Manet – Degas

Nous avons vu l’exposition Manet/Degas (Musée d’Orsay,Paris du 28 mars au 23 juillet 2023). Il y avait beaucoup trop de monde. Environ 200 tableaux, pastels, dessins, gravures, monotypes, lettres et carnets. Il s’agit d’un parcours thématique et chronologique. Je me souviens encore de l’exposition Manet 1832-1883 en 1983 au Grand Palais. L’influence de la peinture espagnole, et particulièrement de celle de Velázquez, m’avait marqué alors.

Édouard Manet (1832-1883) et Edgar Degas (1834-1917) sont les deux fondateurs de la nouvelle peinture dans les années 1860-1880. Ils établissent les bases de la modernité en peinture. Leurs tableaux réalistes reflètent les différents aspects de la société de l’ époque : le travail, les loisirs (scènes de plage, courses de chevaux, brasseries et cafés-concerts, théâtre, opéra, ballets), la prostitution (les mondaines et les demi-mondaines), la vie domestique et la vie privée.

 Ils se sont rencontrés dans les années 1860, se sont fréquentés, ont côtoyé les mêmes cercles. Les deux peintres avaient des tempéraments très différents. Ils étaient rivaux. Ils ont traité des mêmes sujets, mais de façon assez différente.

Édouard Manet : « Qui donc a dit que le dessin est l’écriture de la forme ? La vérité est que l’art doit être l’écriture de la vie. »

« Je peins ce que je vois, et non ce qu’il plaît aux autres de voir. »

La Prune (l’actrice Ellen Andrée) (Édouard Manet), 1877. Washington, National Gallery of Art.
Dans un café (L’absinthe) (l’actrice Ellen Andrée et le peintre Marcellin Desboutin). Vers 1875-76. Paris. Musée d’ Orsay.

Voyage d’Edouard Manet en Espagne. Août-septembre 1865

Édouard Manet (Ferdinand Mulnier) v 1877-82

Lettre d’Edouard Manet à Henri Fantin-Latour

Dimanche matin [3 septembre 1865]

Mon cher ami, que je vous regrette ici et quelle joie c’eût été pour vous de voir ce Vélasquez qui à lui seul vaut le voyage ; les peintres de toutes les écoles qui l’entourent au musée de Madrid et qui y sont très bien représentés semblent tous des chiqueurs. C’est le peintre des peintres: il ne m’a pas étonné mais m’a ravi. Le portrait en pied que nous avons au Louvre n’est pas de lui. L’infante seule ne peut être contestée. Il y a ici un tableau énorme rempli de petites figures comme celles qui se trouvent dans le tableau du Louvre intitulé les cavaliers, mais figures de femmes et d’hommes, supérieures peut-être et surtout parfaitement pures de restauration. Le fond, le paysage est d’un élève de Vélasquez.

Le morceau le plus étonnant de cet [sic] œuvre splendide et peut-être le plus étonnant morceau de peinture que l’on ait jamais fait est le tableau indiqué au catalogue, portrait d’un acteur célèbre au temps de Philippe IV ; le fond disparaît, c’est de l’air qui entoure ce bonhomme tout habillé de noir et vivant ; et les fileuses, le beau portrait d’Alonzo Cano, las Meninas (les nains), tableau extraordinaire aussi, ses philosophes, étonnants morceaux – tous les nains, un surtout assis de face les poings sur les hanches, peinture de choix pour un vrai connaisseur, ses magnifiques portraits, il faudrait tout énumérer, il n’y a que des chefs- d’œuvre; un portrait de Charles Quint par Titien, qui a une grande réputation qui doit être méritée et qui m’aurait certainement je crois paru bien autre part, me semble ici être de bois;

Et Goya, le plus curieux après le maître, qu’il a trop imité dans le sens le plus servile d’imitation. Une grande verve cependant. Il y a de lui au musée deux beaux portraits équestres dans la manière de Vélasquez, bien inférieurs toutefois. Ce que j’ai vu de lui jusqu’ici ne m’a pas plus énormément; je dois en voir ces jours-ci une magnifique collection chez le duc d’Ossuna.

Je suis désolé, le temps est très laid ce matin et je crains que la course de taureaux qui doit avoir lieu ce soir et à laquelle je me fais un plaisir d’aller, ne soit remise, à quand? – Je vais demain faire une excursion à Tolède. Là, je verrai Gréco et Goya très bien représentés, m’a-t-on dit.

Madrid est une ville agréable, pleine de distractions. Le Prado, charmante promenade couverte de très jolies femmes toutes en mantilles, ce qui est d’un aspect très original; dans les rues encore beaucoup de costumes, les toreros qui eux aussi ont un costume de ville curieux.

Adieu, mon cher Fantin, je vous serre la main et suis t. à vous.

E. Manet

Vous pouvez compter sur votre catalogue quoiqu’il soit très difficile à avoir.

J’ai trouvé à Madrid, le jour de mon arrivée, un Français qui s’occupe d’art et qui me connaissait.
Je ne suis donc pas seul.

Pablo de Valladolid. v 1632-37. Madrid, Prado.