Arthur Rimbaud

Un coin de table. (Détail: Arthur Rimbaud) 1872. Paris, Musée d’ Orsay.

Beauté. Mélancolie. L’un des plus beaux poèmes de la langue française.

Sensation

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Mars 1870.

Poésies.

Le portrait que réalise Henri Fantin-Latour du jeune poète de Charleville est, avec la célèbre photo faite par Étienne Carjat, la représentation de Rimbaud la plus connue et reproduite. Peint en février ou mars 1872. Il n’avait pas encore 18 ans.

Eugénio de Andrade II 1923 – 2005

Eugénio de Andrade.

II

O muro é branco
e bruscamente
sobre o branco do muro cai a noite.


Há uma cavalo próximo do silêncio,
uma pedra fria sobre a boca,
pedra cega de sono.


Amar-te-ia se viesses agora
ou inclinasses
o teu rosto sobre o meu tão puro
e tão perdido,
ó vida.

Matéria solar, 1980.

II

Le mur est blanc
et brusquement
sur le blanc du mur tombe la nuit.

Il y a un cheval proche du silence,
une pierre froide sur la bouche,
pierre aveuglée de sommeil.

Je t’aimerais si tu venais maintenant,
si tu penchais
ton visage sur le mien tellement pur
et tellement perdu,
ô vie.

Matière solaire, 1980.

(Traduction: Michel Chandeigne, Patrick Quillier, Maria Antónia Câmara Manuel)

VII

Conhecias o verâo pelo cheiro,
o silêncio antiquíssimo
do muro, o furor das cigarras,
inventavas a luz acidulada
a prumo, a sombra breve
onde o rapazito adormecera,
o brilho das espáduas.
E o que te cega, o sol da pele.

Matéria Sola, 1980

                 VII

Tu connaissais l’été à son odeur,
le silence très ancien
du mur, l’ardeur des cigales,
tu inventais la lumière acidulée
tombant à pic, l’ombre brève
où le gamin s’était endormi,
le brillant des épaules.
C’est ce qui t’aveugle, le soleil de la peau.

Matière solaire, 1980.

(Traduction: Michel Chandeigne, Patrick Quillier, Maria Antónia Câmara Manuel)

XXXVI

Pela manhâ de junho é que eu iria
pela última vez.
Iria sem saber onde a estrada leva.

E a sede.

Matéria solar, 1980

XXXVI

Par un matin de juin je m’en irai
pour la dernière fois.
Je m’en irai sans savoir où mène la route.

Ni la soif.

Matière solaire, 1980.

(Traduction: Michel Chandeigne, Patrick Quillier, Maria Antónia Câmara Manuel)

X

Essa mulher, a doce melancolia
dos seus ombros, canta.
O rumor
da sua voz entra-me pelo sono,
é muito antigo.
Traz o cheiro acidulado
da minha infância chapinhada ao sol.
O corpo leve quase de vidro.

O Peso da Sombra (1982)

X

Cette femme, la douce mélancolie
de ses épaules, chante.
La rumeur
de sa voix me pénètre en plein sommeil,
elle est très ancienne.
Et m’apporte l’odeur acidulée
de mon enfance s’ébrouant au soleil.
Le corps léger presque de verre.

Le poids de l’ombre, 1982

(Traduction: Michel Chandeigne, Patrick Quillier, Maria Antónia Câmara Manuel)

Eugénio de Andrade I 1923 – 2005

Eugénio de Andrade.

Eugénio de Andrade, «Da palavra ao silêncio», Rosto Precario, Porto, Fundaçã o Eugénio de Andrade, 1995 (1 ère éd.1979) p. 37-38.

«En ce temps-là […] j’ai appris qu’il y avait très peu de choses absolument nécessaires. Ce sont ces choses que mes vers aiment et exaltent. La terre et l’eau, la lumière et le vent deviennent consubstantiels pour faire corps avec tout l’amour dont ma poésie est capable. Mes racines plongent depuis l’enfance dans le monde le plus élémentaire. Je garde de ce temps le goût pour une architecture extrêmement claire et dénudée, que mes poèmes s’emploient à réfléchir; l’amour pour la blancheur de la chaux à laquelle se mêle invariablement, dans mon esprit, le chant dur des cigales; une préférence pour le langage parlé, presque réduit aux paroles nues et nettes d’un cérémonial archaïque. […] [La] pureté dont on a tant parlé à propos de ma poésie, c’est simplement de la passion, passion pour les choses de la terre, dans leur forme la plus ardente et non encore consumée.»

Eugenio de Andrade (né José Fintinhas) est né le 19 janvier 1923 à Póvoa de Atalaia, (Province de Beira Baixa, Portugal). Il est issu d’une famille de paysans. Il vit à Lisbonne de 1932 à 1943. Il s’installe à Porto en 1950 et fait une carrière d’inspecteur au ministère de la Santé. Il commence à publier des plaquettes à 16 ans et son œuvre est célébrée à partir de 1948. Mais, malgré sa célébrité, Eugénio de Andrade est resté un homme solitaire, fuyant les mondanités et les apparitions publiques.

Traducteur, auteur d’anthologies, romancier et poète, son œuvre est traduite en une douzaine de langues.

Il a reçu le Prix de l’Association internationale des critiques littéraires (1986), le Grand Prix de poésie de l’Association portugaise des écrivains (1989) et le prix Camões de la littérature portugaise en 2001. Il est mort à Porto le 13 juin 2005 des suites d’une très longue maladie neurologique.

Traductions françaises.

(La plupart de ses œuvres ont été publiées en édition bilingue aux Éditions de la Différence.)

Vingt-sept poèmes, traduit par Michel Chandeigne. Typographie Michel Chandeigne, 1983.

Matière solaire, traduit par Antónia Câmara Manuel, Michel Chandeigne, et Patrick Quiller, La Différence, 1986.
Les Poids de l’ombre, traduit par Antónia Câmara Manuel, Michel Chandeigne, et Patrick Quiller, La Différence, 1986.
Blanc sur blanc, traduit par Michel Chandeigne, La Différence, 1988.

Ecrits de la terre, traduit par Michel Chandeigne; La Différence, 1988.
L’Autre nom de la terre traduit par Michel Chandeigne et Nicole Siganos, La Différence, 1990.
Versants du regard et autres poèmes en prose, traduit par Patrick Quillier, La Différence, 1990.

Trente poèmes. Porto, 1992.
Office de la patience, traduit par Michel Chandeigne, Orfeu-Livraria Portuguesa, 1995.
Le Sel de la langue, traduit par Michel Chandeigne, La Différence, 1999.

A l’approche des eaux, traduit par Michel Chandeigne. La Différence, 2000.
Les Lieux du feu, traduit par Michel Chandeigne, L’Escampette 2001.
Matière solaire, suivi de Le poids de l’ombre et de Blanc sur blanc. Traduit du portugais par Michel Chandeigne, Patrick Quillier et Maria Antonia Camara Manuel, Poésie / Gallimard, 2004 n°395.

Raquel Lanseros

Raquel Lanseros.

Guerra con G de genocidio

                                      

Fue en España donde mi generación aprendió
que uno puede tener razón
y ser derrotado
.

Albert Camus

                                       

Existen muchas formas de perder una guerra.
Puede perderse por faltas de adhesiones
por abuso de fuerza
por el macabro redoble de monedas
contra las mesas de altos gabinetes.
Una guerra se puede perder por omisión.
Y es posible perder
una guerra de todas las maneras.

Eso ocurrió en España.
Como era de esperar, Goliat vence a David.
Pablo Neruda dijo: Mirad mi casa muerta,
mirad España rota.

Mis abuelos no dijeron nada.
Comprendieron muy bien que era hablar o vivir.
Fueron pariendo en silencio a sus hijos,
el silencio que arrulla los nombres de los mártires.

Muchos años pasaron
pero lo nuevoviejo no cesó de amamantar
el silencio con ira.
Ese silencio enfermo engordó tanto
que su enorme barriga es un acantilado
donde se estrella cada día la verdad.

Fue en España donde mi generación aprendió
que una guerra también puede perderse
mucho antes de nacer.

Matria (Visor, Madrid, 2018; 2ª ed. 2019)

Raquel Lanseros es una poeta española nacida en 1973 en Jerez de la Frontera (Andalucía).
Su libro Matria ha sido galardonado en abril 2019 con el Premio de la Crítica 2018 que otorga anualmente la Asociación Española de Críticos Literarios (AECL) al mejor libro de poesía.
Desde 2018 es profesora de Didáctica de la Lengua y Literatura en la Universidad de Zaragoza.

Miquel Martí i Pol 1929 – 2003

Miquel Martí i Pol jeune. Can Clarà. 23 septembre 1951.

Metamorfosi

De tant en tant la mort i jo som u:
mengem el pa de la mateixa llesca,
bevem el vi de la mateixa copa
o compartim amicalment les hores
sense dir res, llegint el mateix llibre.

De tant en tant la mort, la meva mort,
se’m fa present quan sóc tot sol a casa.
Aleshores parlem tranquil·lament
del que passa pel món i de les noies
que ja no puc haver. Tranquil·lament
parlem la mort i jo d’aquestes coses.

De tant en tant – només de tant en tant –
és la mort la que escriu els meus poemes
i me’ls llegeix, mentre jo faig de mort
i l’escolto en silenci, que és tal com
vull que escolti la mort quan jo lleigeixo.

De tant en tant la mort i jo som u :
la meva mort i jo som u, i el temps
s’esfulla lentament i el compartim,
la mort i jo, sense fer escarafalls,
dignament, que diríem per entendre’ns.

Després les coses tornen al seu lloc
I cadascú reprèn la seva via.

Quadern de vacances, 1976.

Métamorphose

Parfois la mort et moi ne faisons qu’un :
nous mangeons la même tranche de pain
et buvons le vin de la même coupe,
en bons amis nous partageons les heures
sans rien dire, lisant le même livre.

Parfois, je suis tout seul à la maison,
et voilà que la mort, ma mort, m’est présente.
Nous discutons alors tranquillement
des événements du monde et des filles
que je ne peux avoir. Tranquillement
nous parlons, la mort et moi, de cela.

Parfois — et seulement à ce moment —
c’est elle, la mort, qui écrit mes poèmes
et me les lit quand je tiens lieu de mort,
je l’écoute en silence, c’est ainsi
qu’elle doit m’écouter lorsque je lis.

Parfois la mort et moi ne faisons qu’un.
Ma mort et moi ne faisons qu’un, le temps
s’effeuille lentement et nous le partageons,
la mort et moi, sans faire de manières,
dignes, si je puis m’exprimer ainsi.

Puis les choses se remettent à leur place
et chacun reprend son chemin.

Cahier de vacances. (Traduit par Patrick Gifreu)

Blaise Cendrars 1887 -1961

Blaise Cendrars (Amedeo Modigliani). 1917. Rome, Collection Riccardo Gualino.

Réveil

Je dors toujours les fenêtres ouvertes
J’ai dormi comme un homme seul
Les sirènes à vapeur et à air comprimé ne m’ont pas trop réveillé

Ce matin je me penche par la fenêtre
Je vois

Le ciel
La mer
La gare maritime par laquelle j’arrivais de New-York en 1911
La baraque du pilotage
Et
A gauche
Des fumées des cheminées des grues des lampes à arc à contre-jour
Le premier tram grelotte dans l’aube glaciale
Moi j’ai trop chaud
Adieu
Paris
Bonjour soleil

Feuilles de route, 1924.

Réveil

Je suis nu
J’ai déjà pris mon bain
Je me frictionne à l’eau de Cologne
Un voilier lourdement secoué passe dans mon hublot
Il fait froid ce matin
Il y a de la brume
Je range mes papiers
J’établis un horaire
Mes journées seront bien remplies
Je n’ai pas une minute à perdre
J’écris

Feuilles de route, 1924.

Lettre

Tu m’as dit si tu m’écris
Ne tape pas tout à la machine
Ajoute une ligne de ta main
Un mot un rien oh pas grand chose
Oui oui oui oui oui oui oui oui

Ma Remington est belle pourtant
Je l’aime beaucoup et travaille bien
Mon écriture est nette est claire
On voit très bien que c’est moi qui l’ai tapée

Il y a des blancs que je suis seul à savoir faire
Vois donc l’oeil qu’à ma page
Pourtant, pour te faire plaisir j’ajoute à l’encre
Deux trois mots
Et une grosse tache d’encre
Pour que tu ne puisses pas les lire.

Feuilles de route, 1924.

Rafael Alberti

Rafael Alberti. Punta del Este.1943.

Rafael Alberti évoque la figure de Ramón dans La arboleda perdida. Il critique ses prises de position franquistes, mais reconnaît son génie.

La arboleda perdida. Tercer libro (1931-1977). 1987.

«Ramón Gómez de la Serna vive muy aislado, casi oculto, en la ciudad de Buenos Aires desde el inicio de nuestra guerra civil. Yo, a pesar de que lo admiraba de verdad, me pasé muchos años sin saludarlo, debido a su tonto e innecesario franquismo, que lo alejó de sus más grandes amigos. Ramón se aburría hasta el infinito -él, tan bullanguero y sacamuelas- en la Argentina sin su tertulia cafetera de Pombo, en la que había sido su dirigente inagotable y genial. Un día, un hermano, por cierto comunista, de su mujer, la delicada y muy hermosa escritora hebrea Luisa Sofovich, me dijo que Ramón vivía muy triste, sin ver a nadie, desesperado, tan lejos de Madrid, preguntándome tímidamente si a mí no me importaría verlo. Me emocionó la petición. Nunca habíamos comprendido el franquismo de Ramón, digno, en verdad, de aquel personaje de su novela Gustavo el incongruente, pues al principio de la guerra, allá en su soledad argentina, Ramón había escrito greguerías laudatorias dedicadas a Ramón Franco, el aviador, creyendo que se trataba del generalísimo. ¡Gran ramonada esta ramoniana confusión de Ramón! Cuando por fin fui a verlo, Ramón me recibió sentado ante la mesa de su comedor, como si estuviera oficiando en su amada tertulia pombiana, iluminándosele la ancha cara de chispero goyesco, hablando alegremente, casi a gritos, y levantándose, a veces, lo mismo que en el cuadro que Gutiérrez Solana le pintó, rodeado de los más famosos contertulios. De pronto, Ramón alzó una mano, ofreciéndole el dedo índice doblado a su mujer, como si fuese el saltadero de una jaula, invitándola muy cariñosamente: “Apoye usted, mi pajarito, sus patitas en este dedo”. Luisa, prendiendo dos de los suyos sobre el que le ofrecía Ramón, estuvo así todo el tiempo que duró la visita. En un momento que Ramón aspiró una bocanada de humo que yo solté de mi pipa, me preguntó por el tabaco que fumaba. “Dunhill”, le dije. Muy serio entonces, me sentenció, rotundo: “¡Cáncer! Mi hermano fumaba esos tabacos. Y se murió. Hay que fumar el que yo fumo: La hija del toro de América“. Y a continuación se preparó una pipa con aquel horrible tabaco, que levantó una fumarola como la del Vesubio, despidiendo un fuerte olor a yerbajos secos, mezclado con el de las cerillas que había dejado dentro del hogar de su pipa, ya que aquel tabaco -afirmaba- tenía mejor sabor mezclado con ellas.

Más tarde, y ya muerto Ramón, le dediqué este soneto impuntuado, en el que quise dar, todo revuelto, lo que fue para mí el gran inventor de las greguerías:

Por qué franquista tú torpe ramón
elefante ramón payaso harina
ramón zapato alambre golondrina
solana madrid pombo pin pan pon

ramón senos ramón chapeaumelón
tío-vivo ramón pipa pamplina
sacamuelas trapero orina esquina
y con de en por sin sobre tras ramón

ramón columpio múltiple vaivén
descabezado tonto ten sin ten
ramón orquesta solo de trombón

ramón timón tampón titiritero
incongruente inverosímil pero
ramón genial ramón solo ramón.

… Pero le dije a Ramón que Juan Ramón Jiménez estaba en Buenos Aires. Habían sido en otro tiempo muy amigos. Discretamente, Juan Ramón me insinuó que quería verlo, que se lo preguntara. Ramón dijo que sí. Al día siguiente, yo acompañé al poeta de Huelva con su mujer, Zenobia, a casa de Ramón. La escalera del piso donde vivía arrancaba del zaguán. Cuando llegamos, Ramón esperaba en el rellano de su piso al lado de Luisita. “¡Un momento!”, gritó a Juan Ramón, sin más saludo. “¡Un momento! ¿Puedes explicarme, antes de subir, por qué escribes Dios sin mayúscula últimamente? A Dios le han quitado ya todo en la tierra. Y ahora vienes tú y le quitas lo último que le quedaba: la mayúscula. Promete que se la devolverás”. A Juan Ramón le temblaba la barba. Balbució algo que no entendí. Y me fui detrás de él y de Zenobia, cerrando la puerta de la calle suavemente.»

Pablo Neruda

Ramón Gómez de la Serna, 1931.

Oda a Ramón Gómez de la Serna

Ramón
está escondido,
vive en su gruta
como un oso de azúcar.
Sale sólo de noche
y trepa por las ramas
de la ciudad, recoge
castañas tricolores,
piñones erizados,
clavos de olor, peinetas de tormenta,
azafranados abanicos muertos,
ojos perdidos en las bocacalles,
y vuelve con su saco
hasta su madriguera trasandina
alfombrada con largas cabelleras
y orejas celestiales.

Vuelve lleno de miedo
al golpe de la puerta,
al ímpetu
espacial de los aviones,
al frío que se cuela desde España,
a las enredaderas, a los hombres,
a las banderas, a la ingeniería.

Tiene miedo de todo.

Allí en su cueva
reunió los alimentos
migratorios
y se nutre de claridad sombría
y de naranjas.

De pronto
sale un fulgor, un rayo
de su faro
y el haz ultravioleta
que encerraba
su frente
nos ilumina el diámetro y la fiesta,
nos muestra el calendario
con Viernes más profundos,
con Jueves como el mar vociferante,
todo repleto, todo
maduro con sus orbes,
porque el revelador del universo
Ramón se llama y cuando
sopla en su flor de losa, en su trompeta,
acuden manantiales,
muestra el silencio sus categorías.
Oh Rey Ramón,
monarca
mental,
director
ditirámbico
de la interrogadora poesía,
pastor de las parábolas
secretas, autor
del alba y su
desamparado
cataclismo,
poeta
presuroso
y espacioso,
con tantos sin embargos
con tantos ojos ciegos,
porque
viéndolo todo
Ramón se irrita
y se desaparece,
se confunde en la bruma
del calamar lunario
y el que todo lo dice
y puede
saludar lo que va y lo que viene,
de pronto
se inclina hacia anteayer, da un cabezazo
contra el sol de la historia,
y de ese encuentro salen chispas negras
sin la electricidad de su insurgencia.

Escribo en Isla Negra,
construyo
carta y canto.
El día estaba roto
como la antigua estatua
de una diosa marina
recién sacada de su lecho frío
con lágrimas y légamo,
y junto al movimiento
descubridor
del mar y sus arenas,
recordé los trabajos
del Poeta,
la insistencia radiante de su espuma,
el venidero viento de sus olas.

Y a Ramón
dediqué
mis himnos matinales,
la culebra de mi caligrafía,
para cuando
salga
de su prolija torre de carpincho
reciba la serena
magnitud de una ráfaga de Chile
y que le brille al mago el cucurucho
y se derramen todas sus estrellas.

Navegaciones y regresos, Buenos Aires: Losada, 1959.

José Bergamín II 1895 -1983

La tertulia del café Pombo (José Gutiérrez Solana). 1920. Madrid, Museo Reina Sofía. Esta tertulia era presidida en Madrid en la calle de Carretas por el “padre de las vanguardias en España”, Ramón Gómez de la Serna. Bergamín era muy joven entonces pero su excepcional agudeza e inteligencia le permitía participar en pie de igualdad con conterturlios mayores. Manuel Abril, Tomás Borrás, José Bergamín, José Cabrero, Gómez de la Serna –de pie– Mauricio Bacarisse, el propio Solana autorretratado, Pedro Emilio Coll y Salvador Bartolozzi.

José Bergamín, grande figure qui traversa tout le XXe siècle espagnol est mort en 1983, tout de suite après avoir corrigé les épreuves de son dernier recueil de poèmes, En attendant la main de neige, c’est-à-dire la mort. Il sera enterré le lendemain, selon ses propres vœux, dans une tombe anonyme du cimetière de Fontarrabie (en basque : Hondarribia ; en espagnol : Fuenterrabía) De là, il domine la mer, comme la croix du Christ de ses trois grands sonnets (Tres sonetos a Cristo crucificado ante el mar) dédiés à Jacques et Raïssa Maritain et qu’Antonio Machado considérait parmi les plus beaux de la langue espagnole.

Tres sonetos a Cristo crucificado ante el mar

(París, 1937)

                   A Jacques y Raïssa Maritain

                  Solo a lo lejos el piadoso mar
                  Unamuno

                             I

No te entiendo, Señor, cuando te miro
frente al mar, ante el mar crucificado.
Solos el mar y tú. Tú en cruz anclado,
dando a la mar el último suspiro.

No sé si entiendo lo que más admiro:
que cante el mar estando Dios callado;
que brote el agua, muda, a su costado,
tras el morir, de herida sin respiro.

O el mar o tú me engañan, al mirarte
entre dos soledades, a la espera
de un mar de sed, que es sed de mar perdido.

¿Me engañas tú o el mar, al contemplarte
ancla celeste en tierra marinera,
mortal memoria ante inmortal olvido?

                         II

Ven ya, madre de monstruos y quimeras,
paridora de música radiante,
ven a cantarle al Hombre agonizante
tus mágicas palabras verdaderas.

Rompe a tus pies tus olas altaneras
deshechas en murmullo suspirante.
De la nube sin agua, al desbordante
trueno de voz, enciende tus banderas.

Relampaguea, de tormenta suma,
la faz divinamente atormentada
del Hijo a tus entrañas evadido.

Pulsa la cruz con dedos de tu espuma.
Y mece por el sueño acariciada,
la muerte de tu Dios recién nacido.

             III

No se mueven de Dios para anegarte
las aguas por sus manos esparcidas;
ni se hace lengua el mar en tus heridas
lamiéndolas del sal para callarte.

Llega hasta ti la mar, a suplicarte,
madre de madres por tu afán transidas,
que ancles en tus entrañas doloridas
la misteriosa voz con que engendrarte.

No hagas tu cruz espada en carne muerta;
mástil en tierra y sequedad hundido;
árbol en cielo y nubes arraigado.

Madre tuya es la mar: sola, desierta.
Mírala tú que callas, tú caído.
Y entrégale tu grito arrebatado.

Poesías casi completas, pp.23-24.

José Bergamín (Adolf Hoffmeister 1902 – 1973) 1939.

Eustache Deschamps vers 1340 – 1404

Eustache Deschamps

Balade de Nostre Dame moult belle

Secourez moy, douce vierge Marie,
Port de salut que l’en doit réclamer!
Je sens ma nef foible, povre et pourrie,
De sept tourments assaillie en la mer
Mon voile est roupt, ancres n’y puet encrer
J’ai grant paour que plunge ou que n’affonde
Se voz pitiez envers moy ne se fonde.

Qui est la nef, fort ceste mortel vie
Qui a paines puet LX ans passer?
Les sept tourments sont Orgueil et Envie
Detraccion, Luxure et Murmurer
Convoitise qui ne laisse durer,
Et leurs consors me tuent en ce monde,
Se voz pitiez envers moy ne se fonde.

Mon voile est roupt, qui vertu signifie,
Et mon encre ne se puet arrester
Pour ce chetif monde qui me detrie,
Qui ne me laisse à mon ame penser.
Or me vueillez mon volie relever,
Vierge, ou je doubt pechiez ne me confunde,
Se voz pitiez envers moy ne se fonde.

Eustache Deschamps en son temps sous la direction de Jean-Patrice Boudet et Hélène Millet. Publications de la Sorbonne 1997.

Merci à J.A.

Ballade n°134. Tome 1. page 258.

“Dans cet appel au secours à Notre-Dame, le poète parle de sa vie et de lui-même comme d’un bateau (Une nef, vers 3 et 8) devant se rendre au port du salut, d’où le vocable donné à la Vierge (vers 2). L’embarcation est en mauvais état (vers 3 et 5) et doit affronter sept tourmens. Ce sont les sept péchés capitaux qui sont ainsi désignés, dont trois sont nommés dans la seconde strophe (Orgueil, Envie et Luxure). Les quatre autres (Colère, Avarice, Paresse et Gourmandise), englobés sous le nom de consors (vers 13) ont été ici remplacés par Detraccion, Murmurer et Convoitise, qui sont plutôt des dérivés d’Envie. Le poète renouvelle sa prière dans la troisième strophe: Marie doit l’aider à relever sa voile (vers 19), c’est à dire à cultiver les vertus. Touchée, la Vierge répond dans la ballade 135 en lui indiquant les vertus qu’il doit pratiquer pour éviter l’Enfer.”