Jafar Panahi

Jafar Panahi (Atta Kenare). Téhéran, 2010.

Jafar Panahi, réalisateur iranien emprisonné à Téhéran, a commencé une grève de la faim.
Le cinéaste, incarcéré depuis juillet 2022, proteste contre les conditions de sa détention dans la prison d’Evin.

« Aujourd’hui, comme beaucoup de personnes piégées en Iran, je n’ai d’autre choix que de protester contre ce comportement inhumain avec ce que j’ai de plus cher : ma vie. »

« Je refuserai de manger et de boire et de prendre tout médicament jusqu’à ma libération. Je resterai dans cet état jusqu’à ce que, peut-être, mon corps sans vie soit libéré de prison. »

Agé de 62 ans, le réalisateur est contraint de purger une peine de six ans de prison prononcée en 2010 pour « propagande contre le système ». Pourtant, le 15 octobre 2022, la Cour suprême a annulé la condamnation et a ordonné un nouveau procès.

Des militants des droits de l’homme ont rendu publiques des photos du corps émacié du militant et médecin Farhad Meysami, condamné a cinq ans de prison et qui refuse de s’alimenter.

Farhad Meysami.

https://www.change.org/p/free-jafar-panahi?recruiter=false&utm_source=share_petition&utm_medium=twitter&utm_campaign=psf_combo_share_initial&recruited_by_id=bec73340-a3b4-11ed-bd59-93f78d69241f

17 heures Farid Vahid “Excellente nouvelle ! Le cinéaste iranien Jafar Panahi vient d’être libéré sous caution. N’oublions pas les milliers d’autres Iraniens emprisonnés pour leurs opinions politiques.”

Jafar Panahi à sa sortie de prison Téhéran le 3 février 2023 entouré de ses avocats Yusef Moulai et Saleh Nikbakht.

Luis García Montero

(Merci à Gio Bonzon qui nous a donné la revue tintaLibre n°107 de novembre 2022 où figure le poème Un año y tres meses).

Luis García Montero est un des poètes espagnols les plus importants. Il a été professeur à l’université de Grenade de 1981 à 2008. Il a travaillé sur la poésie de Rafael Alberti (1902-1999) qui était son ami. Il a soutenu sa thèse en 1986 : La norma y los estilos en la poesía de Rafael Alberti (1920-1939). Il a veillé sur la l’édition de l’oeuvre complète du poète de la Génération de 1927 : Obras completas. Poesía, 3 volumes, Madrid, Aguilar, 1988.
Depuis 2018, il est le Directeur de l’Institut Cervantès, l’organisme officiel qui se consacre à la promotion et à l’enseignement de la langue espagnole, ainsi qu’à la diffusion de la culture espagnole et hispano-américaine. Il écrit régulièrement dans les journaux espagnols El País et Infolibre. Depuis 1994, il était aussi le mari de la romancière Almudena Grandes, qui est décédée le 27 novembre 2021. Il a publié en 2022 Un año y tres meses (Tusquets), un recueil de poèmes qui évoque la maladie et le décès de son épouse.

Un año y tres meses

Como las narraciones de la lluvia
o los cuadernos de bitácora,
tuvo la enfermedad sus argumentos.

No me quejo de nada. Hoy sostengo
el optimismo amargo con el que respondimos,
septiembre, 2020,
cuando las citas médicas y el mar de los análisis
se mezclaron de un día para otro
con las arenas de la vida.

Nunca me quejaré de la disciplinada
manera que tuviste de contar nuestros pasos
para ver la ciudad con otros ojos,
la resistencia física y mental
que exigía la quimio.
No me quejo de las debilidades
o de la Navidad sin cabellera
o de la extraña forma de despedir el año
cuando el amor pasó por el quirófano.

La pandemia prohibía las visitas.
Disfrazado de médico sin bata,
subí para esconderme hasta la habitación
5427.
Dividimos por dos las uvas de tu postre,
oyendo  de la mano aquellas campanadas
de la televisión
que no sonaban todavía a muerto.

No me quejo de todo lo que hicimos después,
del cuerpo poco a poco tan vencido,
de las ventanas de los hospitales,
de la silla de ruedas en 2021,
penumbras fatigadas de noviembre,
ocho de la mañana en el rumor del Clínico
con resultados últimos en la sala de espera.
No me quejo del miedo a la caída,
de la ducha difícil,
de los duros transbordos para llegar al baño.
No me quejo tampoco
de los cuidados paliativos,
la memoria con gasas
y la conversación inevitable.
No me quejo de verte morir entre mis brazos.

Comprendí que los viajes y los libros
con sus dedicatorias
siempre han sido maneras de cuidarnos.
Comprendí las raíces de nuestra militancia,
comprendí la factura de querer
de un modo tan completamente viernes.
Comprendí el argumento de esta historia
en la noche estrellada,
una historia de amor,
este año y tres meses,
estos días finales que ya son,
ahora, recordados,
los más felices de mi vida.

Un año y tres meses. Tusquets, 2022.

https://www.youtube.com/watch?v=57vaCDyrf4Q

Cette vidéo a été enregistrée le 23 mai 2022 à l’ Université Complutense de Madrid lors d’un hommage, intitulé Almudena y la alegría.

Luis García Montero.

Alexis Ravelo

Alexis Ravelo (Quique Curbelo), Las Palmas de Gran Canaria.

Alexis Ravelo est né le 20 août 1971 à Las Palmas de Gran Canaria (Canaries). Il est décédé dans sa ville natale le 30 janvier 2023 d’un infarctus. Il avait 51 ans.

C’était un auteur de romans noirs très apprécié en Espagne:
La estrategia del pequinés. Alrevés, 2013. Prix Dashiell Hammett de la Semana Negra de Gijón 2014. La stratégie du pékinois. Mirobole éditions, 2017.
La última tumba. Edaf, 2013. Prix Novela Negra Ciudad de Getafe 2013.
Las flores no sangran. Alrevés, 2013. Prix du meilleur roman du festival Valencia Negra. Les fleurs ne saignent pas. Mirobole éditions, 2016.
Los nombres prestados. Siruela, 2022. Premio Café de Gijón 2021.

Il a publié aussi six romans avec le personnage récurrent d’Eladio Monroy, marin reconverti en détective privé. Ses modèles étaient Jean-Patrick Manchette, Friedrich Dürrenmatt, Jim Thompson, Leonardo Sciascia, Juan Madrid, Francisco González Ledesma, Andreu Martín et Jorge Reverte.

Il a publié aussi d’autres romans :

La otra vida de Ned Blackbird. Siruela, 2016
Los milagros prohibidos. Siruela, 2017
La ceguera del cangrejo. Siruela, 2019.
Un tío con una bolsa en la cabeza. Siruela, 2020.
Los nombres prestados. Siruela 2022

Je n’ai lu que Los milagros prohibidos. J’avais été attiré à l’époque par le décor du roman (l’ile de La Palma où nous sommes allés souvent) et la période historique évoquée, la Semana Roja (18-25 juillet 1936). Le Général Francisco Franco, Comandante general del Archipiélago, se soulève le 18 juillet 1936. L’île de la Palma est la seule île de l’archipel qui respecte la légalité républicaine et résiste pacifiquement au coup d’état de l’armée.
La Palma est un île spéciale : libérale, révolutionnaire, très belle (la Isla Bonita). C’est par La Palma que les Lumières sont arrivées aux Canaries.

Les deux livres d’histoire essentiels sur cette période ont été écrits par Salvador González Vázquez : La Semana Roja en La Palma, 18-25 de julio de 1936 (Centro de Cultura Popular Canaria. La Laguna – Santa Cruz de Tenerife, 2004) et Los Alzados de La Palma durante la Guerra Civil (Le Canarien, 2013)

Île de La Palma. Roque de los Muchachos. 2426 mètres.

Jorge Luis Borges

Jorge Cutini, Jorge Luis Borges, le tigre Rosie. Zoo de Luján (province de Buenos Aires-Argentine)

Jorge Luis Borges a aussi écrit de très beaux poèmes d’amour. J’aime les traductions de Silvia Baron Supervielle , pas du tout celles de Néstor Ibarra.

El amenazado

Es el amor. Tendré que ocultarme o que huir.
Crecen los muros de su cárcel, como en un sueño atroz. La hermosa máscara ha cambiado, pero como siempre es la única. ¿De qué me servirán mis talismanes: el ejercicio de las letras, la vaga erudición, el aprendizaje de las palabras que usó el áspero Norte para cantar sus mares y sus espadas, la serena amistad, las galerías de las Biblioteca, las cosas comunes, los hábitos, el joven amor de mi madre, la sombra militar de mis muertos, la noche intemporal, el sabor del sueño?
Estar contigo o no estar contigo, es la medida de mi tiempo.
Ya el cántaro se quiebra sobre la fuente, ya el hombre se levanta a la voz del ave, ya se han ocurecido los que miran por las ventanas, pero la sombra no ha traído la paz.
Es, ya lo sé, el amor: la ansiedad y el alivio de oír tu voz, la espera y la memoria, el horror de vivir en lo sucesivo.
Es el amor con sus mitologías, con sus pequeñas magias inútiles.
Hay una esquina por la que no me atrevo a pasar.
Ya los ejércitos que cercan, las hordas.
(Esta habitación es irreal; ella no la ha visto)
El nombre de una mujer me delata.
Me duele una mujer en todo el cuerpo.

El oro de los tigres, 1972.

L’homme menacé

C’est l’amour. Il me faudra me cacher ou fuir.
Les murs de la prison se dressent comme dans un rêve atroce. Le beau masque a changé mais il est comme toujours unique. A quoi me serviront mes talismans : l’exercice des lettres, la vague érudition, l’apprentissage des mots utilisés par l’âpre Nord pour chanter ses mers et ses épées, la sereine amitié, les galeries de la Bibliothèque, les choses ordinaires, les habitudes, le jeune amour de ma mère, l’ombre militaire de mes morts, la nuit intemporelle, la saveur du rêve ?
Être avec toi ou ne pas être avec toi est la mesure de mon temps.
Déjà la cruche se brise sur la fontaine, déjà l’homme se lève à la voix de l’oiseau, les ombres gagnent ceux qui sont aux fenêtres, mais l’ombre n’a pas apporté la paix.
C’est, je le sais, l’amour : l’anxiété et le soulagement d’entendre ta voix, l’attente et la mémoire, l’horreur de vivre de manière successive.
C’est l’amour avec ses mythologies, ses vaines petites magies.
Il y a un coin de rue par lequel je n’ose passer.
Déjà les armées m’assaillent, les hordes.
(Cette chambre est irréelle ; elle ne l’a pas vue.)
Le nom d’une femme me dénonce.
Une femme me fait mal dans tout le corps.

L’or des tigres, 1972. Traduit par Silvia Baron Supervielle.

En marge. Points poésie. 2020.