La Grande Rafle (La Gran Redada o Prisión general de gitanos ).

L’Espagne est le pays d’Europe qui accueille la plus grande communauté de Gitans. Ils sont présents dans le pays depuis le début du XVe siècle. Ils seraient arrivés en 1425 comme pèlerins chrétiens et auraient obtenu un laissez-passer du roi d’Aragon, Alfonso V (1396-1458). Au début du XXIe siècle, il y avait environ 800 000 Gitans dans la péninsule.
Le 30 juillet 1749, est un jour marqué d’infamie dans l’histoire de l’Espagne. Un plan fut imaginé par l’évêque d’Oviedo (Asturies), alors gouverneur du Conseil de Castille, Gaspar Vázquez Tablada (1688-1749). Il fut mené à bien par le Marquis de La Ensenada (1706-1781), principal ministre du roi Ferdinand VI (1713-1759, roi d’Espagne et des Indes de 1746 à 1759, troisième de la dynastie des Bourbons, surnommé «el Prudente» ou «el Justo» !) qui autorisa l’opération. Le père jésuite Francisco Rávago, confesseur de Ferdinand VI déclara : « Les moyens proposés par le gouverneur du conseil pour extirper cette mauvaise race odieuse à Dieu et pernicieuse pour l’homme me semblent bons. Le roi ferait un grand cadeau à Dieu, notre Seigneur, s’il parvenait à se débarrasser de ces gens. ». L’opération reçut de plus l’aval du Vatican.

Marquis de La Ensenada v 1750. (Jacopo Amigoni 1682 – 1752).


Au cours de ce « mercredi noir », entre 9 000 et 12 000 gitans ( hommes, femmes et enfants ) furent arrêtés. Les hommes et les enfants de plus de 7 ans furent envoyés aux travaux forcés dans les arsenaux de la marine ; les femmes et les enfants de moins de 7 ans furent incarcérés ou condamnés à des travaux forcés. Pendant leur captivité, de nombreuses femmes gitanes prirent soin de bébés arrachés à des familles qui avaient été dispersées dans les régions les plus inhospitalières de la péninsule et même au nord du Maroc.
Les Gitans vécurent alors une période de terreur. Ils étaient accusés d’être des délinquants, de ne pas accepter les lois de la monarchie absolue, de ne pas respecter certains dogmes de l’Église catholique. Du jour au lendemain, on leur enleva leurs moyens de subsistance et on les éloigna de leurs foyers. Leurs biens furent saisis et vendus aux enchères pour couvrir les frais encourus par cette opération qui fut coordonnée par les autorités sur l’ensemble du territoire national. Il s’agissait d’un véritable plan de réclusion et d’extermination. Ce n’était pas le premier. Des rafles assez similaires avaient eu lieu en 1571 et 1637, mais elles ne furent pas aussi impitoyables. On doit rappeler qu’en 1749 les Gitans étaient déjà installés dans les villes. Dès 1499, ils ne pouvaient exercer que certains métiers et le nomadisme était interdit (“Pragmática” de Medina del Campo.)
Pendant ces années d’enfermement, il y eut des mutineries et des révoltes, menées le plus souvent par les femmes. De grandes évasions eurent lieu aussi, par exemple celle de la Casa de La Misericordia de Saragosse. Certaines furent couronnées de succès.

Cadix, Château de Santa Catalina.


Une amnistie fut promulguée en 1763 sous le règne de Charles III (1716-1788, roi d’Espagne de 1759 à 1788), mais il fallut attendre 1765 pour qu’elle soit effective. Pendant seize ans, des hommes, des femmes et des enfants moururent à cause des conditions de vie déplorables et de la répression militaire.
La culture et l’existence même du peuple gitan étaient niées. La communauté Rom d’Espagne toute entière ne s’est jamais remise complètement de ce sombre épisode du Siècle des Lumières. En effet, la rafle a eu des effets dévastateurs. Les structures internes de la communauté ont été bouleversées à la suite de la déportation, de l’internement, de l’envoi aux travaux forcés, des mauvais traitements et du meurtre de milliers de ses membres. Les spécialistes en veulent pour preuve la disparition, au bout de quelques décennies, du « caló », mélange de romani et de castillan propre aux Roms d’Espagne. La confiance dans les institutions et dans ses dirigeants a été mise à mal et cela dure encore aujourd’hui. Le traitement auquel a été soumis cette communauté n’a fait qu’accentuer le racisme et la marginalisation sociale. Le pouvoir civil, militaire et religieux a légitimé par ses actes l’idée que les Gitans n’étaient pas dignes de respect et de confiance.
Les préjugés envers les Gitans sont encore profondément ancrés dans la population espagnole. Le règlement de la Garde Civile précisait encore en 1978 : “ Se vigilará escrupulosamente a los gitanos, cuidando mucho de reconocer todos los documentos que tengan, confrontar sus señas particulares, observar sus trajes, averiguar su modo de vida […] ”.
Des associations et des instances représentatives ont vu le jour dans les années 1980 et ont lutté pour une meilleure intégration grâce à l’éducation et au travail. L’Espagne est l’un des rares pays à avoir donné a cette communauté le statut de minorité nationale. Le 30 juillet 2020, Pablo Iglesias, alors vice-président du gouvernement de Pedro Sánchez, a demandé pardon au peuple gitan pour le racisme institutionnel.

Les Gitans sont souvent socialement marginalisés mais culturellement appréciés.

La camisa de Camarón (Pablo Julià) 1989.

https://www.youtube.com/watch?v=tTvqC0pJsck

(Merci à Alfon Fernández)

Une réponse sur “La Grande Rafle (La Gran Redada o Prisión general de gitanos ).”

  1. Viva el pueblo Gitano y el ser humano y lo demás se los deja a gente que no es Humana……y que esto se escriba y se cumpla

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