a contemplarte.

¡Oh lluvia silenciosa que los árboles aman
y eres sobre el piano dulzura emocionante;
das al alma las mismas nieblas y resonancias
que pones en el alma dormida del paisaje!

Libro de poemas, 1921.

Pluie

La pluie a comme un vague secret de tendresse,
Plein de résignation, de somnolence aimable.
Discrète, une musique avec elle s’éveille
Qui fait vibrer l’âme lente du paysage.

C’est un baiser d’azur que la Terre reçoit,
Le mythe primitif accompli de nouveau,
Le contact d’une terre et d’un ciel déjà froids
Dans la douceur d’un soir qui n’en finit jamais.

C’est l’aurore du fruit, la porteuse de fleurs,
La purification du Saint-Esprit des mers.
C’est elle qui répand la vie sur les semailles
Et dans nos cœurs le sentiment de l’inconnu.

La nostalgie terrible d’une vie perdue,
Le sentiment fatal d’être arrivé trop tard,
L’espérance inquiète d’un futur impossible,
Et l’inquiétude, sœur des douleurs de la chair.

Elle éveille l’amour dans le gris de ses rythmes.
Notre ciel intérieur s’empourpre de triomphe;
Mais bientôt nos espoirs en tristesse se changent
Á contempler sur les carreaux ses gouttes mortes.

Ses gouttes sont les yeux de l’infini qui voient
Le blanc de l’infini qui leur donna naissance.

Chaque goutte de pluie en tremblant sur la vitre
Y fait, divine, une blessure de diamant,
Poétesse de l’eau qui a vu et médite
Ce qu’ignore la foule des ruisseaux et des fleuves

Sans orages ni vents, ô pluie silencieuse,
Douceur sereine de sonnaille et de lumière,
Pacifique bonté, la seule véritable,
Qui, amoureuse et triste, sur toute chose tombes,

Ô pluie franciscaine où chaque goutte porte
Une âme claire de fontaine et d’humble source,
Quand lentement sur la campagne tu descends,
Les roses de mon cœur à ta musique s’ouvrent.

Le psaume primitif que tu dis au silence,
Le conte mélodieux que tu dis aux ramées,
Mon cœur dans son désert le répète en pleurant
Sur les cinq lignes noires d’une portée sans clé.

J’ai la tristesse en moi de la pluie sereine,
Tristesse résignée de l’irréalisable.
Je vois à l’horizon une étoile allumée
mais mon cœur m’interdit de courir pour la voir.

Tu mets sur le piano une douceur troublante,
Ô pluie silencieuse, ô toi qu’aiment les arbres.
Tu donnes à mon cœur les vagues résonances
Qui vibrent dans l’âme lente du paysage.

Livre de poèmes. Oeuvres complètes. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 1981. Traduction André Belamich.

Première édition de Libro de Poemas. 1921

Après Pablo Neruda et Federico García Lorca, un troisième poème sur le thème de la pluie en cette période de canicule et de sécheresse, celui de Jorge Luis Borges. https://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/12/09/jorge-luis-borges-11/

Pablo Neruda

Pablo Neruda (Ricardo Reyes), 1919.

Pablo Neruda est né le 12 juillet 1904 à Parral (province de Linares, région du Maule). Il perd sa mère qui meurt de tuberculose le 14 septembre 1904. Son père, José del Carmen Reyes Morales (1872-1938), employé des chemins de fer chiliens, déménage en 1905 avec son fils à Temuco, petite ville de la province de Cautín, region d’ Araucanie. Il se remarie en 1906 avec Trinidad Candia Marverde, la « mamadre » (1869-1938).

Le premier apprentissage du poète c’est la nature de l’Araucanie. La pluie est omniprésente. Elle peut être dangereuse mais a aussi un grand pouvoir poétique.

«Mi infancia son zapatos mojados, troncos rotos
caídos en la selva, devorados por lianas
y escarabajos, dulces días sobre la avena,
y la barba dorada de mi padre saliendo
hacia la majestad de los ferrocarriles. »
(Canto general, 1950)

«J’eus pour enfance des souliers mouillés, des troncs brisés
tombés dans la forêt, dévorés par les lianes
et les scarabées, j’eus des journées douces sur l’avoine
et la barbe dorée de mon père partant
pour la majesté des chemins de fer. »
(Chant général, 1977. Traduction de Claude Couffon)

Il l’évoque aussi dans ce poème sur l’Île de Pâques.

XIV El gran océano

VII. La lluvia (Rapa Nui)

No, que la reina no reconozca
tu rostro, es más dulce
así, amor mío, lejos de las efigies, el peso
de tu cabellera en mis manos, recuerdas
el árbol de Mangareva cuyas flores caían
sobre tu pelo? Estos dedos no se parecen
a los pétalos blancos: míralos, son como raíces,
son como tallos de piedra sobre los que resbala
el lagarto. No temas, esperemos que caiga la lluvia, desnudos,
la lluvia, la misma que cae sobre Manu Tara.

Pero así como el agua endurece sus rasgos en la piedra,
sobre nosotros cae llevándonos suavemente
hacia la oscuridad, más abajo del agujero
de Ranu Raraku. Por eso
que no te divise el pescador ni el cántaro. Sepulta
tus pechos de quemadura gemela en mi boca,
y que tu cabellera sea una pequeña noche mía,
una oscuridad cuyo perfume mojado me cubre.

De noche sueño que tú y yo somos dos plantas
que se elevaron juntas, con raíces enredadas,
y que tú conoces la tierra y la lluvia como mi boca,
porque de tierra y de lluvia estamos hechos. A veces
pienso que con la muerte dormiremos abajo,
en la profundidad de los pies de la efigie, mirando
el Océano que nos trajo a construir y a amar.

Mis manos no eran férreas cuando te conocieron, las aguas
de otro mar las pasaban como a una red; ahora
agua y piedras sostienen semillas y secretos.

Ámame dormida y desnuda, que en la orilla
eres como la isla: tu amor confuso, tu amor
asombrado, escondido en la cavidad de los sueños,
es como el movimiento del mar que nos rodea.

Y cuando yo también vaya durmiéndome en tu amor, desnudo,
deja mi mano entre tus pechos para que palpite
al mismo tiempo que tus pezones mojados en la lluvia.

Canto general, 1950.

XIV. Le grand océan

VII . La pluie (Rapa Nui)

Non, que la reine n’identifie pas
ton visage il est plus doux
ainsi, mon amour, loin des effigies, le poids
de ta chevelure dans mes mains, te souviens-tu
de l’arbre de Mangareva, avec ses fleurs tombant
sur tes cheveux ? Ces doigts que tu vois ne ressemblent pas
aux blancs pétales : regarde-les ils sont pareils à des racines,
pareils à des tiges de pierre sur lesquelles le lézard glisse.
Ne t’effraie pas, attendons nus que la pluie tombe,
la pluie, la même pluie qui tombe sur Manu Tara.

Mais l’eau, de même qu’elle durcit ses traits sur la pierre,
tombe sur nous et tout doucement nous entraîne
vers la nuit, plus bas que la fosse
de Ranu Raraku : il ne faut pas
que le pêcheur ou que la jarre t’aperçoivent. Enfouis
tes seins de brûlures jumelles dans ma bouche
et que ta chevelure soit pour moi nuit miniature,
obscurité me recouvrant de son parfum mouillé.

La nuit je rêve que nous sommes toi et moi
deux plantes qui, leurs racines mêlées, grandirent ensemble,
et que tu connais la terre et la pluie comme ma bouche,
puisque nous sommes faits de terre et pluie. Il m’arrive
de penser que la mort venue nous dormirons
dans la profondeur des pieds de l’image, regardant
l’Océan qui nous a poussés à construire, à aimer.

Mes mains quand elle te connurent n’étaient pas
de fer. Les eaux
d’une autre mer les traversaient comme un filet ; et maintenant
eau et pierres soutiennent graines et secrets.

Aime-moi nue et endormie, car sur la rive
tu es pareille à l’île : ton amour confus,
surpris, ton amour caché dans le creux des rêves,
ressemble au mouvement marin qui nous entoure.

Et lorsque je m’endormirai, nu, à mon tour,
dans ton amour,
laisse ma main entre tes seins : qu’elle palpite
en même temps que leurs bourgeons mouillés de pluie.

Chant général. Éditions Gallimard, 1977. Traduction : Claude Couffon. NRF Poésie/Gallimard n°182.

Ahu Tongariki est le plus grand « ahu » (plateforme cérémonielle) de Rapa Nui – Ile de Pâques. Quinze moaï se trouvent là, dont le plus lourd existant (86 tonnes). Le site se trouve au bord de la baie d’Hotuiti, dans la partie orientale de l’île.

Miguel Hernández

J’avais déjà publié ce poème sur ce blog le 30 octobre 2018, mais sans la traduction en français.

Madrid, Parque del Oeste. Monumento a Miguel Hernández. 1985 (Arquitecto : Enrique Domínguez Uceta. Escultor : Miguel Ángel López Calleja)

Canción última

Pintada, no vacía:
pintada está mi casa
del color de las grandes
pasiones y desgracias.

Regresará del llanto
adonde fue llevada
con su desierta mesa
con su ruinosa cama.

Florecerán los besos
sobre las almohadas.
Y en torno de los cuerpos
elevará la sábana
su intensa enredadera
nocturna, perfumada.

El odio se amortigua
detrás de la ventana.

Será la garra suave.

Dejadme la esperanza.

El hombre acecha. 1938-39.

Dernière chanson

Ma maison est peinte, et non vide ;
Elle est peinte
de la couleur des grandes passions
et des grands malheurs.

Elle fuira les pleurs
là où on voulut la laisser,
elle reviendra avec sa table nue,
ma maison au lit de misère.

Fleuriront les baisers
sur les oreillers.
Et autour des corps
le drap soulèvera
son profond liseron
nocturne et parfumé.

La haine s’estompe
derrière la fenêtre.

La poigne sera douce.

Laissez-moi l’espérance.

Traduction de Jacinto Luis Guereña.

Fina García Marruz

Cintio Vitier – Fina García Marruz. 1997 (Consuelo Bautista).

Fina García Marruz (Josefina García-Marruz Badía), poétesse et essayiste cubaine, est décédée à 99 ans le 27 juin 2022 à La Havane. Elle était née dans cette même ville le 28 avril 1923. Elle faisait partie du groupe de poètes de la mythique revue Orígenes (40 numéros de 1944 à 1956), créée et dirigée par José Lezama Lima qui a réinventé le baroque dans la littérature contemporaine de langue espagnole.

Cette génération (Gastón Baquero, 1914-1997, Eliseo Diego, son beau-frère, 1920-1994, Cintio Vitier, son mari, 1921-2009) a été marquée par des écrivains espagnols tels que Juan Ramón Jiménez, Federico García Lorca et María Zambrano.

Une partie de ces écrivains cubains se sont opposés au régime de Fidel Castro. Elle et son mari s’en sont accommodés plus ou moins.

L’œuvre de Fina García Marruz est marquée par une spiritualité catholique, associée à un ton quotidien et intime.

Elle a fait des études supérieures et obtenu son doctorat en sciences sociales à l’université de La Havane en 1961. À partir de 1962, elle est chercheuse littéraire à la Bibliothèque nationale José-Martí de Cuba. Puis, de 1977 à 1987, elle travaille au Centro de Estudios Martianos. Elle est membre de l’équipe chargée de l’édition critique des Œuvres complètes du poète et père de l’indépendance de l’île au XIX siècle.

Elle a reçu notamment le prix national de littérature en 1990, le prix chilien Pablo Neruda de poésie ibéro-américaine en 2007, le prix Reina Sofía de poésie ibéro-américaine en 2011, le prix Ciudad de Granada Federico García Lorca la même année.

Principales œuvres :

Poésie
Las miradas perdidas. 1944-1950. Ucar García, La Havane, 1951.
Visitaciones. Unión Nacional de Escritores y Artistas de Cuba, La Habana, 1970.
Viaje a Nicaragua (avec Cintio Vitier). Letras Cubanas, La Habana, 1987.
Créditos de Charlot. Ediciones Vigía de la Casa del Escritor, Matanzas, 1990.
Habana del centro. La Havane, 1997.
El instante raro. Pre-Textos, Valence, 2010.

Essais

La familia de “Orígenes”. La Havane, 1997.

Darío, Martí y lo germinal americano. Ediciones Unión. La Havane, 2001.

Juana Borrero y otros ensayos, 14 textos. La isla infinita, 2011.

Ama la superficie casta y triste

Sé el que eres (Píndaro)

Ama la superficie casta y triste.
Lo profundo es lo que se manifiesta.
La playa lila, el traje aquel, la fiesta
pobre y dichosa de lo que ahora existe

Sé el que eres, que es ser el que tú eras,
al ayer, no al mañana, el tiempo insiste,
sé sabiendo que cuando nada seas
de ti se ha de quedar lo que quisiste.

No mira Dios al que tú sabes que eres
– la luz es ilusión, también locura –
sino la imagen tuya que prefieres,

que lo que amas torna valedera,
y puesto que es así, sólo procura
que tu máscara sea verdadera.

Cuando el tiempo ya es ido

Cuando el tiempo ya es ido, uno retorna
como a la casa de la infancia, a algunos
días, rostros, sucesos que supieron
recorrer el camino de nuestro corazón.
Vuelven de nuevo los cansados pasos
cada vez más sencillos y más lentos,
al mismo día, el mismo amigo, el mismo
viejo sol. Y queremos contar la maravilla
ciega para los otros, a nuestros ojos clara,
en donde la memoria ha detenido
como un pintor, un gesto de la mano,
una sonrisa, un modo breve de saludar.
Pues poco a poco el mundo se vuelve impenetrable,
los ojos no comprenden, la mano ya no toca
el alimento innombrable, lo real.

Yo quiero ver

Yo quiero ver la tarde conocida,
el parque aquel que vimos tantas veces.
Yo quiero oír la música ya oída
en la sala nocturna que me mece
el tiempo más veraz. Oh qué futuro
en ti brilla más fiel y esplendoroso,
qué posibilidades en tu hojoso
jardín caído, infancia, falso muro.
¡Sustancia venidera de la oscura
tarde que fue! ¡Oh instante, astro velado!
Te quiero, ayer, mas sin nostalgia impura,
no por amor al polvo de mi vida,
sino porque tan sólo tú, pasado,
me entrarás en la luz desconocida.

Habana del Centro, 1997.

 

Fernando Aramburu – Vicente Aleixandre

Fernando Aramburu, retratado en Hannover, donde reside.

Vicente Aleixandre (1898-1984) est un grand poète de la génération de 1927. Á cause de sa santé, il sortait peu de sa maison de Madrid (Velintonia, 3, aujourd’hui, Vicente Aleixandre), situé près de la Cité Universitaire. Il a obtenu le Prix Nobel de littérature en 1977. La Asociación de Amigos de Vicente Aleixandre (Velintonia 3) essaie depuis plus de 25 ans de sauver cet endroit de la destruction et de créer une Maison de la Poésie.

Fernando Aramburu, l’auteur de Patria (Tusquets 2016, publié en français sous le même titre chez Actes Sud en 2018, traduit par Claude Bleton),  a publié le 21 juin dernier un article dans le journal El País s’étonnant du peu d’intérêt de la mairie de Madrid et du gouvernement de la Communauté de protéger ce lieu hautement symbolique du la littérature espagnole du XX ème siècle.

El País, 21/06/2022

Casa rota (Fernando Aramburu)

A finales de los setenta, de paso por Madrid, tuve el propósito de presentarme en casa de Vicente Aleixandre, en Velintonia 3. La calle lleva hoy, por una decisión controvertida, su nombre. Sabido es que la casa fue durante muchos años lugar de reunión de poetas y que a ella acudían asimismo escritores noveles, deseosos de conocer en persona al maestro. Por los días de mi tentativa, Aleixandre ya había recibido el Premio Nobel de Literatura. Estaba el hombre muy solicitado y un problema grave de la vista, sobre el que me puso al corriente otro poeta, Rafael Morales, truncó la visita. Aleixandre murió un día invernal de 1984. Quedan sus obras para disfrute de quienes tengan la disposición sensible de activar una experiencia poética de primera magnitud. Y queda la casa entre cuyas paredes sonó alguna vez la voz de Federico García Lorca, de Miguel Hernández, de Luis Cernuda, de tantos otros que dejaron huella en la historia de la literatura española.

Hace unos años visité la casa. Alejandro Sanz, presidente de la Asociación de Amigos de Vicente Aleixandre, me facilitó el acceso. Encontré paredes desconchadas, suelos levantados, cuartos vacíos, polvo y grietas. Sentí una mezcla de vergüenza y pena que ha ido derivando hacia la resignación conforme veo alejarse la posibilidad de convertir el sitio en una Casa de la Poesía, con indudable provecho cultural para los ciudadanos.

El asunto es arduo. Los herederos buscan su beneficio crematístico. Las sucesivas administraciones no han querido o podido costear una solución adecuada. El Consejo de Gobierno de la Comunidad de Madrid ha declarado la casa como bien de interés patrimonial, y no de interés cultural, lo que supondría una protección mayor. No seré yo quien se sorprenda si el inigualable santuario de la poesía, hoy en venta, acaba convertido en una tasca.

Casa de Vicente Aleixandre. Madrid, Calle de Velintonia 3 (Julián Rojas).

Antonio Buero Vallejo – Miguel Hernández

(Merci à José Ramón Seco)

Antonio Buero Vallejo ( 1916-2000)

El País, 28 de marzo de 1982

El dramaturgo Buero Vallejo recuerda a su compañero de cárcel (Carmen Santamaría)

El 28 de marzo de 1942 moría en el Reformatorio de Adultos de Alicante el poeta Miguel Hernández. Había sido detenido por la policía portuguesa cuando intentaba refugiarse en el país vecino, y entregado a las autoridades españolas. Juzgado y condenado a muerte, Miguel pasó por varios centros penitenciarios hasta desembocar en el de su patria chica, donde la enfermedad acabaría con su peregrinación. Fue enterrado en el nicho número 1.009 de la ciudad de Alicante. Durante su estancia en la prisión de Conde de Toreno, en Madrid, Miguel Hernández tuvo una amistad singular, la del entonces pintor Antonio Buero Vallejo, a quien debemos el dibujo más conocido del poeta. Buero Vallejo recuerda en esta entrevista aquella relación entre rejas cuando se cumplen cuarenta años de la desaparición de su compañero Miguel Hernández.

“Yo conocí a Miguel en el último año de la guerra”, declara Buero Vallejo. “Le conocí en Benicasim; yo estaba en unas oficinas de trabajos diversos, y él había sido conducido al hospital. No tenia ninguna herida, pero estaba muy fatigado y necesitaba reponerse. Durante los veinte o treinta días que permaneció allí nos vimos poco, nada más que en las comidas, porque nos sentábamos a la misma mesa. Fue una relación superficial. Terminada la guerra, yo ingresé en la prisión de Conde de Toreno, y tiempo después llegó él. Me di a reconocer, me recordó enseguida y, entonces sí, entablamos una buena amistad que duró todo el tiempo que estuvimos juntos. Yo estaba ya en la galería de condenados a muerte, y él, como también fue condenado, vino a parar a la misma galería.

Pregunta. ¿Cómo se desarrolló su amistad? ¿Qué hacían ustedes cuando estaban juntos?

Respuesta. Hablábamos mucho; hablábamos sobre la tensa situación que vivíamos, hablábamos sobre los temas que para el hombre con inquietudes culturales son tan esenciales como el comer. Hablábamos de la poesía del 27, de la que él era como el benjamín, de la literatura en general, de su propia literatura. Yo entonces no me dedicaba todavía a escribir, pero hacía retratos, y ambos nos sabíamos artistas. Paseábamos por el palio de la cárcel, y él me recitó muchas de sus poesías, probablemente algunas concebidas en las noches de cárcel, porque él era muy mental, muy reflexivo, y tengo la impresión de que elaboraba sus poemas casi por completo de forma memorística antes de pasarlas al papel. Repasábamos juntos nuestro francés; a él le habían mandado las Cartas de Mme. de Sevigné, y durante bastantes días estuvimos leyéndolas juntos, corrigiéndonos mutuamente.

P. ¿Cómo era y se comportaba Miguel Hernández, el hombre, en aquel período?

R. El era un hombre de exterior abierto, expansivo, rotundo, amigo del chiste, de risa fácil. Era un introvertido profundo que a veces se quedaba ensimismado, distraido y un tanto melancólico, pero de forma espontánea pasaba a la broma, al pitorreo, al canturreo. Cantaba lo mismo cancioncillas ingenuas y vulgares que canciones de guerra que tenían letra suya.

P. ¿Recuerda usted algún hecho especial, alguna anécdota curiosa de aquel contacto carcelario con Miguel?

R. Hay una anécdota que da idea de cómo era este hombre por dentro; por dentro y por fuera. Cuando él entró en nuestra galería, yo comía con un compañero de expediente. Comer significaba compartir con otro u otros las cosas que mandaba la familia, quitándoselo quizá de la boca. Era una costumbre de los presos comer en república. Había mucha hambre, y el hambre era una obsesión primordial. El hambre es una piedra de toque para ver cómo es una persona. Como Miguel apenas recibía alimentos de fuera, mi compañero y yo pensamos invitarle a comer con nosotros. Yo fui a su petate y se Io propuse; él pareció aceptar, pero yo añadí: “Naturalmente, nos vamos a repartir la miseria, pero lo haremos con mucho gusto”. Me pareció un comentario lógico, pero para Miguel tuvo mas trascendencia de lo que imaginé. A la hora del rancho le esperamos, pero no apareció. Yo fui a buscarle, y entonces me dijo: “Mira, no, lo he pensado, y vosotros también estáis muy necesitados…”. Le insistí y no hubo manera de convencerle. Esto es un comportamiento insólito. Que una persona muy hambrienta, como era Miguel en aquel período, muy necesitada, dijese que no a una invitación de este tipo era insólito. Ofrecer lo poco que se tenía era normal, pero rechazarlo era de una abnegación y un desprendimiento inaudito. Era tal la sensibilidad de Miguel que no se permitía aceptar algo sabiendo que restaba: alimento a una persona que también estaba necesitada.

Miguel Hernández (Antonio Buero Vallejo). 25 janvier 1940. Madrid, cárcel del Conde de Toreno.