David Goldblatt

David Goldblatt

Le photographe sud-africain David Goldblatt (1930-2018) est mort le 25 juin à 88 ans. Ses photographies sont un témoignage de la vie quotidienne en Afrique du Sud non seulement sous l’Apartheid, introduit en 1948, mais aussi depuis la fin du régime ségrégationniste. Le Centre Pompidou venait de lui consacrer une rétrospective du 27 février au 7 mai 2018 que j’avais vue avec grand intérêt. Jusqu’à la fin des années 1990, toutes ses photographies étaient en noir et blanc.Il avait reçu le prix Henri Cartier-Bresson en 2009 et le prix Cornell Capa en 2013.

Le fils du fermier avec sa bonne d’enfants, ferme de Heimweeberg, environs de Nietverdiend, Marico Bushveld, province du Nord-Ouest 1964.

Fondation Giacometti

Institut Giacometti , 5 Rue Schoelcher, XIV. Hôtel particulier de Paul Follot (1912).

Ouverture au public de l’institut Giacometti le lundi 26 juin 2018 au 5, rue Victor-Schœlcher, Paris XIVe.

Du 26 juin au 16 septembre 2018, exposition inaugurale: L’atelier d’Alberto Giacometti vu par Jean Genet.

Ouvert sur réservation en ligne par créneau horaire.

Alberto Giacometti (1901-1966) a vécu et travaillé de 1926 à 1966, dans un tout petit atelier au 46, rue Hippolyte-Maindron (XIVe arrondissement), un modeste atelier d’artisan de 24 m², avec mezzanine, au rez-de-chaussée d’une cour. Le confort était spartiate. Pas de cuisine et des toilettes dans la cour. Giacometti y emménage le 1er décembre 1926. De nationalité suisse, il est arrivé à Paris en janvier 1922 pour suivre les cours d’Antoine Bourdelle (1861-1929)  à l’Académie de la Grande Chaumière.

L’Institut Giacometti  est installé dans l’ancien hôtel particulier de l’artiste-décorateur Paul Follot (1877-1941), près du cimetière du Montparnasse. Cette maison de 350 m², classée aux monuments historiques depuis 2000, a été dessinée par un des pères de l’ Art déco français, beau-frère du grand couturier Paul Poiret (1879-1944). Construite entre 1910 et 1913 avec le concours de l’architecte Pierre Selmersheim, des mosaïques  ornent la porte d’entrée et forment un bandeau le long de la façade. Les ferronneries sont attribuées à Edgar Brandt. L’architecte contemporain Pascal Grasso a été chargé de le réaménager tout en conservant ses décors historiques.

L’atelier de Giacometti a été reconstitué au rez-de-chaussée.

Portrait de Jean Genet 1954-55. Paris, Centre Georges Pompidou.

Jean-Jacques Lebel l’outrepasseur

Happening : « 120 minutes dédiées au Divin Marquis », avril 1966 (Jean-Jacques Lebel paré de sa perruque bleue).

Vu lundi 11 juin au Centre Pompidou l’exposition Jean-Jacques Lebel l’outrepasseur.

J’ y suis allé avec une certaine curiosité. J’avais beaucoup apprécié les pièces que Jean-Jacques Lebel avait présentées dans les expositions collectives, 1917 (Centre Pompidou-Metz, 2013) et Les Désastres de la Guerre (Louvre-Lens, 2014).

Dans ma bibliothèque, j’ai retrouvé La poésie de la Beat Generation (Textes traduits et présentés par Jean-Jacques Lebel. Denoël, 1965) et La Double vue de Robert Lebel (Deyrolle éditeur, 1993 (1ère édition, collection «Le Soleil Noir», 1964). Robert Lebel (1901-1986), son père, historien d’art s’exila à New York en 1939. Il participa aux activités et publications des surréalistes et fut, en 1959, l’auteur de la première monographie consacrée à Marcel Duchamp.

Jean-Jacques Lebel est né à Paris en 1936. Installé à New York avec sa famille pendant la Seconde Guerre Mondiale, il a rencontré, très jeune, Billie Holliday en 1948, mais aussi André Breton, Benjamin Péret,  Max Ernst, Claude Lévi-Strauss, Marcel Duchamp.

Breton l’a aidé à trouver sa place. “Mes parents ne savaient plus quoi faire de moi, Breton est le premier à m’avoir dit : “Vous tenez le bon bout.” Et nous avons commencé à aller aux Puces ensemble, où je cherchais des objets de dépaysement comme ces douilles sculptées par des poilus pendant la Première Guerre mondiale.”

J’ai retrouvé dans les vitrines du Centre Pompidou certains des livres de Jean-Jacques Lebel que je connaissais, par exemple L’Internationale Hallucinex, ensemble de documents dépliants in-8°, sous boîte carton imprimée rouge vif. (Paris, Le Soleil Noir, 1970). Cet ensemble contient des textes de Burroughs, Pélieu, Weissner, Nuttal, Sanders, Goutier, Kahn qui ont eu leur importance dans l’effervescence post-1968.

Jean-Jacques Lebel n’aime pas le mot «exposition». Il préfère le terme  de«montrage», concept inventé par le peintre et réalisateur Robert Lapoujade (1921-1993). On retrouve à Beaubourg une partie de son activité des années 1950-60. Exclu du mouvement surréaliste en 1960 avec Alain Jouffroy, à la même époque, il traduit en français et publie William Burroughs, Allen Ginsberg, Michael McClure, Lawrence Ferlinghetti et Gregory Corso.

En 1960, il sera  l’auteur, à Venise, de L’Enterrement de « La Chose » de Tinguely, sculpture jetée dans la lagune, ce qui est considéré comme le premier happening européen. Il a publié le premier essai critique en français sur ce type d’actions. En 1979, il lance le festival pluridisciplinaire Polyphonix, mêlant arts plastiques, vidéo, musique, performance, poésie, festival qui existe encore aujourd’hui.

En 1961, il prend l’initiative du Grand Tableau Antifasciste collectif, dont le sujet est la torture pendant la Guerre d’Algérie et sera sequestré par la Questura de Milan pendant 23 ans.

En 1968, Jean-Jacques Lebel prend part aux activités du « Mouvement du 22 mars », puis du Groupe anarchiste « Noir et Rouge » et à « Informations et correspondances ouvrières ». Il suit l’enseignement de Gilles Deleuze à la faculté de Vincennes et sera l’ami de Félix Guattari.

En 2016, Jean-Jacques Lebel a été co-commissaire de l’exposition rétrospective consacrée à la Beat Generation au Musée national d’Art moderne / Centre Georges Pompidou, Paris.

“Ce que l’on demande au regardeur, en somme, c’est de participer à l’insurrection de l’art et de cesser d’être un voyeur, un témoin passif, un consommateur résigné.” (1966)

“La seule chose nécessaire aujourd’hui, c’est de faire irruption dans le monde de l’art pour déciller les yeux, pour ouvrir les regards.”

L’exposition commence assez significativement par un Hommage à Billie Holliday (1959, Collection particulière). Elle est intéressante, mais m’a semblé d’une qualité un peu irrégulière.

J’ai écouté ensuite avec plaisir en podcast l’émission L’Heure bleue de Laure Adler sur France Inter: Jean-Jacques Lebel, engagé, 53’.

https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-30-mai-2018

Jean-Jacques Lebel explique son parcours et écoute les archives proposées par Laure Adler:

Archive Ina de 1954 (au micro d’Emmanuel Berl et Maurice Clavel): Georges Bataille parle de son enfance. Lebel insiste sur l’importance qu’a eu Georges Bataille sur lui. Il évoque aussi la figure de Simone Weil évoquée dans Le Bleu du ciel.
Archive du 13 janvier 1947: Antonin Artaud. Conférence au Vieux Colombier.
Archive Ina du 22 mars 1996: Allen Ginsberg lit un de ses poèmes.

Hommage à Billie Holliday. 1959. Collection particulière.

August Sander -Persécutés / persécuteurs, des hommes du XX ème siècle

August Sander à Kuchhausen v 1956-58

Je connais depuis assez longtemps August Sander (1876-1964) , l’un des pères du style documentaire. J’ai dans ma bibliothèque un petit coffret publié par Fnac Galeries en 1980. J’ai vu une exposition de ses photos, il y a quelques années à Madrid lors de PhotoEspaña.

En 1910, ce photographe, fils de mineur, établit son studio à Cologne. En 1919, il renonce à une carrière de portraitiste commercial. Il conçoit son projet Hommes du XX ème siècle, une Comédie Humaine en photos. Il s‘agit, pour lui, de faire l’inventaire social de l’Allemagne de son temps. Seul, il parcourt l’Allemagne. Contemporain du Leica, il utilise pourtant presque toujours un appareil photographique à plaque. Il lui arrive de travailler dans la rue, mais ne vole jamais une photo. En 1929, il publie à Cologne un premier livre Le Visage de ce temps, un choix de 60 portraits des Hommes du XX ème siècle. Il est préfacé par le romancier Alfred Döblin qui édite la même année son chef d’oeuvre, Berlin Alexanderplatz. Celui-ci qualifie la méthode du photographe de «photographie comparée». Walter Benjamin le remarque aussi et affirme: «Tout à coup, le visage humain a pris sur la pellicule, une nouvelle, une incomparable signification. Il ne s’agissait plus de portrait. Mais de quoi s’agissait-il donc!»

Ces silhouettes, ces visages, évoquent la société allemande de la République de Weimar au III ème Reich. Son projet n’est pas directement politique, même s’il a subi l’influence des artistes du groupe Kölner Progressive. Son fils Erich, étudiant en philosophie, né en 1903, est membre du Parti socialiste ouvrier d’Allemagne; lui, plutôt socialiset et pacifiste. Dès 1936, les nazis interdisent son livre et détruisent 50 000 clichés conservés dans son studio de Cologne. Les négatifs seront, heureusement, sauvés. A partir de 1938, il se met à réaliser des photographies d’identité de Juifs persécutés, de travailleurs étrangers et de prisonniers politiques. La plupart n’ont pas été publiées de son vivant, mais ses héritiers continuent d’explorer cette oeuvre riche de 40 000 images. Ils ont aussi retrouvé dans leurs archives des portraits de leaders nazis, d’officiers SS ou de membres des jeunesses hitlériennes. Les bourreaux sont aujourd’hui confrontés à leurs victimes.

Son fils, Erich est arrêté en 1934 et condamné à dix ans de prison pour «haute trahison». Il obtient le poste de photographe officiel de la prison où il réalise de très beaux portraits de prisonniers politiques, montrées aussi dans l’exposition. Il meurt le 23 mars 1944, peu avant la fin de sa peine, d’une appendicite non soignée.

Le projet d’August Sander a donc été modifié. Il a ajouté quatre catégories: prisonniers politiques, travailleurs immigrés, nationaux-socialistes et persécutés. Ceux-ci, les Juifs de sa ville, Cologne, ne fixent pas l’objectif. Ils regardent déjà ailleurs. La plupart des 16 000 Juifs de Cologne disparaîtront dans les camps.

Ces images inédites ont été, pour la plupart, tirées à l’occasion de cette exposition impressionnante au mémorial de la Shoah. Elle s’achève sur le cliché du masque mortuaire d’Erich Sander que son père avait accroché dans son bureau.

Quelque citations de cet artiste: «Dans chaque visage d’homme, son histoire est écrite de la façon la plus claire. L’un sait la lire, l’autre non. La vie y laisse immanquablement ses traces»

«Si moi, August Sander, je prétends voir les choses comme elles sont et non comme elles devraient ou pourraient être, que l’on m’en excuse, mais je ne peux faire autrement» (1927)

Il qualifie la photographie par trois mots: «Voir, observer, penser»

«August Sander -Persécutés / persécuteurs, des hommes du XX ème siècle» Mémorial de la Shoah 17, rue Geoffroy l’Asnier 75004-Paris. Commissaires : Sophie Nagiscarde et Marie-Edith Agostini.

http://www.memorialdelashoah.org/

Christian Boltanski

Desierto de Atacama (Chile). Valle de la Luna. Las Tres Marías.

Animitas” est une installation en plein air de l’artiste plasticien français Christian Boltanski dans le désert d’Atacama au Chili (2014).
Elle se compose de huit cents clochettes japonaises fixées sur de longues tiges plantées dans le sol qui sonnent au gré du vent pour faire entendre la musique des âmes et dessinent la carte du ciel la nuit de la naissance de l’artiste, le 6 septembre 1944.
L’installation se situe dans le désert d’Atacama, un lieu de pèlerinage à la mémoire des disparus de la dictature de Pinochet. C’est également un lieu exceptionnel pour observer les étoiles grâce à la pureté du ciel : c’est là qu’ est installé le plus grand observatoire du monde. L’œuvre, produite à l’occasion d’une exposition rétrospective du travail de Boltanski au musée des Beaux Arts de Santiago fin 2014, était filmée par une webcam et retransmise en direct dans l’une des salles du musée.
À Paris, lors de la FIAC hors les murs 2014, on pouvait aussi découvrir Alma, la maquette de l’installation chilienne dans le jardin des Tuileries.

Christian Boltanski, filmé dans son atelier de Malakoff où il ne cesse d’illustrer l’absence, dit : “Alma, c’était le nom de la rétrospective de Santiago. Cela veut dire “âme”. C’est aussi le nom du plus grand observatoire astronomique du monde. J’ai préféré appeler l’installation Animitas du nom des autels que les indiens laissent au bord des routes pour honorer les morts. Je pense qu’il y a des fantômes autour de nous et qu’ils sont matérialisés par ces clochettes. Il s’agit effectivement de la musique du ciel. Ce qui m’intéressait dans cet endroit, c’était de faire quelque chose de rudimentaire. J’avais d’abord pensé à travailler avec les observatoires. Ils étaient splendides mais ils m’impressionnaient et me faisaient peur. J’ai voulu retrouver la simplicité, la douceur d’une petite sonnerie de clochette”.

http://www.sculpturenature.com/animitas-musique-ames-installation-sonore-poetique-de-christian-boltanski-desert-plus-aride-monde/

Une conversation souveraine (René Char – Alberto Giacometti)

Galerie Gallimard 30/32 Rue de l’Université 75007 Paris 01 49 54 42 30

RENÉ CHAR ET ALBERTO GIACOMETTI

“UNE CONVERSATION SOUVERAINE” EXPOSITION PROPOSÉE PAR MARIE-CLAUDE CHAR 21 MARS 2018 – 14 AVRIL 2018. Du mardi au samedi de 13h à 19h

Galerie Gallimard 30/32 Rue de l’Université 75007 Paris 01 49 54 42 30

RENÉ CHAR ET ALBERTO GIACOMETTI

UNE CONVERSATION SOUVERAINE” EXPOSITION PROPOSÉE PAR MARIE-CLAUDE CHAR 21 MARS 2018 – 14 AVRIL 2018. Du mardi au samedi de 13h à 19h

« TU AS TRAVERSÉ COMME UNE FLÈCHE SÛRE MES POÈMES.
J’EN SUIS TRÈS ÉMU. »
René Char à Alberto Giacometti, 26 septembre 1965

À l’occasion du trentième anniversaire de la mort de René Char, la Galerie Gallimard propose du 21 mars au 14 avril 2018 une exposition consacrée à l’auteur des Feuillets d’Hypnos.

Cette exposition se présente en deux parties : l’une consacrée à la collaboration de René Char avec son ami Alberto Giacometti, notamment pour les éditions bibliophiliques du Visage nuptial et de Retour Amont (à paraître en « Poésie/Gallimard ») ; l’autre, à la parution en 1948, il y a soixante-dix ans, du grand recueil de René Char, Fureur et mystère.

Éditions de luxe, estampes, documents originaux rares ou inédits seront ainsi présentés en hommage au poète.

Aphorismes sur bois enluminés 1956-58 Collection particulière.

 

Henri Michaux-Continuum

Les Masques du vide (Henri Michaux) 1942

Des oeuvres intéressantes à voir  à la galerie Thessa Herold, 7 rue de Thorigny, Paris, 3 ème jusqu’au 21 Avril .  Elles vont des années 30 jusqu’aux années 80

« Plus tard, les signes, certains signes. Les signes me disent quelque chose. J’en ferais bien, mais un signe, c’est aussi un signal d’arrêt. Or en ce temps je garde un autre désir, un par-dessus tous les autres. Je voudrais un continuum. Un continuum comme un murmure, qui ne finit pas, semblable à la vie, qui est ce qui nous continue, plus important que toute qualité.

Impossible de dessiner comme si ce continuum n’existait pas. C’est lui qu’il faut rendre.

Echecs. Echecs. Essais. Echecs. »

(Henri Michaux, Emergences. Résurgences. Genève, Skira, Les Sentiers de la création, 1972.)

“Un jour, j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers. (…) Etre rien et rien que rien (…). vidé de l’abcès d’être quelqu’un, je boirai à nouveau l’espace nourricier. (…) Perdu en un endroit lointan (ou même pas) sans nom, sans identité.”

(Peintures, GLM,  1939)

Henri Michaux

MA VIE (Henri Michaux)

Tu t’en vas sans moi, ma vie.
Tu roules.
Et moi j’attends encore de faire un pas.
Tu portes ailleurs la bataille.
Tu me désertes ainsi.
Je ne t’ai jamais suivie.

Je ne vois pas clair dans tes offres.
Le petit peu que je veux, jamais tu ne l’apportes.
A cause de ce manque, j’aspire à tant.
A tant de choses, à presque l’infini…
A cause de ce peu qui manque, que jamais tu
n’apportes.

1932

Henri Michaux “La Nuit Remue” Gallimard 1935

Je me souviens aussi de ma lecture d’ Ecuador en 2015, ce récit de voyage écrit par Henri Michaux, après un voyage de l´auteur, malade, à travers les Andes, l’Équateur, et le Brésil et publié en 1929. Il était accompagné par son ami, le grand poète écuatorien, Alfredo Gangotena (1904-1944).

Alfredo Gangotena.

Tintoret Naissance d’un génie

A l’occasion du 500e anniversaire de la naissance du Tintoret, le Musée du Luxembourg célèbre un des peintres essentiels de la Renaissance vénitienne et un des plus audacieux. Ses rivaux étaient Titien (1488-1576) et Véronèse (1528-1588).

Jacopo Robusti, dit Tintoretto (en français le Tintoret) est né le 29 avril 1518 à Venise. Il est mort le 31 mai 1594. Il doit son surnom («petit teinturier») à son père, Battista Robusti, qui travaillait dans une teinturerie (tintorìa en italien) et à sa petite stature. Il ne quittera Venise qu’une fois en septembre 1580.

L’exposition se concentre sur les quinze premières années de sa carrière. Ce fut une période décisive pour lui. On suit les débuts d’un jeune homme ambitieux, pétri de tradition vénitienne mais ouvert aux différentes nouveautés venues du reste de l’Italie. Il est décidé à renouveler la peinture dans la Venise cosmopolite du XVI ème siècle. Peinture religieuse ou profane, décor de plafond ou petit tableau rapidement exécuté, portrait de personnalité ou d’ami proche, dessin ou esquisse… Il peut tout faire. A moins de 20 ans, c’est un maître indépendant qui possède son propre atelier. Les œuvres exposées montrent la diversité du travail du Tintoret et sa volonté de frapper les spectateurs par son audace. L’exposition retrace bien l’ascension sociale d’un homme d’extraction modeste qui, grâce à son talent, parvient à s’élever dans la société, à s’imposer et à se faire un nom.

Le Tintoret cherche à unir la couleur du Titien et le dessin de Michel-Ange. La salle n° 6 s’intitule «Observer la sculpture». Le Tintoret représente le trait d’union entre le monde idéal de la Renaissance et l’extravagance de la peinture baroque. Le travail qu’il a fait à la Scuola Grande di San Rocco en est l’exemple le plus marquant.

J’ai toujours préféré Le Titien au Tintoret, mais j’ai trouvé ce parcours vraiment riche et intéressant. Les portraits du Tintoret montrés ici valent ceux du Titien et l’originalité de beaucoup de ses tableaux est remarquable. La troisième salle qui s’intitule “Capter les regards” est remarquable.

Néanmoins, je dois signaler que le prix des expositions au Musée du Luxembourg, géré par le Sénat, m’a toujours paru excessif.

Rencontrez Tintoret, le génie vénitien. Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais Rmn.

https://www.dailymotion.com/video/x6ehqt5

Dada 3: Raoul Hausmann

Raoul Hausmann en danseur (August Sander) 1929.

Raoul Hausmann, Un regard en mouvement. Exposition du 6 février
au 20 mai 2018 au Jeu de Paume, Paris.

L’exposition rassemble plus de cent quarante tirages d’époque, réalisés par l’artiste lui-même, provenant surtout de la Berlinische Galerie, du Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart (Haute-Vienne) et du Musée national d’Art moderne. .

Raoul Hausmann est né en 1886 à Vienne (Autriche) C’est un des fondateurs du mouvement Dada à Berlin au cours de la première guerre mondiale. C’est aussi un des pionniers du collage, un des inventeurs du photomontage et un des initiateurs de la poésie sonore. A partir de 1927, il devient un photographe prolifique. En 1933, déclaré artiste dégénéré par les nazis,  il doit fuir l’Allemagne. Il trouve d’abord refuge à Ibiza, puis en 1939 en France. Il s’installe dans le Limousin et y reste jusqu’à sa mort le 1 février 1971.

Son oeuvre a été connue en France bien tard, car il dut abandonner en route beaucoup de ses clichés et de ses oeuvres. Son ex-compagne, Hannah Höch, enterra même dans son jardin certaines de celles-ci. August Sander, Raoul Ubac, Elfriede Stegemeyer et Lázló Moholy-Nagy furent ses amis.

On voit chez Raoul Hausmann ce qui différencie Dada Berlin de Dada Zürich ou Dada Paris: l’engagement social et politique lié au contexte historique (défaite allemande de 1918, spartakisme, échec de la révolution). Il fera, lui, toujours  preuve d’un certain anarchisme “individualiste”.

On peut qualifier le travail photographique d’Hausmann  à la fois d’expérimental et de classique. On trouve au Jeu de Paume les photographies qu’il a prises au bord de la Baltique ou de la Mer du Nord (corps nus, plantes, rochers, sable, herbes, troncs d’arbres) et celles d’Ibiza (maisons à l’architecture méditerranéenne, types humains, coutumes).

Dans le Manifeste “Appel pour un Art élémentaire” qu’il publie en 1921 avec Hans Arp, Jean Pougny et Lázló Moholy-Nagy, il écrit: “L’artiste est l’interprète des énergies qui mettent en forme le monde.” Ailleurs, il affirme: “Edifie toi-même les limites de ton univers.”

Ses nus ont une véritable puissance. Cela est dû, certainement  à la personnalité hors du commun de son modèle, Vera Broido (1907-2004), fille de deux juifs russes révolutionnaires. Elle partagea la vie de Raoul Hausmann et de son épouse, Hedwig Mankiewitz de 1928 à 1934.  Sa mère, Eva L’vovna Gordon Broido (1876 ou 1878-1941), membre du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (fraction menchévique),  connut l’exil en Sibérie à l’époque tsariste (1914-1917) et le Goulag sous Staline. Elle fut exécutée. En 1941, Vera Broido épousa l’historien britannique Norman Cohn (1915-2007). Ils eurent en 1946 un fils, Nick Cohn, célèbre critique de rock. Elle publia en 1967 les mémoires de sa mère (Memoirs of a Revolutionary. Oxford University Press) et ses propres souvenirs en 1999 (Daughter of the Revolution: A Russian Girlhood Remembered. Constable).