Retrato de Federico García Lorca en la Huerta de San Vicente (Gregorio Toledo) 1932.
Un poème peu connu de Federico García Lorca…
Cautiva
Por las ramas indecisas iba una doncella que era la vida. Por las ramas indecisas. Con un espejito reflejaba el día que era un resplandor de su frente limpia. Por las ramas indecisas. Sobre las tinieblas andaba perdida, llorando rocío, del tiempo cautiva. Por las ramas indecisas.
(Poème isolé)
Captive
Par les branches
indécises
allait une demoiselle
qui était la vie.
Par les branches
Indécises.
À son petit miroir
se reflétait le jour
qui était la splendeur
de son front pur.
Par les branches
indécises.
Sur les ténèbres
elle allait perdue,
versant des pleurs de rosée,
captive du temps.
Par les branches
indécises.
Poésies IV. Suites. Sonnets de l’amour obscur. Gallimard, 1984. Traduction André Belamich.
Vicenta (Tica) Fernández-Montesinos .
Vicenta (TICA) FERNÁNDEZ-MONTESINOS GARCÍA est née à Grenade en décembre 1930. Elle vient d’avoir 90 ans il y a quelques jours.
C’est la fille aînée de Manuel Fernández-Montesinos Lustau, médecin et maire socialiste de Grenade en 1935, fusillé le 16 août 1936 contre les murs du cimetière de Grenade, et de Concha García Lorca, la sœur de Federico García Lorca.
Elle eut une petite enfance heureuse dans la maison de campagne de la famille, la Huerta de San Vicente. Mais, elle souffrit d’une très forte otite qui la laissa partiellement sourde. Son l’oncle Federico l’adorait. Il la faisait rire, lui apprit à chanter et à danser. «Fui para tío Federico la hija que no tendría.» dit-elle.
Le mois d’août 1936 bouleversa la vie de cette famille aisée de la Vega de Grenade. Elle avait cinq ans et sept mois quand les fascistes assassinèrent son père et son oncle.
Ses grands-parents et sa mère durent s’exiler à New York. Ils y arrivèrent le 30 juillet 1940. Quand il partit de Bilbao à bord du Marqués de Comillas, son grand-père Federico García Rodríguez dit: “No quiero volver a ver este jodío país en mi vida”. Il mourut le 15 septembre 1945 à 86 ans.
Tica fit des études de philologie anglaise dans de prestigieux établissements libéraux des États-Unis et revint en 1952 à Madrid. Elle travailla pour la maison d’édition Aguilar qui employaient de nombreux anciens républicains. Elle se maria avec le peintre de Séville Antonio de Casas puis divorça, eut deux fils (Miguel, Claudio) et sept petits-enfants.
En 2011, elle a publié ses souvenirs Notas deshilvanadas de una niña que perdió la guerra (Comares) et en 2017 la suite El sonido del agua en las acequias (Dauro) .
Á Madrid (Velintonia, 3), se trouve la maison de Vicente Aleixandre. Elle n’est plus habitée depuis la mort de Concepción Aleixandre, la sœur du poète en 1986. C’est pourtant un des lieux essentiels de la littérature espagnole du vingtième siècle. Nombreux étaient ceux qui venaient rendre visite au Prix Nobel de Littérature 1977, de santé fragile: Federico García Lorca qui jouait du piano ou lui lisait les Sonnets de l’amour obscur, Rafael Alberti, Luis Cernuda, Pablo Neruda, Miguel Hernández, d’autres encore…
Après la Guerre civile, les jeunes écrivains venaient aussi consulter leur aîné. Il servit de pont entre les poètes de la génération de 1950 qui habitaient Barcelone (Carlos Barral, Jaime Gil de Biedma ou Luis Agustín Goytisolo) et ceux de Madrid (Carlos Bousoño, José Hierro, Ángel González Claudio Rodríguez ou Francisco Brines qui a reçu récemment le Prix Cervantès).
La photo montre bien le peu d’intérêt porté à la culture par les différents partis politiques espagnols, et particulièrement les conservateurs qui contrôlent la mairie et le gouvernement régional.
La Asociación de Amigos de Vicente Aleixandre souhaiterait que cette maison devienne la Maison de la Poésie.
“Ser leal a sí mismo es el único modo de llegar a ser leal a los demás.” (Vicente Aleixandre)
Vicente Aleixandre considérait En la plaza comme le meilleur poème de son oeuvre. Je l’avais déjà publié ici le 23 novembre 2020. J’ajoute aujourd’hui sa traduction en français.
Qu’il est beau, merveilleusement humble et rassurant, vivifiant et profond, de se sentir sous le soleil, parmi les autres poussé, porté, conduit, mêlé, bruyamment entraîné.
Il n’est pas bon de rester sur la rive tels la jetée ou le mollusque qui veut calcairement imiter le rocher. Mais qu’il est pur, serein, de se fondre dans le bonheur de couler, de se perdre, de se trouver dans le mouvement qui fait palpiter, dilaté, le noble coeur des hommes.
Comme celui qui vit là, j’ignore à quel étage, et que j’ai vu descendre des escaliers, se fondre vaillamment dans la foule et se perdre. La grande masse passait. Mais le minuscule coeur accouru était reconnaissable. Là-bas, qui le reconnaîtrait? Là-bas, avec espoir, résolution ou foi, avec un courage craintif, avec une humilité silencieuse, là-bas lui aussi passerait.
C’était une grand-place ouverte, et il y régnait une odeur de vie. Odeur de grand soleil à nu, de vent qui le ridait, un grand vent qui sur les têtes passait sa main, sa grande main qui frôlait les fronts unis et les réconfortait.
Et le tourbillon serpentait comme un seul être, je ne sais si abandonné ou puissant, mais bien vivant et perceptible, mais recouvrant la terre.
Là chacun peut se regarder, se réjouir et se reconnaître. Quand , par les chaudes soirées, seul dans ton bureau, les yeux étranges et l’interrogation à la bouche, tu voudrais demander quelque chose à ton image,
ne te cherche pas dans la glace, dans un dialogue éteint où tu ne t’entends pas. Descends, descends avec lenteur et cherche-toi parmi les autres. Ils sont tous là, toi parmi eux. Oh! dépouille-toi, fonds-toi, reconnais-toi.
Entre lentement comme le baigneur qui, avec beaucoup d’amour et craignant l’eau, plonge d’abord ses pieds dans l’écume, et sent l’eau qui le gagne, et maintenant il ose, et maintenant il se décide presque. L’eau lui arrive à la ceinture, mais il n’a pas confiance encore. Pourtant il étend les bras, il les ouvre enfin et se donne tout entier. Et là fort il se reconnaît, il grandit, il se lance et avance, faisant jaillir l’écume, il saute, plein de confiance, et fend les eaux vivantes, respire, et chante, et il est jeune.
Ainsi, entre pieds nus. Pénètre dans l’effervescence de la place. Entre dans le torrent qui te réclame et sois-y toi-même. Ô petit, tout petit coeur, coeur qui veut battre pour être lui aussi le coeur unanime qui le comprend!
Poésie totale. Gallimard, 1977. Traduction: Roger Noël-Mayer.
Madrid depuis la terrasse du Cercle des Beaux-Arts.
Le poète chilien Pablo Neruda (1904-1973. Prix Nobel de littérature 1971) devient diplomate en 1927. Il occupe successivement des postes de consul à Rangoun (Birmanie), Colombo (Sri Lanka), Batavia (aujourd’hui Jakarta en Indonésie), Calcutta (Inde), puis Buenos Aires. Á partir de 1935, il est consul en Espagne, d’abord à Barcelone, puis à Madrid.
Son séjour à Madrid sera une expérience décisive dans sa vie et dans son oeuvre. Témoin des premières batailles et des bombardements meurtriers lors de la guerre civile, il est évacué vers la France en 1937. Il fonde alors le Comité hispano-américain pour le soutien à l’Espagne avec César Vallejo et l’Alliance des intellectuels chiliens pour la défense de la culture. En 1939, mandaté par le président chilien Pedro Aguirre Cerda, il organise le départ de 2400 réfugiés espagnols à bord du cargo Winnipeg.
Il découvre son attachement à l’Espagne, à sa culture. Cette expérience inoubliable devient pour lui vitale. La perte de ses amis Federico García Lorca y Miguel Hernández le déchire totalement.
Le souvenir de la ville perdue grandit avec le temps. Le poète souffre d’un véritable exil. Dans Memorial de Isla Negra (1964), l’impossibilité de revoir Madrid à cause de la dictature franquiste responsable de la mort de ses amis, est une souffrance. Il évoque le paysage, la ville, les rues, les boutiques des artisans et leurs produits, les tavernes, le bruit des enfants, l’odeur du pain qui sort des boulangeries, les chariots et l’ami poète, jamais revu, Vicente Aleixandre. Ce paradis perdu est toujours présent dans son esprit.
¡Ay! mi ciudad perdida
Me gustaba Madrid y ya no puedo verlo, no más, ya nunca más, amarga es la desesperada certidumbre como de haberse muerto uno también al tiempo que morían los míos, como si se me hubiera ido a la tumba la mitad del alma, y allí yaciere entre llanuras secas, prisiones y presidios, aquel tiempo anterior cuando aún no tenía sangre la flor, coágulos la luna. Me gustaba Madrid por arrabales, por calles que caían a Castilla como pequeños ríos de ojos negros: era el final de un día calles de cordeleros y toneles, trenzas de esparto como cabelleras, duelas arqueadas desde donde algún día iba a volar el vino a un ronco reino, calles de los carbones, de las madererías, calles de las tabernas anegadas por el caudal del duro Valdepeñas y calles solas, secas, de silencio compacto como adobe, e ir y saltar los pies sin alfabeto, sin guía, ni buscar, ni hallar, viviendo aquello que vivía callando con aquellos terrones, ardiendo con las piedras y al fin callado el grito de una ventana, el canto de un pozo, el sello de una gran carcajada que rompía con vidrios el crepúsculo, y aún más acá, en la garganta de la ciudad tardía, caballos polvorientos, carros de ruedas rojas, y el aroma de las panaderías al cerrarse la corola nocturna mientras enderezaba mi vaga dirección hacia Cuatro Caminos, al número 3 de la calle Wellingtonia en donde me esperaba bajo dos ojos con chispas azules la sonrisa que nunca he vuelto a ver en el rostro – plenilunio rosado – de Vicente Aleixandre que dejé allí a vivir con sus ausentes.
Memorial de Isla Negra, 1964.
Aïe! Ma ville perdue
J’aimais Madrid et maintenant je ne peux plus le voir, non, plus jamais, plus jamais plus, ô certitude désespérée aussi amère que d’être mort moi-même au moment où mouraient les miens ou que d’avoir porté en terre la moitié de mon âme, comme si là-bas dans les plaines sèches, les prisons et les bagnes, gisait ce temps d’avant, ce temps où la fleur n’avait pas de sang ni de caillots la lune. J’aimais Madrid pour ses faubourgs, pour ses rues qui allaient se jeter en Castille comme de minces rivières aux yeux noirs: c’était par un jour finissant: des rues de cordiers, de tonneaux et de tresses d’alfa comme des chevelures, de douves arquées d’où un jour le vin s’envolerait vers un rauque royaume, rues du charbon, rues des chantiers vendeurs de bois, rues des tavernes inondées par le flot du dur valdepeñas, rues solitaires, sèches, au silence compact de brique crue, et les pieds qui vont et qui sautent, sans alphabet, sans guide, sans chercher ni trouver, vivant cela qui vivait bouche close avec ces mottes, brûlant avec les pierres et enfin, quand se taisait le cri d’une fenêtre, le chantier d’un puits, le sceau d’un grand éclat de rire qui brisait de ses vitres le crépuscule, et encore plus avant, dans la gorge de la ville tardive, des chevaux couverts de poussière, des voitures aux roues écarlates, et le parfum des boulangeries quand se refermait la corolle nocturne tandis que je modifiais mon vague chemin vers Cuatro Caminos, vers ce 3, rue Wellingtonia où m’attendait sous deux yeux d’étincelles bleues le sourire que je n’ai plus jamais revu sur le visage – rose lune pleine – de Vicente Aleixandre que j’ai laissé là-bas vivre avec ses absents.
Mémorial de l’Île Noire, 1970. Gallimard. Traduction: Claude Couffon.
Pedro Salinas est un des principaux poètes de la Génération de 1927.
Il est né à Madrid le 27 novembre 1891 où il fait des études de lettres. De 1914 à 1917, il est lecteur à la Sorbonne.
Professeur d’université à Séville jusqu’en 1929, poète, traducteur de Marcel Proust, critique, créateur de l’Université Internationale d’été de Santander, il est contraint comme beaucoup d’intellectuels espagnols à l’exil à cause de la guerre civile (1936-1939). Il part s’installer aux États-Unis, où il enseigne au Wellesley College, à l’Université Johns-Hopkins de Baltimore et à l’Université de Porto Rico.
Il écrit pour Katherine R. Whitmore (1897-1982) sa trilogie poétique La voz a ti debida (1933), Razón de amor (1936) et Largo lamento (1936-1939).
Dans un monde chaotique, la poésie doit apporter ordre et clarté. Dans cette quête, le thème amoureux est privilégié.
Il est mort à Boston le 4 décembre 1951, mais repose dans le cimetière de San Juan de Puerto Rico.
¿Por qué tienes nombre tú, Día, miércoles? ¿Por qué tienes nombre tú, Tiempo, otoño? Alegría, pena, siempre ¿Por qué tenéis nombre: amor?
Si tú no tuvieras nombre,
Yo no sabría qué era,
Ni cómo, ni cuándo. Nada.
¿Sabe el mar cómo se llama,
Que es el mar? ¿Saben los vientos
Sus apellidos, del Sur
Y del Norte, por encima
Del puro soplo que son?
Si tú no tuvieras nombre,
Todo sería primero,
Inicial, todo inventado
Por mí,
Intacto hasta el beso mío.
Gozo, amor: delicia lenta
De gozar, de amar, sin nombre.
Nombre: ¡qué puñal clavado
En medio de un pecho cándido
Que sería nuestro siempre
Si no fuese por su nombre!
La voz a ti debida, 1933.
Pourquoi as-tu un nom, toi,
Jour, mercredi?
Pourquoi as-tu un nom, toi,
Temps, automne?
Joie, peine, toujours
Pourquoi avez-vous un nom: amour?
Si toi tu n’avais pas de nom,
Je ne saurais ce que cela était,
Ni comment, ni quand. Rien.
La mer sait-elle comme on l’appelle,
Qu’elle est la mer? Savent les vents
Leurs noms, du Sud
Et du Nord, par-delà
Le pur souffle qu’ils sont?
Si toi tu n’avais pas de nom,
Tout serait premier,
Initial, tout inventé
Par moi,
Intact jusqu’à mon baiser.
Jouissance, amour: délice lent
De jouir, d’aimer, sans nom.
Nom, quel poignard cloué
Dans un coeur candide
Qui serait nôtre pour toujours
S’il n’y avait ce nom!
La voix qui t’est due. Traduction Bernard Sesé. Le Calligraphe. 1982.
Merci au professeur Bernard Sesé, disparu récemment.
Fernando Pessoa est né le 13 juin 1888 à Lisbonne. Il est décédé à Lisbonne le 30 novembre 1935 des suites de violentes crises hépatiques dues à son alcoolisme. Á 20 heures, il avait réclamé ses lunettes pour y voir plus clair. Á 20 heures 30, il était mort. En 1985, cinquante ans après sa mort, sa dépouille mortelle est transférée dans le cloître du monastère des Hiéronymites (Mosteiro dos Jerónimos) à quelques mètres des cénotaphes de Camões et de Vasco de Gama.
Il a créé une œuvre poétique sous différents hétéronymes en plus de son propre nom. Les plus importants sont Alberto Caeiro (qui incarne la nature et la sagesse païenne); Ricardo Reis, (l’épicurisme à la manière d’Horace); Alvaro de Campos, (le «modernisme» et la désillusion); Bernardo Soares, modeste employé de bureau à la vie insignifiante (auteur du Livre de l’intranquillité). Il a utilisé au moins soixante-douze alias en incluant les simples pseudonymes et semi-hétéronymes.
Insomnie
Je ne dors pas, je n’ai aucun espoir de dormir. Même dans la mort je n’ai aucun espoir de dormir.
Une insomnie m’attend, de la largeur des astres,
Et un bâillement vain de la taille du monde.
Je ne dors pas; je ne peux pas lire quand je me réveille la nuit,
Je ne peux pas écrire quand je me réveille la nuit,
Je ne peux pas penser quand je me réveille la nuit –
Mon Dieu, je ne peux même pas rêver quand je me réveille la nuit!
Ah, l’opium d’être n’importe quelle autre personne!
Je ne dors pas, je gis, cadavre réveillé, tous sens dehors,
Alors mon sentiment est une pensée vide.
Passent en me frôlant, défigurées, des choses qui me sont arrivées
– Toutes celles dont je me repens et m’accuse – ;
Passent en me frôlant, défigurées, des choses qui ne me sont pas arrivées
– Toutes celles dont je me repens et m’accuse – ;
Passent en me frôlant, défigurées, des choses qui ne sont rien,
Et même de celles-là je me repens, je m’accuse, et je ne dors pas.
Je n’ai pas la force d’avoir l’énergie nécessaire pour allumer une cigarette.
Je fixe dans ma chambre le mur d’en face comme s’il était l’univers.
Au-dehors il y a le silence de ces choses amassées.
Un grand silence effrayant dans n’importe quelle autre occasion,
Dans n’importe quelle autre occasion qu’il me serait donné de sentir.
Je suis en train d’écrire des vers réellement sympathiques –
Des vers qui disent que je n’ai rien à dire,
Des vers qui s’entêtent à dire ça,
Des vers, des vers, des vers, des vers, des vers…
Tant de vers…
Et la vérité tout entière, et la vie tout entière, au-dehors d’eux, au-dehors de moi!
J’ai sommeil, je ne dors pas, je sens et je ne sais pas quoi sentir.
Je suis une sensation sans personne afférente,
Une abstraction d’autoconscience sans objet,
Sauf ce qui est nécessaire pour sentir la conscience,
Sauf – sauf je ne sais pas quoi…
Je ne dors pas. Je ne dors pas. Je ne dors pas.
Quel immense sommeil dans toute la tête et sur les yeux et dans l’âme!
Quel immense sommeil en tout sauf dans le pouvoir de dormir!
Ô toi aurore, tu tardes tant… Viens, viens…
Viens, inutilement,
M’apporter un autre jour identique à ce jour, suivi par une autre nuit identique à cette nuit…
Viens m’apporter la joie de l’espérance triste,
Car tu es joyeuse toujours, et apportes toujours de l’espérance,
Selon la vieille littérature des sensations…
Viens, apporte l’espoir, viens, apporte l’espoir.
Ma fatigue pénètre le lit profondément.
J’ai mal au dos de n’être pas couché sur le côté.
Si j’étais couché sur le côté, j’aurais mal au dos d’être couché sur le côté.
Viens, aurore, approche-toi!
Quelle heure est-il? Je ne sais pas.
Je n’ai pas l’énergie de tendre la main jusqu’à la montre,
Je n’ai pas de l’énergie pour rien, ni même pour rien d’autre…
Seulement pour ces vers, écrits le jour suivant.
Eh oui, écrits le jour suivant.
Tous les vers sont toujours écrits le jour suivant.
Nuit absolue, calme absolu, là-bas dehors.
Paix de tous les côtés dans la Nature entière.
L’humanité se repose et oublie ses peines.
Exactement.
L’humanité oublie ses joies et ses peines.
Il est d’usage de dire ça.
L’humanité oublie, oh oui, l’humanité oublie.
Exactement. Mais je ne dors pas.
Poèmes d’Álvaro de Campos. Traduction de Patrick Quillier en collaboration avec Maria Antónia Câmara Manuel. NRF Gallimard. Éditions de la Pléiade. 2001.
INSÓNIA Não durmo, nem espero dormir. Nem na morte espero dormir.
Espera-me uma insónia da largura dos astros,
E um bocejo inútil do comprimento do mundo.
Não durmo; não posso ler quando acordo de noite,
Não posso escrever quando acordo de noite,
Não posso pensar quando acordo de noite —
Meu Deus, nem posso sonhar quando acordo de noite!
Ah, o ópio de ser outra pessoa qualquer!
Não durmo, jazo, cadáver acordado, sentindo,
E o meu sentimento é um pensamento vazio.
Passam por mim, transtornadas, coisas que me sucederam —
Todas aquelas de que me arrependo e me culpo —;
Passam por mim, transtornadas, coisas que me não sucederam —
Todas aquelas de que me arrependo e me culpo —;
Passam por mim, transtornadas, coisas que não são nada,
E até dessas me arrependo, me culpo, e não durmo.
Não tenho força para ter energia para acender um cigarro.
Fito a parede fronteira do quarto como se fosse o universo.
Lá fora há o silêncio dessa coisa toda.
Um grande silêncio apavorante noutra ocasião qualquer,
Noutra ocasião qualquer em que eu pudesse sentir.
Estou escrevendo versos realmente simpáticos —
Versos a dizer que não tenho nada que dizer,
Versos a teimar em dizer isso,
Versos, versos, versos, versos, versos…
Tantos versos…
E a verdade toda, e a vida toda fora deles e de mim!
Tenho sono, não durmo, sinto e não sei em que sentir
Sou uma sensação sem pessoa correspondente,
Uma abstracção de autoconsciência sem de quê,
Salvo o necessário para sentir consciência,
Salvo — sei lá salvo o quê…
Não durmo. Não durmo. Não durmo.
Que grande sono em toda a cabeça e em cima dos olhos e na alma!
Que grande sono em tudo excepto no poder dormir!
Ó madrugada, tardas tanto… Vem…
Vem, inutilmente,
Trazer-me outro dia igual a este, a ser seguido por outra noite igual a esta…
Vem trazer-me a alegria dessa esperança triste,
Porque sempre és alegre, e sempre trazes esperanças,
Segundo a velha literatura das sensações.
Vem, traz a esperança, vem, traz a esperança.
O meu cansaço entra pelo colchão dentro.
Doem-me as costas de não estar deitado de lado.
Se estivesse deitado de lado doíam-me as costas de estar deitado de lado.
Vem, madrugada, chega!
Que horas são? Não sei.
Não tenho energia para estender uma mão para o relógio,
Não tenho energia para nada, para mais nada…
Só para estes versos, escritos no dia seguinte.
Sim, escritos no dia seguinte.
Todos os versos são sempre escritos no dia seguinte.
Noite absoluta, sossego absoluto, lá fora.
Paz em toda a Natureza.
A Humanidade repousa e esquece as suas amarguras.
Exactamente.
A Humanidade esquece as suas alegrias e amarguras,
Costuma dizer-se isto.
A Humanidade esquece, sim, a Humanidade esquece,
Mas mesmo acordada a Humanidade esquece.
Exactamente. Mas não durmo.
27-3-1929 Poesias de Álvaro de Campos. Lisboa: Ática, 1944.
Je viens de terminer le recueil des lettres envoyées par le Prix Nobel de littérature 1977 à son ami Miguel Hernández, puis ensuite à sa veuve, Josefina Manresa. Il a été publié en 2015, puis en 2018 en poche (Collection Austral), sous le titre De Nobel a Novel. epistolario de Vicente Aleixandre a Miguel Hernández y Josefina Manresa.
Ce n’est pas le poète le plus connu de la Génération de 1927, mais c’était une homme bon. Toute sa vie, il a aidé la veuve et le fils de Miguel Hernández qui vivaient dans des conditions très difficiles après la guerre civile. Il le faisait avec une grande délicatesse. Il a beaucoup fait pour la publication des oeuvres du poète d’Orihuela en Espagne et dans le monde. Il donnait des conseils judicieux à Josefina Manresa pour cela, veillant particulièrement aux intérêts économiques de cette famille.
Il est né à Séville le 26 avril 1898, mais a été élevé à Málaga (voir le poème Ciudad del paraíso )
Il a suivi ensuite des études de droit et de commerce à Madrid. Mais il a souffert toute sa vie des conséquences d’une néphrite tuberculeuse. En 1932, il subit une extraction du rein droit. Il devait se reposer et ne sortait que rarement de sa maison de Velingtonia, 3 (aujourd’hui, Vicente Aleixandre).
Rafael Alberti, Federico García Lorca, Luis Cernuda, Pablo Neruda, Dámaso Alonso, Gerardo Diego, Manuel Altolaguirre, Miguel Hernández, José Antonio Muñoz Rojas venaient lui rendre visite avant la guerre. Néanmoins, il passait avec sa soeur Concha tous ses étés à Miraflores de la Sierra afin d’éviter la chaleur de Madrid. Après la guerre civile, il est resté en Espagne. Il a fortement influencé les jeunes écrivains de cette époque qu’il recevait généreusement et régulièrement dans sa maison. Membre de l’Académie royale espagnole à partir de 1949, il a obtenu le Prix Nobel de littérature en 1977.
Il est mort le 13 décembre 1984 à Madrid à l’âge de 86 ans. On disait de lui qu’il avait “une mauvaise santé de fer” (una mala salud de hierro).
En 1927, il a planté un cèdre dans son jardin. Il est encore là, protégé, ce qui n’est pas le cas de sa maison qui est en ruines. La municipalité actuelle de Madrid ne s’intéresse guère à la culture.
Oeuvres
Ámbito (1928) Espadas como labios (1932) La destruccion o el amor (1933). La destruction ou l’amour. Traduction française de Jacques Ancet. Federop, 1975 &1977. Sombra del paraíso (1939-1943, publié à Madrid en 1944, Ombre du paradis, traduction française de Roger Noël-Mayer et Claude Couffon, avec une introduction de Roger Noël-Mayer, Gallimard, 1980. Historia del corazón (1954) Los encuentros (1958) en prose. En un vasto dominio (1962) Poemas de la consumación (1968) Sonido de la guerra (1972) Diálogos del conocimiento (1974) En gran noche (1991)
Gallimard, après le Prix Nobel en 1977, a publié une anthologie de son oeuvre intitulée Poésie totale (Traduction Roger Noël-Mayer)
Vicente Aleixandre considérait En la plaza comme le meilleur poème de son oeuvre.
En la plaza
Hermoso es, hermosamente humilde y confiante, vivificador y profundo,
sentirse bajo el sol, entre los demás, impelido,
llevado, conducido, mezclado, rumorosamente arrastrado.
No es bueno
quedarse en la orilla
como el malecón o como el molusco que quiere calcáreamente imitar a la roca.
Sino que es puro y sereno arrasarse en la dicha
de fluir y perderse,
encontrándose en el movimiento con que el gran corazón de los hombres palpita extendido.
Como ese que vive ahí, ignoro en qué piso,
y le he visto bajar por unas escaleras
y adentrarse valientemente entre la multitud y perderse.
La gran masa pasaba. Pero era reconocible el diminuto corazón afluido.
Allí, ¿quién lo reconocería? Allí con esperanza, con resolución o con fe, con temeroso denuedo,
con silenciosa humildad, allí él también
transcurría.
Era una gran plaza abierta, y había olor de existencia.
Un olor a gran sol descubierto, a viento rizándolo,
un gran viento que sobre las cabezas pasaba su mano,
su gran mano que rozaba las frentes unidas y las reconfortaba.
Y era el serpear que se movía como un único ser, no sé si desvalido, no sé si poderoso, pero existente y perceptible, pero cubridor de la tierra.
Allí cada uno puede mirarse y puede alegrarse y puede reconocerse.
Cuando, en la tarde caldeada, solo en tu gabinete,
con los ojos extraños y la interrogación en la boca,
quisieras algo preguntar a tu imagen,
no te busques en el espejo,
en un extinto diálogo en que no te oyes.
Baja, baja despacio y búscate entre los otros.
Allí están todos, y tú entre ellos.
Oh, desnúdate y fúndete, y reconócete.
Entra despacio, como el bañista que, temeroso, con mucho amor y recelo al agua,
introduce primero sus pies en la espuma,
y siente el agua subirle, y ya se atreve, y casi ya se decide.
Y ahora con el agua en la cintura todavía no se confía.
Pero él extiende sus brazos, abre al fin sus dos brazos y se entrega completo.
Y allí fuerte se reconoce, y se crece y se lanza,
y avanza y levanta espumas, y salta y confía,
y hiende y late en las aguas vivas, y canta, y es joven.
Así, entra con pies desnudos. Entra en el hervor, en la plaza.
Entra en el torrente que te reclama y allí sé tú mismo.
¡Oh pequeño corazón diminuto, corazón que quiere latir
para ser él también el unánime corazón que le alcanza!
Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941). Publication posthume à Buenos Aires en 1958.
Miguel Hernández, après son arrestation à la frontière portugaise (Rosal de la Frontera) le 29 avril 1939, fut livré à la Guardia civil et emprisonné ensuite dans la prison madrilène de Torrijos du 15 mai au 15 septembre 1939.
Cette prison provinciale se trouvait au numéro 65 de la rue de Torrijos (aujourd’hui calle Conde de Peñalver n°53). 3000 personnes y étaient entassées alors. Miguel Hernández se trouvait dans la quatrième galerie, première salle.
Il écrivit à sa femme, Josefina Manresa, le 12 septembre 1939: “También paso mis buenos ratos espulgándome, que familia menuda no me falta nunca, y a veces la crío robusta y grande como el garbanzo. Todo se acabará a fuerza de uña y paciencia, o ellos, los piojos, acabarán conmigo. Pero son demasiada poca cosa para mí, tan valiente como siempre, y aunque fueran como elefantes esos bichos que quieren llevarse mi sangre, los haría desaparecer del mapa de mi cuerpo. ¡Pobre cuerpo! Entre sarna, piojos, chinches y toda clase de animales, sin libertad, sin ti, Josefina, y sin ti, Manolillo de mi alma, no sabe a ratos qué postura tomar, y al fin toma la de la esperanza que no se pierde nunca.”
Les punitions pleuvaient: interdiction de lire, interdiction de jouer aux échecs, interdiction de se doucher. Le poète fut puni plusieurs fois. On lui rasa les cheveux. Il dut balayer la galerie et la cour pendant une semaine parce qu’il n’avait pas chanté correctement l’hymne franquiste, le Cara al sol, ce que les prisonniers devaient faire trois fois par jour.
Pendant cette période, il dessinait la nuit et écrivit de nombreux poèmes: par exemple Nanas de la cebolla et Ascensión de la escoba.
Ascensión de la escoba
Coronada la escoba de laurel, mirto, rosa,
es el héroe entre aquellos que afrontan la basura.
Para librar del polvo sin vuelo cada cosa
bajó, porque era palma y azul, desde la altura.
Su ardor de espada joven y alegre no reposa.
Delgada de ansiedad, pureza, sol, bravura,
azucena que barre sobre la misma fosa,
es cada vez más alta, más cálida, más pura.
¡Nunca! La escoba nunca será crucificada
porque la juventud propaga su esqueleto
que es una sola flauta, muda, pero sonora.
Es una sola lengua, sublime y acordada.
Y ante su aliento raudo se ausenta el polvo quieto,
y asciende una palmera, columna hacia la aurora.
Cárcel de Torrijos. Septiembre de 1939.
Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941)
Ascension du balai
Le balai couronné de laurier, myrte, roses
Parmi tous les héros qui affrontent l’ordure
Pour libérer de la poussière toute chose
Est descendu de la hauteur, palme et azur.
Jeune épée guerroyant, jamais ne se repose,
Finesse, ardeur, innocence, soleil, bravoure,
Il est comme le lys et il nettoie la fosse,
Toujours plus élevé, plus chaleureux, plus pur.
Jamais le balai ne sera crucifié
car la jeunesse va, prodigue de ses os,
Flûte unanime de silence et de musique.
Langue sublime d’harmonie, souffle puissant,
Devant eux toute boue retourne à son néant
Et le balai s’envole, colonne, vers l’aurore.
Prison de Torrijos, septembre 1939.
Traduction Marie Chevallier.
Madrid, Fundación Fausta Elorz (Daniel Zavala Álvarez) . 1910-14. Antigua cárcel de Torrijos. Calle del Conde de Peñalver n°53.
Luis Cernuda (1902-1963) a traduit 6 poèmes de L’amour la poésie de Paul Éluard (Éditions Gallimard, 1929) alors qu’il se trouvait à Toulouse comme lecteur d’Espagnol de l’École Normale. Il s’agissait d’une commande de José María Hinojosa pour la revue de Málaga Litoral, créée en 1926 par Manuel Altolaguirre et Emilio Prados. Ces traductions seront publiées dans le numéro du 9 juillet 1929. Cette revue fut essentielle pour le rayonnement des poètes de la Génération de 1927.
Premièrement (Paul Eluard)
VIII. Mon amour pour avoir figuré mes désirs Mis tes lèvres au ciel de tes mots comme un astre Tes baisers dans la nuit vivante Et le sillage des tes bras autour de moi Comme une flamme en signe de conquête Mes rêves sont au monde Clairs et perpétuels.
Et quand tu n’es pas là
Je rêve que je dors je rêve que je rêve.
°°°
Para figurar mis deseos mi amor
De tus palabras en el cielo
Puso tus labios como un astro
En la noche vivaz tus besos
Y alrededor de mí la estela de tus brazos
Como una llama en signo de conquista
Mis sueños en el mundo
Son claros y perpetuos
Y cuando allí no estás Sueño que duermo sueño que sueño.
XV. Elle se penche sur moi Le cœur ignorant Pour voir si je l’aime Elle a confiance elle oublie Sous les nuages de ses paupières Sa tête s’endort dans mes mains Où sommes-nous Ensemble inséparables Vivants vivants Vivant vivante Et ma tête roule en ses rêves.
°°°
Sobre mí se inclina Cozazón ignorante Por ver si la amo Confía y olvida Sus párpados son nubes encima De su cabeza dormida en mis manos Estamos en dónde Mezcla inseparable Vivaces vivaces Yo vivo ella viva Mi cabeza rodando en sus sueños
XXII. Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin Ciel dont j’ai dépassé la nuit Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes Dans leur double horizon inerte indifférent Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin Je te cherche par delà l’attente Par delà moi même Et je ne sais plus tant je t’aime Lequel de nous deux est absent.
°°°
Como quien vela disgustos la frente al cristal
Cielo cuya noche transpuse
Llanuras pequeñísimas en mis manos abiertas
Inerte indiferente en su doble horizonte
Como quien vela disgustos la frente al cristal
Más allá de la espera te busco
Más allá de mí mismo
Y no sé ya tanto amor te tengo
Cuál de los dos está ausente
Seconde nature
II. Toutes les larmes sans raison Toute la nuit dans ton miroir La vie du plancher au plafond Tu doutes de la terre et de ta tête Dehors tout est mortel Pourtant tout est dehors Tu vivras de la vie d’ici Et de l’espace misérable Qui répond à tes gestes Qui placarde tes mots Sur un mur incompréhensible
Et qui donc pense à ton visage?
°°°
Lágrimas todas sin razón
En tu espejo la noche entera
La vida del suelo en el techo
Dudas de la tierra y tu cabeza
Afuera todo es mortal
Aunque todo se halla fuera
Vivirás la vida de aquí
Y del miserable espacio
A tus gestos ¿quién responde?
Tus palabras ¿quién las guarda
En un muro incomprensible?
¿Y quién piensa en tu semblante?
IX. Les yeux brûlés du bois Le masque inconnu papillon d’aventure Dans les prisons absurdes Les diamants du cœur Collier du crime.
Des menaces montrent les dents
Mordent le rire
Arrachent les plumes du vent
Les feuilles mortes de la fuite.
La faim couverte d’immondices
Étreint le fantôme du blé
La peur en loques perce les murs
Des plaines pâles miment le froid.
Seule la douleur prend feu.
°°°
Ojos quemados del bosque
Máscara incógnita mariposa de aventura
En prisiones absurdas
Diamantes del corazón
Collar del crimen
Las amenazas muestran los dientes
Muerden la risa
Arrancan las plumas del viento
Las hojas muertas de la fuga
El hambre cubierta de inmundicias
Abraza el fantasma del trigo
El miedo en girones atraviesa lo muros
Pálidas llanuras representan el frío.
Sólo el dolor se incendia.
XVI. Ni crime de plomb Ni justice de plume Ni vivante d’amour Ni morte de désir.
Elle est tranquille indifférente
Elle est fière d’être facile
Les grimaces sont dans les yeux
Des autres ceux qui la remuent.
Elle ne peut pas être seule
Elle se couronne d’oubli
Et sa beauté couvre les heures
Qu’il faut pour n’être plus personne.
Elle va partout fredonnant
Chanson monotone inutile
La forme de son visage.
°°°
Ni crimen de plomo
Ni justicia de pluma
Ni de amor viviendo
Ni muerta de deseo.
Es tranquila indiferente
Orgullosa de ser fácil
Los gestos van a los ojos
De aquellos que la conmueven.
Hallarse no puede sola
Y se corona de olvido
Su beldad cubre las horas
Justas para no ser nadie.
Silbando en todo lugar Canción monótona inútil La forma de su semblante.
Premier numéro de la revue Litoral. 1926. Dessin de María Ángeles Ortiz.
La Wylie Agency, fondée en 1980, est une des plus puissantes agences du monde puisqu’elle représente plus de 1 100 artistes (entre autres Albert Camus, Salman Rushdie, Martin Amis, Saul Bellow, Philip Roth, Roberto Bolaño, Jorge Luis Borges, Vladimir Nabokov, John Cheever, Raymond Carver).
Le fondateur de cette maison, Andrew Wylie, est surnommé Le Chacal.
Elle représente maintenant aussi Louise Glück, Prix Nobel 2020.
La maison d’édition espagnole indépendante de Valence Pre-Textos, dirigée par Manuel Borras, a publié depuis 2006 sept des onze recueils de poèmes de Louise Glück, Prix Nobel de Littérature 2020, en édition bilingue.
El iris salvaje 2006 (The Wild Iris 1992) Ararat 2008. (Ararat 1990) Las siete edades 2011 (The Seven Ages. 2001) Averno 2011 (Averno 2006) Vita nova 2014 (Vita Nova 1999) Praderas 2017 (Meadowlands 1997) Una vida de pueblo 2020 (A village life 2009)
Traducteurs: Abraham Gragera López, Eduardo Chirinos Arrieta, Mirta Rosenberg, Andrés Catalán, Adalber Salas Hernández, Mariano Peyrou.
La Wylie Agency a informé Pre-Textos qu’elle devait arrêter la commercialisation des livres publiés, détruire les stocks et éliminer ces titres de son catalogue.
Francisco Brines dans sa maison d’ Oliva. 15 juin 2006 (Jesús Císcar)
Le poète Francisco Brines a obtenu hier, 16 novembre 2020, le prix Cervantès, la plus haute distinction de la littérature hispanique.
Il est né le 22 janvier 1932 à Oliva (Communauté valencienne) en 1932. C’est un des derniers représentants de la Génération de 1950 (Jaime Gil de Biedma, José María Caballero Bonald, Carlos Barral, José Ángel Valente, Claudio Rodríguez, Alfonso Costafreda, Ángel González)
Ce fils de propriétaires terriens valenciens a suivi des études de droit et de philosophie et lettres. Il a été professeur de littérature espagnole à Cambridge, puis de langue espagnole à Oxford.
Sa poésie est une célébration de la vie, de la beauté du monde et de la nature. L’oubli, le néant et le temps destructeur sont aussi très présents dans son oeuvre. Il a été influencé par des poètes comme Antonio Machado, Juan Ramón Jiménez, Luis Cernuda ou Constantin Cavafy.
Il a obtenu le Premio Nacional de las Letras Españolas en 1986 et le Premio Reina Sofía de Poesía Iberoamericana en 2010. Il est membre de la Real Academia Española depuis 2001.
Oeuvres principales:
Las brasas, Madrid, Colección Adonais, 1959
El santo inocente, Madrid, Poesía para todos, 1965.
Palabras a la oscuridad, Madrid, Ínsula, 1966.
Aún no, Barcelona, Ocnos, 1971.
Insistencias en Luzbel, Madrid, Visor, 1977.
El otoño de las rosas, Sevilla, Renacimiento, 1987.
La última costa, Barcelona, Tusquets, 1995.
Ensayo de una despedida (1960-1997). Poesía completa. Barcelone Tusquets , 1997.
Cuando yo aún soy la vida
A Justo Jorge Padrón
La vida me rodea, como en aquellos años
ya perdidos, con el mismo esplendor
de un mundo eterno. La rosa cuchillada
de la mar, las derribadas luces
de los huertos, fragor de las palomas
en el aire, la vida en torno a mí,
cuando yo aún soy la vida.
Con el mismo esplendor, y envejecidos ojos,
y un amor fatigado.
¿Cuál será la esperanza? Vivir aún;
y amar, mientras se agota el corazón,
un mundo fiel, aunque perecedero.
Amar el sueño roto de la vida
y, aunque no pudo ser, no maldecir
aquel antiguo engaño de lo eterno.
Y el pecho se consuela, porque sabe
que el mundo pudo ser una bella verdad.
Aún no, Ocnos, Barcelona, 1971.
Quand je suis encore la vie
A Justo Jorge Padrón
La vie m’entoure, comme durant ces années
maintenant perdues, après la magnificence
d’un monde éternel. La rose estafilade
de la mer, les couleurs estompées
des jardins, le fracas des pigeons
dans l’air, la vie autour de moi,
quand je suis encore la vie.
Avec la magnificence d’autrefois, les yeux vieillis,
et un amour lassé.
Quelle espérance à présent? Vivre;
et aimer, tandis que le cœur s’épuise,
un monde fidèle, bien que périssable.
Aimer le rêve brisé de la vie
et, en dépit de l’échec, ne pas maudire
cette vieille duperie d’éternité.
Et notre cœur se console car il sait
que le monde aurait pu être une belle vérité.
Traduction Claude de Freyssinet. Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990. Actes Sud / Editions Unesco, 1995.
Epitafio romano
«No fui nada, y ahora nada soy.
Pero tú, que aún existes, bebe, goza
de la vida…, y luego ven.»
Eres un buen amigo.
Ya sé que hablas en serio, porque la amable piedra
la dictaste con vida: no es tuyo el privilegio,
ni de nadie,
poder decir si es bueno o malo
llegar ahí.
Quien lea, debe saber que el tuyo
también es mi epitafio. Valgan tópicas frases
por tópicas cenizas.
Aún no. Ocnos, Barcelone, 1971.
Épitaphe romaine
«Je ne fus rien, et rien ne suis.
Mais toi, qui es vivant, bois, profite
de la vie…et ensuite viens.»
Tu es un bon ami.
Je sais que tu parles sérieusement, car l’aimable inscription
fut dictée de ton vivant; ni toi ni personne
n’a le privilège
de pouvoir dire s’il est bon ou mauvais
d’en arriver là.
Le lecteur doit savoir que ton épitaphe
je la fais mienne. Voilà des phrases toutes faites
pour des cendres toutes faites.
Traduction Claude de Freyssinet. Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990. Actes Sud / Editions Unesco, 1995.