Walter Benjamin (1892-1940)

Walter Benjamin

Walter Benjamin a désormais son nom de rue à Paris. Et en plus, c’est un passage. Dommage pour l’orthographe: Bertolt Brecht et Hannah Arendt.

2017 DU 83 Dénomination passage Walter Benjamin (4e).
PROJET DE DELIBERATION
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il vous est aujourd’hui proposé de rendre hommage à Walter Benjamin, philosophe et écrivain allemand, traducteur de Proust et Baudelaire, en attribuant son nom à une partie de la rue des Ecouffes, à Paris (4e).
Issu d’une famille juive allemande, Walter Bendix Schönflies Benjamin naît le 15 juillet 1892 à Berlin. Après son baccalauréat en 1912, il poursuit des études de philosophie et de littérature jusqu’à son doctorat sur l’art et le romantisme allemand. A Berlin, il participe activement au Mouvement de jeunesse
antibourgeois et publie ses premiers essais au journal du mouvement Le commencement. Il effectue un bref séjour à Paris en 1913.
Alors que la Première guerre mondiale éclate, il est éprouvé par le suicide d’un couple d’amis : le poèteHeinle et son amie Rika Seligsohn.
Admirateur de Kafka et de Klee, il est proche de Max Horkheimer et Theodor Adorno et ami de Berthold Brecht, Ernst Bloch et Hannah Harendt.
Chassé d’Allemagne en 1933 lors de l’accès au pouvoir d’Hitler, il émigre à Paris où l’Institut de Recherche sociale l’accueille comme membre permanent et assure la publication de ses essais. Les travaux sur Edouard Fuchs, collectionneur et historien (1937) ainsi que L’œuvre d’art à l’époque de sa
reproductibilité technique (1936) représentent une contribution essentielle à la sociologie des arts plastiques. Il gagne sa vie comme chroniqueur et essayiste. Il traduit notamment Baudelaire et Proust. Il rédige ses derniers essais Sur le Concept d’histoire pendant l’hiver 39-40. Paris, capitale du XIXe siècle est la grande œuvre inachevée de Walter Benjamin. Pendant l’Occupation, il préfère rester en Europe, tentant sans succès de rejoindre Londres. En 1940, ses amis lui procurent un visa d’émigration aux
Etats-Unis mais trop tard : il ne lui reste plus que la frontière espagnole pour fuir. Parvenu à Portbou, en Espagne, Walter Benjamin craint d’être livré à la Gestapo par le régime franquiste. Il se suicidera le 26 septembre 1940.
Un monument funéraire intitulé Passages, réalisé par le sculpteur israélien Dani Karavan, lui est dédié au cimetière de Portbou.
La Commission de dénomination des voies, places, espaces verts et équipements publics municipaux qui s’est réunie le 22 septembre 2016 a donné un avis favorable sur ce projet de dénomination.
Aussi, si vous en êtes d’accord, la dénomination “ passage Walter Benjamin ” sera attribuée à la partie de la rue des Ecouffes, voie publique, comprise entre la rue de Rivoli et la rue du Roi de Sicile, à Paris (4e), conformément au plan annexé au présent exposé des motifs.
Je vous prie, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir en délibérer.
La Maire de Paris

Passage Walter Benjamin, Paris.

Vassili Grossman (1905-1964)

Vassili Grossman, Berlin, 1945.

Vassili Grossman, Carnets de guerre. De Moscou à Berlin. 1941-1945.

«Et il n’y a plus personne à Kazary pour se plaindre, personne pour raconter, personne pour pleurer. Le silence et le calme règnent sur les corps des morts enterrés sous des terres calcinées, effondrées et envahies d’herbes folles. Ce silence est plus terrible que les larmes et les malédictions. Et il m’est venu à l’esprit que, de même que se tait Kazary, les Juifs se taisent dans toute l’Ukraine.

Massacrés les vieillards, les artisans, les maîtres renommés pour leur savoir-faire : tailleurs, chapeliers, bottiers, étameurs, orfèvres, peintres en bâtiment, fourreurs, relieurs, massacrés les vieux ouvriers, portefaix, charpentiers, fabricants de poêles, massacrés les amuseurs publics, les ébénistes, massacrés les porteurs d’eau, les meuniers, les boulangers, les cuisiniers, massacrés les médecins, praticiens, prothésistes dentaires, chirurgiens, gynécologues, massacrés les savants en bactériologie et en biochimie, les directeurs de cliniques universitaires, les professeurs d’histoire, d’algèbre, de trigonométrie, massacrés les professeurs à titre personnel, assistants, maîtres-assistants et maîtres de conférences des chaires universitaires, massacrés les ingénieurs, les architectes, massacrés les agronomes et les conseillers en agriculture, massacrés les comptables, caissiers, commanditaires, agents de fourniture, assistants de direction, secrétaires, gardiens de nuit, massacrées les maîtresses d’école, les couturières, massacrées les grands-mères qui savaient tricoter des chaussettes et cuire de délicieuses brioches, faire du bouillon et du strudel aux noix et aux pommes, massacrées les grands-mères qui n’étaient plus capables de rien, qui savaient seulement aimer leurs enfants et petits-enfants, massacrées les épouses fidèles à leur mari et massacrées les femmes légères, massacrées les belles jeunes filles, les étudiants doctes et les écolières mutines, massacrées les vilaines et les idiotes, massacrées les bossues, massacrées les chanteuses, massacrés les aveugles, massacrés les sourds-muets, massacrés les violonistes et les pianistes, massacrées les petites de deux ans et de trois ans, massacrés les vieux de quatre-vingts ans aux yeux ternis par la cataracte, aux doigts froids et transparents et aux voix presque inaudibles chuchotant comme du papier blanc, massacrés enfin les nourrissons tétant avidement le sein maternel jusqu’à leur dernière minute.

Ce n’est pas la mort des hommes morts à la guerre, les armes à la main, d’hommes ayant laissé derrière eux leur maison, leur famille, leurs champs, leurs chansons, leurs traditions, leurs récits. C’est le meurtre d’une immense expérience professionnelle, élaborée de génération en génération par des milliers d’artisans et d’intellectuels pleins d’esprit et de talent. C’est le meurtre d’habitudes du quotidien transmises par les aïeux aux enfants, c’est le meurtre des souvenirs, des chansons tristes, de la poésie populaire, de la vie allègre et amère, c’est la destruction du foyer, des cimetières, c’est la mort d’un peuple qui a vécu des siècles aux côté du peuple ukrainien…

Khristia Tchouniak, une paysanne de quarante ans du village de Krassilovka, dans le district de Brovary de la région de Kiev, m’a raconté comment les Allemands exécutèrent à Brovary, le médecin juif Feldman. Ce Feldman, un vieux célibataire qui avait adopté deux enfants de paysans, était l’objet d’une véritable adoration de la part de la population. Une foule de paysannes en pleurs, suppliantes, allèrent trouver le commandant allemand pour lui demander de laisser la vie sauve à Feldman. Le commandant fut contraint de céder aux prières des femmes. C’était à l’automne 1941. Feldman continua à vivre à Brovary et à soigner les paysans. Il a été exécuté cette année au printemps. En racontant comment le vieil homme avait lui-même creusé sa tombe (il était en effet tout seul pour mourir, car au printemps 1943 il n’y avait déjà plus de Juifs vivants), Khristia Tchouniak retenait ses sanglots et elle finit par éclater en pleurs.»

John Cornford 2

John Cornford 1934.

L’évocation du poète anglais John Cornford me renvoie à la petite collection Maspéro, éditée par les Éditions Maspero entre 1967 et 1982, date de vente de la maison d’édition. Cette collection fut essentielle dans notre formation après 1968. J’en possède une vingtaine de titres. Leur couverture pastel les rend immédiatement identifiables. Je tiens particulièrement aux deux tomes du Romancero de la résistance espagnole. Ce sont deux recueils en édition bilingue, publiés par Dario Puccini en Italie en 1960 et en 1967 en France. On y trouve, entre autres, un poème de John Cornford.

To Margot Heinemann (John Cornford)

Heart of the heartless world,
Dear heart, the thought of you
Is the pain at my side,
The shadow that chills my view.

The wind rises in the evening,
Reminds that autumn’s near.
I am afraid to lose you,
I am afraid of my fear.

On the last mile to Huesca,
The last fence for our pride,
Think so kindly, dear, that I
Sense you at my side.

And if bad luck should lay my strength
Into the shallow grave,
Remember all the good you can;
Don’t forget my love.

A Margot Heinemann

Coeur du monde sans coeur,
cher coeur, la pensée de toi
est l’épine à mon flanc,
l’ombre qui glace ma vue.

Le vent se lève dans le soir,
rappelant l’automne proche.
J’ai peur de te perdre,
j’ai peur de ma peur.

Au dernier mile avant Huesca,
dernière barrière à notre orgueil,
songe, mon amour, avec tant de douceur
que je te sente auprès de moi.

Et si la malchance couchait ma force
en la tombe peu profonde,
rappelle-toi tout le bien possible;
n’oublie pas mon amour.

(Traduit par Michèle Mangin)

A Margot Heinemann

Alma del mundo desalmado,
alma mía, tu recuerdo
es el dolor que siento en mi costado,
la sombra que ensombrece cuanto veo.

Al atardecer se alza el viento
a recordarnos que el otoño viene,
yo, yo tengo miedo a perderte,
y tengo miedo a mi miedo.

Camino de Huesca, en el último tramo,
última barrera para nuestro honor,
tan tiernamente pienso en ti, mi amor,
como si tú estuvieras a mi lado.

Y si la suerte acaba con mi vida
dentro de una fosa mal cavada,
acuérdate de toda nuestra dicha;
no olvides que yo te amaba.

(Traduction de José Agustín Goytisolo)

La traduction espagnole me semble meilleure que la française.

L’historien Eric Hobsbawm (1917-2012) écrit que Margot Heinemann (1913-1992) fut la personne qui eut le plus d’influence sur lui.

La municipalité de Lopera, dans la province de Jaén en Andalousie, a inauguré en 1999 un Jardín de los poetas ingleses où se trouve un monument en hommage à Ralph Fox, John Cornford et aux brigadistes morts lors de la bataille de décembre 1936.

Lopera (Jaén) Jardín de los Poetas Ingleses Monumento dedicado a los brigadistas (Jacobo Gálvez) 1999

John Cornford 1

J’ai acheté cette semaine chez Gibert le roman de Javier Reverte, Banderas en la niebla. J’avais lu avec interêt il y quelque temps El tiempo de los héroes (2013), qui évoquait la figure du général républicain espagnol, Juan Modesto (1906-1969). Ce nouveau roman traite des combats sur le front d’Andalousie pendant la Guerre Civile espagnole et bien sûr de la bataille de Lopera (Jaén) qui se déroula du 27 au 29 décembre 1936. Des centaines de brigadistes de la XIV Brigade Internationale moururent alors. Parmi eux se trouvaient les poètes anglais Ralph Fox (1900-1936) et John Cornford (1915-1936). Dans son épilogue, Javier Reverte nous dit que plusieurs poèmes ont été écrits en mémoire du jeune poète John Cornford, arrière-petit-fils de Charles Darwin. Il se réfère surtout à un poème de José María Valverde (1926-1996) qui aurait situé la bataille de Lopera dans la province de Cordoue et non dans celle de Jaén. Il commet lui-même une erreur puisqu’il confond José María Valverde et un poète bien plus important, José Ángel Valente (1929-2000) qui fait partie de la Génération de 1950.

John Cornford, 1936 (José Ángel Valente)

                           Only in constant action was his constant certainty found.
                           He will throw a longer shadow as time recedes.

John Cornford, veintiún años
ametrallados sobre el aire
en que han nacido estas palabras.

El corazón de los fusiles
siguió latiendo inútilmente
cuando ya nunca alcanzaría
el rastro claro tu sangre.

Esto fue en Córdoba, en diciembre
en las montañas, combatiendo.

Después cayó, como dijiste,
la noche larga sobre Europa.
Los poetas retrocedieron
a su pasión consolatoria
y aquellas horas de amistad
en un ejército del pueblo
fueron borradas con la cola
subrepticia de la tristeza
en el tumulto repentino.

Así pasó, en efecto, todo.
Los años treinta en estampida
with the unnemployed demonstrators
carring «the coffin» to the Station.
Palidecieron los retratos.
Cedió el viento y se fue el público
y cundió la desesperanza.

Otros cayeron,
Entre el humo
de las ruinas y otras cosas
no apaciguadas por el tiempo
se levanta tu cuerpo joven.
De tú a tú puedes hablarnos
John Cornford, hermano nuestro,
de tú a tú como se hablan
en la verdad los hombres vivos.

Al rehacer aquella hora
cuento despacio tus palabras.
La inteligencia aún se pasea
en tren de lujo por los versos
mientras espera que otros caigan
para sentir horror de pronto.

Mas para ti solo fue uno
el camino de la certeza.
No quisiste huir de la vida
con el disfraz del pensamiento.

Así estás igual a ti mismo
con la pasión que aquí te trajo.
Un solo acto de vida y muerte,
la fe y el verso un solo acto.
Ametrallados, no vencidos,
Veintiún años, en diciembre,
Córdoba sola, un solo acto
tu juventud y la esperanza.

Obra poética 1. Punto cero (1953-1976)

José Ángel Valente en su casa de Almería.

Robert Desnos pendant la Seconde Guerre Mondiale

Robert Desnos à Terezin (entre le 8 mai et le 4 juin 1945).

Robert Desnos fait  « la drôle de guerre  » comme sergent en Lorraine. Il stigmatise « les bobards de ceux qui, pour éviter la fascisation de la France, laisseraient volontiers Hitler triompher. On se demande s’ils sont fous » (Lettre du 11 janvier 1940). Il est lucide en juin 1940 et affirme déjà ce que sera son attitude pendant l’Occupation : « Il faut prendre les événements sérieusement mais pas désespérément (…). Les Allemands instituent une nouvelle règle du jeu et la jouent rigidement. Maintenant, nous allons tricher. » (Lettre à Youki du 7 juin 1940) Prisonnier, il pense à l’avenir et relativise la défaite : « Il faut mettre les choses au pire. C’est-à-dire victoire d’Hitler et garder de côté nos espoirs, sûr: puissance de l’Angleterre; possible: attitude des USA; douteux: intervention des URSS. (…) L’histoire d’un pays vivant est faite de cela [les défaites] et quant aux pertes de territoires elles sont la rançon de l’activité et de la vie (…). Non ce qui importe c’est le degré de vassalité auquel nous serons réduits et partant de combien nos libertés seront hypothéquées et notre vie sociale diminuée. En ce sens il nous faudra du courage mais je suis dès maintenant sûr d’en sortir en deux ou trois ans. » (Lettre du 3 juillet 1940)

Il est démobilisé le 22 août. Il rentre à Paris et débute comme chef des informations au quotidien Aujourd’hui, commandité par Roger Capgras. Ses rédacteurs en chef sont Henri Jeanson et Robert Perrier. L’espoir d’y maintenir une certaine liberté de parole est de courte durée. En effet,  Henri Jeanson est arrêté en novembre, ayant refusé de publier des articles favorables à la loi sur le « statut des Juifs », adoptée le 3 octobre par Vichy, ainsi qu’à l’entrevue de Montoire du 24 octobre. A partir du 3 décembre, le journal est contrôlé par les Allemands. Georges Suarez, qui sera fusillé le 9 novembre 1944 pour faits de collaboration, devient son directeur politique. En accord avec Jeanson, Desnos reste au journal comme « courriériste littéraire ». Il dispose d’un salaire fixe, d’un Ausweis professionnel qui lui permet de circuler la nuit et capte des informations recueillies au journal avant censure. Désormais, il peut « tricher » . Dans les articles qu’il publie, il n’abdique pas ses idées: « Si je n’écris pas tout ce que je pense, je pense tout ce que j’écris », écrit-il à François Mauriac le 3 janvier 1941. Dès le 14 septembre 1940, il a fustigé l’esprit de délation qui règne dans Paris par un article intitulé « J’irai le dire à la Kommandantur. » Dans sa chronique du 3 mars 1941, il n’épargne pas Les Beaux draps de Céline qui le 7 mars suivant fait insérer par sommation d’huissier une protestation dans laquelle Desnos est accusé de mener une « campagne philoyoutre » et d’être juif lui-même : « Que ne publie-t-il, M. Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, à la fin de tous ses articles? . » Le 16 septembre 1942, Desnos critique sans aménité la traduction des Poèmes d’Edgar Poe par Pierre Pascal, rédacteur du journal pronazi L’ Appel. Ce dernier envoie une lettre vengeresse à Suarez et à Desnos. Il traite le poète d’ « antifasciste, enjuivé, perdu de tout ». En avril 1942, Robert Desnos gifle Alain Laubreaux, journaliste fasciste et antisémite à Je suis partout, qui jouera un rôle déterminant en 1944 dans sa déportation.  En 1943, il ne publie que des critiques de disques, mais restera dans le journal jusqu’à son arrestation.

Après la « rafle du Vel d’hiv », en juillet 1942, il s’engage dans le réseau de renseignement «  Agir » , créé par Michel Hollard. Du 25 juillet 1942 au 22 février 1944, il transmet des informations recueillies au journal, fabrique de fausses pièces d’identité pour les membres du réseau et des Juifs en difficulté et cache chez lui des réfractaires au STO ou des résistants. A l’automne 1943, le réseau est menacé par l’infiltration d’agents doubles. Par l’intermédiaire de Jacques Prévert, Desnos rencontre André Verdet, membre du réseau Combat, venu de la zone Sud pour constituer un groupe d’action immédiate. Il accepte d’apporter son concours à ce groupe, tout en continuant à appartenir à Agir. En février 1944, les deux réseaux sont démantelés.

Le 22 février, un coup de téléphone l’avertit de l’arrivée imminente de la Gestapo chez lui, mais Desnos refuse de fuir de crainte qu’on emmène Youki, sa compagne, qui se droguait à l’éther. Interrogé rue des Saussaies, il est envoyé à la prison de Fresnes. Il y reste du 22 février au 20 mars. Il est ensuite transféré au camp de Compiègne. Le 27 avril, le poète fait partie d’un convoi de mille sept cents hommes, le fameux convoi dit « Pucheu », direction Auschwitz où il arrive le 30 avril au soir. Il est ensuite emmené à Buchenwald. Il y est le 14 mai et repart deux jours plus tard pour Flossenbürg. Le convoi qui ne compte plus qu’un millier d’hommes y arrive le 25 mai. Les 2 et 3 juin, un groupe de quatre-vingt-cinq hommes, dont Desnos, est acheminé vers le camp de Flöha, en Saxe. Les prisonniers fabriquent des carlingues de Messerschmitt 109. Le 14 avril 1945, le camp est évacué. Beaucoup de prisonniers meurent épuisés par les marches forcées ou sont abattus par les gardiens. Le 7-8 mai, les rescapés – dont Desnos – arrivent au camp de concentration de Terezín (Theresienstadt) en Tchécoslovaquie.

Là, les survivants sont abandonnés dans des cellules de fortune ou expédiés au Revier, l’infirmerie. Les poux pullulent, le typhus fait rage. Les SS prennent la fuite.  L’ Armée rouge et les partisans tchèques pénètrent dans le camp. Plusieurs semaines après la libération, un étudiant tchèque, Joseph Stuna consulte la liste des malades et lit: « Robert Desnos, né en 1900, nationalité française . »  Il sait qui est Desnos, car il connaît les surréalistes, a lu André Breton et Paul Éluard. Avec l’aide de l’infirmière Aléna Tesarova, qui parle bien le français, il retrouve le poète et le veille. Desnos aurait appelé ce moment son « matin le plus matinal ». Le 8 juin 1945, à 5 h 30 du matin, Robert Desnos meurt du typhus. Il avait 44 ans. Son corps sera incinéré. Ses cendres seront remises à la France et déposées dans le caveau familial au cimetière Montparnasse.

Source: Desnos, Oeuvres, Gallimard, Quarto 1999. Edition présentée et commentée par Marie-Claire Dumas.

Daniel Cordier

Emmanuel Macron a élevé lundi Daniel Cordier, âgé de 97 ans, au grade de Grand-Croix de la Légion d’honneur. Ils ont assisté ensuite au Mont Valérien aux commémorations de l’Appel du 18 juin, lancé il y a 78 ans par le général De Gaulle.

“Ça me bouleverse. Je vais très, très, très bien. Ce qui est curieux c’est que ça dure si longtemps. Mais enfin, je suis prêt à tout”, a ajouté le nonagénaire.

Daniel Cordier, ancien résistant et secrétaire de Jean Moulin, est l’un des cinq derniers Compagnons de la Libération encore en vie, sur les 1.038 qui avaient été distingués pour leur engagement au sein de la France libre. Il défend la mémoire de Jean Moulin depuis la fin des années 70 ( cf. 2009 : Alias Caracalla : mémoires, 1940-1943, Paris, éd. Gallimard).

Les quatre autres – Guy Charmot, Hubert Germain, Pierre Simonet et Edgard Tupët-Thomé – ont entre 96 et 103 ans. Le dernier d’entre eux qui décèdera sera inhumé au Mont-Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine). Ce site a été le principal lieu d’exécution de résistants et d’otages par l’armée allemande durant la Seconde guerre mondiale. Le général de Gaulle y a inauguré le Mémorial de la France combattante le 18 juin 1960.

Daniel Cordier. 18 juin 2018. Mont Valérien.

Marc Bloch (1886-1944)

Marc Bloch

Marc Bloch, l’historien et résistant a été assassiné par les Allemands le 16 juin 1944 à Saint-Didier-de-Formans (Ain), en même temps que 29 autres résistants. Cest le fondateur avec Lucien Febvre des Annales d’histoire économique et sociale en 1929.

“Je suis Juif, sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance. Je n’en tire ni orgueil ni honte, étant, je l’espère, assez bon historien pour n’ignorer point que les prédispositions raciales sont un mythe et la notion même de race pure une absurdité particulièrement flagrante, lorsqu’elle prétend s’appliquer, comme ici, à ce qui fut, en réalité, un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave.

Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite.

Mais peut-être les personnes qui s’opposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de « métèque ». Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand-père fut soldat, en 1793; que mon père en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIeme Reich; que j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur . J’y suis né, j’ ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux .”
L’étrange défaite, 1940.

Testament spirituel de Marc Bloch, écrit le 18 mars 1941:

“Je n’ai point demandé que sur ma tombe fussent récitées les prières hébraïques, dont les cadences pourtant, accompagnèrent vers leur dernier repos tant de mes ancêtres et mon père lui-même. Je me suis, toute ma vie durant efforcé de mon mieux vers une sincérité totale de l’expression et de l’esprit. Je tiens la complaisance envers le mensonge, de quelques prétextes qu’elle puisse se parer, pour la pire lèpre de l’âme. Comme un beaucoup plus grand que moi, je souhaiterais volontiers que, pour toute devise, on gravât sur ma pierre tombale ces simples mots Dilexit Véritatem.

Monument des Roussilles à Saint-Didier-de-Formans (Ain)

Marc Ogeret (1932-2018)

Le chanteur Marc Ogeret est mort le 4 juin 2018. C’était un magnifique interprète des poèmes d’Aragon et des chansons révolutionnaires.

Militant syndicaliste du Syndicat français des artistes-interprètes (SFA-CGT). Membre de la société civile pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami). Vice-président du collège variétés de l’Adami.

Je me souviens qu’il jouait dans un curieux film vu dans le Quartier latin, il y a bien longtemps: L’escadron Volapük (1971) de René Gilson. Distribution: Juliet Berto, Marc Chapiteau, Olivier Hussenot, Michel Delahaye, Georges Adet. Scènes imaginaires de la vie de cinq jeunes incorporés dans une garnison française entre le 32 et le 39 mai 1968.

Quelques-uns de ses disques:
1967 : Marc Ogeret chante Aragon.

1968 : Autour de la Commune.

1968 : Chansons « contre » .

1970 : Le condamné à mort, poème de Jean Genet, musique de Hélène Martin.

1988 : Chante la Révolution.

1992 : Chante Aragon (Second Intermède).

1999 : Ogeret chante Léo Ferré.

https://www.youtube.com/watch?v=x_c-vMFLVhI

Tiré de l’album “Marc Ogeret chante Aragon”, en 1967. Accompagné par Michel Villars (piano), Barthelemy Rosso (guitare) et Pierre Nicholas (contrebasse).

Lettre de Louis Mercier à Jean-Paul Samson

Louis Mercier (Charles Ridel)

Controverse posthume avec Louis Mercier (Communiste libertaire belge, de son vrai nom Charles Cortvrint, connu aussi comme Charles Ridel 1914-1977). Il donna une interprétation différente des événements décrits par Simone Weil dans sa lettre à Georges Bernanos de 1938, publiée dans Témoins à l’automne 1954. Témoins, 37 Cahiers trimestriels publiés par Jean Paul Samson de 1953 à 1967. Albert Camus et André Prudhommeaux faisaient partie du comité de lecture de cette revue.

Lettre de Louis Mercier.

«Mon cher Samson,

La lettre de Simone Weil à Georges Bernanos valait d’être reproduite. Elle suscite l’inquiétude, remède souverain pour la somnolence des esprits. Elle donne un témoignage direct sur l’expérience espagnole de la défunte. Enfin, elle fournit un exemple intéressant du mécanisme de la pensée chez l’auteur.

Tout admirateur de Simone Weil a tendance à ne tenir compte que d’un moment de son évolution. Celui de l’héritière de la pensée grecque, celui de la syndicaliste, celui de la mystique. Sans doute faudra-t-il un jour enchaîner toutes ces époques, retrouver le mobile commun ou l’angoisse permanente qui en assure l’unité, pour aboutir à la compréhension, donc à la connaissance du penseur. Déjà la lettre montre combien l’observatrice de la guerre civile espagnole que nous présente Gustave Thibon dans la préface de “la Pesanteur et la Grâce” était une combattante volontaire, une milicienne. Pourtant, il est hors de doute que Thibon n’a fait qu’exprimer l’idée de Simone Weil avait d’elle-même, quelques années après son expérience. La lettre à Bernanos, qui doit dater de l’automne 1938 – si l’on prend comme repère l’allusion faite au passage de l’Ebre par les troupes de Yaguë – marque déjà une évolution de Simone Weil par rapport à ce qu’elle pensait et ressentait deux ans plus tôt. En novembre 1936, au moment où elle avait pu tirer les leçons, et de la mentalité des anarchistes de la FAI et de la CNT, et du comportement des combattants étrangers, et de l’atmosphère de la guerre espagnole, Simone Weil continuait à porter – à sa manière, très ostensiblement – les insignes des mouvements libertaires, à s’enrouler autour du cou les grands mouchoirs rouge et noir des miliciens anarchistes. Elle était présente aux meetings de solidarité organisés à Paris pour soutenir la Révolution ibérique. Elle poursuivait son activité de propagandiste en faveur de la République sociale espagnole. Quand la guerre des pauvres contre les riches se transforma en guerre entre puissances totalitaires, nombre de révolutionnaires ouvriers se refusèrent dès lors à y prendre part. Simone Weil fut parmi ceux-là et elle décida de ne plus retourner en Espagne. Mais sa lettre à Bernanos insiste plus particulièrement sur les problèmes de morale que l’atmosphère espagnole avait remis en lumière, et non pas sur l’aspect social de la guerre. C’est le terrain de Bernanos qui est choisi.

La présentation des incidents, faits et événements, correspond-elle à la réalité que Simone Weil a connue lors de son séjour en Espagne? De l’avis des survivants du groupe international de la colonne Durruti auquel elle appartint, non. L’affaire du jeune phalangiste fait prisonnier par les miliciens internationaux lui a été contée par ces miliciens eux-mêmes qui s’indignaient de ce que le jeune homme eût été fusillé à l’arrière, avec l’approbation, dans l’indifférence, ou sur ordre – la précision n’a jamais été obtenue – de l’état-major de la colonne. Les réactions de Simone Weil furent celles des combattants. Mais la recherche d’une parenté avec Bernanos l’incita à généraliser. Il n’est pas question de nier ou de minimiser les horreurs d’une guerre révolutionnaire, ni de dissimuler les instincts de certains miliciens. Ce qui est indispensable, c’est d’établir un tableau complet des sentiments ou des passions qui purent se donner libre cours, et non pas de juger les révolutionnaires en bloc.

Il est exact qu’à Sietamo, des hommes trouvés dans les caves des maisons incendiées et plusieurs fois prises et reprises, furent exécutés par des miliciens espagnols. Là encore, Simone Weil rapporte ce qui lui a été dit par des membres du groupe international. Ce qui n’est pas reproduit, ce sont d’autres témoignages sur certains traits de caractère des miliciens espagnols ou étrangers: la garnison – composée de soldats, de gardes civils et de phalangistes – qui défendait le bourg ne possédait qu’un point d’eau, une fontaine publique exposée aux balles des hommes du groupe international. Le commandement franquiste envoyait donc des femmes à la corvée d’eau, misant sur l’esprit chevaleresque des miliciens, lesquels, effectivement, se refusaient à tirer sur des paysannes. Lors de ces mêmes combats, au cours desquels le groupe international perdit les trois-quarts de ses effectifs, des appels furent lancés aux soldats pour qu’ils rallient la République. Plusieurs dizaines de recrues passèrent dans les rangs confédéraux. À tous il fut donné de choisir entre le travail à l’arrière et l’enrôlement dans les milices, la majorité choisit les rangs du groupe international. Il y eut, certes, dans les centuries, quelques exaltés qui voulurent coller les transfuges au poteau pour venger leurs propres assassinés. Mais les délégués du groupe international menacèrent à leur tour de fusiller ceux qui parlaient d’exécution, et tout s’arrêta là. Le même phénomène se produisit en d’autres endroits, notamment lors des combats de Farlete et sur les contreforts de la sierra de Alcubierre.

Quant à l’opinion exprimée par Simone Weil sur l’absence «d’une force d’âme capable de résister à l’ivresse du meurtre» chez les combattants étrangers, et sur de «paisibles Français qui baignaient avec un visible plaisir dans une atmosphère imprégnée de sang», on peut se demander sur quels exemples assez nombreux et significatifs semblables généralisations peuvent être établies. Pour notre part, nous avons connu des combattants venus en Espagne pour y mourir dignement, en communion avec le grand espoir révolutionnaire. À Gelsa, deux camarades italiens qui avaient toute possibilité de battre en retraite, demeurèrent sur place, non par esprit de sacrifice, mais pour finir avec le sentiment de combattre à poitrine découverte. À Perdiguerra, un volontaire bulgare refusa de suivre les débris du groupe international qui venait d’être écrasé, prétextant qu’il voulait protéger la retraite, mais en réalité pour avoir une mort de libre défi.

Enfin, que les paysans d’Aragon n’aient même pas été «un objet de curiosité» pour les miliciens nous semble une formule bien rapide. Quand nous avancions sur les terres misérables qui sont en bordure de l’Ebre, c’étaient des paysans de la région qui nous servaient de guides, c’étaient des paysans qui nous accueillaient dans les villages conquis, c’étaient des paysans qui se repliaient avec nous. Et quand nous quittâmes Pina, ce furent des paysannes qui vinrent nous remercier de les avoir protégées sans jamais leur avoir fait sentir notre présence. Et le conseiller militaire qui nous guidait alors, un Français qui mourut lui aussi en luttant pour que la misère paysanne disparaisse du sol ibérique, prenait garde, quand des familles paysannes nous accueillaient à leur table, de laisser au père le soin de présider au repas, suivant une coutume qui nous semblait désuète – elle condamnait d’autre part les femmes à manger accroupies près de l’âtre – et que nous respections.

Ces quelques souvenirs, mon cher Samson, d’où l’affection pour Simone Weil sort intacte, mais qui expriment tout autant l’amitié pour ceux qui surent vivre aux dimensions de leur rêve, puisque aussi bien la justice ne change jamais de camp.

16 décembre 1954. ”

Daniel Cordier

Daniel Cordier

Daniel Cordier : « Il faut être optimiste » (Le Monde, 09/05/2018)

“Vous avez dit : « Il m’a choisi. » En fait, c’est bien plus que cela, parce que Jean Moulin est aussi celui qui vous a initié à la peinture. Au fond, sans lui, vous ne seriez peut-être jamais devenu galeriste et marchand d’art. Il ne vous a donc pas seulement choisi, il vous a aussi aidé à choisir votre vie.

Oui, c’est vrai, on peut résumer les choses comme ça. Mais la façon dont tout cela s’est passé est tout de même un peu plus compliquée. Car cette initiation à l’art, comme vous dites, s’est faite dans des circonstances assez particulières.

C’est-à-dire ?

Au moment où j’ai commencé à travailler avec lui, l’une des premières choses qu’il m’a dites est ceci : « Quand nous serons dans la rue, au restaurant ou dans n’importe quel endroit où nous risquons d’être entendus, je me mettrai à vous parler d’art pour que nous ne soyons pas suspectés. » Que voulez-vous ? C’était lui le patron, c’est lui qui décidait. Donc ça s’est passé comme ça : quand on était ensemble et qu’il sentait qu’il y avait un danger, il se lançait, il me parlait de Cézanne, de Renoir, de Kandinsky. La peinture moderne le passionnait.

En somme, durant vos journées avec Jean Moulin, il vous arrivait de passer de façon soudaine de la Résistance à l’art moderne, comme deux vies parallèles, cloisonnées… Dans vos Mémoires, vous racontez ainsi que c’est ce qui s’est passé le 27 mai 1943, quand a eu lieu la première réunion du Conseil de la Résistance, rue du Four (Paris 6e). Une date historique, puisque c’est là que la Résistance intérieure s’est unie pour se mettre sous la tutelle du général de Gaulle…

Oui, en effet. Pour être exact, je n’ai pas assisté personnellement à cette réunion, où il y avait Moulin et les grands chefs de la Résistance. Moi, j’étais dehors, rue du Four, entre la rue de Rennes et le carrefour de la Croix-Rouge, je devais récupérer des gens pour les amener dans l’appartement que nous avait prêté un médecin. J’étais aussi censé téléphoner pour prévenir ceux qui étaient à l’intérieur en cas de problème. D’ailleurs, quand j’y repense, c’était un peu enfantin : qu’est-ce que j’aurais bien pu faire s’il s’était passé quelque chose ? Je préfère ne pas y penser…

Mais bon, voilà, quand la fameuse réunion a été terminée, Moulin m’a donné rendez-vous dans une galerie près de la Seine. Il y avait des Kandinsky. Il m’a expliqué qui c’était. Pour moi, c’était une découverte. Après, nous sommes allés dîner du côté de Montmartre…

Pour vous, ce monde de l’art, c’était nouveau ?

Oui, complètement nouveau ! A cette époque-là, je n’étais encore jamais entré dans un musée. Je venais d’une famille de la vieille bourgeoisie de Bordeaux. C’était des gens qui avaient de l’argent, mais j’ai l’impression qu’eux non plus n’étaient jamais allés dans un musée… C’est grâce à Jean Moulin que j’ai su ce qu’était un musée, mais malheureusement il n’était déjà plus là…

Comment cela ?

Un jour, il m’avait dit : « Après la guerre, je vous emmènerai au Prado, à Madrid, et je vous montrerai quelque chose qui a beaucoup d’importance. » Il parlait de la peinture de Goya. Alors, quand vers la fin de la guerre je me suis retrouvé en Espagne, après avoir franchi les Pyrénées à pied et fait un peu de prison, j’y suis allé.

Je me trouve donc à Madrid avec quelques camarades. Ils me disent : « Viens avec nous au bordel. » Je leur réponds : « Ah non, moi je vais au Prado ! » Eux : « C’est quoi ? » Moi : « C’est un musée. » Je peux vous dire qu’ils s’en foutaient complètement. Alors, j’y suis allé tout seul. Et c’est là que j’ai rencontré la peinture.

Et c’est donc un peu plus tard que vous êtes devenu marchand d’art. Mais ce n’est pas quelque chose que vous avez décidé quand vous étiez avec Jean Moulin ?

Non, pendant la guerre, je n’avais pas ça en tête. A vrai dire, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie. Je ne me posais pas la question. Je me disais que, une fois la guerre terminée, je continuerais volontiers à travailler avec mon patron… Je n’y pensais pas… Mais, après sa disparition [à l’été 1943], la guerre a encore duré deux ans. C’est après que j’ai commencé à acheter quelques tableaux.”

Jean-Moulin octobre 1940 (Photo prise par son ami Marcel Bernard)