Antonio Machado – Camarón de la Isla -Joan Manuel Serrat

Ian Gibson et Quique Palomo, Cuatro poetas en guerra. Barcelona, Planeta Cómic, 2022.

Semana Santa en Andalucía. Jueves Santo. Semaine Sainte en Andalousie. Jeudi saint.

Camarón de la Isla : La Saeta (introduit par Joan Manuel Serrat). Arrangements exécutés par The Lisbon Simphony Orchestra. Direction : Jesús Bola. Á la guitare, Tomatito, seconde guitare le fils de de Camarón, Luis Monge. 1990.

https://www.youtube.com/watch?v=NLbxlViBIk4

Joan Manuel chante Antonio Machado. Télévision espagnole. 1974.

https://www.youtube.com/watch?v=XZCqaXzkol4

San Fernando (Cadix). Monument à Camarón de la Isla (José Monje Cruz 1950-1991) (Antonio Aparicio Mota).

Poème déjà publié sur ce blog le 30 mars 2018.

CXXX. La saeta

¿Quién me presta una escalera,
para subir al madero,
para quitarle los clavos
a Jesús el Nazareno?

Saeta popular

¡Oh, la saeta, el cantar
al Cristo de los gitanos
siempre con sangre en las manos
siempre por desenclavar!

¡Cantar del pueblo andaluz
que todas las primaveras
anda pidiendo escaleras
para subir a la cruz.!

¡Cantar de la tierra mía
que echa flores
al Jesús de la agonía
y es la fe de mis mayores!

¡Oh, no eres tú mi cantar
¡No puedo cantar, ni quiero
a este Jesús del madero
sino al que anduvo en el mar!.

Campos de Castilla. 1912.


CXXX. La Saeta

Qui me prête une échelle
pour aller sur la croix,
enlever les clous
de Jésus le Nazaréen ?

Saeta populaire

Oh ! La saeta le couplet
au Christ des gitans,
avec toujours aux mains du sang,
et toujours sur sa croix cloué!

Oh ! chanson du peuple andalou,
qui à chaque printemps,
demande des échelles
pour monter à la croix !

Chant de ma terre,
jetant des fleurs
au Christ de l’agonie,
qui est la foi de mes ancêtres !

Tu n’es pas le chant de mon coeur !
Je ne veux ni ne peux
chanter ce Christ en croix
mais celui qui marchait sur la mer.

Champs de Castille, Solitudes, Galeries et autres poèmes et Poésies de la guerre. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé. Paris, NRF Poésie Gallimard n°144, 1981.

Séville. Palacio de la Dueñas. Cloître.
Séville. Palacio de la Dueñas. Azulejo.

Antonio Gamoneda

Antonio Gamoneda.

Caigo sobre unas manos

Cuando no sabía
aún que yo vivía en unas manos,
ellas pasaban sobre mi rostro y mi corazón.

Yo sentía que la noche era dulce
como una leche silenciosa. Y grande.
Mucho más grande que mi vida.
Madre:
era tus manos y la noche juntas.
Por eso aquella oscuridad me amaba.

No lo recuerdo pero está conmigo.
Donde yo existo más, en lo olvidado,
están las manos y la noche.
A veces,
cuando mi cabeza cuelga sobre la tierra
y ya no puedo más y está vacío
el mundo, alguna vez, sube el olvido
aún al corazón.
Y me arrodillo
a respirar sobre tus manos.
Bajo
y tú escondes mi rostro; y soy pequeño;
y tus manos son grandes; y la noche
viene otra vez, viene otra vez.
Descanso
de ser hombre, descanso de ser hombre.

Blues castellano, 1982

Je tombe sur des mains

Quand je ne savais pas
encore que j’habitais dans des mains,
elles passaient sur mon visage et sur mon cœur.

Je sentais que la nuit était douce
comme un lait silencieux. Et grande.
Bien plus grande que ma vie.
Mère :
C’était tes mains et la nuit ensemble.
Voila pourquoi cette obscurité m’aimait.

Je ne me souviens pas mais ça reste avec moi.
Là où j’existe le plus, dans l’oublié,
se trouvent les mains et la nuit.
Parfois,
quand ma tête est penchée vers la terre
et je n’en peux plus et il est vide
le monde, quelque fois, l’oubli remonte
encore vers le cœur.

Et je m’agenouille
pour respirer sur tes mains.
Je descends
et tu caches mon visage ; et je suis tout petit ;
et tes mains sont grandes ; et la nuit
vient encore une fois, vient encore une fois.
Je me repose
d’être un homme, je me repose d’être un homme.

Blues castillan. Traduction de Jacques Ancet, Éditions José Corti, 2004.

Antonio Gamoneda est né dans les Asturies à Oviedo en 1931. Il vit à León depuis 1934. Son père meurt en 1932. Sa mère l’élève dans une banlieue ouvrière, en proie à toutes sortes de difficultés matérielles. Il doit abandonner ses études en 1943 et travailler comme coursier dès 1945. Il a une formation d’autodidacte et a connu l’extrême pauvreté de l’après-guerre et la répression franquiste.
Il a obtenu de nombreux prix dont le Prix Cervantès en 2006.
Il a publié deux tomes de mémoires: Un armario lleno de sombra (2009) et La pobreza (2020). Galaxia Gutemberg. Círculo de Lectores.

Principales traductions en français :
Poèmes, traduction Roberto San Geroteo, Noire et blanche, numéro spécial, 1995.
Livre du froid, traduction et présentation Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, 1996, Antoine Soriano Editeur. 2e éd. 2005.
Pierres gravées, Jacques Ancet, Lettres Vives, 1996.
Substances, limites, in Nymphea, traduction Jacques Ancet, La Grande Os, 1997.
Cahier de mars, traduit par Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, Myrrdin, 1997.
Blues castillan, traduction Roberto San Geroteo, Noire et Blanche, 1998.
Froid des limites, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2000.
Description du mensonge
 (extraits), traduction Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, Myrrdin, 2002.
Pétale blessé, traduction Claude Houy, Trames, 2002.
Blues castillan, traduction et présentation Jacques Ancet, José Corti, 2004.
Description du mensonge, traduction et présentation Jacques Ancet, José Corti, 2004.
Passion du regard, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2004.
De l’impossibilité, traduction Amelia Gamoneda, préface Salah Stétié, Fata Morgana, 2004.
Clarté sans repos, traduction et présentation Jacques Ancet, Arfuyen, 2006.
Cecilia, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2006.
Le livre des poisons, traduction Jean-Yves Bériou. Actes Sud, 2009.

Santa Marina (Francisco de Zurbarán). Vers 1640-50. Málaga, Museo Thyssen-Bornemisza

Roberto Juarroz

Roberto Juarroz.

Je relis le poète argentin Roberto Juarroz (1925-1995)…

« Habría que dejar libros en todas partes. Seguramente en uno u otro momento, alguien los abrirá. Y hacer lo mismo con la poesía: dejar poemas en todas partes, ya que sin duda alguien los reconocerá en algún momento. »

« La poesía es la sinceridad con que habla en nosotros lo que no conocemos. Única vía veraz de aquello que cimienta nuestra ignorancia. »

Roberto Juarroz, Fragments verticaux, José Corti, 1993.

« Il faudrait laisser des livres partout. A un moment ou un autre quelqu’un les ouvrira sans doute. Et faire de même avec la poésie : laisser des poèmes partout, puisque quelqu’un les reconnaîtra sûrement un jour. »

« La poésie, c’est la sincérité avec laquelle parle en nous ce que l’on ne connaît pas. Unique voie véridique de ce qui cimente notre ignorance. »

21

A veces parece
que estamos en el centro de la fiesta.
Sin embargo,
en el centro de la fiesta no hay nadie.
En el centro de la fiesta está el vacío.

Pero en el centro del vacío hay otra fiesta.

Duodécima poesía vertical, 1991.

On dirait parfois
que nous sommes au centre de la fête.
Cependant
au centre de la fête il n’y a personne.
Au centre de la fête c’est le vide.

Mais au centre du vide il y a une autre fête.

Douzième poésie verticale. La Différence. Collection Orphée. 1993. Traduction Fernand Verhesen.

Soria

El Cerro de los Moros desde la ermita de San Saturio. Soria. (Samuel Sánchez)

El hormigón amenaza el Cerro de los Moros, el paraje de Soria que inspiró a Machado y a Bécquer.
Varias asociaciones vecinales critican el plan de construir 1.300 viviendas en unas lomas de gran valor cultural y paisajístico (El País, 26 février 2024).

https://elpais.com/espana/2024-02-26/el-hormigon-amenaza-el-cerro-de-los-moros-el-paraje-de-soria-que-inspiro-a-machado-y-a-becquer.html

Antonio Machado, Gustavo Alfonso Bécquer, Gerardo Diego ont été inspirés par ce magnifique paysage de Castille. La spéculation immobiliaire prévoit la construction de 1304 logements (4000 habitants). Soria est une ville de moins de 40 000 habitants. La Asociación Soriana de Defensa de la Naturaleza (Asden), los Amigos del Museo Numantino, Hacendera y Soria por el Futuro (Ricardo Mínguez, Carmen Heras, José Francisco Yusta y Luis Giménez) luttent depuis des années pour protéger cet environnement extraordinaire. Merci à eux !

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2021/02/07/antonio-machado-y-soria/

Campos de Soria (Antonio Machado)

VIII
He vuelto a ver los álamos dorados,
álamos del camino en la ribera
del Duero, entre San Polo y San Saturio,
tras las murallas viejas
de Soria – barbacana
hacia Aragón, en castellana tierra -.

Estos chopos del río, que acompañan
con el sonido de sus hojas secas
el son del agua cuando el viento sopla,
tienen en sus cortezas
grabadas iniciales que son nombres
de enamorados, cifras que son fechas.

¡ Álamos del amor que ayer tuvisteis
de ruiseñores vuestras ramas llenas;
álamos que seréis mañana liras
del viento perfumado en primavera;
álamos del amor cerca del agua
que corre y pasa y sueña,
álamos de las márgenes del Duero,
conmigo váis, mi corazón os lleva !

Campos de Castilla, 1912.

Terres de Soria

VIII

Je suis revenu voir les peupliers dorés,
Peupliers du chemin sur le rivage
du Douro, entre San Polo et San Saturio,
au-delà des vieilles murailles
de Soria – barbacane tournée
vers l’Aragon, en terre castillane.

Ces peupliers de la rivière, qui accompagnent
du bruissement de leurs feuilles sèches
le son de l’eau, quand le vent souffle,
ont sur l’écorce,
gravées, des initiales qui sont des noms
d’amoureux, des chiffres qui sont des dates.
Peupliers de l’amour dont les branches hier
étaient remplies de rossignols;
peupliers qui serez demain les lyres
du vent parfumé au printemps;
peupliers de l’amour près de l’eau
qui coule, passe et songe,
peupliers des berges du Douro,
vous êtes en moi, mon coeur vous emporte !

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésies de la guerre. 2004. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.

Soria. Statue de Gustavo Alfonso Bécquer (Ricardo González).

Antonio Machado – Raquel Lanseros

Antonio Machado (Alfonso). Vers 1927

Antonio Machado est mort il y a 85 ans, le 22 février 1939 à Collioure. C’était le mercredi des Cendres. Le 5 mai 1941, il est expulsé post-mortem de sa chaire de professeur de lycée par les autorités franquistes. Il ne sera réhabilité comme professeur qu’en 1981. Son corps sera transféré le 16 juillet 1958 dans une autre tombe, achetée grâce à des dons venant du monde entier. Parmi les donateurs : Pau Casals, Albert Camus, André Malraux, René Char. Sur la pierre tombale se trouve depuis des décennies une boîte aux lettres qui ne désemplit pas.

“Hoy es siempre todavía”

CXX

Dice la esperanza: un día
la verás, si bien esperas.
Dice la desesperanza:
sólo tu amargura es ella.
Late, corazón… No todo
se lo ha tragado la tierra.

Campos de Castilla, 1907-17

CXX
Un jour tu la verras,
dit l’espérance,
si tu sais espérer.
Et la désespérance :
elle n’est rien
que ta souffrance.
Et le cœur bat…
La terre n’a pas
tout emporté.

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.

Raquel Lanseros.

 Raquel Lanseros est née à Jerez de la Frontera, España en 1973. Prix National de la Critique pour Matria (Madrid, Visor, 2018). Une anthologie récente : Sin ley de gravedad. Poesía reunida (2005-2022), Madrid, Visor, 2018.

22 de febrero (Raquel Lanseros)

Estos días azules y este sol de la infancia (Antonio Machado)

La poesía es azul
aunque a veces la vistan de luto.
Viento del sur escultor de cipreses
ahoga la tierra honda de dolor y de rabia.

Abel Martín, conciencia en desbandada
pájaro entre dos astros
nombrador primigenio de las cosas.
Juan de Mairena íntegro
espejo limpio donde se refleja
el rostro que tenemos de verdad.

Nos dejaste la vida
la palabra fecunda
la desnudez, la brisa.
Nos dejaste las hojas y el rocío
el mar
las instrucciones
para aprender a andar sobre las aguas.

Y después te marchaste.
Mejor dicho: te echaron a empujones.
Siempre molestan los ángeles perdidos.

Dicen que desde entonces en Collioure
no ha dejado jamás de ser invierno.

Croniria. Hiperión, Madrid, 2009. El éxodo de las nubes.

Julio Ramón Ribeyro 1929-1994

Je lis un petit livre du journaliste péruvien Daniel Titinger : Un hombre flaco retrato de Julio Ramón Ribeyro. Santiago de Chile. Ediciones Universidad Diego Portales, 2014. Colección Vidas Ajenas.

Je l’ai trouvé lors de mon séjour à Madrid, le dernier jour, à la Librairie Juan Rulfo (Librería del Fondo de Cultura Económica de España, Calle de Fernando el Católico, 86). Il ne s’agit pas d’une vrai biographie, mais plutôt d’un essai fondé sur des témoignages des proches et des amis de l’écrivain. C’est parfois agaçant. Il faut relire cet auteur péruvien que je place très haut. Il n’est pas assez connu car il n’a pas été adoubé par Carmen Balcells, l’agente littéraire espagnole qui a représenté des auteurs comme Mario Vargas Llosa, Juan Carlos Onetti, Julio Cortázar, José Donoso, Alfredo Bryce Echenique, Manuel Vázquez Montalbán, Camilo José Cela, Eduardo Mendoza ou Isabel Allende. C’est pourtant un maître de la nouvelle et son journal est passionnant (La tentación del fracaso. Diario personal 1950-1978. Seix Barral, 2003). Les deux grands écrivains péruviens de la seconde partie du XX ème siècle sont Mario Vargas Llosa et…Julio Ramón Ribeyro. ils étaient très amis, puis se sont brouillés pour des raisons politiques.

“Quién era Julio Ramón Ribeyro? ¿El hombre que a los 44 años pesaba 46 kilos; el apesadumbrado, el triste, el tímido; el marido de una mujer con quien, al parecer, no era feliz? ¿O el que regresó en los años noventa a Lima desde Europa; el que se enamoró; el que se compró un departamento frente al mar; el que cantaba en los karaokes de esa ciudad que lo había visto nacer? El escritor peruano Julio Ramón Ribeyro es un enigma. Mencionado una y otra vez como uno de los mejores cuentistas contemporáneos de América Latina, nacido al universo literario en medio del boom, nunca fue un habitante central de ese fenómeno en cuyo vórtice brillaban figuras como Mario Vargas Llosa o Carlos Fuentes, sino un visitante discreto y fronterizo. Sin embargo, dueño de una voz única, es el autor de libros que marcaron como pocos la literatura del continente.

A través de una enorme cantidad de entrevistas con amigos, parientes, y del testimonio directo de Alida, su viuda, este libro echa luz sobre la vida y la obra de Ribeyro. Un hombre flaco es el intento de comprender quién fue este escritor que, a los veinte años y en la primera entrada de ese libro monumental, escribió: “Tengo unas ganas enormes de abandonarlo todo, de perderlo todo”. (Quatrième de couverture du livre de Daniel Titinger)

Julio Ramón Ribeyro et son fils Julio. Paris.

https://www.youtube.com/watch?v=P3jpWcuJnlE

Proses apatrides. Finitude, 2011. Traduit sous la direction de François Géal. épuisé.

« Que de livres, mon Dieu, et combien nous manque le temps et parfois l’envie de les lire ! Ma propre bibliothèque, où autrefois pas un livre n’entrait sans avoir au préalable été lu et digéré, s’encombre peu à peu de livres parasites, qui souvent y arrivent sans qu’on sache comment, et qui, par un phénomène d’aimantation et d’agglutination, contribuent à élever la montagne de l’illisible, et, au milieu de ces livres, perdus, ceux que j’ai moi-même écrits. Je ne dis pas dans cent ans, mais dans dix ans, dans vingt ans, que restera-t-il le tout cela ? Peut-être seulement les auteurs qui viennent de très loin, la douzaine de classiques qui traversent les siècles, bien souvent sans être beaucoup lus, mais vaillants et vigoureux, par une sorte d’impulsion élémentaire ou de droit acquis. Les livres de Camus, de Gide, qui voilà à peine deux décennies étaient lus avec tant de passion, quel intérêt ont-ils à présent, alors même qu’ils furent écrits avec tant d’amour et d’efforts ? Pourquoi dans cent ans continuera-t-on à lire Quevedo et pas Jean-Paul Sartre ? Pourquoi François Villon et pas Carlos Fuentes ? Que faut-il donc mettre dans une œuvre pour durer ? On dirait que la gloire littéraire est une loterie et la survie artistique une énigme. Et malgré cela on continue à écrire, à publier, à lire, à gloser. Entrer dans une librairie est effrayant et paralysant pour n’importe quel écrivain, c’est comme l’antichambre de l’oubli : dans ses niches de bois, déjà les livres s’apprêtent à sombrer dans un sommeil définitif, souvent même sans avoir vécu. Quel est cet empereur chinois qui détruisit l’alphabet et toute trace d’écriture ? N’est-ce pas Érostrate qui incendia la bibliothèque d’Alexandrie ? Ce qui pourrait peut-être nous redonner le goût de la lecture, ce serait de détruire tout ce qui a été écrit et de repartir, allègrement à zéro. “

“¡Cuántos libros, Dios y que poco tiempo y a veces qué pocas ganas de leerlos! Mi propia biblioteca donde antes cada libro que ingresaba era previamente leído y digerido, se va plagando de libros parásitos, que llegan allí muchas veces no se sabe cómo y que por un fenómeno de imantación y de aglutinación contribuyen a cimentar la montaña de lo ilegible y entre estos libros, perdidos, los que yo he escrito. No digo en cien años, en diez, en veinte ¡qué quedará de todo esto! Quizás solo los autores que vienen de muy atrás, la docena de clásicos que atraviesan los siglos a menudo sin ser muy leídos, pero airosos y robustos, por una especie de impulso elemental o de derecho adquirido. Los libros de Camus, de Gide, que hace apenas dos decenios se leían con tanta pasión ¿qué interés tienen ahora, a pesar de que fueron escritos con tanto amor y tanta pena? ¿Por qué dentro de cien años se seguirá leyendo a Quevedo y no a Jean Paul Sartre? ¿Por qué a Francois Villon y no a Carlos Fuentes? ¿Qué cosa hay que poner en una obra para durar? Diríase que la gloria literaria es una lotería y la perduración artística un enigma. Y a pesar de ello se sigue escribiendo, publicando, leyendo, glosando. Entrar a una librería es pavoroso y paralizante para cualquier escritor, es como la antesala del olvido: en sus nichos de madera, ya los libros se aprestan a dormir su sueño definitivo, muchas veces antes de haber vivido. ¿Qué emperador chino fue el que destruyó el alfabeto y todas las huellas de la escritura? ¿No fue Eróstrato el que incendió la biblioteca de Alejandría? Quizás lo que pueda devolvernos el gusto por la lectura sería la destrucción de todo lo escrito y el hecho de partir inocente, alegremente de cero.”

Julio Ramón Ribeyro 1929-1994. Les vrais voyageurs, 21 juillet 2018.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/07/21/julio-ramon-ribeyro-1929-1994/

Traductions en français

Charognards sans plumes (Los gallinazos sin plumas, 1955. Nouvelles). Traduction Annie Cloulas-Brousseau. Paris, Gallimard, 1964.
Chronique de San Gabriel (Crónica de San Gabriel, 1960. Roman) Traduction Clotilde Bernadi Pradal, Paris, Gallimard, 1969.
Silvio et la roseraie (Silvio en el rosedal 1977. Nouvelles). Traduction Irma Sayol. Paris, Gallimard, 1981.
Réservé aux fumeurs (Sólo para fumadores, 1987. Nouvelles). Traduction Gabriel Iaculli, Paris, Gallimard, 1995.
Proses apatrides
(Prosas apatridas, 1975. Récits). Traduction sous la direction de François Géal, Le Bouscat, Finitude, 2011.

María Victoria Atencia

SAZÓN

Ya está todo en sazón. Me siento hecha, 
me conozco mujer y clavo al suelo 
profunda la raíz, y tiendo en vuelo 
la rama, cierta en ti, de su cosecha. 

¡Cómo crece la rama y qué derecha! 
Todo es hoy en mi tronco un solo anhelo 
de vivir y vivir: tender al cielo, 
erguida en vertical, como la flecha

que se lanza a la nube. Tan erguida 
que tu voz se ha aprendido la destreza 
de abrirla sonriente y florecida. 

Me remueve tu voz. Por ella siento 
que la rama combada se endereza 
y el fruto de mi voz se crece al viento. 

 Arte y parte. Madrid,Colección Adonais.1961.
https://paulatinygriego.wordpress.com/2021/07/13/poesia-maria-victoria-atencia.sazon/
María Victoria Atencia.

Luis Cernuda

Luis García Montero évoque dans son article d’Infolibre du 23 décembre 2023 le magnifique poème de Luis Cernuda, Soliloquio del farero.

https://www.infolibre.es/opinion/columnas/verso-libre/soledad_129_1673638.html

Retrato de Luis Cernuda (Eduardo Arroyo).

Cómo llenarte, soledad,
sino contigo misma…

De niño, entre las pobres guaridas de la tierra,
quieto en ángulo oscuro,
buscaba en ti, encendida guirnalda,
mis auroras futuras y furtivos nocturnos,
y en ti los vislumbraba,
naturales y exactos, también libres y fieles,
a semejanza mía,
a semejanza tuya, eterna soledad.

Me perdí luego por la tierra injusta
como quien busca amigos o ignorados amantes;
diverso con el mundo,
fui luz serena y anhelo desbocado,
y en la lluvia sombría o en el sol evidente
quería una verdad que a ti te traicionase,
olvidando en mi afán
cómo las alas fugitivas su propia nube crean.

Y al velarse a mis ojos
con nubes sobre nubes de otoño desbordado
la luz de aquellos días en ti misma entrevistos,
te negué por bien poco;
por menudos amores ni ciertos ni fingidos,
por quietas amistades de sillón y de gesto,
por un nombre de reducida cola en un mundo fantasma,
por los viejos placeres prohibidos
como los permitidos nauseabundos,
útiles solamente para el elegante salón susurrado,
en bocas de mentira y palabras de hielo.

Por ti me encuentro ahora el eco de la antigua persona
que yo fui,
que yo mismo manché con aquellas juveniles traiciones;
por ti me encuentro ahora, constelados hallazgos,
limpios de otro deseo,
el sol, mi dios, la noche rumorosa,
la lluvia, intimidad de siempre,
el bosque y su alentar pagano,
el mar, el mar como su nombre hermoso;
y sobre todo ellos,
cuerpo oscuro y esbelto,
te encuentro a ti, tú, soledad tan mía,
y tú me das fuerza y debilidad
como el ave cansada los brazos de la piedra.

Acodado al balcón miro insaciable el oleaje,
oigo sus oscuras imprecaciones,
contemplo sus blancas caricias;
y ergido desde cuna vigilante
soy en la noche un diamante que gira advirtiendo a los hombres,
por quienes vivo, aun cuando no los vea;
y así, lejos de ellos,
ya olvidados sus nombres, los amo en muchedumbres,
roncas y violentas como el mar, mi morada,
puras ante la espera de una revolución ardiente
o rendidas y dóciles, como el mar sabe serlo
cuando toca la hora de reposo que su fuerza conquista.

Tú, verdad solitaria,
transparente pasión, mi soledad de siempre,
eres inmenso abrazo;
el sol, el mar,
la oscuridad, la estepa,
el hombre y su deseo,
la airada muchedumbre,
¿qué son sino tú misma?

Por ti, mi soledad, los busqué un día;
en ti, mi soledad, los amo ahora.

Invocaciones, 1935.

Soliloque d’un gardien de phare

Comment t’emplir, solitude
sinon de toi-même…

Editorial Renacimiento, 2021. Facsímil de la que salió en 1936 de los talleres de Manuel Altolaguirre para Ediciones del Árbol.

Antonio Machado

Antonio Machado (José Machado Ruiz 1879-1958), vers 1940. Madrid, Museo del Prado.

Un poème d’Antonio Machado. Nostalgia de Andalucía. Nostalgia de Castilla.

CXXV

En estos campos de la tierra mía,
y extranjero en los campos de mi tierra
—yo tuve patria donde corre el Duero
por entre grises peñas,
y fantasmas de viejos encinares,
allá en Castilla, mística y guerrera,
Castilla la gentil, humilde y brava,
Castilla del desdén y de la fuerza—,
en estos campos de mi Andalucía,
¡oh tierra en que nací!, cantar quisiera.
Tengo recuerdos de mi infancia, tengo
imágenes de luz y de palmeras,
y en una gloria de oro,
de lueñes campanarios con cigüeñas,
de ciudades con calles sin mujeres
bajo un cielo de añil, plazas desiertas
donde crecen naranjos encendidos
con sus frutas redondas y bermejas;
y en un huerto sombrío, el limonero
de ramas polvorientas
y pálidos limones amarillos,
que el agua clara de la fuente espeja,
un aroma de nardos y claveles
y un fuerte olor de albahaca y hierbabuena,
imágenes de grises olivares
bajo un tórrido sol que aturde y ciega,
y azules y dispersas serranías
con arreboles de una tarde inmensa;
mas falta el hilo que el recuerdo anuda
al corazón, el ancla en su ribera,
o estas memorias no son alma. Tienen,
en sus abigarradas vestimentas,
señal de ser despojos del recuerdo,
la carga bruta que el recuerdo lleva.
Un día tornarán, con luz del fondo ungidos,
los cuerpos virginales a la orilla vieja.

Lora del Río. 4 de abril de 1913.

Debolsillo. 9,99 euros. Nueva edición de la poesía completa de Antonio Machado, con numerosos inéditos y variantes
Edición a cargo de Víctor Fernández.

CXXV

Dans ces campagnes de mon pays,
et étranger dans les campagnes de mon pays
– moi j’avais ma patrie là où le Douro coule
entre des rochers gris
et des fantômes d’anciennes chênaies,
là-bas en Castille, mystique et guerrière,
noble Castille, humble et sauvage,
Castille du mépris et de la force –,
dans ces campagnes de mon Andalousie,
oh ! terre où je naquis ! je voudrais chanter.
J’ai des souvenirs de mon enfance, j’ai
des images de lumière et de palmiers,
et dans une gloire d’or,
de clochers lointains avec des cigognes,
de villes avec des rues sans femmes,
sous un ciel indigo, de places désertes
où poussent des orangers flamboyants
avec leurs fruits ronds et vermeils ;
et dans un jardin sombre, le citronnier
aux branches poussiéreuses
et aux pâles citrons jaunes
que reflète l’eau claire du bassin,
un arôme d’iris et d’œillets
et une forte odeur de basilic et de menthe ;
des images de grises oliveraies
sous un soleil torride qui étourdit et aveugle,
et de montagnes bleues et dispersées
sous les rougeurs d’un soir immense ;
mais il manque le fil qui noue le souvenir
au cœur, l’ancre au rivage,
ou ces souvenirs ne sont pas de l’âme. Ils ont
sous leurs vêtements bigarrés,
qui montrent qu’ils sont des dépouilles de la mémoire,
la charge brute que le souvenir garde.
Un jour imprégnés de la lumière des profondeurs,
les corps virginaux s’en reviendront à l’ancien rivage.

Lora del Río. 4 avril 1913.

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. NRF Poésie/Gallimard n°144. 2004. Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé.

(Para Concha T.A. ¡ Cómo te echamos de menos! )

Gustavo Adolfo Bécquer 1836 – 1870

Retrato de Gustavo Adolfo Bécquer. (Valeriano Bécquer). 1862. Sevilla, Museo de Bellas Artes.

Gustavo Adolfo Domínguez Bastida, connu sous le nom de Gustavo Adolfo Bécquer, vient d’une famille de peintres d’origine flamande installée à Séville au XVII ème siècle. Orphelin à onze ans, il eut une vie marquée par la maladie, les déceptions et la pauvreté. Il découvre dans sa jeunesse la poésie dans la bibliothèque de sa marraine. Il fréquente les ateliers de peinture de sa ville où son père José María Domínguez Bécquer (1805-1841) est connu. Son frère, Valeriano Domínguez Bécquer (1833-1870), dont il sera très proche, est aussi peintre. Il arrive à Madrid en 1854 et connaît la misère jusqu’en 1860. C’est à cette période qu’il écrit la plupart des poèmes qui composeront Rimas. En 1861, il se marie et devient journaliste. Il est censeur de romans de 1865 à 1868 et mène alors une vie plus confortable. Son frère Valeriano meurt le 23 septembre 1870. Gustavo Adolfo disparaît le 22 décembre 1870. Il est considéré comme le précurseur de la poésie espagnole contemporaine. Ses oeuvres sont publiées par ses amis en deux tomes après sa mort au cours de l’été 1871. Le recueil Rimas est constitué de 86 poèmes. Il est marqué par la poésie andalouse, les chants populaires, le romantisme (Heine, Hugo, Espronceda, Zorrilla). On retrouve des échos de sa poésie chez Rubén Darío, Antonio Machado, Juan Ramón Jiménez et chez les poètes de la génération de 1927, particulièrement chez Luis Cernuda.

Sevilla, Parque de María Luisa. Glorieta de Gustavo Adolfo Bécquer. (Lorenzo Coullaut Valera) 1911. Busto del poeta.

I

Yo sé un himno gigante y extraño
que anuncia en la noche del alma una aurora,
y estas páginas son de este himno
cadencias que el aire dilata en la sombras.

Yo quisiera escribirlo, del hombre
domando el rebelde, mezquino idioma,
con palabras que fuesen a un tiempo
suspiros y risas, colores y notas.

Pero en vano es luchar; que no hay cifra
capaz de encerrarle, y apenas ¡oh hermosa!
si teniendo en mis manos las tuyas
pudiera, al oído, cantártelo a solas.

Rimas.

I

Je sais un hymne géant et étrange
Qui annonce dans la nuit de l’âme une aurore,
Et ces pages sont de cet hymne
Cadences que l’air dilate dans les ombres.

Je voudrais l’écrire, de l’homme
Domptant le rebelle et mesquin langage,
Avec des paroles qui fussent en un seul temps
Soupirs et ris, couleurs et notes.

Mais c’est en vain lutter ; point de chiffre
Capable de l’enserrer et c’est à peine – oh belle ! –
Si, ayant dans mes mains les tiennes,
Je pourrais, à l’oreille, te le chanter dans notre solitude.

Anthologie bilingue de la poésie espagnole. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 1995. Traduction Robert Pingeard.

Paco Ibáñez a chanté les poèmes de Bécquer.

https://www.youtube.com/watch?v=vfdhl-7-lQU

LIII

Volverán las oscuras golondrinas
en tu balcón sus nidos a colgar,
y, otra vez, con el ala a sus cristales
jugando llamarán;
pero aquéllas que el vuelo refrenaban
tu hermosura y mi dicha al contemplar,
aquéllas que aprendieron nuestros nombres…
ésas… ¡no volverán!

Volverán las tupidas madreselvas
de tu jardín las tapias a escalar,
y otra vez a la tarde, aun más hermosas,
sus flores se abrirán;
pero aquéllas, cuajadas de rocío,
cuyas gotas mirábamos temblar
y caer, como lágrimas del día…
ésas… ¡no volverán!

Volverán del amor en tus oídos
las palabras ardientes a sonar;
tu corazón, de su profundo sueño
tal vez despertará;
pero mudo y absorto y de rodillas,
como se adora a Dios ante su altar,
como yo te he querido…, desengáñate:
¡así no te querrán!

Rimas.

LIII

Les noires hirondelles reviendront
Suspendre à ta fenêtre leurs doux nids
Et de nouveau, de l’aile, dans leurs jeux,
Frapperont à ta vitre.
Mais celles qui volaient plus doucement
Pour mieux voir ta beauté et mon bonheur,
Celles qui surent ton nom et le mien,
Non, ne reviendront plus.

Le chèvrefeuille en touffes reviendra
Escalader les murs de ton jardin
Et de nouveau, le soir, encor plus belles,
Les fleurs en écloront.
Mais celles dont nous regardions les gouttes
De la rosée qui les comblait trembler
Et s’écouler comme larmes du jour,
Non, ne reviendront plus.

Les accents de l’amour, à tes oreilles,
Reviendront faire leur ardent murmure ;
De son profond sommeil ton cœur peut-être,
Ton cœur s’éveillera.
Mais, en suspens, muet, agenouillé,
Comme on adore Dieu devant l’autel,
Comme je t’ai aimée, détrompe-toi,
On ne t’aimera plus.

Anthologie de la poésie espagnole, Stock, 1957. Traduction Mathilde Pomès.

LX

Mi vida es un erial,
flor que toco se deshoja;
que en mi camino fatal
alguien va sembrando el mal
para que yo lo recoja.

Rimas.

LX

Ma vie est un désert ;
fleur que je touche est fleur qui meurt.
Sur mon chemin fatal,
quelqu’un sème le mal
pour que je le recueille.

Sevilla, Parque de María Luisa. Glorieta de Gustavo Adolfo Bécquer. (Lorenzo Coullaut Valera) 1911. Busto del poeta. Representación del amor que llega, del amor presente y del amor perdido. Ciprés de los pantanos.

Merci à Gio Bonzon de m’avoir rappelé “Mi vida es un erial”,