El resistente español Celestino Alfonso ‘entra’ en el Panteón francés

Celestino Alfonso (1916-1944).

https://elpais.com/internacional/2024-02-18/el-resistente-espanol-celestino-alfonso-entra-en-el-panteon-frances.html

” Un español en el Panteón. Un republicano, un comunista, un combatiente en la Guerra Civil, un resistente contra los nazis. Celestino Alfonso se convertirá este miércoles en el primer ciudadano de esta nacionalidad en entrar en el templo laico de las glorias francesas. Se escribe entrar en cursiva, porque físicamente sus restos seguirán en el cementerio de Ivry, al sur de París.

Pero su nombre quedará inscrito, junto a otros 22 miembros de un grupo de la Resistencia contra la ocupación alemana de Francia, a la entrada de la cripta donde el líder del grupo, el armenio Missak Manouchian, y su mujer, Mélinée, reposarán eternamente en el mismo lugar que Voltaire, Rousseau o Victor Hugo.

Francia, por iniciativa del presidente Emmanuel Macron, saldará una deuda con los extranjeros que dieron su sangre por un país que no siempre les trató como debía. Manouchian, Alfonso y otros camaradas ―apátridas, judíos, armenios, polacos, húngaros, italianos, rumanos…— protagonizaron uno de los momentos trágicos y heroicos de la II Guerra Mundial…

En Ivry hay una calle dedicada a Celestino Alfonso. Ni la familia ni los expertos consultados tienen noticia de que en España haya una placa u otra forma de conmemoración. “En su pueblo no hay nada, ni una calle, nada”, lamenta el hispanista Rabaté. “En cambio, hay una calle dedicada al general franquista Moscardó.”

(Marc Bassets. El País, 18 février 2024)

L’Affiche rouge.

“Alfonso. Español. Rojo. Siete atentados.”

POUR CITER CET ARTICLE : https://maitron.fr/spip.php?article9851, notice ALFONSO Celestino par Gautier Mergey, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

CELESTINO ALFONSO

Né le 1er mai 1916 à Ituero de Azaba (Espagne), fusillé par condamnation le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; menuisier, manœuvre ; communiste, volontaire en Espagne républicaine ; résistant FTP-MOI.

Celestino Alfonso naquit à Ituero de Azaba, village espagnol de la région de Salamanque, près de la frontière portugaise. Ses parents, Ventura Alfonso et Faustina Matos, étaient tous deux natifs des environs. En 1927, munis d’une autorisation de séjour, Celestino Alfonso et ses parents immigrèrent en France. Ils devaient finalement s’établir à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Celestino Alfonso travailla comme menuisier et comme manœuvre jusqu’en août 1936, date de son départ pour l’Espagne en guerre. Il fut incorporé dans les Brigades internationales : il servit dans la IIIe Brigade jusqu’en avril 1937, puis dans la XIVe Brigade en qualité de commissaire politique de compagnie. En novembre de la même année, il revint en France pendant un mois en permission régulière puis retourna en Espagne où il continua à combattre jusqu’en 1939.
À son retour en France, Celestino Alfonso fut interné au camp d’Argelès (Pyrénées-Orientales). Il en sortit le 7 décembre 1939 pour intégrer une compagnie de travailleurs étrangers (CTE). En juin 1940, revenu à Paris, il travailla jusqu’au 17 janvier 1941, date à laquelle il fut arrêté et interné à la caserne des Tourelles. En février, il fut libéré et partit travailler en Allemagne jusqu’au 18 juin 1941. Par la suite, il trouva de l’embauche au camp de Satory (Seine-et-Oise, Yvelines), au garage Chaillot rue de Chaillot à Paris, et à Villacoublay (Yvelines) aux Établissements ACO. Parallèlement, il militait à la section espagnole du Parti communiste clandestin. Son rôle consistait en la diffusion de tracts. En novembre 1942, suite à l’arrestation de plusieurs de ses camarades, craignant de l’être à son tour, il quitta Paris et se rendit à Orléans (Loiret). Il aurait, selon ses dires, travaillé dans cette ville pour le compte des autorités allemandes jusqu’en juillet 1943.
De retour à Paris, Celestino Alfonso entra en contact avec Missak Manouchian, commissaire militaire des FTP-MOI : sous le pseudonyme de « Pierrot », Alfonso intégra une équipe spéciale constituée de Leo Kneller et de Marcel Rayman (« Michel »). Avec ces derniers, désigné comme tireur d’élite, il prit part à plusieurs opérations. Le 28 juillet 1943, avenue Paul-Doumer (XVIe arr.), l’équipe lança une grenade contre la voiture du général Von Schaumburg. Toutefois, cet officier nazi, commandant du Grand Paris, ne se trouvait pas, alors, dans son véhicule. Le 9 août 1943, Alfonso récupéra de l’argent et des documents chez une militante du XIIIe arrondissement. Le 19 août, au parc Monceau (XVIIe arr.), il fut désigné pour exécuter un officier allemand qui, chaque jour, venait lire son journal dans le parc. Mais l’action la plus retentissante de cette équipe spéciale demeura l’attentat du 28 septembre 1943, réalisé sous la direction de Missak Manouchian. Ce jour-là, Rayman, Kneller et Alfonso furent désignés pour exécuter un général allemand repéré et filé par les FTP depuis plusieurs mois. Rayman et Alfonso abattirent leur cible au moment où celle-ci montait dans sa voiture, rue Pétrarque (XVIe arr.). Dans les jours suivants, les résistants auraient appris, par la presse, l’identité de l’officier : il s’agissait de Julius Ritter, général SS supervisant le Service du travail obligatoire en France.
Filés par les Brigades spéciales, les FTP-MOI furent démantelés par la vague d’arrestations de l’automne 1943 : Celestino Alfonso fut appréhendé entre son domicile du 16 rue de Tolbiac (XIIIe arr.) et Ivry-sur-Seine, où habitaient ses parents. Au moment de son arrestation, il vivait maritalement avec Adoracio Arrias, native d’Espagne, dont la famille était établie à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine). Le jeune couple avait un fils prénommé Jean.
Incarcéré à Fresnes (Seine, Val-de-Marne), Celestino Alfonso fut condamné à mort comme ses compagnons. Il écrivit une dernière lettre pour ses parents, ses frères et sœurs, sa femme et son fils (Cf. ci-dessous). L’abbé Franz Stock qui accompagna les victimes écrivit dans son journal : « Alfonso Célestino (Espagnol), qui avait commis beaucoup d’attentats, dit toutefois à la fin : « Priez pour moi ». Au poteau, il pria avec moi le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie », cette dernière en espagnol. Il avait fait la guerre civile en Espagne. »
Le jeune résistant espagnol a été fusillé le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien, avec vingt et un autres membres du groupe Manouchian. Sur la célèbre Affiche rouge publiée alors par la propagande officielle, le portrait de Celestino Alfonso apparaissait au-dessus de celui de Missak Manouchian, avec cette mention : « Alfonso – Espagnol rouge – 7 attentats ».
Après la Libération, le 18 mars 1945, la municipalité d’Ivry-sur-Seine organisa des obsèques solennelles pour dix-huit fusillés originaires de la commune. À cette occasion, la dépouille d’Alfonso fut exhumée du cimetière parisien d’Ivry pour être inhumée dans le carré des fusillés, au cimetière communal nouveau d’Ivry.
Par un avis en date du 14 mai 1945, le Secrétariat général aux Anciens Combattants décerna à Celestino Alfonso la mention « Mort pour la France ». Le 27 juillet suivant, une rue d’Ivry reçut son nom.

Dernière lettre

21 février 1944
Chers femme et fils,
« Aujourd’hui à 3 heures je serai fusillé, je ne suis qu’un soldat qui meurt pour la France. Je vous demande beaucoup de courage comme j’en ai moi-même, ma main ne tremble pas, je sais pourquoi je meurs et j’en suis très fier. Ma vie a été un peu courte, mais j’espère que la vôtre sera plus longue. Je ne regrette pas mon passé, si je pouvais encore revivre, je serais le premier. Je voudrais que mon fils est [sic] une belle instruction, à vous tous vous pourrez réussir. Ma chère femme, tu vendras mes vêtements pour te faire un peu d’argent. Dans mon colis tu trouveras 450 francs que j’avais en dépôt à Fresnes. Mille baisers pour ma femme et mon fils. Mille baisers pour tous. Adieu à tous. Celestino Alfonso. »
C.A.

Paris. 16 rue de Tolbiac.

Darío Villalba 1939 – 2018

La Espera blanca, 1993.

Le Monde de ce jour indique que la Galerie Poggi qui se trouve maintenant dans de nouveaux locaux face au Centre Pompidou (135 rue Saint-Martin, Paris IV) présente jusqu’au 27 janvier de grands formats de Darío Villalba, peintre et photographe espagnol, peu connu en France. Ce fils de diplomate, a vécu aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Grèce. Sa famille l’a toujours aidé même lorsqu’il a pratiqué le patinage artistique, sport qui n’existait pas dans l’Espagne franquiste d’alors. Il a participé aux Jeux Olympiques de Cortina d’Ampezzo en 1956. Il fut Prix National des Arts Plastiques en 1983 et membre de la Real Academia de Bellas Artes de San Francisco en 2002.

“Decía que pintaba cuando hacía fotografía y que hacía fotografía cuando pintaba.” Sa série la plus connue est celle des “Encapsulados”. Il s’agit d’une sorte de cocons qui contiennent des images de marginaux ( prisonniers, malades mentaux, sans-abris, personnes âgées ) qui semblent flotter dans un monde parallèle. Andy Warhol a essayé de l’enrôler dans le pop art ( pop soul) ce que Villalba a refusé. Des artistes espagnols, bien différents de lui, comme Luis Gordillo ou Eduardo Arroyo, l’ont appuyé et ont souligné son importance.

Ces jours-ci, nous avons vu au musée Carmen Thyssen de Málaga une belle exposition, Fieramente humanos. Retratos de santidad barroca. On y trouve des oeuvres des grands artistes du baroque méditerranéen (Ribera, Cano, Murillo, Giordano, Velázquez, Ribalta, Martínez Montañés, Juan de Mena), mais aussi trois oeuvres contemporaines (Equipo Crónica, Darío Villalba, Antonio Saura). Ce choix, a posteriori, me paraît judicieux étant donné l’influence qu’a eue l’art baroque sur ces artistes espagnols. L’oeuvre de Darío Villalba, peintre original, catholique et homosexuel mérite d’être davantage reconnue.

Místico (Darío Villalba) 1974. Colección de Arte ABANCA.

Colita 1940 – 2023

Colita ( de son vrai nom Isabel Steva Hernández) (Vicens Giménez)

J’ai vu ces derniers temps à Paris deux très riches expositions de photographies : Corps à corps Histoire(s) de la photographie (Centre Pompidou 6 septembre 2023 – 25 mars 2024) et Noir & blanc : une esthétique de la photographie (BnF 17 octobre 2023 – 21 janvier 2024). Les photographes espagnols y sont très peu représentés. C’est dommage, selon moi.

La photographe catalane Colita (de son vrai nom Isabel Steva Hernández) est décédée le 31 décembre 2023 à 83 ans. C’était une référence du photojournalisme à Barcelone.

Elle est née le 24 août 1940 dans une famille bourgeoise du quartier de l’Eixample (Ensanche). Son père lui offre un appareil photo quand elle a douze ans. Après une scolarité dans une école de religieuses, ses parents l’inscrivent dans un cours de secrétariat. Elle refuse de se marier et part en 1957 à Paris suivre un cours de langue et de civilisation française à la Sorbonne. Ses parents viennent la chercher en 1958 car elle refuse de rentrer.

De retour à Barcelone, elle rencontre les photographes Oriol Maspons (1928-2013) et Xavier Miserachs (1937-1998). Elle se professionnalise en 1961 dans l’atelier de ce dernier, où elle travaille comme secrétaire, mais apprend aussi les techniques de laboratoire. Miserachs lui laisse faire la photographie du film Los Tarantos (1963) de Francesc Rovira-Beleta. Au cours du tournage, elle devient amie avec la chanteuse et danseuse de flamenco Carmen Amaya (1913-1963) et découvre le monde des gitans.

Sa production tourne surtout autour du monde du flamenco, du théâtre, du spectacle. Elle saisit à merveille l’ambiance de la fin des années 1970 dans sa ville ainsi que l’effervescence politique de la transition. Elle est associée au monde culturel catalan : la Discothèque Bocaccio, la Gauche Divine, la Nova Cançó. Elle photographie aussi bien la haute bourgeoisie catalane que les bidonvilles de Somorrostro ou le Barrio Chino.

Elle collabore à des publications telles que Destino, Triunfo, Interviú, Fotogramas, Telexprés, Mundo Diario.

Elle a organisé plus de 40 expositions et publié plus de 30 livres, dont Luces y sombras del flamenco (Lumen, 1975. Texte du romancier et poète José María Caballero Bonald). Ses œuvres font partie des collections des principaux musées espagnols : Museu Nacional d’Art de Catalunya (MNAC) à Barcelone, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía à Madrid.

Elle a laissé une belle galerie de portraits de célébrités : Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Rafael Alberti, Jaime Gil de Biedma, Ana María Matute, Terenci y Ana María Moix, Joan Miró, Salvador Dalí, Orson Welles, Carmen Amaya, Antonio Gades, Joan Manuel Serrat.

Joan Manuel Serrat, 1970.
Gabriel García Márquez. Barcelone, 1969.

Elle se déclarait féministe, de gauche et athée. En 2014, elle refuse le Prix National de la Photographie, décerné par le Ministère de la culture par opposition à la politique du gouvernement du Parti Populaire dirigé par Mariano Rajoy.

Un cerdo feliz, 1987.

“En 1987, Colita fotografió a un cerdo que era feliz. “Lo tenían en la granja solo para que comiera y cubriera a las hembras, así que era verdaderamente feliz”, recuerda la fotógrafa. Su rostro tremendo y contento (el del cerdo) nos observa desde la foto en blanco y negro, una a la que Colita tiene especial cariño y que suele regalar a sus amigos para que la pongan en la cocina y les alegre el día.” (PHOTOESPAÑA 2015. El cerdo y la ‘gauche divine’. (Sergio C. Fanjul) (El País, 17 juin 2015)

Agustín Ibarrola 1930 – 2023

Agustín Ibarrola dans sa ferme d’Oma au Pays Basque en 2015.

L’artiste basque Agustín Ibarrola est décédé à 93 ans le 17 novembre 2023 à Galdácano (Bizcaye). Ce peintre et sculpteur a joué un rôle essentiel dans le développement des pratiques artistiques au Pays Basque. C’était un homme engagé dans la réalité et dans l’art d’avant-garde. Il a lutté avec un grand courage contre le franquisme et le terrorisme de l’ETA. Il s’est retrouvé en prison de 1962 à 1965 comme opposant à la dictature franquiste et membre du Parti Communiste d’Espagne (PCE). Dans la prison de Burgos, il créait clandestinement avec l’aide de ses codétenus des sculptures en mie de pain tout en continuant à peindre et dessiner sur du papier très fin. Il a passé deux autres années en prison, de 1967 à 1969 cette fois dans la prison de Basauri (Biscaye). L’extrême-droite a incendié sa maison-atelier en 1975 à Gametxo (Ibarrangelua) (Biscaye).

Il expliquait à El País en 2015 : “El terrorismo ha mordido fuerte sobre mí. Llevo dos guerras a cuestas, dos dictaduras: la franquista y la terrorista”. Il a dû vivre plusieurs années sous escorte, car il était menacé de mort par l’ETA.

Son oeuvre la plus emblématique se trouve dans El Bosque de Oma (Kortezubi, dans la réserve de biosphère d’Urdaibai, Biscaye). il a créé des œuvres de grand format, en pleine nature, se rapprochant du courant moderne appelé land art. C’est un musée à l’air libre. Douze hectares conservent l’essence de l’œuvre d’Agustín Ibarrola. L’artiste a composé une grande oeuvre où les formes jouent et varient au passage du promeneur. Elle se trouve près des grottes de Santimamiñe. Ce site archéologique est le plus important de Biscaye. il est inscrit au Patrimoine de l’Humanité de l’Unesco. En 1916, on y a découvert des figures rupestres. Une grotte conserve des restes de foyers humains de plus de 14.000 ans, une demi-centaine de peintures rupestres et de nombreuses formations de stalactites et stalagmites d‘une grande beauté.

Bosque de Oma. Arbres peints.

El País, 21/11/2023

Agustín Ibarrola, un creador y un resistente (Fernando Aramburu)

El pintor y escultor fue mucho más que un ciudadano empeñado en hacer obras de arte

De tiempo en tiempo nos llega la noticia del fallecimiento de un hombre admirable. Ya sé que el ejercicio de admirar se apoya en fundamentos subjetivos. Admirable para mí (para quienes quisieron hacerle daño supongo que no) fue Agustín Ibarrola, de cuya muerte supimos con tristeza el viernes pasado. He aquí un hombre que a edad temprana se lo jugó todo a una carta: la de la creación. Desde que a los 11 años abandonó la escuela hasta los 93 que duró su vida, Ibarrola se consagró a crear en diversas etapas evolutivas, con materiales múltiples, un sinnúmero de pinturas, esculturas, dibujos, collages, fotografías y mucho más. A uno se le figura que la creación constante debió de proporcionar al artista un sólido argumento vital. No concibo mayor obsequio de la vida que la posibilidad de dedicarse de lleno a una vocación.

Pero Ibarrola, como se sabe, fue mucho más que un ciudadano empeñado en hacer obras de arte. Conoció de cerca el mundo del trabajo; de hecho, coincidió en la mina con el poeta Blas de Otero, con quien compartió militancia comunista. Según sus propias palabras, se enfrentó a dos dictaduras, la de un general que ganó una guerra civil y la que otros desencadenaron a tiros y bombazos en su tierra natal. A ambas se enfrentó Ibarrola desde su actividad artística, pero también desde la acción cívica. Sufrió tortura en tiempos de Franco y dos estancias carcelarias que dan un total de nueve años entre rejas. Décadas después, ETA tomó el relevo de la persecución, forzándolo a llevar escolta y atacando sus creaciones de arte campestre. Cada vez que intentan colarnos la tesis de la organización que luchó contra el franquismo me acuerdo de gente de izquierdas a quienes Franco encarceló y contra los que las pistolas de ETA dispararon más tarde, como López de Lacalle o José Ramón Recalde. ¿No es raro combatir un régimen atentando contra sus opositores?

Amnistía (Agustín Ibarrola). Oeuvre réalisée en 1976 pour la Biennale de Venise. Madrid, Musée National Centre d’Art Reina Sofía. Achetée par le Musée en 2022.

Chana Orloff 1888 – 1968

Deux musées de Paris rendent hommage à la sculptrice Chana Orloff : le Musée Zadkine et le Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme (mahJ).
Chana Orloff. Sculpter l’époque “. Musée Zadkine, 100 bis, rue d’Assas, 75006 Paris. Du 15 novembre 2023 au 31 mars 2024.
« L’enfant Didi », itinéraire d’une œuvre spoliée de Chana Orloff, 1921-2023. Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme. Hôtel de Saint-Aignan. 71, rue du Temple, 75003 Paris. Du 19 novembre 2023 au 29 septembre 2024.
On peut aussi visiter sur demande l’atelier qu’elle a occupé de 1926 à 1968 et qui a été construit près du Parc Montsouris par l’architecte Auguste Perret au 7, bis villa Seurat. 75014-Paris.
Chana Orloff est une sculptrice de nationalité française et israélienne. Elle est née en 1888 à Tasré-Constantinovska (qui se trouve aujourd’hui en Ukraine). Sa famille rejoint en 1906 la Palestine, alors sous domination ottomane, en 1906 après le saccage et l’incendie de leur maison lors d’un pogrom. Elle est couturière à Tel Aviv. Elle arrive à Paris en 1910 pour étudier la mode. Elle travaille pour la maison de couture Paquin. Elle côtoie les artistes de Montparnasse : Amedeo Modigliani, Chaïm Soutine, Jules Pascin, Ossip Zadkine, Marc Chagall… Elle commence à pratiquer la sculpture. Elle est admise à l’Ecole des arts décoratifs et fréquente l’Académie Vassilieff. Elle trouve sa propre voie et ne suit pas les mouvements qui dominent l’époque comme le cubisme. En octobre 1916, elle épouse Ary Justman (1888-1919), un poète polonais qu’elle a rencontré en 1914. Comme Guillaume Apollinaire, il meurt lors de l’épidémie de grippe de 1919. De cette union naît en 1918 un fils, Élie, surnommé Didi, qui est frappé par la poliomyélite. Elle fait face avec énergie à tous ces malheurs. Son atelier se trouve alors 68 rue d’Assas. Des amis proches, comme Marc et Bella Chagall, lui commande des œuvres. Elle devient célèbre et réalise de nombreux portraits de personnalités parisiennes. Elle utilise le bois, le plâtre (pour des tirages en bronze) ou le ciment. Elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur en 1925 et obtient la nationalité française ainsi que son fils en 1926. Elle prend part à la grande exposition des Maîtres de l’art indépendant au Petit Palais à Paris en 1937. La guerre éclate et Chana Orloff, qui est juive, échappe de peu à la rafle du Vel d’Hiv (17 juillet 1942). Elle se réfugie à Grenoble en zone libre, puis en Suisse avec son fils. Quand elle revient à Paris en 1945, elle retrouve son atelier saccagé, ses sculptures décapitées. 145 pièces ont disparues. Après la Guerre, elle partage sa vie entre la France et Israël et réalise plusieurs monuments pour l’état hébreu. Elle meurt à Tel Aviv le 16 décembre 1968.

Torse 1912. Ciment. Paris, Ateliers-Musée Chana Orloff.

Le Musée Zadkine lui consacre une exposition qui permet de parcourir son œuvre et de la comparer avec celle d’Ossip Zadkine. On voit d’abord les portraits qui l’ont rendue célèbre. Ce sont des têtes, mais aussi des sculptures en pied, souvent d’enfants, de femmes en mouvement ou enceintes. Les animaux occupent aussi une place importante dans son travail : poissons, oiseaux et chiens. Après la guerre, ses sculptures sont marquées par la Shoah et la douleur.

Grande baigneuse accroupie. 1925. Bronze. Paris, Ateliers-Musée Chana Orloff.

Á Paris, une rue du XIX ème arrondissement porte son nom et une statue d’elle Mon fils marin (1924) se trouve, depuis novembre 2018, sur la place des Droits-de-l’Enfant, dans le XIV ème arrondissement.

Le 7 octobre 2023, trois membres de la famille de Chana Orloff – Avshalom Haran, Evyatar et Lilach Lea Kipnis – qui vivaient au kibboutz Be’eri, dans le sud d’Israël, ont été tués par les terroristes du Hamas. Sept autres membres de sa famille – Shoshan Haran (67 ans) ; Adi, sa fille (38 ans) ; Tal Shoham, son gendre (38 ans) ; Naveh (8 ans) et Yahel Neri (3 ans), ses petits-enfants ; Sharon 52 ans et Noam Avigdori (12 ans), sa belle-sœur et sa nièce – sont toujours retenus en otage à l’heure actuelle. Ramenons-les à la maison !

Place des Droits-de-l’Enfant. 75014-Paris. Mon fils marin (Chana Orloff) (1924).

Luis García Montero – Blas de Otero

Madrid, Librería Rafael Alberti. Photo : Lola Larumbe. Jeudi 16 novembre 2023.

Dans la période agité que vit l’Espagne, où des fascistes de tout poil menacent les sièges des partis de gauche et les librairies. Luis García Montero se rappelle dans un article de Infolibre La poesía y las edades de España, publié le 18 novembre, sa rencontre avec le poète Blas de Otero (1916-1979) lors d’un hommage à Federico García Lorca le 5 juin 1976. L’Espagne était encore une dictature. Manuel Fraga Iribarne (1922-2012), fondateur du Parti Populaire en 1989, était encore ministre de l’intérieur, ministre donc de la police et de la censure. Il affirmait sans vergogne: ” La calle es mía. “

https://www.infolibre.es/opinion/columnas/verso-libre/poesia-edades-espana_129_1644844.html?fbclid=IwAR1mNpRUzdEvkJX6tchotIIlF5IK6qQZdxq1tQrryVCVR4LIR3GlsBoBB3Y

La Casa del Pueblo de Cuenca vandalisée.

Luis García Montero fait référence à deux poèmes du poète basque : Noticias de todo el mundo et Nadando y escribiendo en diagonal publiés en 1964 en France.

Noticias de todo el mundo

A los 47 años de mi edad,
da miedo decirlo, soy sólo un poeta español
(dan miedo los años, lo de poeta, y España)
de mediados del siglo XX. Esto es todo.
¿Dinero? Cariño es lo que yo quiero,
dice la copla. ¿Aplausos? Sí, pero no me entero.
¿Salud? Lo suficiente. ¿Fama?
Mala. Pero mucha lana.
Da miedo pensarlo, pero apenas me leen
los analfabetos, ni los obreros, ni los
niños.
Pero ya me leerán. Ahora estoy aprendiendo
a escribir, cambié de clase,
necesitaría una máquina de hacer versos,
perdón, unos versos para la máquina
y un buen jornal para el maquinista,
y, sobre todo, paz,
necesito paz para seguir luchando
contra el miedo,
para brindar en medio de la plaza
y abrir el porvenir de par en par,
para plantar un árbol
en medio del miedo,
para decir “buenos días” sin engañar a nadie,
“buenos días, cartero” y que me entregue una carta
en blanco, de la que vuele una paloma.

Que Trata de España. Ruedo ibérico, 1964.

Blas de Otero. Madrid, Plaza de Alcalá.

Nadando y escribiendo en diagonal

Escribir en España es hablar por no callar
lo que ocurre en la calle, es decir a medias palabras
catedrales enteras de sencillas verdades
olvidadas o calladas y sufridas a fondo,
escribir es sonreír con un puñal hincado en el cuello;
palabras que se abren como verjas enmohecidas
de cementerio, álbumes
de familia española: el niño,
la madre, y el porvenir que te espera
si no cambias las canicas de colores,
las estampinas y los sellos falsos,
y aprendes a escribir torcido
y a caminar derecho hasta el umbral iluminado,
dulces álbumes que algún día te amargarán la vida
si no los guardas en el fondo del mar
donde están las llaves de las desiertas playas amarillas,
yo recuerdo la niñez como un cadáver de niño junto a la orilla,
ahora ya es tarde y temo que las palabras no sirvan
para salvar el pasado por más que braceen incansablemente
hacia otra orilla donde la brisa no derribe los toldos de colores.

Que Trata de España. Ruedo ibérico, 1964.

Obra completa (1935-1977). Barcelona, Editorial Galaxia Gutenberg, 2016.

“Me gusta releer a Blas de Otero. Busco la antología Verso y prosa (1974) que él mismo preparó para la editorial Cátedra. Me detengo en las anotaciones del joven estudiante que al leer “A la inmensa mayoría”, el poema con el que iniciaba Pido la paz y la palabra (1955), recordó otra dedicatoria de Juan Ramón Jiménez, un gran poeta que quiso escribir para “la inmensa minoría”. Y veo subrayados los versos de “En el principio”, en los que se afirma de manera rotunda “me queda la palabra”, después de reconocer que se sufre, se pierde y se tira la vida como un anillo al agua, y después de ver el rostro puro y terrible de la patria. La tinta roja de los subrayados se convierte en canción gracias a la guitarra y la voz de Paco Ibáñez.”

https://www.youtube.com/watch?v=2C4GRwfEaMQ

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2023/03/16/blas-de-otero-2/

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2022/01/31/blas-de-otero/

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/05/24/cesar-vallejo-blas-de-otero/

Luis Mateo Díez

Luis Mateo Díez.

Luis Mateo Díez a reçu le 7 novembre dernier le Prix Cervantes 2023. Cette récompense littéraire est la plus prestigieuse en langue espagnole.

Il est né le 21 septembre 1942 à Villablino, un village minier des montagnes de la province de León. Il y a vécu jusqu’en 1954. Sa famille s’est ensuite installé à León. Licencié en droit, il a travaillé toute sa vie comme fonctionnaire à la Mairie de Madrid.

Son œuvre narrative est prolifique.

La Fuente de la Edad (1986) et La ruina del cielo (2000) ont reçu toutes les deux le prix national de littérature narrative (Premio nacional de Narrativa) attribué chaque année par le Ministère espagnol de la Culture.

Luis Mateo Díez a inventé un territoire de fiction : Celama comme William Faulkner, Gabriel García Márquez, Juan Carlos Onetti ou Juan Rulfo. Il revendique l’importance qu’a l’oralité dans sa région d’origine : el Valle de Laciana.

“Provengo de un territorio donde permanecía viva la tradición de las culturas populares a través de la oralidad. Soy hijo de esas reuniones. No hay nada más universal que ese tipo de tradición. En mí hay una herencia del que escucha a quien cuenta historias, eso marcó mi curiosidad desde niño”.

Le filandón est une activité traditionnelle de cette zone. Elle se pratiquait le soir après le dîner. Les gens se regroupaient autour d’un bon feu de cheminée et se racontaient des histoires tout en s’occupant à des activités manuelles. Elle a connu récemment un regain de popularité. Certains écrivains comme Juan Pedro Aparicio, José María Merino, Luis Mateo Díez ou Julio Llamazares participent aussi parfois à ces soirées que le gouvernement de la communauté veut voir reconnues par l’Unesco comme patrimoine immatériel de l’humanité

Luis Mateo Díez est membre de l’ Académie royale espagnole (Real Academia Española – RAE) depuis 2001. Il a obtenu en 2020 le prix national des lettres espagnoles ( Premio Nacional de las Letras Españolas)

Quelques-uns de ses romans ont été traduits en français :
La fontaine de l’âge (La fuente de la edad, Alfaguara, 1986). Littérature européenne, Collection Douze Etoiles, 1988. Traduction Suzanne Fulchignoni et Fatou Gueye.
Les petites heures (Las horas completas, Alfaguara, 1990) Flammarion, 1993. Traduction Claude Bleton.
Le naufragé des Archives (El expediente del náufrago, Alfaguara 1992) Traduction Claude Bleton. Flammarion, 1997.

Librería Alberti – Madrid

Librería Alberti. Calle Tutor, 57. 28808- Madrid.

Les fascistes de Vox et les conservateurs du parti Populaire manifestent depuis une semaine dans le quartier d’Argüelles de Madrid où se trouve le siège du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE).

Le socialiste Pedro Sánchez a obtenu aujourd’hui la confiance d’une majorité absolue de 179 députés (la majorité absolue est fixée à 176). Au pouvoir depuis 2018, il va pouvoir former un nouveau gouvernement avec ses alliés de la coalition de gauche Sumar. Il a négocié avec les partis autonomistes et indépendantistes une prochaine loi d’amnistie pour refermer les blessures de la crise de 2017 en Catalogne.

Le poète catalan Joan Margarit disait «La llibertat és una llibreria». On le voit à Saint Sébastien, à Barcelone, mais aussi à Madrid.

Voilà ce qu’ont fait hier les fascistes. Solidarité avec Lola Larumbe et ses employés.

Photo : Lola Larumbe. Jeudi 16 novembre 2023

Ida Vitale

Ida Vitale. Madrid, Residencia de Estudiantes.

Ida Vitale est née le 2 novembre 1923 à Montevideo (Uruguay). Elle vient donc d’avoir cent ans aujourd’hui même. Lauréate du Prix Cervantès en 2018, elle est toujours active.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/04/25/ida-vitale/

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2020/03/08/ida-vitale-2/

François Maspero avait entrepris de traduire Ida Vitale. Il est mort brusquement le 12 avril 2015. Silvia Baron Supervielle a pris le relais. Elle a choisi et traduit la plupart des poèmes qui composent l’ anthologie Ni plus, ni moins (Le Seuil, La Librairie Du XX ème Siecle, 2016).

Relisons trois de ses poèmes :

Traducir

Alguien desborda,
al centro de la noche.
Ante un orden de palabras ajenas,
rebelde sometido,
ofrece el canto de toda su memoria,
las reviste de nueva piel
y con amor
las duerme en nueva lengua.

Apagada la luz,
el viento se pregona entre los árboles
y junto a la ventana hay frío
y la certeza de que todo paisaje
adentro se interrumpe
como frase que alcanza la madriguera
del terrible sentido.
No hay dispuesto
en el yermo
un benévolo guía.

Los pasos son a ciegas,
el cielo sin estrellas.
Y el pensamiento anticipa las fieras.

Traduire

Quelqu’un déborde
au cœur de la nuit.
Face à un ordre de mots étrangers,
rebelle soumis,
il leur offre l’éventail de toute sa mémoire,
les revêt d’une nouvelle peau
et avec cet amour
les couche en langue neuve.

Éteinte la lumière,
le vent tempête dans les arbres,
et il fait froid près de la fenêtre
et la certitude que tout paysage
intérieur se brise
comme une phrase qui atteint le fond
du redoutable sens.
Il n’y a pas
de guide bienveillant
dans le désert.
Les pas sont aveugles,
le ciel est sans étoiles.
Et l’esprit anticipe les fauves.

Ni plus Ni Moins. Éditions du Seuil. 2016. Traduction : Silvia Baron Supervielle & François Maspero.

Se elige

Diezmada, desangrada,
cortada en tantas partes
como sueños,
quiero,
no obstante,
ésta y no otra manera
de estar viva;
ésta y no otra manera de morir;
este sobresalto
y no más la habitual
duermevela.
Como una sombra de uno mismo
o como incendiado fósforo violento.
No hay otra alternativa,
ni más signo de identificación.
No otra muerte.
No mayor vida.

On choisit

Décimée, desséchée,
coupée en plusieurs parties
comme les rêves,
je veux cependant
celle-ci, et non une autre façon
d’être vivante ;
celle-ci, et non une autre façon de mourir ;
ce soubresaut,
et non plus l’habituel demi-sommeil.
Comme une ombre de soi-même
ou comme la flamme violente d’une allumette.
Il n’y a pas d’autre alternative
ni autre signe identifiant.
Pas d’autre mort.
Pas de plus grande vie.

Ni plus Ni Moins. Éditions du Seuil. 2016. Traduction : Silvia Baron Supervielle & François Maspero.

Misterios

Alguien abre una puerta
y recibe el amor
en carne viva.
Alguien dormido a ciegas,
a sordas, a sabiendas,
encuentra entre su sueño,
centelleante,
un signo rastreado en vano
en la vigilia.
Entre desconocidas calles iba,
bajo cielos de luz inesperada.
Miró, vio el mar
y tuvo a quién mostrarlo.
Esperábamos algo:
y bajó la alegría,
como una escala prevenida.

Mystères

Quelqu’un ouvre une porte
et reçoit l’amour
en plein cœur.
Quelqu’un qui dort en aveugle,
en sourdine, en conscience,
trouve dans son rêve
scintillant
un signe cherché en vain
durant la veille.
Il allait par des rues inconnues,
sous des cieux de lumière inespérée.
Il regarda, vit la mer
et eut à qui la montrer.
Nous attendions quelque chose :
et la joie descendit
comme une escale avertie.

Ni plus Ni Moins. Éditions du Seuil. 2016. Traduction : Silvia Baron Supervielle & François Maspero.

Louise Glück 1943 – 2023

Louise Glück

Louise Glück, poétesse américaine et prix Nobel de littérature en 2020, est morte d’un cancer le 13 octobre 2023 à Cambridge (Massachusetts). Elle avait quatre-vingts ans. Elle était née le 22 avril 1943 à New York, au sein d’une famille d’origine hongroise. Elle a été peu traduite en France avant le prix Nobel. Gallimard a publié en 2021 L’iris sauvage (1992) et Nuit de foi et de vertu (2014), puis en 2022 Meadowlands et Averno. J’ai lu ses poèmes à la fin du confinement.

Son dernier recueil, Recueil collectif de recettes d’hiver, sortira le 9 novembre 2023 dans la collection Du Monde entier (Gallimard) en même temps qu’un volume de la collection Poésie/Gallimard : L’iris sauvage – Meadowlands – Averno, avec une préface inédite de sa traductrice Marie Olivier.

« Et le monde passe,
tous les mondes, chacun plus beau que le précédent. »

Je retranscris deux poèmes de cette écrivaine majeure de la poésie de langue anglaise.

The Wild Iris

At the end of my suffering
there was a door.

Hear me out: that which you call death
I remember.

Overhead, noises, branches of the pine shifting.
Then nothing. The weak sun
flickered over the dry surface.

It is terrible to survive
as consciousness
buried in the dark earth.

Then it was over: that which you fear, being
a soul and unable
to speak, ending abruptly, the stiff earth
bending a little. And what I took to be
birds darting in low shrubs.

You who do not remember
passage from the other world
I tell you I could speak again: whatever
returns from oblivion returns
to find a voice:

from the center of my life came
a great fountain, deep blue
shadows on azure seawater.

The Wild Iris. New York: Ecco Press, 1992.

L’iris sauvage

Au bout de ma douleur
il y avait une porte.

Écoute-moi bien : ce que tu appelles la mort,
je m’en souviens.

En haut, des bruits, le bruissement des branches de pin.
Puis plus rien. Le soleil pâle
vacilla sur la surface sèche.

C’est une chose terrible que de survivre
comme conscience
enterrée dans la terre sombre.

Puis ce fut terminé : ce que tu crains, être
une âme et incapable
de parler prenant brutalement fin, la terre raide
pliant un peu. Et ce que je crus être
des oiseaux sautillant dans les petits arbustes.

Toi qui ne te souviens pas
du passage depuis l’autre monde
je te dis que je pouvais de nouveau parler : tout ce qui
revient de l’oubli revient
pour trouver une voix :

du centre de ma vie surgit
une grande fontaine, ombres
bleu foncé sur eau marine azurée.

L’iris sauvage. Gallimard, 2021. Traduction Marie Olivier. Pages 24-25.

Early Darkness

How can you say
earth should give me joy? Each thing
born is my burden; I cannot succeed
with all of you.

And you would like to dictate to me,
you would like to tell me
who among you is most valuable,
who most resembles me.
And you hold up as an example
the pure life, the detachment
you struggle to acheive–

How can you understand me
when you cannot understand yourselves?
Your memory is not
powerful enough, it will not
reach back far enough–

Never forget you are my children.
You are not suffering because you touched each other
but because you were born,
because you required life
separate from me.

The wild iris. New York: Ecco Press, 1992.

Tombée du jour

Comment peux-tu dire
que la terre devrait me procurer de la joie ? Toute chose
qui naît est mon fardeau ; je ne peux réussir
avec chacun d’entre vous.

Et vous voudriez me tenir tête,
vous voudriez me dire
lequel d’entre vous a le plus de valeur,
lequel me ressemble le plus.
Et vous brandissez comme exemple
la vie elle-même, le détachement
auquel vous vous efforcez de parvenir –

Comment pouvez-vous me comprendre
alors que vous ne vous comprenez pas vous-mêmes ?
Votre mémoire n’est pas
assez puissante,
ne remontera pas assez loin –

N’oubliez jamais que vous êtres mes enfants.
Ce n’est pas parce que vous vous êtes touchés que vous souffrez,
mais parce que vous êtes nés,
parce que vous aviez besoin de vivre
séparés de moi.

L’iris sauvage. Gallimard, 2021. Traduction Marie Olivier. Pages 112-113.