Victor Hugo – Mario Vargas Llosa – Robert Desnos – Louis Aragon

Je relis Victor Hugo et des écrivains qui ont publié sur son oeuvre :

Jusqu’à ce que mort s’ensuive (Sur une page des Misérables) d’Olivier Rolin. Gallimard, Collection blanche. 2024. Folio n°7580. 2025

La tentación de lo imposible de Mario Vargas Llosa. Alfaguara, 2004.

Le Monde selon Victor Hugo de Michel Winock. Éditions Tallandier, 2018. Collection Texto, 2020.

Mario Vargas Llosa. La tentación de lo imposible. 2004.

« Aunque Madame Bovary se publicó seis años antes que Los Miserables, en 1856, se puede decir que ésta es la última gran novela clásica y aquélla la primera gran novela moderna. »

« Las novelas, y sobre todo las grandes novelas, no son testimonios ni documentos sobre la vida. Son otra vida, dotada de sus propios atributos, que nace para desacreditar la vida verdadera, oponiéndole un espejismo que, aparentado reflejarla, la deforma, retoca y rehace. »

« No es precisamente un « entusiasmo » sino un malestar lo que dejan las buenas ficciones en el espíritu de los lectores que contrastan aquellas imágenes con el mundo real : la sensación de que el mundo está mal hecho, de que lo vivido está muy por debajo de lo soñado e inventado. »

Le legs (Robert Desnos)

Et voici, Père Hugo, ton nom sur les murailles !
Tu peux te retourner au fond du Panthéon
Pour savoir qui a fait cela. Qui l’a fait ? On !
On c’est Hitler, on c’est Goebbels… C’est la racaille,

Un Laval, un Pétain, un Bonnard, un Brinon,
Ceux qui savent trahir et ceux qui font ripaille,
Ceux qui sont destinés aux justes représailles
Et cela ne fait pas un grand nombre de noms.

Ces gens de peu d’esprit et de faible culture
Ont besoin d’alibis dans leur sale aventure.
Ils ont dit : « Le bonhomme est mort. Il est dompté. »

Oui, le bonhomme est mort. Mais par-devant notaire
Il a bien précisé quel legs il voulait faire :
Le notaire a nom : France, et le legs : Liberté.

Signé Lucien Gallois. Paru dans L’Honneur des poètes, 14 juillet 1943. Repris dans Robert Desnos, Destinée arbitraire. Paris, NRF Poésie / Gallimard n°112, 1975.

Le Paris de Victor Hugo (Aragon)

Personne n’a jamais parlé de Paris comme Victor Hugo. Et même si un jour, à nouveau, Paris doit se faire verbe et chair dans l’oeuvre d’un poète : Victor Hugo aura été le premier, celui qui a fait naître Paris à la vie lyrique, sacré Paris source et thème de l’inspiration lyrique, décor et matière, âme et personnage de la poésie nationale.

Victor Hugo est le vrai poète de la nation française et le plus grand poète de Paris. Cette vie, cet homme, cet art s’étendent de 1802 à 1885. Hugo naît à la veille de l’Empire et meurt deux ans après Karl Marx. Son œuvre oscille aux vents de ce long orage appelé le dix-neuvième siècle. Elle naît sur les ruines de la Bastille, elle meurt quand les associations ouvrières vont proclamer, avec le Premier Mai, que le printemps leur appartient.

On pourrait justement dire de Hugo qu’il est le miroir de la Révolution Française. Oui, lui, que son général de père traîna dans les fourgons de Napoléon, lui qui fut royaliste sous Louis XVIII, pair de Louis-Philippe, républicain en 48, exilé par le Princе-président, symbole de la liberté sous l’Empire, de la résistance à l’envahisseur dans la guerre de 70, épouvanté par la Commune, mais demandant la grâce des Communards… le génie qui boucha, longtemps après sa mort, l’horizon poétique et qu’aujourd’hui encore haïssent comme personne tous ceux qui s’étiolent à son ombre immense. Hugo, phénomène irréductible, poète le plus insulté de notre histoire, après qui la langue française n’est plus ce qu’elle était, et dont il faudra tenir compte comme de Shakespeare et d’Homère.

Et bien, c’est Hugo qui a fait de Paris ce qu’il est aux yeux du monde. Il ne pouvait pas en être autrement. Avant lui, c’était une bourgade. Dans cette bourgade, il y avait Notre-Dame et Le Louvre. Mais après lui il y a Notre-Dame de Paris et Gavroche, le gamin de Paris. Quant au Louvre, c’est dans ses vers qu’il a cessé d’être un palais pour devenir un monde. C’est qu’avec Hugo, Paris cesse d’être le siège de la cour pour devenir la cité d’un peuple. Le Paris de Victor Hugo n’est pas une collection de monuments, une série de cartes postales, mais l’être en mouvement, le monde en gésine, les quartiers bourgeonnants du siècle qui fut celui des révolutions, des émeutes, des chemins de fer, du préfet Haussmann, de la Commune de Paris. Il y a une anthologie formidable à faire de tout ce que Hugo a écrit de Paris, sur Paris, pour Paris. Juste pour donner le goût de ce langage insensé, de cet amour sans mesure pour la ville démesurée. Il était trop facile d’étourdir les gens avec le bruit majeur des vers, toute L’Année terrible, et des Contemplations aux Feuilles d’automne, tout ce qui résonne dans ce langage divin de ma ville… Et même dans la prose je n’ai pas repris ces passages des Choses vues, où Balzac agonise dans sa maison du quartier Beaujon, où tout Paris regarde passer les cendres de l’Empereur… Son commentaire monumental et immortel fait de Victor Hugo la statue toujours présente de Paris, l’explication de Paris, son prestige, sa résonance, sa gloire.

Avez-vous lu Victor Hugo ? Anthologie poétique commentée par Aragon. Paris, Éditeurs Français Réunis, 1952.

Gabriel García Márquez – María Moliner 1900 – 1981 II

À la demande de Nathalie de Courson (Blog Patte de mouette : https://patte-de-mouette.fr/ ), j’ai traduit ce dimanche le texte de Gabriel García Márquez sur la femme exceptionnelle qu’était María Moliner. Je vous demande d’excuser certaines maladresses, car elle a été faite un peu rapidement.

Je recommande sur ce thème la lecture de la biographie romancée qu’a publiée Andrés Neumann chez Alfaguara en début d’année, Hasta que empieza a brillar. Elle arrive à point nommé pour souligner la personnalité de cette femme hors normes qui a dû supporter comme tant d’autres trente-six ans de régime franquiste.

On peut rappeler aussi son sens de l’humour. Elle n’aimait pas beaucoup qu’on rappelle l’anecdote de la ménagère qui reprisait des chaussettes. C’est ce qu’elle avait dit, en une occasion, à un journaliste.

El País, 10 février 1981

La femme qui a écrit un dictionnaire (Gabriel García Márquez)

Il y a trois semaines, de passage à Madrid, j’ai voulu rendre visite à María Moliner. La trouver n’a pas été aussi facile que je l’avais supposé : certaines personnes qui auraient dû savoir ignoraient qui elle était, et certaines la confondaient même avec une célèbre star de cinéma. J’ai enfin réussi à prendre contact avec son plus jeune fils, qui est ingénieur à Barcelone. Il m’a fait savoir qu’il n’était pas possible de rendre visite à sa mère à cause de ses problèmes de santé. J’ai pensé qu’il s’agissait d’une crise momentanée et que peut-être je pourrais le faire lors d’un prochain voyage à Madrid. Mais la semaine dernière, alors que je me trouvais à Bogota, on m’a téléphoné pour m’apprendre la mauvaise nouvelle : María Moliner était morte. Je me suis senti comme si j’avais perdu quelqu’un qui sans le savoir avait travaillé pour moi pendant de nombreuses années. María Moliner – pour le dire très brièvement – a réalisé une prouesse sans quasiment de précédent : elle a écrit, toute seule, chez elle, de ses propres mains, le dictionnaire le plus complet, le plus utile, le plus minutieux et le plus drôle du castillan. Il s’appelle le Dictionnaire d’usage de l’espagnol. Ce sont deux tomes de presque 3 000 pages en tout, qui pèsent trois kilos. Il est, de ce fait, plus de deux fois plus long que celui de l’Académie royale espagnole, et – à mon avis – plus de deux fois meilleur. María Moliner l’a écrit pendant les heures de liberté que lui laissait son emploi de bibliothécaire, et ce qu’elle considérait comme son véritable métier : repriser des chaussettes. Un de ses fils, à qui on a demandé il y a peu combien de frères et de sœurs il avait, a répondu ceci : « Deux frères, une soeur et le dictionnaire ». Il faut savoir comment a été écrite cette œuvre pour comprendre comme cette réponse est vraie.

María Moliner est née à Paniza, un village d’Aragon, en 1900. Ou, comme elle le disait très justement : « En l’an 0 ». De sorte qu’à sa mort elle avait 80 ans. Elle a étudié la philosophie et les lettres à Saragosse et réussi, par concours, à entrer dans le corps des archivistes et bibliothécaires d’Espagne. Elle s’est mariée avec don Fernando Ramón y Ferrando, un éminent professeur d’université qui enseignait à Salamanque une drôle de science : la base physique de l’esprit humain. María Moliner a élevé ses enfants comme une véritable mère espagnole, d’une main ferme, leur donnant trop à manger, même pendant les dures années de la guerre civile, où il n’y avait pas grand-chose. Son fils aîné est devenu médecin chercheur, le deuxième architecte et sa fille institutrice. C’est seulement quand le plus jeune de ses fils a commencé ses études d’ingénieur que María Moliner a senti qu’elle disposait de trop de temps après ses heures de bibliothèque, et elle a décidé de l’occuper à écrire un dictionnaire.

L’idée lui en est venue à partir du Learner’s Dictionary, avec lequel elle a appris l’anglais. C’est un dictionnaire d’usage ; c’est à dire qu’il ne dit pas seulement ce que signifient les mots, mais indique aussi leur usage, et on y en inclut d’autres qui peuvent les remplacer. « C’est un dictionnaire pour écrivains » a dit un jour María Moliner, en parlant du sien, et elle a affirmé cela avec juste raison. Dans le dictionnaire de l’Académie royale espagnole, en revanche, les mots sont admis quand ils sont sur le point de mourir, usés à force d’être employés, et leurs définitions rigides semblent être comme pendues à un vieux clou. C’est en s’opposant à ce critère d’embaumeurs que María Moliner s’est assise pour écrire son dictionnaire en 1951. Elle avait calculé qu’elle l’aurait terminé en deux ans, mais dix ans étaient passés et elle n’en était encore qu’à la moitié. « Il lui manquait toujours deux ans avant d’avoir terminé », m’a dit son plus jeune fils. Au début, elle lui consacrait deux ou trois heures par jour, mais au fur et à mesure que ses enfants se mariaient et quittaient la maison elle avait davantage de temps disponible. Elle en est arrivée à travailler dix heures par jour, en plus des cinq à la bibliothèque. En 1967 – sous la pression surtout de la maison d’édition Gredos, qui l’attendait depuis cinq ans – elle a considéré que le dictionnaire était achevé. Mais elle a continué à remplir des fiches, et à sa mort elle avait plusieurs mètres de mots nouveaux qu’elle espérait voir inclus dans les prochaines éditions. En réalité, ce que cette femme incroyable avait entrepris c’était une course de vitesse et de résistance contre la vie.

Son fils Pedro m’a raconté sa manière de travailler. Il m’a dit qu’un jour elle s’était levée à cinq heures du matin, avait divisé une feuille en parties égales et s’était mise à écrire des fiches de mots sans plus de préparation. Ses seuls outils de travail étaient deux pupitres et une machine à écrire portative qui a survécu à l’écriture du dictionnaire. Elle a travaillé d’abord sur la petite table qui se trouvait au centre du salon. Ensuite, quand elle a senti qu’elle sombrait au milieu de livres et de notes, elle s’est servie d’une planche posée sur le dossier de deux chaises. Son mari feignait de faire preuve d’un sang-froid de vieux sage, mais il mesurait parfois en cachette les gerbes de fiches avec un mètre ruban, et il envoyait des nouvelles à ses enfants. Une fois, il leur a raconté que le dictionnaire arrivait enfin à la dernière lettre, mais trois mois plus tard il leur a dit, toutes illusions perdues, qu’on en était revenu à la première lettre. C’était naturel, puisque María Moliner utilisait une méthode infinie : elle prétendait attraper au vol tous les mots de la vie. « Surtout ceux que je trouve dans les journaux », a-t-elle dit lors d’un entretien. « Car c’est là que se trouve la langue vivante, celle que l’on utilise, les mots que l’on doit inventer sur le moment par nécessité. » Elle n’ a fait qu’une seule exception : ceux que l’on appelle de manière erronée les gros mots, qui sont nombreux et sont peut-être les plus utilisés en Espagne, toutes époques confondues. C’est le plus gros défaut de son dictionnaire et María Moliner a vécu assez longtemps pour le comprendre, mais pas suffisamment pour le corriger.

Elle a passé ses dernières années dans un appartement du nord de Madrid, où, sur une grande terrasse, elle avait de nombreux pots de fleurs. Elle les arrosait avec autant d’amour que s’il s’agissait de mots captifs. Elle se réjouissait d’apprendre que son dictionnaire s’était vendu à plus de dix mille exemplaires, en deux éditions, qu’il atteignait l’objectif qu’elle s’était fixée et que certains académiciens le consultaient en public sans rougir. Parfois elle recevait la visite d’un journaliste un peu dispersé. À l’un d’eux qui lui avait demandé pourquoi elle ne répondait pas aux nombreuses lettres qu’elle recevait, elle répondit avec beaucoup de culot : « Parce que je suis très paresseuse ». En 1972, ce fut la première femme dont la candidature a été présentée à l’Académie royale espagnole, mais messieurs les Académiciens n’ont pas osé rompre avec leur vénérable tradition machiste. Ils n’ont osé le faire qu’il y a deux ans et ont accepté alors la première femme, mais cela n’a pas été María Moliner. Elle s’est réjouie quand elle l’a appris, car l’idée de prononcer son discours d’admission la terrorisait. « Qu’est ce que je pourrais dire », a-t-elle dit alors, « moi qui toute ma vie n’ai fait que repriser des chaussettes ? »

Gabriel García Márquez – María Moliner 1900 – 1981 I

María Moliner en el Archivo de Simancas, 1922.

El País, 10 de febrero de 1981

La mujer que escribió un diccionario (Gabriel García Márquez)

Hace tres semanas, de paso por Madrid, quise visitar a María Moliner. Encontrarla no fue tan fácil como yo suponía: algunas personas que debían saberlo ignoraban quién era, y no faltó quien la confundiera con una célebre estrella de cine. Por fin logré un contacto con su hijo menor, que es ingeniero industrial en Barcelona, y él me hizo saber que no era posible visitar a su madre por sus quebrantos de salud. Pensé que era una crisis momentánea y que tal vez pudiera verla en un viaje futuro a Madrid. Pero la semana pasada, cuando ya me encontraba en Bogotá, me llamaron por teléfono para darme la mala noticia de que María Moliner había muerto. Yo me sentí como si hubiera perdido a alguien que sin saberlo había trabajado para mí durante muchos años. María Moliner ―para decirlo del modo más corto― hizo una proeza con muy pocos precedentes: escribió sola, en su casa, con su propia mano, el diccionario más completo, más útil, más acucioso y más divertido de la lengua castellana. Se llama Diccionario de uso del español, tiene dos tomos de casi 3.000 páginas en total, que pesan tres kilos, y viene a ser, en consecuencia, más de dos veces más largo que el de la Real Academia de la Lengua, y ―a mi juicio― más de dos veces mejor. María Moliner lo escribió en las horas que le dejaba libre su empleo de bibliotecaria, y el que ella consideraba su verdadero oficio: remendar calcetines. Uno de sus hijos, a quien le preguntaron hace poco cuántos hermanos tenía, contestó: “Dos varones, una hembra y el diccionario”. Hay que saber cómo fue escrita la obra para entender cuánta verdad implica esa respuesta.

María Moliner nació en Paniza, un pueblo de Aragón, en 1900. O, como ella decía con mucha propiedad: “En el año cero”. De modo que al morir había cumplido los ochenta años. Estudió Filosofía y Letras en Zaragoza y obtuvo, mediante concurso, su ingreso al Cuerpo de Archiveros y Bibliotecarios de España. Se casó con don Fernando Ramón y Ferrando, un prestigioso profesor universitario que enseñaba en Salamanca una ciencia rara: base física de la mente humana. María Moliner crió a sus hijos como toda una madre española, con mano firme y dándoles de comer demasiado, aun en los duros años de la guerra civil, en que no había mucho que comer. El mayor se hizo médico investigador, el segundo se hizo arquitecto y la hija se hizo maestra. Sólo cuando el menor empezó la carrera de ingeniero industrial, María Moliner sintió que le sobraba demasiado tiempo después de sus cinco horas de bibliotecaria, y decidió ocuparlo escribiendo un diccionario. La idea le vino del Learner’s Dictionary, con el cual aprendió el inglés. Es un diccionario de uso; es decir, que no sólo dice lo que significan las palabras, sino que indica también cómo se usan, y se incluyen otras con las que pueden reemplazarse. “Es un diccionario para escritores”, dijo María Moliner una vez, hablando del suyo, y lo dijo con mucha razón. En el diccionario de la Real Academia de la Lengua, en cambio, las palabras son admitidas cuando ya están a punto de morir, gastadas por el uso, y sus definiciones rígidas parecen colgadas de un clavo. Fue contra ese criterio de embalsamadores que María Moliner se sentó a escribir su diccionario en 1951. Calculó que lo terminaría en dos años, y cuando llevaba diez todavía andaba por la mitad. “Siempre le faltaban dos años para terminar”, me dijo su hijo menor. Al principio le dedicaba dos o tres horas diarias, pero a medida que los hijos se casaban y se iban de la casa le quedaba más tiempo disponible, hasta que llegó a trabajar diez horas al día, además de las cinco de la biblioteca. En 1967 ―presionada sobre todo por la Editorial Gredos, que la esperaba desde hacía cinco años― dio el diccionario por terminado. Pero siguió haciendo fichas, y en el momento de morir tenía varios metros de palabras nuevas que esperaba ver incluidas en las futuras ediciones. En realidad, lo que esa mujer de fábula había emprendido era una carrera de velocidad y resistencia contra la vida.

Su hijo Pedro me ha contado cómo trabajaba. Dice que un día se levantó a las cinco de la mañana, dividió una cuartilla en cuatro partes iguales y se puso a escribir fichas de palabras sin más preparativos. Sus únicas herramientas de trabajo eran dos atriles y una máquina de escribir portátil, que sobrevivió a la escritura del diccionario. Primero trabajó en la mesita de centro de la sala. Después, cuando se sintió naufragar entre libros y notas, se sirvió de un tablero apoyado sobre el respaldar de dos sillas. Su marido fingía una impavidez de sabio, pero a veces medía a escondidas las gavillas de fichas con una cinta métrica, y les mandaba noticias a sus hijos. En una ocasión les contó que el diccionario iba ya por la última letra, pero tres meses después les contó, con las ilusiones perdidas, que había vuelto a la primera. Era natural, porque María Moliner tenía un método infinito: pretendía agarrar al vuelo todas las palabras de la vida. “Sobre todo las que encuentro en los periódicos”, dijo en una entrevista. “Porque allí viene el idioma vivo, el que se está usando, las palabras que tienen que inventarse al momento por necesidad”. Sólo hizo una excepción: las mal llamadas malas palabras, que son muchas y tal vez las más usadas en la España de todos los tiempos. Es el defecto mayor de su diccionario, y María Moliner vivió bastante para comprenderlo, pero no lo suficiente para corregirlo.

Pasó sus últimos años en un apartamento del norte de Madrid, con una terraza grande, donde tenía muchos tiestos de flores, que regaba con tanto amor como si fueran palabras cautivas. Le complacían las noticias de que su diccionario había vendido más de 10.000 copias, en dos ediciones, que cumplía el propósito que ella se había impuesto y que algunos académicos de la lengua lo consultaban en público sin ruborizarse. A veces le llegaba un periodista desperdigado. A uno que le preguntó por qué no contestaba las numerosas cartas que recibía le contestó con más frescura que la de sus flores: “Porque soy muy perezosa”. En 1972 fue la primera mujer cuya candidatura se presentó en la Academia de la Lengua, pero los muy señores académicos no se atrevieron a romper su venerable tradición machista. Sólo se atrevieron hace dos años, y aceptaron entonces la primera mujer, pero no fue María Moliner. Ella se alegró cuando lo supo, porque le aterrorizaba la idea de pronunciar el discurso de admisión. “¿Qué podía decir yo”, dijo entonces, “si en toda mi vida no he hecho más que coser calcetines?”

Diccionario de uso del español. Tercera edición, 2007.

Irene Vallejo – Virgile

Virgile écrivant l’Énéide entre Clio et Melpomène. Mosaïque du musée national du Bardo, Tunis. Entre le Ier siècle et le IIIe siècle.

Heraldo de Aragón, 11/09/2025

Ecos gemelos (Irene Vallejo)

Piedra oscura luz pálida. Los cimientos de las dos torres truncadas albergan el Memorial del 11 de septiembre. Se conservan fragmentos del edificio retorcido, extrañas figuras de metal esculpidas por la catástrofe, ecos de destrucción. En un gran frontispicio, una frase del poeta romano Virgilio recuerda al visitante sobrecogido: «Ningún día os borrará de la memoria del tiempo.» Tras esa pared, dice un cartel, hay restos humanos.
Los responsables del Memorial escogieron a Virgilio para dar voz al duelo mundial. Algunos se han preguntado por qué elegir a un autor lejano, nacido a orillas de un mar antiguo y en una civilización extranjera, que escribió en latín y murió hace dos milenios. Quizá porque Virgilio fue el primer escritor en dar protagonismo a esas vidas anónimas amputadas por los conflictos históricos. Desde siempre los poemas épicos tratan sobre la guerra, las hazañas, victorias y derrotas de sus héroes; pero les versos de Virgilio atraviesan el campo de batalla deteniéndose junto a los heridos y escuchando a quienes deliran o sufren. La Eneida se compadece de los seres anónimos del mundo roto que dejan las huestes a su paso. Tal vez por eso hemos acudido de nuevo al viejo clásico en busca de un mensaje de esperanza y memoria: porque la voz del pasado puede hablar en futuro y evocar el soplo de vida que aún susurran los muertos.

Irene Vallejo est une philologue et écrivaine espagnole. Elle est connue surtout pour son essai El infinito en un junco: la invención de los libros en el mundo antiguo (2019). Premio Nacional de Ensayo de España 2020 (Traduction française L’infini dans un roseau : L’invention des livres dans l’Antiquité. Paris, Les Belles Lettres. (2021).

“Nulla dies umquam memori uos eximet aeuo”

” Aucun jour jamais ne vous enlèvera à la mémoire des âges ” (Énéide, Livre IX)

(Gracias a nuestra amiga de Soria, Carmen Heras Uriel)

Le Livre de poche. Documents / Essais.

Mariluz Escribano Pueo 1935 – 2019

Mariluz Escribano Pueo (Ramón Luis Pérez).

Mariluz Escribano Pueo est une poétesse presque totalement inconnue en France.

En Espagne, sa poésie est mieux étudiée depuis les années 2000. Son premier recueil de poésie n’a été édité qu’en 1991. Elle avait 56 ans. En 2022, Remedios Sánchez a publié son œuvre complète chez Cátedra dans la belle collection Letras Hispánicas.

Mariluz Escribano Pueo est née à Grenade le 19 décembre 1935. Son père, Agustín Escribano, était le directeur de l’École Normale. Sa mère, Luisa Pueo y Costa était la nièce du célèbre homme politique et économiste Joaquín Costa (1846-1911). Elle était professeur à l’École Normale et Secretaire de la Residencia de Señoritas Normalistas, une institution créée sur le modèle de la Residencia de Estudiantes de Madrid.

Son père s’était opposé à des militaires et au commandant phalangiste José Valdés Guzmán (1891-1937). Après le soulèvement franquiste, celui-ci est devenu Gouverneur civil de Grenade. On le considère comme le principal responsable de la répression dans cette ville et avec Ramón Ruiz Alonso de l’exécution de Federico García Lorca. Quand Mariluz Escribano avait neuf mois, le 12 septembre 1936, son père a été fusillé contre les murs du cimetière de la ville. Les historiens (Ian Gibson, Paul Preston) estiment que 5 000 personnes ont été fusillées dans la ville pendant la Guerre Civile.

Luisa Pueo y Costa, après la mort de son mari, a dû subir les représailles des rebelles qui ont saisi tous ses biens et ses comptes bancaires. Elle a dû partir à Palencia et elle n’est rentrée à Grenade qu’en 1940. Elle a pu alors à nouveau exercer son métier mais elle était étroitement surveillée par les autorités.

Mariluz Escribano a joué toute son enfance dans La Huerta de San Vicente, la résidence d’été de la famille García Lorca, de 1926 à 1936. En effet, sa mère était très amie avec avec cette famille et avec Carmen López García, cousine germaine de Federico, qui s’était chargée de cette propriété quand la famille du poète s’est exilée aux États-Unis.

Mariluz Escribano a épousé jeune Nicolás Marín López (1929-1985), professeur de Littérature.

Mariluz Escribano a obtenu sa licence de Philosophie et Lettres à L’Université de Grenade. Elle a été professeur de 1964 à 1967 à l’Antioch College de l’Ohio, première université américaine ouverte aux femmes et aux Noirs.

Docteur en Philologie Hispanique, elle a exercé comme Professeur de Didactique de la Langue et de Littérature, d’abord à l’École Normale (1967-1987) et ensuite à la Faculté des Sciences de l’ Education (1987-2015).

En 1985, son mari est mort dans un accident de voiture. Elle a dû élever seule ses cinq enfants.

La publication tardive de ses poèmes s’explique par le contexte de la guerre civile et la longue dictature franquiste qui ont fortement marqué sa vie.

Femme engagée contre la dictature, elle a milité dans des groupes féministes tels que Mujeres Universitarias o Mujeres por Granada. Elle a aussi publié régulièrement dans des journaux comme Patria et au début des années 70 dans Ideal, Diario Regional de Andalucía. Elle a dirigé à partir de sa fondation en 2005 la revue EntreRíos, Revista de Artes y Letras où ont publié de nombreux écrivains espagnols importants.

Elle est décédée à Grenade le 20 juillet 2019. Elle avait 83 ans.

Oeuvres

1991 Sonetos del alba. Málaga, editorial Guadalhorce. Réédition : Granada, Dauro, 2005 .
1993 Desde un mar de silencio. Granada, Cuadernos del Tamarit.
1995 Canciones de la tarde. Libros del Jacarandá, editorial Torremozas, 1995.
2013 Umbrales de otoño. Madrid, Hiperión, 2013.
2015 El corazón de la gacela. Granada, Valparaíso, 2015.
2018 Geografía de la memoria. Barcelona, Calambur, 2018.

2016 Azul melancolía. Antología personal. Madrid, Visor, 2016.

Statue de Mariluz Escribano près de l’entrée du parc Federico García Lorca de Grenade

En la huerta de San Vicente

En la luna buscábamos sus huellas,
en el piano la flor de sus canciones,
en los búcaros las hojas del otoño,
esa luz desvaída que reside en el sueño.

Era, entonces, el estío en la huerta,
—mejor fin de verano—
y época de cosecha
de ciruelos, manzanos y membrillos

Rosas y niñas y mastranzos
en el negror verde de la acequia,
jilgueros en los chopos,
últimas golondrinas,
geometría de vencejos
dibujando el cobalto de los cielos.

Y el silencio se agranda en el silencio,
y las conversaciones languidecen,
y lloran las palabras y los lutos
por Federico ausente como un muerto,
por tantos muertos con el pecho herido

Granada. Huerta de San Vicente.

Los ojos de mi padre

Los ojos de mi padre,
los ojos de mi padre,
mirándome en la patria cereal de los trigos,
en un tiempo de cunas
mecidas por el viento de la guerra,
mirando cómo crezco
en los abecedarios
y conquisto sonidos primitivos
balbuceos, palabras necesarias,
porque él me empuja y vuelve,
desde su corazón y sus espigas,
su corazón de tierra y manantiales,
patria de tierra y gritos apagados.
Mi padre es un silencio
que mira como crezco.
Sus manos me conforman,
me miran la estatura,
la dimensión del cuerpo,
averiguan gozosas
que me elevo en trigal.
Las manos de mi padre
tocan mi cuerpo y cantan,
y yo sé que me acunan
con nanas de caballos,
con la salmodia triste del judío,
del converso que habita por su sangre.
Pero paseo con mi padre.
Abandono en sus manos
mis manos tan pequeñas,
y al calor de su sangre
mis pulsaciones tienen
una ambición de tiempos.

En las luces inquietas de la tarde,
al borde de la noche,
vamos pisando hierbas, territorios,
ríos como torrentes, manantiales,
horizontes donde la niebla habita,
paisajes metalúrgicos y bosques,
ciudades, vientos, cordilleras,
blancas constelaciones.
Camino con mi padre.
Me nombra a las palomas,
pájaros migratorios,
aguanieves que rozan las praderas,
alcaudones de viento,
golondrinas, gorriones, avefrías.
Y todo pasa y llega de su mano,
y a mi infancia regresa
el calor confortable de su sangre
Cuando llegan los días de septiembre,
láminas del otoño,
las madrugadas frías y estrelladas
detienen sus palabras.
Pero es sólo un instante
de sangre y de fusiles
porque mi padre vuelve del silencio
y pasea conmigo
el callado silencio de las calles,
y los campos sembrados
y las constelaciones,
y su voz de madera me acompaña, me mira cómo crezco.
Todo el mundo conoce
que heredé de mi padre una bandera.

Umbrales de otoño, Hiperión, 2013.

Cuando me vaya

Dejaré un silencio en el recuerdo,
sonidos de una voz que fue muy joven,
y un aroma de sándalo y cipreses
para que no me olvides.

Y ahora, cuando el sol desaparece,
y hay promesa de una noche clara,
las estrellas se esconden
y están muertas de tanta nívea luz.

Dejaré abierta la ventana.
Un gorrión divulgará mi huida,
y un frescor de mañana
anunciará mi marcha,
con trémula voz para llamarte.

Cuando me vaya,
perderé las praderas,
los bosques encendidos de noviembre,
el verde del jardín en primavera,
la tenue luz de los planetas,
la sonrisa de un niño,
el calor de un amigo,
lágrimas de dolor por los caminos
que transité tan alta,
la caricia de un perro
que dio fuego a mis manos.

Cuando me vaya,
habré perdido tantas cosas
que creceré en trigal por no morirme.

Geografía de la memoria. Barcelona, Calambur, 2018.

Concha Méndez 1898 – 1986

Concha Méndez.

Concha Méndez est une personnalité très originale de la Génération de 1927 : championne de natation, gymnaste, poète, autrice dramatique, scénariste, éditrice, imprimeuse, vendeuse de livres etc.

Elle est l’aînée d’une très riche famille madrilène de 11 enfants. Elle fait des études dans un école française, mais jusqu’à quatorze ans seulement. Ses parents l’empêchent de suivre des études supérieures.

Elle passe ses étés à Saint-Sébastien et y rencontre Luis Buñuel. Elle est sa fiancée jusqu’au départ de celui-ci pour Paris (1919-1926).

À partir de 1925, elle devient l’amie de Federico García Lorca, Rafael Alberti, Luis Cernuda, Maruja Mallo, María Zambrano. Elle participe à la fondation du Lyceum Club Femenino, dirigée par María de Maeztu et fait partie des créatrices surnommées Las Sinsombrero qui s’opposent aux règles misogynes de la société de son époque.

Ses relations avec ses parents sont conflictuelles. Elle s’enfuit de la maison paternelle en 1929 et séjourne à Londres, Montevideo, Buenos Aires.

Elle rentre en 1932 en Espagne et Federico García Lorca la présente au poète et imprimeur Manuel Altolaguirre qui l’épouse le 5 juin 1932. Leurs témoins : Juan Ramón Jiménez, Luis Cernuda, Federico García Lorca, Vicente Aleixandre et Jorge Guillén.

Manuel Altolaguirre, Concha Méndez.

Ils ouvrent ensemble dans leur appartement de Madrid (calle de Viriato,73) une petite maison d’imprimerie qui édite les livres de leurs amis (Editorial La Tentativa Poética), et la revue Héroe. Ils impriment aussi Caballo Verde para la Poesía que dirige Pablo Neruda.

Grâce à une bourse de la Junta de Ampliación de Estudios, ils vivent deux ans à Londres et rentrent en Espagne en 1935. Ils ont une fille Paloma. En 1933 ils avaient perdu un premier enfant, Juan, à la naissance.

Quand éclate la Guerre civile, angoissée pour le sort de sa fille, Concha Méndez quitte le pays et séjourne avec elle en Angleterre, en Belgique et en France. Elle rejoint son mari à Barcelone en 1938. Ils collaborent à la revue culturelle la plus importante de l’Espagne républicaine, Hora de España.

Avec sa famille, elle s’exile en France en 1939, où ils sont accueillis par Paul et Nusch Éluard. Ils résident quatre ans à La Havane (Cuba) où ils gèrent l’Imprimerie La Verónica, puis s’installent au Mexique en 1944.

Manuel Altolaguirre la quitte pour la cubaine María Luisa Gómez Mena. Ils mourront tous deux dans un accident de voiture en juillet 1959 près de Burgos alors qu’ils revenaient du festival de cinéma de Saint-Sébastien.

Concha Méndez revient à trois reprises pour des visites ponctuelles en Espagne mais n’y résidera plus. Elle meurt dans sa maison de México à 86 ans.

En 1991, Ses mémoires (Memorias habladas, memorias armadas) furent publiées à partir de vingt-huit heures d’enregistrements réalisés par sa petite-fille Paloma Ulacia Altolaguirre.

Oeuvres :

1926 Inquietudes: poemas. Madrid, Imprenta de Juan Pueyo.
1928 Surtidor : poesías. Madrid, Imprenta ARGIS.
1930 Canciones de mar y tierra. Buenos Aires, Talleres Gráficos Argentinos.
1931 El personaje presentido y El ángel cartero. Madrid. Théâtre.
1932 Vida a vida. Madrid, La tentativa poética.
1935 El carbón y la rosa. Madrid. Théâtre.
1936 Niño y sombras. Madrid, Héroe.
1939 Lluvias enlazadas. La Habana, El Ciervo Herido.
1944 Poemas. Sombras y sueños. Ciudad de México, Rueca.
Villancicos de Navidad. Ciudad de México, Rueca.
El Solitario. Misterio en tres actos.
1976 Antología poética. Ciudad de México, Joaquín Mortiz.
1979 Vida a vida y vida o río. Madrid, Caballo Griego para la Poesía.
1981 Entre el soñar y el vivir. Ciudad de México, universidad Nacional Autónoma de México.
1990 Memorias habladas, memorias armadas. Madrid, Mondadori.
1995 Poemas (1926-1986). Madrid, Hiperión.
2008 Con el alma en vilo. Málaga.
2009 Poesía completa. Málaga, Centro Cultural Generación del 27.

J’ai choisi quatre poèmes lus dans l’anthologie préparée par James Valender pour la maison d’édition de Séville Renacimiento.

Torremolinos. Mirador de Sansueña, Calle Castillo del Inglés, 9 (CFA).

No vengas

No vengas, Muerte, todavía,
que aún tengo que tejer la larga escala
que ha de subirme allá donde deseo;
debo cumplir mi dharma,
hacer, hacer, hacer las cosas que aquí debo.

Porque tengo una deuda
para conmigo misma.
Vine para algo más que para pasar como sombra.
Dentro de mí una luz quiere salir afuera.
No vengas todavía, dale tiempo a mi tiempo

Entre el soñar y el vivir, 1981.

Ne viens pas

Ne viens pas, Mort, pas encore,
j’ai encore à tisser la grande échelle
qui va me hisser là où j’aspire ;
je dois accomplir mon dharma,
faire, faire, faire les choses que je dois ici-bas.

Parce que j’ai une dette
envers moi-même.
Je vins pour un peu plus que passer comme une ombre.
Au-dedans de moi une lumière veut sortir au-dehors.
Ne viens pas encore, donne du temps à mon temps.

Los caminos del alma / Les chemins de l’âme (Paradigme, 2017) – Traduit de l’espagnol par Jeanne Marie.

Al nacer cada mañana

A Maruja Mallo

Al nacer cada mañana,
me pongo un corazón nuevo
que me entra por la ventana.

Un arcángel me lo trae
engarzado en una espada,
entre lluvia de luceros
y de rosas incendiadas,
y de peces voladores
de cristal picos y alas.

Me prendo mi corazón
nuevo de cada mañana;
y al arcángel doy el viejo
en una carta lacrada.

BUENOS AIRES

Canciones de mar y tierra, 1930.

Quisiera tener varias sonrisas de recambio

Quisiera tener varias sonrisas de recambio
y un vasto repertorio de modos de expresarme.
O bien con la palabra, o bien con la manera,
buscar el hábil gesto que pudiera escudarme…

Y al igual que en el gesto buscar en la mentira
diferentes disfraces, bien vestir el engaño;
y poder, sin conciencia, ir haciendo a las gentes,
con sutil maniobra, la caricia del daño.

Yo quisiera ¡y no puedo! ser como son los otros,
los que pueblan el mundo y se llaman humanos:
siempre el beso en el labio, ocultando los hechos
y al final… el lavarse tan tranquilos las manos.

Bruselas, 1937.

Lluvias enlazadas. La Habana, 1939.

«Sobre la caliente arena»

Góngora

No es la planta del pie sino del alma
quien pisa ardiente arena del desierto
y así camina sin saber adónde,
acompañada sólo de los vientos.

Que todo es viento y pasa en esta vida ,
en huracanes, o con soplo leve,
mientras que ardiendo, resbalando arenas,
su paso sigue la que nos sostiene.

Barcelona, 1938.

Lluvias enlazadas. La Habana. 1939.

Recuerdos

Recuerdos que ya sois sombras,
no os apartéis de mí,
que recuerdo que se borra
es que perdió el existir.

Yo quiero guardarlos todos
a la luz de mi memoria,
que aquel que borra recuerdos
es como un ser sin historia.

Vida a vida y Vida a río. Madrid, 1979.

Jesús Moncada 1941 – 2005

Jesús Moncada (Francesc Guillaumet).

Le journaliste Daniel Gascón, dans El País du 5 juillet 2025 , nous rappelle l’existence des oeuvres d’un grand écrivain catalan un peu oublié aujourd’hui dans son pays et toujours très peu connu en France, Jesús Moncada. Il faut le relire. La maison d’édition Anagrama vient de republier en castillan vingt ans après sa mort ses deux principaux romans.

https://elpais.com/babelia/2025-07-05/jesus-moncada-emerge-de-las-aguas.html

Jesús Moncada est né à Mequinenza en Aragon le 1 décembre 1941. Il est mort à Barcelone le 13 juin 2005 à 63 ans.

Peintre, photographe, écrivain et traducteur en langue catalane (Guillaume Apollinaire, Alexandre Dumas, Jules Verne, Boris Vian), il a publié trois romans, publiés en castillan chez Anagrama et trois recueils de nouvelles chez Xordica.

1988 Camino de Sirga (Camí de sirga).
1992 La galería de las estatuas (La galeria de les estàtues).

1997 Memoria estremecida (Estremecida memória).

1981 Historias de la mano izquierda (Históries de la mà esquerra).
1985 El Café de la Rana (El Cafè de la Granota).
1999 Calaveras atónitas (Calaveres atònites).

La plus grande partie de son oeuvre se passe en Aragon dans la vieille ville de Mequinenza. Elle est située à l’est de la province de Saragosse, à la confluence de l’Èbre et du Sègre. L’économie de cette petite ville était fondée sur les mines de lignite et le transport sur l’Èbre de ce type charbon grâce à une flottille de 16 llaüts ou laúdes, bateaux qui pouvaient transporter entre 18 et 30 tonnes.

La construction du barrage de Mequinenza, entre 1957 et 1964, a entraîné la destruction de la vieille ville. Le lac de retenue est connu sous le nom de « Mer d’Aragon ». Il s’étend sur les provinces de Saragosse et Huesca. 110 kilomètres de longueur, 75 km2 de surface, plus de 500 kilomètres de côtes.

Mequinenza est une ville bilingue. Bien que la langue officielle soit le castillan, la langue maternelle d’une grande partie de la population est le «mequinenzano», un dialecte du catalan occidental.

Jesús Moncada a fait ses études à Saragosse. Il a travaillé ensuite pour la maison d’édition Montaner y Simón avec l’écrivain catalan Pere Calders (1912-1994) qui l’a encouragé dans sa vocation d’écrivain.

Il s’est toujours senti profondément enraciné dans sa petite ville natale en partie disparue. Il a créé à partir de là un espace mythique et humoristique. Il se place sous l’influence de Giuseppe Tomasi di Lampedusa (Le guépard, 1958) Lorrenç Villalonga ( Béarn ou le cabinet des poupées de cire, 1956) et même de William Faulkner (L’Intrus dans la poussière, 1948).

Camino de sirga raconte l’histoire de ce lieu à travers la mémoire de ses habitants. Cette avalanche de souvenirs, qui remontent parfois jusqu’au XIXe siècle, est provoquée par la construction du barrage et l’inondation imminente de la petite ville.

“¿Cómo habían acumulado sus bienes la mayoría de las familias poderosas de la villa? Años de malas cosechas, de enfermedades, de miserias que agravaban las deudas con la complicidad legal de papeles astutos firmados con una cruz por gente analfabeta, eran la base de las fortunas de los Torres, de los Salleres, de los Albera, de los Vallcorna…”

Oeuvres traduites en français :
1992 Les bateliers de l’Èbre, Le Seuil. Traduction Bernard Lesfargues. Nouvelle publication en 2010 sous le titre Le testament de l’Èbre par les éditions Autrement.
2001 Frémissante mémoire, Gallimard. Traduction Mathilde Bensoussan.
2010 Anthologie de contes. Éditions Trabucaire. Traduction Émilienne Rotureau Gilabert.

Les cendres de l’écrivain ont été dispersées sur l’emplacement de l’ancienne Mequinenza inondée.

Le musée de la ville a créé une route littéraire qui traverse les lieux que Jésus Moncada a immortalisé dans ses œuvres. Le point de départ est le musée d’Histoire de Mequinenza. L’itinéraire est le suivant : la vieille ville, le mur et la rivière, la maison de l’auteur, le cinéma Goya, la rue San Francisco, l’église, la place de la Mairie, le terrain de football, le château ou les bars que fréquentaient les mineurs et les marins.

Ramón Gaya

Y así nos entendimos (Correspondencia 1949-1990) María Zambrano, Ramón Gaya. editorial Pre-Textos, 2018.

Je viens de terminer la correspondance qu’ont échangée la philosophe María Zambrano et le peintre Ramón Gaya de 1949 à 1990. J’ai acheté ce livre à la Feria del Libro de Madrid au stand de la belle maison d’édition Pre-Textos, fondée à Valence en 1976. On trouve dans son catalogue des auteurs comme Gerardo Diego, Juan Ramón Jiménez, José Jiménez Lozano, Ramón Gaya, María Zambrano, Miguel de Unamuno, José Luis Pardo, Andrés Trapiello, Elias Canetti, Anton Tchekhov, Adalbert Stifter, Rudyard Kipling, Darío Jaramillo, Rafael Cadenas, Giorgio Agamben, Gilles Deleuze…

Je pense que l’oeuvre Ramón Gaya mériterait d’être mieux connue en France.

Ramón Gaya. Avignon, 1962.

Ramón Gaya est un peintre et écrivain espagnol. Il est né à Murcie le 10 octobre 1910. Son père, Salvador Gaya était un lithographe catalan. Ramón Gaya découvre dans la bibliothèque familiale des écrivains comme Tolstoï, Nietzsche et Galdós qui l’accompagneront toute sa vie. Très jeune, il commence à peindre avec deux amis de son père, les peintres Pedro Flores et Luis Garay.
En 1928, il obtient une bourse de la Municipalité de Murcie pour compléter sa formation. Il se rend à Madrid et visite le musée du Prado qu’il appellera toujours son « rocher espagnol ». Il considère Velázquez comme son maître absolu.
Il rend visite à Juan Ramón Jiménez, le grand poète de son époque, et fait la connaissance des intellectuels de la génération de 1927. Certains deviendront ses amis (Luis Cernuda, José Bergamín). Après Madrid, il se rend à Paris, visite les musées, fait la connaissance de Pablo Picasso et expose à la galerie Aux quatre chemins. Il est déçu par les pratiques de l’avant-garde et rentre en Espagne.
Á partir de 1932, il participe aux Misiones Pedagógicas. Ce projet culturel novateur de la République consiste à rapprocher la culture du monde rural, des villageois, des paysans. Ramón Gaya participe au projet du théâtre universitaire La Barraca, comme scénographe. Il réalise plusieurs copies de tableaux du musée du Prado. Il parcourt les villages d’Espagne avec un musée ambulant (El Museo del pueblo) .

Fe Sanz Molpeceres, 1934.


Le 24 juin 1936, il épouse Fe Sanz Molpeceres (1908- 1939), professeur de littérature et amie de la philosophe María Zambrano (1904-1991). La vie du peintre, comme celle de beaucoup d’Espagnols républicains, est bouleversée quand éclate la guerre civile le 18 juillet 1936. Après le bombardement de leur maison de Madrid, le couple part à Valence où naît leur fille Alicia en avril 1937.
Ramón Gaya rejoint l’Alliance des intellectuels antifascistes. Il participe au congrès de 1937 qui réunit plus d’une centaine d’intellectuels venus de tous les pays. À Valence est créee la revue Hora de España. Il fait partie de sa rédaction avec Rafael Dieste, Manuel Altolaguirre, Juan Gil Albert, Antonio Sánchez Barbudo, María Zambrano. Il y publie des poèmes et des textes en prose et surtout conçoit les vignettes qui marqueront le style de la revue. En 1937, deux de ses tableaux (Épouvante. Bombardement à Almeria et Paroles aux morts. Portrait de Juan Gil Albert) sont exposés au pavillon de la République Espagnole à l’Exposition universelle de Paris.
En 1939, après la défaite de la République, sa femme, qui essayait de gagner la France avec la population civile, meurt le 3 février 1939 dans le bombardement de la gare de Figueras. Leur fille Alicia survit par miracle. Ramón Gaya franchit les Pyrénées avec l’armée républicaine. Il est interné dans le camp de concentration de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales). À sa libération, il séjourne à Cardesse chez son ami, le peintre anglais Cristobal Hall (1897-1949) et son épouse Trinidad Japp (1909-1989). Il confie sa fille à ce couple qui a une fille de quatre ans, Anne Pauline. Il s’embarque comme des centaines de républicains espagnols sur le navire Sinaia vers le Mexique et l’exil.
Ramón Gaya s’établit à Mexico et se consacre à nouveau à la peinture et à l’écriture. Il collabore à plusieurs revues littéraires mexicaines comme Taller, Romance, Letras de México, El Hijo pródigo, Las Españas. Il se lie d’amitié avec des poètes tels qu’ Octavio Paz, Xavier Villaurrutia, Tomás Segovia. Il fréquente d’autres exilés comme Álvaro de Albornoz, sa fille Concha de Albornoz, Juan Gil-Albert, Luis Cernuda, José Bergamín.
A partir de 1952, il voyage en Europe et visite Paris, Venise, Florence, Rome, Lisbonne. Il s’installe à Rome en 1956. Il voit régulièrement María Zambrano qui habite avec sa soeur Araceli Piazza del Popolo n°3, mais aussi des intellectuels italiens comme Elena Croce, Tomas Carini, Italo Calvino, Nicola Chiaromonte, Carlo Levi, Pietro Citati, Cristina Campo, Giorgio Agamben.
En Italie, il peint les rues de Rome, l’atmosphère de Venise, les ponts de Florence, le Tibre, l’Arno. En 1960 est publié en italien son livre Il sentimento de la Pittura.
En mars de la même année, il revient en Espagne après vingt et un ans d’exil et expose à la Galerie Mayer de Madrid. Pendant un séjour à Valence, il fait la connaissance d’Isabel Verdejo, qu’il épousera le 16 mars 1966. En 1969, il publie son ouvrage fondamental, Velázquez, pájaro solitario.
À partir des années 1970, Ramón Gaya s’installe à Barcelone d’abord, puis à Valence.

Son œuvre est largement reconnue alors dans son pays en Espagne :
1989. Exposition rétrospective au Musée d’Art Contemporain de Madrid.
10 octobre 1990. Inauguration à Murcie du musée qui lui est consacré avec une collection de plus de cinq cents œuvres. Il est dirigé par Manuel Fernández-Delgado.
1997. Il reçoit le prix national des arts plastiques.
1999. Il est nommé docteur honoris causa par l’université de Murcie.
2000. Exposition rétrospective à l’IVAM (Institut Valencien d’Art Moderne).
2002. Il reçoit le Prix Velázquez, décerné par le Ministère de la Culture espagnol pour saluer l’œuvre et le parcours d’un artiste contemporain espagnol ou hispano-américain.
2003. Exposition rétrospective au Musée national Centre d’art Reina Sofía de Madrid.

Il meurt à Valence le 15 octobre 2005 à 95 ans.

Oeuvres :

El sentimiento de la pintura. Editorial Arion, Madrid, 1960.
Velázquez, pájaro solitario. Editorial R.M., Barcelona, 1969. Traduction : Vélasquez oiseau solitaire. Paris, Quai Voltaire, 2009.
Diario de un pintor, 1952–1953. Pre-Textos, Valencia, 1984.
Obra completa, tomo I. Pre-Textos, Valencia, 1990.
Obra completa, tomo II. Pre-Textos, Valencia, 1992.
Obra completa, tomo III. Pre-Textos, Valencia, 1994.
Obra completa, tomo IV (cartas a Juan Guerrero, con prólogo de Nigel Dennis). Pre-Textos, Valencia, 2000.
Ramón Gaya de viva voz (entrevistas, edición y prólogo de Nigel Dennis). Pre-Textos, Valencia, 2007.
Obra completa. Edición de Nigel Dennis e Isabel Verdejo, prólogo de Tomás Segovia, Pre-Textos, Valencia, 2010, 1.000 págs.
Cartas a sus amigos. Edición de Isabel Verdejo y Nigel Dennis, prólogo de Andrés Trapiello, Pre-Textos, Valencia, 2016, 728 págs.

Homenaje a Vincent, con un limón, 1987.

Diario de Ramón Gaya. 1953. París, viernes 16 de enero: “Van Gogh no buscó un estilo, sino una forma de expresión, una forma de expresión que tampoco era una manera. Cae, a veces, en una manera, pero, como los grandes artistas, huye enseguida; los otros, los pequeños, cuando caen en una manera creen haber encontrado un estilo. El gran artista huye del estilo también, porque el estilo es la no expresión, la inmovilidad, una especie de expresión, quieta, de sí mismo.”

Del Sentimiento de la pintura. 1959.

“Ser pintor no es gustar de lo pictórico -como supone un extendido error moderno- ser pintor no es más que una forma como otra de ser hombre, una de las encarnaciones posibles del hombre.”

“(para algunos de amigos pintores)… la pintura es un fin en sí misma, mientras que para mí no es más que un medio, claro está, que me tiraniza, que me ha tiranizado siempre, pero que nunca he podido considerar como un fin. Y no sólo la pintura; el arte todo, con su grandeza indudable, jamás pudo parecerme sino un tránsito que lo reclamaba todo del artista, que actuaba en él como una fatalidad, que lo minaba, que se lo comía entero, pero que no era un fin. En ese mismo carácter implacable veía yo su transitoriedad.”

El hombre moderno ha envejecido tanto que apenas si recuerda algunos trazos de su ser original y le es ya muy difícil reconocer y escuchar esa voz rica de la ignorancia y, sin embargo, hoy sabemos que es indispensable para él, pues sólo será un hombre vivo, es decir, actual, en la medida que pueda y sepa obedecer, ser fiel a esa voz de origen”.

Anotación sobre los problemas del artista.

“El artista se plantea problemas humanos, de conducta, de conciencia, porque en él, ser hombre es un deber más que una… fatalidad. En cambio, no debe plantearse problemas artísticos, porque lo artístico es en él un valor humano.”

Velázquez, pájaro solitario, 1969.

“En la obra de Velázquez la realidad ha entrado, con gustosa mansedumbre, como en un redil abierto, libre, y si permanece en él, no es porque haya quedado atrapada, encerrada, sino precisamente para poder dar testimonio continuado, constante, de su libertad.”

“El niño de Vallecas es todo él como una elevación, como una ascensión. Todos los retratos velazqueños vienen a ser como altares, pero El niño de Vallecas es el altar mayor de su obra, el escalón supremo de su obra desde donde poder saltar, pasar al otro lado de todo, más allá de todo. En ese rostro tierno, manso, santo, animado por una sutil mueca agridulce, es donde con más limpieza parece producirse el sacrificio de la realidad, y también el sacrificio del arte.”

El Niño de Vallecas, 1987.

“Pintar es asomarse a un precipicio,
entrar en una cueva, hablarle a un pozo
y que el agua responda desde abajo.
Pintura no es hacer, es sacrificio,
es quitar, desnudar, y trozo a trozo
el alma irá acudiendo sin trabajo”.

«El arte no es una religión sino una fe, y el artista no es un sacerdote sino un creyente. Ser artista no es oficiar sino creer».

Balcón español Madrid

«El encanto de Madrid es muy secreto. Se ha pensado en la simpatía, en la gracia, hasta en el agua de Lozoya; todo esto es verdad y, claro, contribuye a conquistarnos, pero lo que hace de Madrid una ciudad única es el aire, el aire de sierra, de montería, de lugar de caza. Su frío es muy limpio, no subterráneo como el de París, sino de piedra viva, de piedra cumbre. En París —una de las ciudades más bellas que existen— nunca he podido librarme de una penosa sensación de sótano, de rata húmeda, de cañería, de alcantarilla, de tinta, de mancha ciudadana, de albañal romántico, mientras que Madrid, a pesar de sus barrios bajos, de sus pobres, de sus traperos, de sus almonedas, no nos da nunca; todo lo salva, lo levanta eso: el aire. Pero un elemento así, tan incorpóreo, es muy difícil de ver; sin la ayuda de Velázquez creo que nunca lo habría descubierto del todo. Delante de sus retratos de caza fue donde se me reveló Madrid; recuerdo que venía de contemplar en Goya algo mucho más visible, o sea, el madrileñismo, un madrileñismo que es cierto, pero que no es esencial. El madrileñismo no es Madrid, sino su marco, el marco que lo caracteriza, que lo facilita, pero el carácter no es nunca la esencia de nada. La esencia de Madrid es el aire. Y sólo el gran sevillano —la sensibilidad más serena, más invulnerable que ha existido— podía darnos esa versión tan desnuda. Porque Velázquez nunca se dejó deslumbrar por esa primer corteza que tiene el mundo —esa corteza que permite a las cosas vivir su intemperie—, sino que su mirada llegó hasta el centro mismo de la vida. Por eso, en su retrato de Madrid no hay nada, sino aire, un aire azulado, aristocrático, de altura. Velázquez comprendió y nos hizo comprender que Madrid es el Guadarrama.»

Blanca Varela 1926 – 2009

Blanca Varela. Années 1970. (Mariella Agois)

Je reprends un texte de la poétesse péruvienne Blanca Varela déjà publié sur ce blog en juillet 2023. Il s’agit d’ une des grandes figures de la poésie latino-américaine du XX ème siècle

Morir cada día un poco más
recortarse las uñas
el pelo
los deseos
aprender a pensar en lo pequeño
y en lo inmenso
en las estrellas más lejanas
e inmóviles
en el cielo
manchado como un animal que huye
en el cielo
espantado por mí.

Concierto animal, 1999. Valencia-Lima, Pre-Textos/PEISA, 1999.

Mourir chaque jour un peu plus
couper ses ongles
ses cheveux
ses désirs
apprendre à penser à ce qui est petit
et à ce qui est immense
aux étoiles les plus lointaines
et immobiles
dans le ciel
taché comme un animal qui fuit
dans le ciel
effrayé à ma vue

Concert animal.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2023/07/03/blanca-varela/

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2022/05/08/blanca-varela-1926-2009/

Manuel Altolaguirre 1905 – 1959

Manuel Altolaguirre. Placa en el jardín vertical y monumento conmemorativo a la Antigua Imprenta Sur en la plaza Pepe Mena, Málaga.

Retour à la poésie de la Génération de 1927 avec Manuel Altolaguirre, un des poètes de Málaga. Il perdit son père (Manuel Altolaguirre Álvarez, juge de première instance, écrivain, directeur du journal El Imparcial ) en 1910, puis sa mère (Concepción Bolín Gómez de Cádiz) en 1926. L’idée de la mort, la perte des êtres chers sont au centre de toute son œuvre.

Antes
A mi madre.

Hubiera preferido
ser huérfano en la muerte,
que me faltaras tú
allá, en lo misterioso,
no aquí, en lo conocido.

Haberme muerto antes
para sentir tu ausencia
en los aires difíciles.

Tú, entre grises aceros,
por los verdes jardines,
junto a la sangre ardiente,
continuarías viviendo,
personaje continuo
de mi sueño de muerto.

Soledades juntas. 1931.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2021/01/15/manuel-altolaguirre-1905-1959/

Santa Marina (Francisco de Zurbarán). Vers 1640-50. Málaga, Museo Carmen Thyssen.