Joseph Losey

J’ai pu revoir cette semaine en DVD le film de Joseph Losey (1909-1984) : Le Messager (The Go-Between). Je l’avais vu à sa sortie en France (15 mai 1971), il y cinquante ans et jamais revu depuis.

Il s’agit de l’ adaptation du roman éponyme de Leslie Poles Hartley (1895-1972), écrit en 1953.

Photographie : Gerry Fisher.

Montage : Reginald Beck.

Musique : Michel Legrand. Cette composition musicale (treize variations sur un thème unique) est obsessionnelle. Elle est aujourd’hui très célèbre, mais ne plaisait pas du tout au départ ni à Losey ni à son monteur.

Distribution: Julie Christie, Alan Bates, Margaret Leighton, Michael Redgrave, Dominic Guard, Michael Gough, Edward Fox.

Joseph Losey a choisi Julie Christie et Alan Bates après les avoir vus dans Loin de la foule déchaînée (John Schlesinger-1967) d’après le roman de Thomas Hardy, publié en 1874. C’est un film que j’aimerais bien aussi revoir. L’adaptation de Thomas Vinterberg en 2015 ne m’a pas laissé un grand souvenir.

Le scénario de The Go-Between est d’ Harold Pinter. Le Prix Nobel de Littérature anglais (2005) a écrit quatre scénarios pour le cinéaste américain, dont seuls les trois premiers ont été réalisés : The Servant (1963), Accident (1967), Le Messager (1971) et Le Scénario Proust (The Proust screenplay-1972). Joseph Losey a dû fuir les États-Unis à cause du maccarthysme en 1952 et s’est exilé au Royaume-Uni. Cette épreuve l’a marqué à jamais.

Le film a obtenu la Palme d’or au Festival de Cannes en 1971. Le grand favori, cette année-là, était Mort à Venise de Luchino Visconti qui obtint seulement le Prix du 25 ème anniversaire du Festival. On trouvait aussi dans la sélection officielle entre autres: Joe Hill (Bo Widerberg), Johnny s’en va-t-en guerre (Dalton Trumbo), Le Souffle au cœur (Louis Malle), Taking Off (Miloš Forman).

Le Messager est un des plus beaux films de Joseph Losey.

https://www.youtube.com/watch?v=91LYLr-y2c4

L’histoire se passe vers 1900. Un jeune garçon de 12 ans, Leo Colston, (Dominic Guard-Michael Redgrave), issu d’une famille ruinée de la classe moyenne, est invité par un camarade d’école, Marcus Maudsley, à passer les vacances d’été dans le manoir familial aux cent vingt-six pièces de Brandham Hall (Norfolk ). Leo est fasciné par ce milieu aristocratique et surtout par la belle Marian (Julie Christie), la sœur aînée de son ami, qui est fiancée à Lord Trimingham (Edward Fox), un vicomte qui est revenu de la guerre des Boers le visage balafré. Elle profite de la situation et va demander à Leo de porter régulièrement des lettres à son amant, le métayer d’une ferme voisine, Ted Burgess (Alan Bates), pour qu’ils puissent se retrouver clandestinement. Le livre comme le film s’achève sur le retour de Leo au manoir. Á la fin, Marian, très âgée, lui demande à nouveau de lui servir de messager pour révéler à son petit-fils l’identité de son véritable grand-père, Ted Burgess, qui s’est suicidé.

Melton Constable Hall (Brandham Hall dans Le Messager)

Le film commence par le générique qui défile sur les images d’une vitre sur laquelle coulent comme des larmes des gouttes de pluie. Le plan suivant montre le manoir dans la pleine lumière de l’été. La voix-off de Léo âgé (Michael Redgrave) dit : « Le passé est un pays étranger. On fait les choses autrement, là-bas. » (« The past is a foreign country; they do things differently there. »)

Tout au long du film, nous voyons un vieil homme, portant un chapeau melon qui revient vers le manoir par temps de pluie. Le passé et le présent ne font qu’un. Leo, toute sa vie, a été sous l’emprise de Marian qui n’est pas consciente de l’anéantissement psychique dans laquelle elle l’a plongé toute sa vie.

C’est un beau récit d’initiation, mais aussi un film sur les rapports de classes et de domination. L’interpétation est magnifique et très ambiguë. La photo de Gerry Fisher est splendide.

Joseph Losey porte sur le comportement humain et son pouvoir destructeur un regard pessimiste. Il réussit à créer une distance par rapport à l’intrigue tragique et fuit tout sentimentalisme.

Michel Ciment, le directeur de la publication de la revue Positif, insiste sur les thèmes propres à la plupart des films du metteur en scène : l’intrusion d’un corps étranger dans un milieu donné, l’importance du décor (ici le manoir et son grand escalier), le temps. On retient aussi la performance des acteurs, en particulier celle de la sublime Julie Christie. Joseph Losey a beaucoup travaillé pour le théâtre. Il a étudié la mise en scène en Allemagne, en Suède, en Finlande et en U.R.S.S. En 1947, il a créé en étroite collaboration avec Bertolt Brecht La Vie de Galileo Galilei, interprétée par Charles Laughton .

Joseph Losey.

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