Andrés Sánchez Robayna – Jacques Ancet III

Je relis les poèmes d’Andrés Sánchez Robayna et les traductions de Jacques Ancet. Ce dernier a traduit aussi entre autres en français Vicente Aleixandre, Jorge Luis Borges, Luis Cernuda, Antonio Gamoneda, Juan Gelman, Ramón Gómez de la Serna, Luis de Góngora, San Juan de la Cruz, Roberto Juarroz, Alejandra Pizarnik, Francisco de Quevedo, José Ángel Valente, Xavier Villaurrutia, María Zambrano…

Espagne. Amandier en fleur (Prunus dulcis).

Verás, incomprensible,
blanco, casi vencido,
un almendro, de noche,
florecer junto a un muro.

Aún dura bajo el polvo,
seco, en el aire último.
Ahora muestra en silencio
sus hojas en lo oscuro.

Verás los brotes
pobres en lo negro, desnudos.
Verás ramas y tallos
en los brazos del Uno.

Sobre una confidencia del mar griego precedido de Correspondencias. 2005. Signos.

Tu verras l’amandier
blanc, incompréhensible,
presque vaincu, fleurir,
de nuit tout près d’un mur.

Sous la poussière sèche,
il dure à l’air ultime.
Il montre dans l’obscur
en silence ses feuilles.

Tu verras les bourgeons
pauvres et nus dans le noir.
Tu verras branches et tiges
entre les bras de l’Un.

Sur une confidence de la mer grecque précédé de Correspondances. Gallimard , 2008. Traduction : Jacques Ancet.

Rome. Cimetière du Testaccio. Tombe de John Keats.

Cementerio del Testaccio

Caminaste, una sombra apenas por la hierba,
hasta la piedra escrita. La mañana
verdeaba en lo húmedo, en el barro
mojado por la lluvia. Las palabras,

en la piedra, fijaban
un breve tiempo de dolor, el nombre
que fue escrito en el agua. Más allá,
pero casi cercana, se diría

a unos pasos tan sólo, pero dónde,
otra piedra perdida,
la de un niño en el barro, sin memoria.
Y otra piedra sin nombre, en la que sólo había,

simple, sin obra apenas, un ánfora labrada
toscamente. Que el agua
de la lluvia te alcance, piedra de la ignorancia,
que su rumor proteja la tierra sosegada.

Sobre una confidencia del mar griego precedido de Correspondencias. 2005. Signos.

Cimetière du Testaccio

Tu es venu, ombre à peine dans l’herbe,
jusqu’à la pierre écrite. Le matin
verdoyait dans l’humide, dans la boue
trempée de pluie. Sur la pierre les mots
retenaient

la brièveté d’un temps de douleur,
le nom qui fut écrit sur l’eau. Plus loin,
mais à côté presque, juste à quelques pas

aurait-on dit, mais où?, une autre pierre
égarée, celle
d’un enfant, sans mémoire, dans la boue.
Et, sans nom, une autre pierre, où il n’y avait,

simple, à peine ébauchée, qu’une amphore sculptée
grossièrement. Que l’eau
de la pluie te touche, pierre de l’ignorance,
que sa rumeur protège la terre apaisée.

Sur une confidence de la mer grecque précédé de Correspondances. Gallimard , 2008. Traduction : Jacques Ancet.

Anakena. Moaïs. Parc National de Rapa Nui. Île de Pâques.

Las nubes

Pasan las nubes blancas. En la tierra
indescifrable, el matorral oscuro,
la fijeza del tojo. Arriba, el cuerpo errante
del cúmulo en el nudo de la luz.

Pasar, como las nubes,
los cielos arrasados del verano tardío,
atravesar la claridad, herido,
en los ojos dolor, un cardo entre las manos.

Sobre una piedra extrema. 1995.

Les nuages

Passent les nuages blancs. Sur la terre
indéchiffrable, la broussaille obscure,
la raideur de la ronce. Plus haut le corps errant
nomade dans le nœud de la lumière.

Passer, comme les nuages,
les ciels nivelés de l’été tardif,
passer à travers la clarté, blessé,
dans les yeux la douleur, un chardon dans les mains.

Sur une pierre extrême. 1995. Traduction : Jacques Ancet.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/08/12/andres-sanchez-robayna-jacques-ancet-i/

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/08/12/andres-sanchez-robayna-jacques-ancet-ii/

Andrés Sánchez Robayna – Jacques Ancet II

Tu cuerpo ya para siempre tendido,
Rachel Corrie, en la tierra que te llora.

La excavadora lo abatió en el surco
de la impiedad sobre la tierra roja.

Bajo el metal del odio atravesante
la luz. Nunca supiste de la sombra.

Tu cabello solar alumbra el aire,
tu mejilla nos honra.

Este otro surco dejo, Rachel Corrie,
en tu paz, tu memoria.

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Ton corps à présent étendu, pour toujours,
Rachel Corrie, sur la terre qui te pleure.

La pelleteuse t’a jetée dans le sillon
de l’impiété sur le rouge de la terre.

Sous la haine et son métal tu as traversé
la lumière. Tu n’as jamais rien su de l’ombre.

Ta chevelure solaire illumine l’air,
ta joue est notre honneur.

Je laisse cet autre sillon, Rachel Corrie,
dans ta paix, dans ta mémoire.

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Madrid, para una elegía
Ogne lingua per certo verria meno… Inferno, XXVIII, 4

Pasan trenes en marzo atestados de lágrimas,
palabras o susurros bajo un cielo dormido,
mejillas presurosas que de pronto se tornan
amasijo de hierros en el alba.

Claridad de la sangre. En el crepúsculo
se juntaron los rostros silenciosos.
En todos los paraguas del dolor repicaba
la piedad de la lluvia.

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Madrid, pour une élégie

Ogne lingua per certo verria meno… Inferno, XXVIII, 4

Passent des trains en mars plein à craquer de larmes,
des mots, des murmures sous le sommeil du ciel,
des joues précipitées qui brusquement deviennent
un amas de métal à l’aube.

Le sang et sa clarté. Au crépuscule
se sont serrés, silencieux, les visages,
Sur les parapluies de la douleur crépitait
la pitié de la pluie.

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Gerberas amarillas
en las ventanas: manos
abiertas, breves
soles multiplicados.

Son una ofrenda, fuertes
contra el peso del día,
puro poder de la luz.
Son la luz misma.

Amarillo, naranja,
camino de su fin,
frescor confabulado
en la ventana ― flores

de qué tumba, son lágrimas
del sol, dentadas,
pinnatisectas, omnia mors
poscit, omnia mors poscit.

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Gerberas jaunes
à la fenêtre: des
mains ouvertes, de brefs
soleils multipliés.

C’est une offrande, forte,
contre le poids du jour,
pur pouvoir de lumière.
C’est la lumière même.

Du jaune, de l’orange,
en chemin vers leur fin,
fraîcheur de connivence
à la fenêtre – fleurs

de quelle tombe, larmes
du soleil, dentelées,
pinnées, omnia mors
poscit, omnia mors poscit.

Poèmes traduits de l’espagnol par Jacques Ancet qui est né le 14 juillet 1942 à Lyon. Études secondaires et supérieures dans cette même ville. “Lecteur” de français à l’Université de Séville, puis agrégé d’espagnol. A enseigné pendant plus de trente dans les classes préparatoires aux Grandes Écoles littéraires et commerciales avant de se consacrer à son travail d’écrivain et de traducteur près d’Annecy où il réside.
Prix Nelly Sachs 1992, Prix Rhône-Alpes du Livre 1994.

Jacques Ancet. 2012.
      

Andrés Sánchez Robayna – Jacques Ancet I

Andrés Sánchez Robayna.

J’ai lu ces derniers jours un recueil de poèmes d’Andrés Sánchez Robayna, illustré par Antoni Tàpies: Sur une confidence de la mer grecque précédé de Correspondances. Éditions Gallimard 2005. Les traductions en français sont de Jacques Ancet. 20 + 12 poèmes en tout. Ces poèmes se situent dans la lignée de ceux de José Ángel Valente (1929-2000).

Andrés Sánchez Robayna est né à Santa Brígida (Grande Canarie) le 17 décembre 1952. Ce poète est professeur de littérature espagnole à l’Université de La Laguna (Tenerife). Spécialiste de la littérature du Siècle d’Or espagnol, il est auteur d’ essais et traducteur. Il a publié des textes de poètes de langue anglaise (Wallace Stevens, William Wordsworth) française (Paul Valéry), portugaise (Haroldo de Campos, Oswald de Andrade) et catalane (Joan Brossa, Salvador Espriu, Ramón Xirau, Josep Palau i Fabre).

Recueils de poèmes:
Día de aire (Tiempo de efigies). El Ancla en la Ribera, 1970.
Clima. Edicions del Mall, 1978.
Tinta. Edicions del Mall, 1981.
La roca. Edicions del Mall, 1984.
Palmas sobre la losa fría. Cátedra, 1989.
Fuego blanco. Àmbit Serveis Editorials, 1992.
Sobre una piedra extrema. Ave del Paraíso Ediciones, 1995.
Inscripciones. Ediciones La Palma, 1999.
El libro, tras la duna. Pre-Textos, 2002.
Sobre una confidencia del mar griego: precedido de Correspondencias, en colaboración con Antoni Tàpies. Huerga y Fierro Editores, 2005.
La sombra y la apariencia. Tusquets, 2010.
Anthologies et œuvres réunies:
Poemas 1970-1985. Edicions del Mall, 1987.
Poemas 1970-1995. Vuelta, 1997.
Poemas 1970-1999. Galaxia Gutenberg, 2000.
En el cuerpo del mundo: obra poética (1970-2002). Galaxia Gutenberg-Círculo de Lectores, 2003.
Ideas de existencia. Antología poética, 1970-2002. Aldus, 2006.
El espejo de tinta. Antología poética, 1970-2010. Ed. de J. F. Ruiz Casanova. Cátedra, Letras Hispánicas, 2012.
Al cúmulo de octubre. Antología poética, 1970-2015. Visor, 2015.

Journal:La inminencia. Diarios 1980-1995. Fondo de Cultura Económica, 1996. – Días y mitos. Diarios, 1996-2000. Fondo de Cultura Económica, 2002. – Mundo, año, hombre. Diarios, 2001-2007. Fondo de Cultura Económica, 2016.

Jacques Ancet. Présentation:

“…Sur une confidence de la mer grecque est le prolongement direct du livre précédent, El libro, tras la duna (Le livre, derrière la dune, 2000-2001), long poème qui se présente non seulement comme une exploration de la mémoire personnelle, mais comme une plongée dans une mémoire plus vaste à la fois sociale, culturelle et cosmique. ici aussi, c’est à un dialogue que nous avons affaire: celui de l’expérience historique et individuelle, de l’ombre et de la lumière, de l’espace et du temps, du multiple et de l’un. ” Le dialogue avec le peintre catalan Antoni Tàpies (1923-2012) a été très fructueux (8 illustrations).

Je dois signaler particulièrement certains poèmes: “Tu cuerpo ya para siempre tendido” qui évoque Rachel Corrie, militante pacifiste nord-américaine écrasée par les chars israéliens; “Madrid, para una elegía” qui rappelle les attentats terroristes du 11 mars 2004 à Madrid; “Gerberas amarillas en las ventanas” qui évoque le poète Juan Ramón Jiménez, enterré dans le cimetière de sa ville natale, Moguer.