Sam Szafran

Nous avons vu la semaine dernière l’exposition Sam Szafran Obsessions d’un peintre (28 septembre 2022-16 janvier 2023. Paris, Musée de l’Orangerie).

C’est un peintre que je connaissais très mal.

Sami Max Berger (dit Sam Szafran) est né le 19 novembre 1934 à Paris, fils de parents émigrés juifs polonais. La plus grande partie de sa famille (père, oncles, tantes) est exterminée dans les camps de concentration nazis. Lui, échappe à la rafle du Vel’ d’Hiv’ et vit caché dans le Lot pendant la guerre. Avec sa mère et sa sœur qui ont survécu aussi à la Shoah, il émigre en Australie en 1948. Il y est très malheureux. Il revient donc en France en 1951 et vit d’expédients. En autodidacte, il suit les cours du soir de la Ville de Paris et parfois l’Académie de la Grande Chaumière. Il fréquente poètes et artistes et devient ami avec Alberto Giacometti, Yves Klein, Jean-Paul Riopelle, Zao Wou-Ki et Henri Cartier-Bresson. En 1965, Jacques Kerchache organise sa première exposition personnelle. Après guerre, il a vite abandonné l’abstraction dominante pour une figuration originale, utilisant l’aquarelle et le pastel. Ses thèmes : les chous, les villes confuses, les escaliers en colimaçon, les ateliers envahis par une végétation proliférante, les imprimeries, les boîtes de pastel, les philodendrons. Il est mort le 14 septembre 2019 à Malakoff.

L’Atelier de la rue de Crussol. Février- mars 1972. Collection particulière.

Il parlait peu de son œuvre, mais beaucoup des péripéties de sa vie avec une gouaille de vrai titi parisien. On peut s’en rendre compte dans le livre d’entretiens avec Jean Clair et Louis Deledicq.

Sam Szafran. Un gamin des Halles. Conversation avec Jean Clair et Louis Deledicq. Flammarion 2022. L’entretien a eu lieu en 1999.

« Il y avait un garçon qui tenait Le Riverside, rue de la Huchette, Goldfein, qui était un grand ami de Breton, et quand il a vu ce tableau il a dit : « Il faut absolument que je t’emmène et que je te présente André Breton, il va être ravi. » C’était près de Palais-Royal dans un bistrot, tous les surréalistes étaient là. J’étais un petit peu intimidé, plutôt du genre timide agressif. Ils ont fait un cadavre exquis et quand c’est arrivé à moi, j’ai pris le cadavre, parce que c’était un bout de papier plié, chacun avait écrit quelque chose, et je l’ai mangé. Et là, Breton l’ a très mal pris. J’étais à peine rentré au groupe surréaliste que j’en suis sorti, dehors. Quelque temps plus tard, j’ai eu une aventure complètement cinglée. J’ai eu une piaule, rue Puget, place Blanche. Breton habitait rue Fontaine, et quand je descendais à Montparnasse à pied, de la place Blanche, je rencontrais, rue Fontaine, Breton. Dès qu’il me voyait il tournait la tête. Et moi je passais : « Salut, Dédé ! » Ça le rendait hystérique. » (Pages 32-33)

L’Imprimerie Bellini avec le peintre Olivier O. Olivier. 1974. Collection particulière.

” J’ai eu une évolution tardive. J’aurais pu mourir il y a trente ans, si j’étais mort il y a trente ans, je tombais directement aux oubliettes et rien n’était fait. C’est une succession d’événements. Je n’ai commencé à entrevoir une certaine forme de maturité sur le regard qu’à partir de cinquante-cinq ans, pas avant. Avant, c’était un champ d’expériences, il y avait de bons, de mauvais moments, je ne savais pas très bien où j’en étais. Je n’arrivais pas à analyser ce qui se passait en moi. J’avais des convulsions, j’étais très convulsif mais je ne savais pas pourquoi ni comment. C’est à partir de là que j’ai commencé à me poser des questions mais avant ce n’était pas possible. Ce qui m’a le plus manqué, c’était un Maître. ” (Pages 69-70)

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