Honoré de Balzac

Honoré de Balzac (Félix Vallotton). 1895. Paris, BNF.

Illusions perdues, roman publié en trois parties entre 1837 et 1843. Incipit.

PREMIÈRE PARTIE.

LES DEUX POÈTES.
«À l’époque où commence cette histoire, la presse de Stanhope et les rouleaux à distribuer l’encre ne fonctionnaient pas encore dans les petites imprimeries de province. Malgré la spécialité qui la met en rapport avec la typographie parisienne, Angoulême se servait toujours des presses en bois, auxquelles la langue est redevable du mot faire gémir la presse, maintenant sans application. L’imprimerie arriérée y employait encore les balles en cuir frottées d’encre, avec lesquelles l’un des pressiers tamponnait les caractères. Le plateau mobile où se place la forme pleine de lettres sur laquelle s’applique la feuille de papier était encore en pierre et justifiait son nom de marbre. Les dévorantes presses mécaniques ont aujourd’hui si bien fait oublier ce mécanisme, auquel nous devons, malgré ses imperfections, les beaux livres des Elzevier, des Plantin, des Alde et des Didot, qu’il est nécessaire de mentionner les vieux outils auxquels Jérôme-Nicolas Séchard portait une superstitieuse affection; car ils jouent leur rôle dans cette grande petite histoire.»

Ce roman vu par Marcel Proust (Contre Sainte-Beuve, 1954) :
“La lecture de cet admirable livre qui s’appelle Les Illusions perdues restreint et matérialise plutôt ce beau titre : Illusions perdues . Il signifie que Lucien de Rubempré venant à Paris s’est rendu compte que Mme de Bargeton était ridicule et provinciale, que les journalistes étaient des fourbes, que la vie était difficile. Illusions toutes particulières, toutes contingentes, dont la perte peut l’acculer au désespoir et qui donnent une puissante marque de réalité au livre, mais qui font rabattre un peu de la poésie philosophique du titre. Chaque titre doit être ainsi pris au pied de la lettre : Un Grand Homme de Province à Paris, Splendeurs et Misères des Courtisanes, A combien l’Amour revient aux Vieillards, etc. Dans La Recherche de l’Absolu, l’absolu est plutôt une formule, une chose, alchimique que philosophique. Du reste il n’en est peu question. Et le sujet du livre est bien plutôt les ravages que l’égoïsme d’une passion étend dans une famille aimante qui la subit, quelque soit d’ailleurs l’objet de cette passion. Balthazar Claës est le frère des Hulot, des Grandet…
…Le style est tellement la marque de la transformation que la pensée de l’écrivain fait subir à la réalité, que dans Balzac, il n’y a pas à proprement parler de style… le style ne suggère pas, ne reflète pas : il explique. Il explique d’ailleurs à l’aide des images les plus saisissantes, mais non fondues avec le reste, qui font comprendre ce qu’il veut dire, comme on le fait comprendre dans la conversation, si on a une conversation géniale, mais sans se préoccuper de l’harmonie du tout et de ne pas intervenir…. “Le rire de M. de Bargeton était comme des boulets endormis qui se réveillent…” ” On ne pouvait pas ne pas comparer M. X… à une vipère gelée.”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.