Omero Antonutti est mort le 5 novembre 2019 à Udine (Frioul-Vénétie Julienne). Il avait 84 ans. Ce grand acteur italien a tourné dans des films mémorables des années 70 et 80. La presse française n’en a quasiment pas parlé. Porca miseria!
1977 : Padre padrone de Paolo et Vittorio Taviani.
1980 : Alexandre le Grand de Theo Angelopoulos.
1982: La Nuit de San Lorenzo (La notte di San Lorenzo) de Paolo et Vittorio Taviani.
1983 : Le Sud (El Sur) de Víctor Erice.
1984 : Kaos, contes siciliens (Kaos) de Paolo et Vittorio Taviani.
1987 : Good Morning, Babylon (Good Morning Babilonia) de Paolo et Vittorio Taviani.
1988 : El Dorado de Carlos Saura.
1988 : La Sorcière (La visione del sabba) de Marco Bellocchio.
1992 : El maestro de esgrima de Pedro Olea.
1998 : Kaos II (Tu ridi) de Paolo et Vittorio Taviani.
Le poète catalan Joan Margarit vient d’obtenir le Prix Cervantes 2019, le Prix Nobel des langues castillanes. Avant lui, l’ont obtenu d’autres catalans comme Juan Marsé, Ana María Matute, Juan Goytisolo et Eduardo Mendoza. Mais, c’est le premier qui possède une oeuvre pleinement bilingue en catalan et en castillan. Il a déclaré au journal El País: “No voy a renunciar a las dos lenguas digan lo que digan los políticos”.
Un peu d’espoir: un gouvernement de gauche, un début de dialogue. Attendre Voir.
El mar
Com els lloms foscos d’un ramat de poltres,
les onades s’acosten, desplomant-se
amb una remor sorda però lírica
que Homer va ser el primer a saber escoltar.
Cansades de la llarga galopada,
es posen a tremolar.
Després es queixen, ronques de plaer,
com una dona als braços de l’amant.
Les onades, més tard, comencen
a abraonar-se, escumejants, com llops
que haguessin olorat alguna presa.
El ponent, arribant de rere meu,
posa medalles roges als seus lloms.
En la vora mullada de la sorra
veig les teves empremtes i, per l’aire,
passa una ombra daurada del teu cos.
Era de tu que m’avisava, doncs,
amb els seus gestos de sordmut, el mar.
Està dient que el lloc, dins meu, que ocupes
serà part de l’infern si el deixes buit.
Que al fons d’aquest amor torna a esperar-me
la desolació dels meus vint anys.
Estació de França. Madrid: Hiperión, 1999. Edición bilingüe catalán-castellano.
El mar
Como lomos oscuros de un rebaño de potros se aproximan las olas, desplomándose con este rumor sordo pero lírico que Homero fue el primero en escuchar. Cansadas de su larga galopada, se ponen a temblar. Después se quejan, roncas de placer, igual que una mujer en brazos de su amante. Más tarde se abalanzan entre espumas, como si fueran lobos que olfatearan la presa. El poniente, llegando por mi espalda, pone medallas rojas en sus lomos. En la orilla mojada de la arena veo tus huellas, por el aire pasa una dorada sombra de tu cuerpo. O sea que es de ti de quien, con gestos de sordomudo, me está hablando el mar. Dice que este lugar dentro de mí que ocupas pasaría a ser parte del infierno si tú lo abandonaras.
Giuseppe Ungaretti en 1917 pendant la Première Guerre mondiale.
Les fleuves
Je m’appuie à un arbre mutilé
abandonné dans cette combe
qui a la langueur
d’un cirque
avant ou après le spectacle
et je regarde
le passage paisible
des nuages sur la lune
Ce matin je me suis étendu
dans l’urne de l’eau
et comme une relique
j’ai reposé
L’Isonzo en coulant
me polissait
comme un de ses galets
J’ai ramassé
mes os
et m’en suis allé
comme un acrobate
sur l’eau
Je me suis accroupi
près de mes habits
sales de guerre
et comme un bédouin
je me suis prosterné pour recevoir
le soleil
Voici l’Isonzo
et mieux ici
je me suis reconnu
fibre docile
de l’univers
Mon supplice
c’est quand
je ne me crois pas
en harmonie
Mais ces occultes
mains
qui me pétrissent
m’offrent
la rare
félicité
J’ai repassé
les époques
de ma vie
Voici
mes fleuves
Celui-ci est le Serchio
c’est à lui qu’ont puisé
deux mille années peut-être
de mon peuple campagnard
et mon père et ma mère
Celui-ci c’est le Nil
qui m’a vu
naître et grandir
et brûler d’ingénuité
dans l’étendue de ses plaines
Celle-là est la Seine
dans ses eaux troubles
s’est refait mon mélange
et je me suis connu
Ceux-là sont mes fleuves
comptés dans l’Isonzo
Et c’est là ma nostalgie qui dans chaque être m’apparaît à cette heure qu’il fait nuit que ma vie me paraît une corolle de ténèbres
Cotici, 16 août 1916
Traduit de l’italien par Jean Lescure. Editions de Minuit, 1954. «Vie d’un homme. Poésie 1914-1970» Editions Poésie/Gallimard , 1981. Pages 58-60.
I Fiumi
Mi tengo a quest’albero mutilato
Abbandonato in questa dolina
Che ha il languore
Di un circo
Prima o dopo lo spettacolo
E guardo
Il passaggio quieto
Delle nuvole sulla luna
Stamani mi sono disteso
In un’urna d’acqua
E come una reliquia
Ho riposato
L’Isonzo scorrendo
Mi levigava
Come un suo sasso
Ho tirato su
Le mie quattro ossa
E me ne sono andato
Come un acrobata
Sull’acqua
Mi sono accoccolato
Vicino ai miei panni
Sudici di guerra
E come un beduino
Mi sono chinato a ricevere
Il sole
Questo è l’Isonzo
E qui meglio
Mi sono riconosciuto
Una docile fibra
Dell’universo
Il mio supplizio
È quando
Non mi credo
In armonia
Ma quelle occulte
Mani
Che m’intridono
Mi regalano
La rara
Felicità
Ho ripassato
Le epoche
Della mia vita
Questi sono
I miei fiumi
Questo è il Serchio
Al quale hanno attinto
Duemil’anni forse
Di gente mia campagnola
E mio padre e mia madre.
Questo è il Nilo
Che mi ha visto
Nascere e crescere
E ardere d’inconsapevolezza
Nelle distese pianure
Questa è la Senna
E in quel suo torbido
Mi sono rimescolato
E mi sono conosciuto
Questi sono i miei fiumi
Contati nell’Isonzo
Questa è la mia nostalgia Che in ognuno Mi traspare Ora ch’è notte Che la mia vita mi pare Una corolla Di tenebre
Cotici il 16 agosto 1916
Vita d’un uomo. Tutte le poesie. Mondadori editore, Milano, 1969.
Vittorio Gassman lit Les fleuves de Giuseppe Ungaretti:
Madrid. Busto de César Vallejo (Miguel Baca Rossi). Parque del Oeste. Paseo del Pintor Rosales.
Los pasos lejanos
Mi padre duerme. Su semblante augusto figura un apacible corazón; está ahora tan dulce… si hay algo en él de amargo, seré yo.
Hay soledad en el hogar; se reza; y no hay noticias de los hijos hoy. Mi padre se despierta, ausculta la huida a Egipto, el restañante adiós. Está ahora tan cerca; si hay algo en él de lejos, seré yo.
Y mi madre pasea allá en los huertos, saboreando un sabor ya sin sabor. Está ahora tan suave, tan ala, tan salida, tan amor.
Hay soledad en el hogar sin bulla, sin noticias, sin verde, sin niñez. Y si hay algo quebrado en esta tarde, y que baja y que cruje, son dos viejos caminos blancos, curvos. Por ellos va mi corazón a pie.
Los Heraldos Negros, 1918.
[Dante Liano (1948), écrivain guatémaltèque, utilise les quatre derniers vers de ce poème de Vallejo comme épigraphe de son roman Réquiem por Teresa, publié cette année dans la collection de poche du Fondo de Cultura económica.]
Santiago de Chuco. Maison natale de César Vallejo avant restauration.
Les pas lointains
Mon père dort. Son auguste visage figure un cœur serein ; il est maintenant si doux… s’il est en lui quelque chose d’amer, ce doit être moi.
Il y a de la solitude au foyer ; on prie ; et pas de nouvelles des enfants aujourd’hui. Mon père s’éveille, ausculte la fuite en Égypte, l’adieu apaisant. Il est maintenant si proche ; s’il est en lui quelque chose de lointain, ce doit être moi.
Et ma mère se promène là-bas dans les jardins, savourant une saveur désormais sans saveur. Elle est maintenant si suave, si aile, si départ, si amour.
Il y a de la solitude au foyer sans tumulte, sans nouvelles, sans vert, sans enfance. Et s’il est quelque chose de brisé ce soir, et qui descend et qui grince, ce sont deux vieux chemins blancs, courbés. Mon cœur les parcourt à pied.
La Muse inspirant le poète (Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire) (Le Douanier Rousseau) .1909. Bâle, Kunstmuseum.
Automne malade
Automne malade et adoré Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigé dans les vergers
Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse de neige et fruits mûrs. Au fond du ciel Des éperviers planent Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines Qui n’ont jamais aimé
Aux lisières lointaines, les cerfs ont bramé
Et que j’aime ô saison, que j’aime tes rumeurs Les fruits tombant, sans qu’on les cueille Le vent et la forêt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille Les feuilles qu’on foule, Un train qui roule La vie s’écoule…
En évoquant cet automne malheureux qu’on délaisse et qui se meurt, le poète évoque sa propre situation, et la déception amoureuse qu’il a connue avec Annie Playden. Celle-ci est née en Angleterre le 28 janvier 1880. Elle est morte en 1967. Elle aurait inspiré au poète entre autres Annie, La Chanson du mal-aimé et L’Émigrant de Landor Road.
En juillet 1900, Guillaume Apollinaire trouve un emploi dans une officine financière où il fait la connaissance de René Nicosia. La mère de celui-ci est le professeur de piano de Gabrielle, la fille de Élinor Hölterhoff, vicomtesse de Milhau. Celle-ci cherche un professeur de français pour Gabrielle. Madame Nicosia lui présente Apollinaire qui est engagé en mai 1901. Quand la vicomtesse de Milhau décide de faire un long séjour en Allemagne où sa famille habite, Apollinaire est du voyage, ainsi qu’Annie Playden, la gouvernante anglaise de Gabrielle. Une idylle s’ébauche entre les deux jeunes gens qui sont nés tous les deux en 1880. En août 1902, Apollinaire a terminé son contrat d’un an et il rentre à Paris. En novembre 1903, il se rend à Londres, où il loge chez son ami Faik Konica. Il essaie de revoir Annie Playden, rentrée en Angleterre. Il y retourne en mai 1904. Il se heurte au refus de la jeune fille. Peu de temps après, Annie Playden quitte l’Angleterre et s’installe aux États-Unis. Elle fut retrouvée cinquante ans plus tard par des spécialistes d’Apollinaire, devenue Mrs Postings. Elle n’avait aucune connaissance de la destinée de son soupirant, qu’elle ne connaissait que sous le nom de Wilhelm Kostrowicki et qu’on appelait «Kostro».
Témoignage d’Apollinaire ««Aubade» n’est pas un poème à part mais un intermède intercalé dans «La Chanson du mal aimé» qui datant de 1903 commémore mon premier amour à vingt ans, une Anglaise rencontrée en Allemagne, ça dura un an, nous dûmes retourner chacun chez nous, puis ne nous écrivîmes plus. Et bien des expressions de ce poème sont trop sévères et injurieuses pour une fille qui ne comprenait rien à moi et qui m’aima puis fut déconcertée d’aimer un poète, être fantasque; je l’aimais charnellement mais nos esprits étaient loin l’un de l’autre. Elle était fine et gaie cependant. J’en fus jaloux sans raison et par l’absence vivement ressentie, ma poésie qui peint bien cependant mon état d’âme, poète inconnu au milieu d’autres poètes inconnus, elle loin et ne pouvant venir à Paris. Je fus la voir deux fois à Londres, mais le mariage était impossible et tout s’arrangea par son départ à l’Amérique, mais j’en souffris beaucoup, témoin ce poème où je me croyais mal-aimé, tandis que c’était moi qui aimait mal et aussi «L’Émigrant de Landor Road» qui commémore le même amour, de même que «Cors de chasse» commémore les mêmes souvenirs déchirants que «Zone», «Le Pont Mirabeau» et «Marie» le plus déchirant de tous je crois.»
Guillaume Apollinaire, Lettre à Madeleine Pagès, 30 juillet 1915.
Los aviones requieren un capítulo aparte. Lo primero que se me ocurre es que tiene que ser un buen negocio, dada la abundancia de compañías aéreas. Lo segundo que se me ocurre es que volar ya no es viajar, sino solo moverse, o desplazarse, o más bien hacer colas, apretujarse, comprimirse. Ya nadie viaja. El viaje no existe. Lo que la gente hace es sufrir, pagar, e intentar dormir en un espacio físico indigno. Porque las compañías aéreas dividen los aviones en espacios minúsculos, en donde solo los liliputienses pueden viajar dignamente. Tiene gracia eso: para viajar dignamente en un avión actual tienes que ser un liliputiense o un niño de seis años. No hay urbanidad aquí. Mejor viajar contemplando un mapa. Los mapas antiguos son más humanos que los aviones modernos. Los aeropuertos son todos hostiles y feos, aunque estén diseñados por grandes arquitectos, porque son solo lugares de paso, llenos de ruido, llenos de gente temerosa de perder su vuelo, o de que se retrase su vuelo, o de que cancelen su vuelo. Lo mejor de los aeropuertos son las tiendas de marcas de lujo. Yo ne he visto nunca nadie comprar en esas tiendas.»
Nueva teoría de la urbanidad. Editorial: Carreño Books. Edición exclusiva para los lectores y amigos de la Fnac. Octubre de 2019.
Arthur Schopenhauer (Félix Vallotton) La Revue blanche, 1er semestre 1896.
El arte de insultar. Alianza editorial. 2011.
«El nacionalismo: La tabla de salvación de cualquier pobre diablo que no tiene nada en el mundo de lo que sentirse orgulloso es enorgullecerse de la nación a la que pertenece; esto lo reconforta tanto que en agradecimiento está dispuesto a defender con manos y pies todos los defectos y disparates característicos de su nación.»
L’art de l’insulte, Textes réunis et présentés par Franco Volpi. Editions du Seuil pour la traduction française. 2004. Points Essais n° 749. 2015.
«Fierté nationale N’importe quel pauvre nigaud, qui n’a rien d’autre dont il pourrait être fier, s’empare de l’ultime moyen de l’être: la nation dont il se trouve faire partie: là il se rétablit et il est reconnaissant et prête à défendre pyx kai lax [bec et ongles] tous les défauts et sottises qui sont les siens.»
María Teresa León est née le 31 octobre 1903 à Logroño. Elle est morte le 13 décembre 1988 (à 85 ans) à Majadahonda, près de Madrid. Elle fut romancière, essayiste, dramaturge et scénariste.
Son père, Ángel León, était colonel. Sa mère, Olivia Goyri, l’envoie étudier à l’Institución Libre de Enseñanza où enseigne María Goyri, sa soeur, une des pemières femmes espagnoles à avoir obtenu un doctorat et épouse du grand philologue Ramón Menéndez Pidal. María Teresa León obtient une licence en Philosophie et en Lettres.
À 16 ans, elle fugue et fait scandale. Un an près en 1920, elle épouse le journaliste et écrivain Gonzalo de Sebastián Alfaro. Elle rencontre le poète Rafael Alberti en 1929 et quitte son mari. Elle sera déchue de ses droits sur ses deux fils (Gonzalo et Enrique) qu’elle ne pourra pas revoir avant des années.
Elle adhère au Parti communiste et épouse en 1932 Alberti. Ensemble, ils voyagent dans plusieurs pays d’Europe. De retour à Madrid, Maria Teresa León crée la revue Octobre, « pour la défense de l’URSS, contre le fascisme ». Quand éclate la révolte des mineurs des Asturies, en 1934, le couple est à Moscou, au premier congrès des écrivains soviétiques. En Espagne, leur maison est fouillée. Pour le Parti communiste, ils partent aux États-Unis, puis au Mexique et à Cuba, afin de multiplier les conférences et articles pour alerter sur la menace fasciste.
La guerre civile les surprend à Ibiza. Dans un premier temps, ils se cachent dans l’île, puis reviennent à Madrid. À la fin du mois de juillet 1936, sous les bombardements, elle fait évacuer de nombreux tableaux des musées madrilènes vers des villes plus sûres. Elle fonde et anime la revue El Mono Azul, crée les Guérillas du théâtre, qui donnent des représentations près des lignes de front auprès des soldats républicains. Secrétaire de l’Alliance des écrivains antifascistes, Marie Teresa León organise les réunions de 1937 qui aboutissent au congrès de Madrid pour la défense de la culture. Il réunit de nombreux écrivains d’Europe et d’Amérique latine. À la fin de la guerre civile, le couple est hébergé à Paris chez leurs amis, Pablo Picasso et Pablo Neruda. Ils vivent en exil en Argentine de 1940 à 1963, puis à Rome de 1963 à 1977. Maria Teresa León continue d’écrire mais doit faire face à la maladie d’Alzheimer. Elle n’aura conscience ni de la mort de Franco ni de son retour en Espagne en 1977, après trente-huit ans d’exil.
Dans Las simsombrero. Las pensadoras y artistas olvidadas de la Generación del 27 (Espasa, 2016; Booket, 2019), Tània Balló insiste particulièrement sur son œuvre qui est trop méconnue.
Memoria de la melancolía (Editorial Losada, Buenos Aires, 1970; Clásicos Castalia, 1999) est une autobiographie importante qui mérite d’être lue et relue. « Porque todos los desterrados de España tenemos los ojos abiertos a los sueños. León Felipe aseguró que nos habíamos llevado la canción en los labios secos y fruncidos, callados y tristes. Yo creo que nos hemos llevado la ley que hace al hombre vivir en común, la ley de la vida diaria, hermosa verdad transitoria. Nos la llevamos sin saberlo, prendida en los trajes, en los hombros, entre los dedos de las manos… Somos hombres y mujeres obedientes a otra ley y a otra justicia que nada tenemos que ver con lo que vino y se enseñoró de nuestro solar, de nuestros ríos, de nuestra tierra, de nuestras ciudades. No sé si se dan cuenta los que quedaron por allá, o nacieron después de quiénes somos los desterrados de España. Nosotros somos ellos, lo que ellos serán cuando se restablezca la verdad de la libertad. Nosotros somos la aurora que están esperando.
Un día se asombrarán de que lleguemos, de que nos regresemos con nuestras ideas altas como palmas para el domingo de los ramos alegres. Nosotros, los del paraíso perdido.» (páginas 97-98)
«La memoria puede tener los ojos indulgentes. Ya no llegan a nosotros los ruidos vivos sino los muertos. Memoria del olvido, escribió Emilio Prados, memoria melancólica, a medio apagar, memoria de la melancolía. No sé quién solía decir en mi casa: hay que tener recuerdos. Vivir no es tan importante como recordar. Lo espantoso era no tener nada que recordar, dejando detrás de sí una cinta sin señales. Pero qué horrible es que los recuerdos se precipiten sobre ti y te obliguen a mirarlos y te muerdan y se revuelquen sobre tus entrañas, que es el lugar de la memoria.» (página 130)
«Somos el producto de lo que los otros han irradiado de sí o perdido, pero creemos que somos nosotros. ¡Qué equivocados vamos hacia la muerte! Yo siento que me hice del roce de tanta gente: de la monjita, de la amiga de buen gusto, del tío abuelo casi emparedado, del chico de los pájaros, del beso, de la caricia, del insulto, del amigo que se nos insinuó, del que nos empujó, del que nos advirtió, del que callado apretó los dientes y sentimos aún la mordedura… Todos, todos. Somos lo que nos han hecho, lentamente, al correr tantos años. Cuando estamos definitivamente seguros de ser nosotros, nos morimos.¡Qué lección de humildad!» (páginas 146-147)
«No sé si podemos elegir sitio para morir; Lo que decididamente no elegimos en nuestro complicado mundo de fronteras y pasaportes es dónde vivir. Dicen que desde hace siglos ocurre esto y, a consuelo de tontos…» (página 209)
« Estas cuartillas que voy escribiendo se me han volado todas dispersándose, jugando a la mala pasada de huirme. Voy hacia ellas, amarillas o verdosas aún. Cómo se han reído siempre delante de mis pasos todos los otoños. Se las lleva el viento, los vientos que nos soplan en los oídos las medias palabras. No sé ya qué me cuentan. Sé que silabean corriendo, juntando puntas de palabras, hasta palabras caminando pequeñas, persuasivas, enhebrando una verdad que jamás comprendemos. Vuelas, vuelas bien, memoria, memoria de la melancolía. Puede que sean los falsos recuerdos, los amores menudos los que hayan decretado que te lo diga en este otoño. Un otoño más. Basta, no quiero números no he sabido jamás qué debo hacer con ellos. Dirán las hojas que me faltan manos para agarrar mi verdadera vida o dientes para morderla. No, no, es que amarilleo también y doblo la cabeza cuando comienzan los otoños. Miro cómo corren hasta los papeles creyéndose pájaros o ese mensaje por el cual se ha pagado más para que llegue como el viento. Papeles en la calle…¿Los habéis visto volar? El mal humor ciudadano levanta su cuerpo leve y vuelan hasta que las ruedas del automóvil los detiene y aplasta con la ley del más fuerte. ¿Así me ocurrirá? En esta poco arrulladora vida, ¿volarán las hojas de mi recuerdo hasta que alguien las aplaste por inútiles?
Hoy todas se me han dispersado con vida propia y no con la que yo les impuse al escribirlas. ¿Cuándo caerán de nuevo? Es la bandada que huye al llegar mordiendo el frío y apenas dice adiós.» (páginas 393-394)
Pensées, Livre de Poche classique n°823-824, 1962.
“88. Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée devant l’éternité précédente et suivante, le petit espace que je remplis, et même que je vois, abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent, je m’effraie et m’étonne de me voir ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors. Qui m’y a mis? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi? Memoria hospitis unius diei praetereuntis.
Memoria hospitis unius diei praetereuntis = l’espoir de l’impie est comme le souvenir de l’hôte d’un jour qui passe. (Sag.V, 15)
89. Pourquoi ma connaissance est-elle bornée ? ma taille ? ma durée à cent ans plutôt qu’à mille ? Quelle raison a eue la nature de me la donner telle, et de choisir ce nombre plutôt qu’un autre, dans l’infinité desquels il n’y a pas plus de raison de choisir l’un que l’autre, rien ne tentant plus que l’autre ?
90. Combien de royaumes nous ignorent !
91. Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
158. Es-tu moins esclave, pour être aimé et flatté de ton maître ? Tu as bien du bien, esclave. Ton maître te flatte, il te battra tantôt.
227. Le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste : on jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais.
264. L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser: une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser: voilà le principe de la morale.”
Épitaphe de Pascal.Église Saint-Étienne-du-Mont ( Paris V).