Normandie nue (Philippe Le Guay)

Vu lundi 26 à la Ferme du Buisson (Noisiel) Normandie nue de Philippe Le Guay (2018). 105 minutes. Int: François Cluzet, François-Xavier Demaison, Arthur Dupont, Grégory Gadebois, Philippe Rebbot, Toby Jones, Patrick d’Assumçao, Pili Groyne, Daphné Dumons,  Philippe Duquesne, Lucie Muratet.

A la Ferme du Buisson, je vais voir des films que je n’irai pas voir en salle à Paris. Plaisir de voir un film dans une grande salle dans de bonnes conditions. Attente de l’ouverture des deux salles de cinéma qui sont en cours de rénovation. La population de Marne-la-Vallée vieillit. Les spectateurs de notre cinéma aussi.

Le film se déroule au Mêle-sur-Sarthe, petit village de l’Orne de 756 habitants. La crise agricole touche gravement les éleveurs surendettés. Ils organisent une manifestion et installent  un barrage routier sur une route départementale. Un photographe d’art américain, spécialisé dans le nu, est  à la recherche de l’endroit idéal pour créer sa prochaine œuvre photographique conceptuelle. Il se trouve bloqué par la manifestation.  Ce personnage est inspiré du photographe plasticien américain Spencer Tunick.  L’artiste décide de photographier dans le plus simple appareil au milieu du Champ Chollet la population de la commune. Le maire voit là une manière d’attirer l’attention des médias sur les problèmes de ses administrés.

C’est un film du dimanche soir, une comédie socialement responsable et plus complexe qu’elle ne paraît. Les séquences disparates se succèdent, mais la deuxième partie du film tourne néanmoins un peu à vide.

Le metteur est aidé par des seconds rôles qui n’hésitent pas à en faire beaucoup:  Philippe Rebbot, éleveur déprimé, Grégory Gadebois, boucher jaloux, et François-Xavier Demaison, Parisien transplanté.

La Ferme du Buisson (Noisiel)

 

 

Gaspard va au mariage (Antony Cordier)

Vu vendredi 23 février à la Ferme du Buisson (Noisiel) Gaspard va au mariage d’Antony Cordier. Int: Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Théret, Johan Heldenbergh, Guillaume Gouix, Marina Foïs, Elodie Bouchez.

Après avoir vécu loin de sa famille pendant des années, Gaspard, 25 ans, revient vers elle à l’annonce du remariage de son père. Il est accompagné de Laura, une fille fantasque qu’il a rencontré dans un train et qui accepte de jouer sa petite amie le temps du mariage. Il retrouve le zoo provincial de ses parents, les singes et les fauves qui l’ont vu grandir… et sa famille: un père cavaleur, un frère raisonnable et une sœur bien belle. Il n’a pas conscience qu’il s’apprête à vivre les derniers jours de son enfance.

C’est un conte, une fable. Un groupe d’écologistes s’enchaîne sur une voie ferrée. Le personnage principal demande dans le train à une fille fofolle de l’accompagner au mariage de son père. C’est un train d’hier ou d’avant-hier avec ses couloirs et compartiments enfumés. Le père, cavaleur, soigne ses plaies dans un aquarium bleuté rempli de petits poissons. Sa sœur s’enveloppe dans une peau d’ours et erre dans le parc. Une meute de chiens sauvages s’en prend aux animaux. Pourquoi pas? Mais 103 minutes, c’est vraiment bien long. Les acteurs jouent laborieusement leur rôle de farfelus sans profondeur. Je mettrai à part Marina Foïs, presque toujours excellente. Mais, ici, son personnage de vétérinaire est sacrifié. Elle ne fait pas vraiment partie de la Famille.

Je crois que le cinéma français souffre de l’existence de tels films inutiles. J’avais déjà souffert, il y a quelque temps en voyant Jeune femme de Léonor Serraille avec Laetitia Dosch déjà. Caméra d’or au Festival de Cannes de 2017, quand même. J’aime le cinéma français. Je ne le critique pas systématiquement, mais il ne faudrait pas en dégoûter un peu plus les jeunes…Naturalisme ou Féérie: je ne crois à cette alternative.

La critique bien-pensante compare Antony Cordier à Wes Anderson, un metteur en scène que je n’aime pas beaucoup (La Famille Tenenbaum, À bord du Darjeeling Limited, Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel). Wes Anderson c’est Orson Welles à côté.

https://www.youtube.com/watch?v=n_8CyLf99Z8

Carré 35 (Eric Caravaca)

Vu mardi 20 février au Cinéma L’Epée de Bois, Rue Mouffetard, 75005-Paris Carré 35 d’Eric Caravaca.

Carré 35: Casablanca. Cimetière européen. C’est là qu’est enterrée la sœur aînée du metteur en scène, Christine, morte à l’âge de trois ans (1960-1963), et qu’il n’a pas connue. Ses parents ne lui en ont jamais parlé, n’ont gardé aucune image d’elle: ni photo, ni film. Christine était trisomique et souffrait d’une malformation cardiaque, la maladie bleue, souvent associée à la trisomie. L’ histoire familiale se mêle à celle de la colonisation. Les parents du réalisateur ont vécu au Maroc et en Algérie, au moment de la décolonisation. Le documentariste devient détective et historien, reliant le déni de ses parents face à la perte de leur petite fille et celui la France, face aux crimes commis par l’armée en Afrique du Nord.

Ce documentaire autobiographique est émouvant et dérangeant. Eric Caravaca interroge sa mère, enfermée dans le déni. Il questionne aussi son père, malade, et qui va mourir d’une tumeur au cerveau. Ils ne lui donnent pas la même version. Un cousin viendra lui apporter la confirmation de la trisomie inavouable de Christine: «Tout tourne autour de ça…» Carré 35 parle de la mort, mais aussi de la honte, de la honte d’une femme. On est étonné, choqué par l’attitude de cette personne forte, mais on finit par la comprendre. A cette époque, une femme devait donner de beaux enfants. Un point c’est tout!

Eric Caravaca utilise des images nombreuses et diverses: photos, films de famille (le mariage de ses parents, les bains de mer, l’oncle qui s’est noyé aux Baléares), la maison de Casablanca (hier et aujourd’hui), les images d’archives historiques.

A la fin du film, sa sœur existe à nouveau. La photo a été remise sur la tombe du cimetière de Casablanca. Un documentaire d’une heure sept minutes existe.

Ce film me touche particulièrement. Eric Caravaca a réussi son coup. C’est son histoire, c’est mon histoire: l’Afrique du Nord, la famille d’origine espagnole, les petits secrets, la mort, le cimetière, la guerre. Une seule et même personne entretient la tombe de sa sœur depuis les années soixante: une femme dont la mère est enterrée juste à côté. Lorqu’il parviendra à la contacter au téléphone (elle vit maintenant en Espagne), elle lui dira que sa mère s’est suicidée après avoir perdu toute sa fortune lors d’un tremblement de terre à Agadir, l’année de la naissance de Christine. «Quand j’ai pu joindre cette femme au téléphone, elle m’a dit :« Vous parlez à une miraculée : je suis restée huit heures sous les décombres de ma maison. » Quel symbole ! C’est une femme exhumée qui s’occupe de la tombe d’une petite fille dont l’existence a été ensevelie deux fois : sous la terre et dans l’inconscient… »

Je me souviens du tremblement de terre d’Agadir le 29 février 1960 à 23h40. Il dura 15 secondes. Magnitude: 5,9 sur l’échelle de Richter. Il y eut entre 12 000 et 15 000 morts. Un tiers de la population de la ville. Et 25 000 blessés…

Graffiti retrouvé sur les murs des anciens abattoirs de Casablanca en ruine: «It’s all about memories.»

«Ceux qui ont une mémoire peuvent vivre dans le fragile temps présent. Ceux qui n’en ont pas ne vivent nulle part.» Patricio Guzmán, Nostalgie de la lumière.

https://www.youtube.com/watch?v=f8p7mdNFfMc

In the Fade (Aus dem Nichts)

Vu dimanche 18 février à La Ferme du Buisson (Noisiel) In the Fade de Fatih Akin.

Titre français et international: In the Fade («Dans le dépérissement»)
Titre original allemand: Aus dem Nichts («Hors du néant, A partir de rien»)
Int: Diane Kruger(Katja Sekerci) Numan Acar ( Nuri) Denis Moschitto (Danilo Fava, l’avocat de Katja) Johannes Krisch (Haberbeck, l’avocat des Möller) Hanna Hilsdorf (Edda Möller) Ulrich Brandhoff (André Möller) Ulrich Tukur (Jürgen Möller, le père d’André Möller) Samia Muriel Chancrin (Birgit, la sœur de Katja)

Synopsis
L’histoire se passe à Hambourg.
La vie de Katja est bouleversée par la mort de son fils (Rocco) d’une dizaine d’années et de son mari kurde (Nuri Sekerci ) lors d’un attentat à la bombe. Elle  l’avait épousé alors qu’il était en prison. Depuis la naissance de leur fils, Nuri a abandonné le trafic de drogue et a fait des études. Il travaille maintenant dans un bureau de traduction et de contrôle d’ affaires fiscales.
Peu de temps avant l’attentat, Katja avait vu une jeune femme blonde quitter les lieux sans cadenasser son vélo.
L’enquête de la police pense d’abord à un acte de vengeance entre trafiquants de drogue. Plus tard, la police arrête deux suspects, André et Edda Möller, un jeune couple de néo-nazis. Les preuves semblent accablantes, mais en raison des doutes du Tribunal, ils sont acquittés. Katja, inconsolable, est d’abord tentée par l’autodestruction, puis suit les coupables en Grèce pour se venger.

Fatih Akin raconte avec efficacité les manquements de l’État, de la justice et de la société allemande en ce qui concerne les attentats perpétrés par les membres du groupuscule néo-nazi  Nationalsozialistischer Untergrund (Parti national-socialiste souterrain-NSU) entre 2000 et 2007 , responsables de l’assassinat de huit immigrés turcs, d’un immigré grec et d’une policière. Il insiste aussi sur les liens entre les différents groupes néo-nazis européens.

Diane Kruger , qui a obtenu le  Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes en mai 2017, incarne parfaitement la détresse de cette femme.

Les critiques sans nuances d’une grande partie presse française (Le Monde, Libération, Télérama et même Positif) me semble caricaturales. Le film est loin d’être parfait (effets trop appuyés, utilisation inutile de la caméra à l’épaule ou du ralenti), mais on le regarde sans déplaisir.

Filmographie de Fatih Akin (né en 1973)
– 1998: L’Engrenage (Kurz und schmerzlos).
– 2000: Julie en juillet (Im Juli).
– 2001: Denk ich an Deutschland – Wir haben vergessen zurückzukehren (documentaire).
– 2002: Solino.
– 2004: Head-On (Gegen die Wand).
– 2005: Crossing the Bridge – The Sound of Istanbul (documentaire).
– 2007: De l’autre côté (Auf der anderen Seite).
– 2009: Soul Kitchen.
– 2012: Polluting Paradise (Müll im Garten Eden) (documentaire).
– 2014: The Cut.
– 2016: Tschick.
– 2017: In the Fade (Aus dem Nichts).

Je n’avais vu jusqu’à présent de ce réalisateur que Head-On (Ours d’or au Festival de Berlin) et De l’autre côté ( Prix du scénario au Festival de Cannes) qui m’avaient paru de bons films. D’autres metteurs en scène allemands comme Volker Schlöndorff (Diplomatie, La Mer à l’aube) Margarethe von Trotta (Hannah Arendt) Edgar Reitz (Heimat- 1: Chronique d’un rêve, Heimat-2: L’Exode) ou Christian Petzold (Barbara, Phoenix) m’intéressent cependant davantage.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19571924&cfilm=231371.html

La Douleur (Emmanuel Finkiel)

La Douleur (Emmanuel Finkiel, 2017)

Vu dimanche 11 février à La Ferme du Buisson (Noisiel) La Douleur d’ Emmmanuel Finkiel.

La France est sous l’Occupation allemande. L’écrivain Robert Antelme, résistant, est arrêté le 1 juin 1944 et déporté à Buchenwald. Son épouse Marguerite, écrivain elle aussi, est tiraillée par l’angoisse de ne pas avoir de ses nouvelles et sa liaison secrète avec son amant Dyonis. Elle rencontre un agent français de la Gestapo, Rabier. Elle est prête à tout pour retrouver son mari. Commence alors une relation ambiguë avec cet homme trouble qui seul peut l’aider. La fin de la guerre et le retour des camps annoncent à Marguerite le début d’une insoutenable attente, lente et silencieuse.

Ce film m’a intéressé et parfois ennuyé. Il m’a semblé long et répétitif. On s’intéresse au personnage de Marguerite Duras et on la déteste. Elle n’est pas authentique du tout. Elle emploie toujours de grosses ficelles, mais dit néanmoins parfois des choses vraies. Elle écrit: «La littérature m’a fait honte.» Cette réflexion vaut aussi pour les adeptes actuels de l’autofiction.

Marguerite Duras commence à écrire ses Cahiers de la guerre (Cahiers de la guerre et autres textes), Pol-Imec 2006 (Folio n°4698) entre 1943 et 1949. Son mari, Robert Antelme, déporté aux camps de Buchenwald et de Dachau, ne sera libéré que grâce à l’intervention providentielle de François Mitterrand en avril 1945. Il était épuisé et malade du typhus. C’est à partir du journal rédigé à cette période qu’en 1980 Marguerite Duras écrit La Douleur (1985, P.O.L. puis Folio n°2469), recueil d’histoires en partie autobiographiques, en partie inventées. La plus longue, La Douleur, est l’histoire de l’attente de son mari. Ce livre, lors de sa parution, m’avait davantage intéressé que L’Amant qui connut pourtant un immense succès, couronné par le Prix Goncourt 1984.

Emmanuel Finkiel a relié dans son scénario deux histoires du recueil: La douleur et Monsieur X. dit ici Pierre Rabier. Il est en gros fidèle au texte de la romancière, même s’il supprime les dernières pages de La Douleur qui, selon lui, n’étaient pas filmables car Robert Antelme avait atteint le dernier degré avant la mort. Le metteur en scène montre la honte, la souffrance, l’amour, la haine, la perversité, la dépendance. Marguerite s’enferme dans cette souffrance. L’absence devient concrète alors qu’elle est toujours très entourée. Ses rapports avec Dionys Mascolo sont souvent brutaux et ambigus. Il finit par lui dire: «Êtes-vous plus attachée à votre douleur ou à Robert Antelme?» La Libération de Paris ne change rien à ce qu’elle ressent. Son mari est absent, il est aimé. Quand il revient, elle ne peut ni ne veut le voir. Elle n’aime plus Robert. Elle en aime un autre. «Je savais qu’il savait qu’à chaque heure de chaque jour, je le pensais: «Il n’est pas mort au camp de concentration.»

Emmanuel Finkiel représente Paris de manière à la fois réaliste et irréelle. Il parvient à noircir les édifices, mais abuse des longues focales, du flou. Cela tourne au procédé, ce qui devient gênant pour le spectateur.

« Au fond, on ne fait rien d’autre que des documentaires. » (Positif, janvier 2018)
« – Par quoi vos films sont-ils obsédés ? – Par le manque.» (Télérama, 11/04/2012)

Filmographie d’Emmanuel Finkiel (né en 1961)

Assistant de Jean-Luc Godard et de Krzysztof Kieślowski. Professeur à la Fémis.
– 1999: Voyages. (Prix Louis Delluc. César du meilleur premier film)
– 2006: En marge des jours – TV
– 2009: Nulle part, terre promise (Prix jean Vigo)
– 2012: Je suis
– 2016: Je ne suis pas un salaud
– 2017 :La Douleur

Pierre Rabier, en réalité Charles Delval, sera jugé et fusillé au début de 1945. Marguerite Duras témoignera deux fois à son procès: une fois à charge, et l’autre en sa faveur.

La Shoah est évoqué par l’intermédiaire du personnage de Madame Katz qui attend le retour de sa fille handicapée. Marguerite Duras ne parle presque jamais du sort des Juifs. Robert Antelme (1917-1990), lui, sera l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un livre de référence sur les camps de concentration: L’Espèce humaine, paru en 1947 aux éditions de la Cité Universelle (aujourd’hui, Gallimard, collection Tel). Le livre est dédié à Marie-Louise, sa sœur, morte en déportation.

Robert Antelme, L’Espèce humaine.
«L’homme n’est rien d’autre qu’une résistance absolue, inentamable, à l’anéantissement.»
Il n’y a pas de différence de nature entre le régime “normal” d’exploitation de l’homme et celui des camps. Le camp est simplement l’image nette de l’enfer plus ou moins voilé dans lequel vivent encore tant de peuples.»

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19575874&cfilm=253410.html

El Presidente (La Cordillera) (Santiago Mitre)

Vu lundi soir à La Ferme du Buisson (Noisiel) El Presidente (La Cordillera) de Santiago Mitre. Ce film nous a permis de revoir la Cordillère des Andes moins d’une semaine après notre retour du Chili.

Au cours d’un sommet rassemblant les chefs d’état sud-américains dans un hôtel isolé de la Cordillère (Valle Nevado, la station de sports d’hiver la plus étendue d’Amérique latine, située entre 2860 et 3670 mètres), le nouveau président argentin, Hernán Blanco, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant son gendre, et indirectement sa fille, divorcée, névrosée, dépressive. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour conclure un accord primordial pour son pays et le développement économique du sous-continent.

Le film montre un président “normal”, un homme nouveau, issu du peuple, dans sa vie publique et  privée. Il affiche une normalité de façade. Il n’est jamais seul alors qu’il détient le pouvoir. Le pouvoir l’isole, l’enferme. Le décor, la mise en scène évoquent une atmosphère de thriller, presque de film fantastique. Le metteur en scène se réfère à Shining de Stanley Kubrick et aux films de Roman Polanski. La musique d’Alberto Iglesias contribue à cette tension ainsi que les routes en lacets, les baies vitrées donnant sur le vide, les moquettes épaisses, les garages, les couloirs sombres. Tout se trame entre hommes politiques et conseillers. La figure de Faust ou du moins la métaphore faustienne  plane sur le film. Les peuples sont laissés de côté comme d’habitude. Le film se satisfait du doute et ne conclut pas. Le film nous laisse un peu sur notre faim même si Ricardo Darín est remarquable comme toujours.

“- ¿Cree usted en la existencia del Bien y del Mal?

– ¿Usted piensa que si yo no creyera en la existencia del Bien y del Mal podría dedicarme a la política?”

El Presidente (la Cordillera) (2017) 1h54. Réal: Santiago Mitre. Sc: Mariano Llinás, Santiago Mitre. Dir.photo: Javier Julia. Mus: Alberto Iglesias. Int: Ricardo Darín (Hernán Blanco), Dolores Fonzi (sa fille, Marina), Erica Rivas (Luisa Cordero), Elena Anaya (Claudia Klein, la journaliste espagnole), Daniel Giménez Cacho (Sebastián Sastre, le président du Mexique), Alfredo Castro (Desiderio García (le psychiatre hypnotiseur), Gerardo Romano (Castex), Leonardo Franco (le président du Brésil, Oliveira Prete), Christian Slater (Dereck Mc Kinley, le conseiller des Etats-Unis), Paulina García (la présidente du Chili, Paula Scherson)

Filmographie de Santiago Mitre (né en 1980):

2002 : El escondite (court-métrage).
2005 : Un regalo para Carolina (court-métrage).
2005 : El amor – primera parte (coréalisé avec Alejandro Fadel, Martín Mauregui et Juan Schnitman).
2011 : El estudiante.
2013 : Los posibles (moyen-métrage coréalisé avec Juan Onofri Barbato).
2015 : Paulina (La patota). Grand prix de la semaine de la Critique au festival de Cannes.
2017 : El Presidente (La Cordillera).  Présenté en sélection officielle « Un certain regard » lors du Festival de Cannes 2017.

Il a été le coscénariste des films de son compatriote Pablo Trapero (né en 1971) : Leonera (2008), Carancho (2010) et Elefante blanco (2012).

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19575187&cfilm=247636.html

 L’échange des princesses (Marc Dugain)

Vu dimanche au Cinéma L’Epée de Bois, Rue Mouffetard, 75005-Paris L’échange des princesses de Marc Dugain.

1721. Une idée germe dans la tête de Philippe d’Orléans, Régent de France… Louis XV, 11 ans, va bientôt devenir Roi et un échange de princesses permettrait de consolider la paix avec l’Espagne, après des années de guerre qui ont laissé les deux royaumes exsangues.
Il marie donc sa fille, Louise-Élisabeth d’Orléans, dite Mademoiselle de Montpensier, 12 ans, à l’héritier du trône d’Espagne, Luis I, 14 ans, et Louis XV doit épouser l’Infante d’Espagne, Mariana Victoria, âgée de 4 ans. L’entrée précipitée dans la cour des Grands de ces jeunes princesses, sacrifiées sur l’autel des jeux de pouvoirs, aura raison de leur insouciance…Ces unions apparaissent rapidement compromises.

L’échange des princesses (2017) 1 h 40. Scén.: Marc Dugain, Chantal Thomas d’après le roman éponyme de cette dernière (2013). Dir.photo: Gilles Porte. Int: Lambert Wilson (Philippe V), Anamaria Vartolomei (Louise-Elisabeth), Olivier Gourmet (Philippe d’Orléans, le Régent), Catherine Mouchet (Madame de Ventadour), Kacey Mottet-Klein (Don Luis), igor Van Dessel (Louis XV), Juliane Lepoureau (Mariana Victoria), Maya Sansa (Elisabeth Farnèse), Andréa Férréol (la princesse Palatine).

Loin du Grand Siècle, Marc Dugain s’attache à cette période d’incertitude et de flottements de la Régence et des débuts du règne de Louis XV. La France comme l’Espagne sont épuisées par des années de guerre. Les épidémies (la variole, le choléra) et la mort sont omniprésentes. Elles frappent enfants et vieillards. C’est déjà le crépuscule d’un monde qui annonce la fin de la monarchie. Les princes et les rois sont des objets plutôt que des êtres de chair et de sang. Les princesses n’ont plus d’identité. Elles doivent enlever leurs vêtements lors de l’échange à la frontière sur l’île aux Faisans, au milieu de la Bidassoa, et adopter ceux de la Cour où elles vont s’installer. La photographie  nocturne de Gilles Porte est très soignée. La nature est filmée dans des tonalités automnales. Deux choses m’ont gêné: le son (certains acteurs ont une diction assez incompréhensible) et les paysages de la Vieille Castille que je ne reconnais pas. Les scènes espagnoles semblent avoir été tournées en Belgique. C’est pourtant Philippe V qui fit construire le Palais royal de la Granja de San Ildefonso, dans la province de Ségovie, à 80 kilomètres de Madrid. Il y est même enterré. Le roman de Chantal Thomas était plus complexe.

Marc Dugain a réalisé quatre longs métrages :
Une exécution ordinaire (2010), d’après son propre roman.
La Bonté des femmes (2011), téléfilm coréalisé avec Yves Angelo.
La Malédiction d’Edgar (2013), tourné en anglais, d’après son propre roman.
L’Échange des princesses (2017).

Palais royal de la Granja de San Ildefonso

Wonder Wheel (Woody Allen)

Vu hier soir à La Ferme du Buisson (Noisiel):

Wonder Wheel (2017) de Woody Allen avec Kate Winslet, James Belushi, Justin Timberlake, Juno Temple, Max Casella, Jack Gore, David Krumholtz, Debi Mazar, Steve Schirripa, Tony Sirico. . 1h41

Vittorio Storaro, le directeur de la photographie, a à son actif des films comme Prima della revoluzione, Le Conformiste, Le Dernier tango à Paris, Novecento (Bernardo Bertolucci), Apocalypse Now, Tucker (Francis Ford Coppola) Reds (Warren Beatty) , Café Society (Woody Allen)

Wonder Wheel croise les histoires de quatre personnages dans le cadre du parc d’attractions décadent de Coney Island, plage du sud de Brooklyn, dans les années 50. L’affiche du film d’Anthony Mann Winchester 73 avec James Stewart , qui date de 1950, apparaít à la devanture du cinéma.

Mickey (Justin Timberlake) est maître-nageur, rêve de Bora-Bora et a des ambitions de dramaturge. Ginny (Kate Winslet) est une ancienne actrice, malheureuse en ménage, qui gagne sa vie comme serveuse dans un restaurant minable. Elle ressasse ses échecs et ses erreurs. Elle a épousé Humpty (James Belushi), opérateur dans un manège, qui ne s’intéresse qu’à la pêche et au base-ball. Sa fille Carolina (Juno Temple) vient se réfugier chez son père après avoir fui son mafieux de mari. Steve Schirripa et Tony Sirico, les gangsters qui la poursuivent, sortent tout droit de la série Les Soprano. L’enfant de Ginny est malheureux et pyromane. Il passe plus son temps au cinéma qu’à l’école.

Woody Allen reste un grand cinéaste à 82 ans et 48 films. Il a été pris à son tour dans le contexte de l’affaire Weinstein et a produit là un de ses films les plus sombres avec Match Point (2005) et L’Homme irrationnel (2015). La grande roue, le manège évoquent le rôle essentiel du destin, du hasard, des coïncidences dans la vie et les films. Les personnages sont creux et inconséquents. Ils se bercent d’illusions. La théâtralité est assumée. Le film évoque à la fois William Shakespeare, Eugene O’Neill (Long voyage du jour à la nuit), Tennessee Williams (Un tramway nommé Désir) et Anton Tchekhov. La photographie est essentielle pour montrer la place de l’illusion dans la vie. L’approche est poétique et non réaliste. L’appartement évoque une scène de théâtre. Il a été aménagé avec des fonds verts et a été conçu pour qu’on puisse voir le monde extérieur par les fenêtres. Les personnages sont éclairés de rouge, de bleu, de doré. La vie à l’extérieur contraste complètement avec la vie à l’intérieur. Mickey est un artiste raté, un apprenti écrivain. Woody Allen en a fait le narrateur. Le sauveteur sur sa chaise haute peut observer le monde autour de lui. On retrouve l’auteur dans tous ses personnages; Il les regarde avec beaucoup de cruauté. Le personnage de Ginny (Kate Winslet) sort du lot. On pense à Blanche DuBois dans Un tramway nommé Désir. Elle se raconte des histoires pour arriver à vivre et garde ses robes et ses bijoux minables qu’elle porte parfois. Le rôle est porté par la grande Kate Winslet, magistrale dans ce film de Woody Allen comme l’ont été par le passé Cate Blanchett ou Meryl Streep. Woody Allen sait utiliser très bien les grandes actrices.
Le narrateur séducteur utilise cette formule essentielle: «Le coeur a ses hiéroglyphes…» On peut penser au principe énoncé par Octave (Jean Renoir) dans La règle du jeu: “ Le plus terrible dans ce monde c’est que chacun à ses raisons”.

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19574417&cfilm=248372.html

12 jours (Raymond Depardon)

Vu avec beaucoup d’intérêt mercredi 10 janvier à La Ferme du Buisson (Noisiel) le documentaire du cinéaste Raymond Depardon 12 jours.

Nous avions vu, il y a quelques mois, à la Fondation Henri Cartier-Bresson (2 Impasse Lebouis, 75014 Paris) l’exposition Traverser du photographe Raymond Depardon. Cette Fondation s’installera au 79 rue des Archives, 75003 Paris en 2018.

Filmographie abrégée:

  • 1982 San Clemente.
  • 1983 Faits divers.
  • 1988 Urgences.
  • 1994 Délits flagrants.
  • 2004 10e chambre, instants d’audience.
  • 2016 Les Habitants.

Depuis la loi du 27 septembre 2013, toute personne internée en hôpital psychiatrique sans son consentement (soit 92 000 cas par an en France) doit être présentée à un juge des libertés et de la détention dans un délai de douze jours. Le juge dispose d’un rapport du psychiatre, mais il n’y a pas de présence médicale lors de l’entretien. Le documentaire montre le face à face du juge et du patient, assisté de son avocat. Dans tous les cas, existe-t-il un péril imminent?

Le film a été tourné à l’Hôpital Le Vinatier de Bron, commune de la métropole de Lyon.

Depardon s’est toujours intéréssé comme documentariste à la justice et à la psychiatrie.

Le film s’ouvre par un long travelling dans le couloir vide d’un hôpital moderne. Pour les audiences, trois caméras. Un classique champ-contrechamp.  De gros plans. Depardon ne bouge presque pas, ne sortira de la pièce que pour quelques intermèdes montrant le parc, la cour, les couloirs, les rues avoisinantes, la brume du matin. Il se concentre sur la parole, l’échange, l’écoute. Les juges sont bienveillants,  et les malades abrutis par les médicaments. Tous sont enfermés dans la même pièce.  Huis-clos. Les 10 patients de 12 Jours (parmi les 72 que le cinéaste a pu suivre) ont été enfermés sans consentement. La conclusion est la même: maintien de l’enfermement. Les juges (deux hommes, deux femmes) ne vont jamais contre l’avis des médecins. Selon les statistiques, les juges confirment les décisions des psychiatres dans 91 % des cas. Leurs discours, souvent dérangeants, sont le reflet des maux de notre société: souffrance au travail, place de l’immigré, difficultés d’intégration, violences faites aux femmes, peur du terrorisme. Ces malades sont si loin, si près de nous. Depardon a placé en exergue de son film la phrase de Michel Foucault, tirée d’Histoire de la folie à l’âge classique : «De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par le fou.»

“Pourquoi avez-vous signé autant de travaux, films, photos, sur l’enfermement?
Je m’interroge souvent là-dessus. Je suis attiré par l’enfermement. Pourtant, j’ai eu une enfance très heureuse, mes parents ne m’ont jamais donné une gifle. Peut-être que j’ai une idée très XIXe siècle de la liberté. J’aime être libre au sens paysan, aller et venir, en liberté.” (Interview publiée dans Le Monde le 26/05/2017)

Chavela Vargas (Catherine Gund et Daresha Kyi)

Vu hier soir avec plaisir le documentaire Chavela Vargas de Catherine Gund et Daresha Kyi au Studio Saint-André-des-Arts (Paris).

Ce cinéma indépendant  fut créé en 1971 dans le Quartier Latin par Roger Diamantis (1934-2010). Je me souviens encore du très beau film suisse La Salamandre d’Alain Tanner avec Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis,  vu dans cette salle.

Chavela Vargas (Isabel Vargas Lizcano) est née au Costa-Rica le 19 avril 1919 et est décédée au Mexique le 5 août 2012. Abandonnée par ses parents, rejetée par la société catholique uultraconservatrice de son pays, elle s’enfuit à México de à 17 ans et devint chanteuse professionnelle. C’est une des plus grandes représentantes de la musique ranchera, mais son interprétation et sa voix rauque et mélancolique sont très particulières. Elle sera une grande amie du chanteur José Emilio Jiménez (1926-1973) qui jouera un grand rôle dans sa carrière et écrivit beaucoup pour elle.

Vêtue d’un poncho et d’un pantalon, fumant et buvant comme un homme, portant et se servant d’un pistolet, elle n’a cessé d’affirmer sa liberté face à la société mexicaine ultramachiste. Pourtant, elle ne revendiquera publiquement son homosexualité qu’à 81 ans en 2000 à la télévision colombienne.

Elle se produisit beaucoup et avec grand succès dans les cabarets de México et d’Acapulco dans les années 50, puis connut une longue eclipse de 12 ans due à son alcoolisme et ses excès.

Jesusa Rodríguez et Liliana Felipe la tirèrent de l’oubli en lui permettant de se produire dans leur cabaret El Hábito (Ciudad de México). Ensuite, Manuel Arroyo Stephens et Pedro Almodóvar lui firent connaître le succès en Espagne (Sala Caracol de Madrid) et en Europe (Olympia) en 1992.

A 93 ans, à Madrid, à la Résidencia de Estudiantes, sur une chaise roulante, elle fut encore capable de réciter des poèmes de Federico García Lorca et d’interpréter quelques-unes de ses chansons célèbres. 500 spectateurs assistèrent à son dernier concert.

Les réalisatrices de documentaires américaines Catherine Gund et Daresha Kyi montrent bien son parcours. Elles utilisent habilement des documents tournés en 1991 par la première et font appel à de nombreux témoignages de personnes qui l’ont bien connue. Ainsi, son ex-compagne, l’avocate, Alicia Elena Pérez Duarte, témoigne avec sincérité dans le film.

Cabotine et sincère, garce et innocente, elle ne guérit jamais de son enfance malheureuse.  “Chavela es cabrona, Isabel es la niña que yo soy”, dit-elle.

Ses cendres furent dispersées sur la colline que la chanteuse voyait de sa maison  de Tepoztlán, à environ 90 kilomètres au sud de Ciudad de México et une autre partie fut remise à des indiens huicholes du désert de San Luis Potosí qui l’avaient désignée “chamana mayor” alors qu’elle était encore en vie.

Bande-annonce du film Chavela Vargas. Documentaire hispano-mexicano- américain de Catherine Gund et Daresha Kyi. 2017. 1h33.

Chavela Vargas chante La Llorona dans le film Frida (2002) de Julie Taymor