José Emilio Pacheco

José Emilio Pacheco.

Le poète mexicain José Emilio Pacheco est mort le dimanche 26 janvier 2014, à Mexico, à l’âge de 74 ans. Il avait reçu le prix Cervantes en 2009.

El lugar de la duda

Dice sin duda: «No hay lugar a duda».
Lo afirma, lo sostiene contundente
Desde el centro del Bien y la Verdad incontestables.
Ante su hosca certeza me pregunto cuál es
El lugar de la duda.
Y encuentro allí lo contrario
De lo que ve quien no duda.
No vivimos en calma, nunca hay paz,
La vida toda es un combate incesante.
Por eso nos convienen el tal vez, el acaso,
el quizá, el sin embargo y el no obstante.
El lugar de la duda sería entonces
El territorio de la reflexión.
La conciencia de ser también el otro
Para quien vemos siempre como el otro,
El campo de la crítica y la puerta
Que cierra el paso al dogma y a sus crímenes.

Como la lluvia. 2009.

Julio Cortázar

Julio Cortázar. 1967.

Julio Cortázar est né le 26 août 1914 à Ixelles (Belgique). il est mort le 12 février 1984 à Paris. Nous l’avons beaucoup lu quand nous étions plus jeunes, surtout Rayuela (Marelle, 1963) ou Libro de Manuel (Livre de Manuel, 1973), Prix Médicis étranger. Ce dernier n’est pas son meilleur livre mais… il fut important. Son oeuvre compte et ses nouvelles sont magnifiques. Il habitait 4 rue Martel dans le Xème arrondissement de Paris. Sa tombe au cimetière du Montparnasse, comme celle de César Vallejo, est toujours un lieu de pèlerinage pour ses lecteurs latino-américains, qui y déposent des dessins et des objets divers.

Paris. 4 rue Martel. X ème arrondissement.

J’ai relu ce matin quelques-unes de ses Historias de Cronopios y Famas.

MANUAL DE INSTRUCCIONES

La tarea de ablandar el ladrillo todos los días, la tarea de abrirse paso en la masa pegajosa que se proclama mundo, cada mañana topar con el paralelepípedo de nombre repugnante, con la satisfacción perruna de que todo esté en su sitio, la misma mujer al lado, los mismos zapatos, el mismo sabor de la misma pasta dentífrica, la misma tristeza de las casas de enfrente, del sucio tablero de ventanas de tiempo con su letrero «Hotel de Belgique».
Meter la cabeza como un toro desganado contra la masa transparente en cuyo centro tomamos café con leche y abrimos el diario para saber lo que ocurrió en cualquiera de los rincones del ladrillo de cristal. Negarse a que el acto delicado de girar el picaporte, ese acto por el cual todo podría transformarse, se cumpla con la fría eficacia de un reflejo cotidiano. Hasta luego, querida. Que te vaya bien.
Apretar una cucharita entre los dedos y sentir su latido de metal, su advertencia sospechosa. Cómo duele negar una cucharita, negar una puerta, negar todo lo que el hábito lame hasta darle suavidad satisfactoria. Tanto más simple aceptar la fácil solicitud de la cuchara, emplearla para revolver el café.
Y no que esté mal si las cosas nos encuentran otra vez cada día y son las mismas. Que a nuestro lado haya la misma mujer, el mismo reloj, y que la novela abierta sobre la mesa eche a andar otra vez en la bicicleta de nuestros anteojos, ¿por qué estaría mal? Pero como un toro triste hay que agachar la cabeza, del centro del ladrillo de cristal empujar hacia afuera, hacia lo otro tan cerca de nosotros, inasible como el picador tan cerca del toro. Castigarse los ojos mirando eso que anda por el cielo y acepta taimadamente su nombre de nube, su réplica catalogada en la memoria. No creas que el teléfono va a darte los números que buscas. ¿Por qué te los daría? Solamente vendrá lo que tienes preparado y resuelto, el triste reflejo de tu esperanza, ese mono que se rasca sobre una mesa y tiembla de frío. Rómpele la cabeza a ese mono, corre desde el centro de la pared y ábrete paso. ¡Oh, como cantan en el piso de arriba! Hay un piso de arriba en esta casa, con otras gentes. Hay un piso de arriba donde vive gente que no sospecha su piso de abajo, y estamos todos en el ladrillo de cristal. Y si de pronto una polilla se para al borde de un lápiz y late como un fuego ceniciento, mírala, yo la estoy mirando, estoy palpando su corazón pequeñísimo, y la oigo, esa polilla resuena en la pasta de cristal congelado, no todo está perdido. Cuando abra la puerta y me asome a la escalera, sabré que abajo empieza la calle; no el molde ya aceptado, no las casas ya sabidas, no el hotel de enfrente; la calle, la viva floresta donde cada instante puede arrojarse sobre mí como una magnolia, donde las caras van a nacer cuando las mire, cuando avance un poco más, cuando con los codos y las pestañas y las uñas me rompa minuciosamente contra la pasta del ladrillo de cristal, y juegue mi vida mientras avanzo paso a paso para ir a comprar el diario a la esquina.

Historias de Cronopios y de Famas, 1962.

MANUEL D’INSTRUCTIONS

Ce travail de ramollir la brique chaque jour, ce travail de se frayer passage dans la masse gluante qui se proclame monde, tous les matins se heurter au parallélépipède au nom répugnant avec la satisfaction minable que tout est bien à sa place, la même femme à ses côtés, les mêmes souliers, le même goût du même dentifrice, la même tristesse des maisons d’en face, l’échiquier sali des fenêtres avec son enseigne HÔTEL DE BELGIQUE.
Comme un taureau rétif pousser de la tête contre la masse transparente au cœur de laquelle nous prenons notre café au lait et ouvrons notre journal pour savoir ce qui se passe au quatre coins de la brique de verre. Refuser que l’acte délicat de tourner un bouton de porte, cet acte par lequel tout pourrait être transformé, soit accompli avec la froide efficacité d’un geste quotidien. À tout à l’heure, chérie, bonne journée.
Serrer une petite cuillère entre deux doigts et sentir son battement de métal, son éveil inquiet. Comme cela fait mal de renier une petite cuillère, de renier une porte, de renier tout ce que l’habitude lèche pour lui donner la souplesse désirée. C’est tellement plus commode d’accepter la facile sollicitude de la cuillère, de l’utiliser pour tourner son café.
Et ce n’est pas si mal au fond que les choses nous retrouvent tous les jours et soient les mêmes. Qu’il y ait la même femme à nos côtés, le même réveil, et que le roman sur la table se remette en marche sur la bicyclette de nos lunettes. Pourquoi serait-ce mal ? Mais comme un taureau triste il faut baisser la tête, du centre de la brique de verre pousser vers le dehors, vers tout le reste si près de nous, insaisissable, comme le picador si près du taureau. Se punir les yeux en regardant cette chose qui passe dans le ciel et accepte sournoisement son nom de nuage, son modèle catalogué dans la mémoire. Ne crois pas que le téléphone va te donner les numéros que tu cherches. Pourquoi te les donnerait-il ? Il n’arrivera que ce que tu as déjà préparé et résolu, le triste reflet de ton espérance, ce singe qui se gratte sur une table et tremble de froid. Écrabouille-le ce singe, fonce contre le mur et ouvre une brèche. Oh, comme on chante à l’étage au-dessus ! Il y a un étage au-dessus où vivent des gens qui ignorent leur étage en dessous, et nous sommes tous dans la brique de verre. Mais si soudain une mite se pose au bout de mon crayon et bat comme un feu sous la cendre, regarde-la, moi je la regarde, je palpe son cœur minuscule et je l’entends, cette mite résonne dans la pâte de verre congelé, tout n’est pas perdu. Quand j’ouvrirai la porte, quand je sortirai sur le palier, je saurai qu’en bas commence la rue, non pas le modèle accepté d’avance, non pas les maisons déjà connues, non pas l’hôtel d’en face : la rue, forêt vivante où chaque instant peut me tomber dessus comme une fleur de magnolia, où les visages vont naître de l’instant où je les regarde, lorsque j’avancerai d’un pas, lorsque je me cognerai des coudes, des cils et des ongles à la pâte de verre de la brique et que pas à pas je risquerai ma vie pour aller acheter le journal au kiosque du coin.

Cronopes et Fameux, 1977. Gallimard. Traduction de l’espagnol (Argentine) par Laure Guille-Bataillon. Collection Folio n°2435.

Instrucciones para llorar
Dejando de lado los motivos, atengámonos a la manera correcta de llorar, entendiendo por esto un llanto que no ingrese en el escándalo, ni que insulte a la sonrisa con su paralela y torpe semejanza. El llanto medio u ordinario consiste en una contracción general del rostro y un sonido espasmódico acompañado de lágrimas y mocos, estos últimos al final, pues el llanto se acaba en el momento en que uno se suena enérgicamente.
Para llorar, dirija la imaginación hacia usted mismo, y si esto le resulta imposible por haber contraído el hábito de creer en el mundo exterior, piense en un pato cubierto de hormigas o en esos golfos del estrecho de Magallanes en los que no entra nadie, nunca.
Llegado el llanto, se tapará con decoro el rostro usando ambas manos con la palma hacia adentro. Los niños llorarán con la manga del saco contra la cara, y de preferencia en un rincón del cuarto. Duración media del llanto, tres minutos.

Historias de Cronopios y de Famas, 1962.

Instructions pour pleurer
Laissons de côté les motifs pour ne considérer que la manière correcte de pleurer , étant entendu qu’il s’agit de pleurs qui ne tournent pas au scandale ni n’insultent le sourire de leur parallèle et maladroite ressemblance. Les pleurs moyens ou ordinaires consistent en une contraction générale du visage, en un son spasmodique accompagné de larmes et de morves, celles-ci apparaissant vers la fin puisque les pleurs s’achèvent au moment où l’on se mouche énergiquement.
Pour pleurer, tournez-vous vers vous-même votre imagination et si cela vous est impossible pour avoir pris l’habitude de croire au monde extérieur, pensez à un canard couvert de fourmis ou à ces golfes du détroit de Magellan où n’entre personne, jamais.
Les pleurs apparus, on se couvrira par bienséance le visage en se servant de ses deux mains, la paume tournée vers l’intérieur. Les enfants pleureront le bras replié sur le visage de préférence dans un coin de leur chambre. Durée moyenne des pleurs, trois minutes.

Cronopes et Fameux,1977. Gallimard. Traduction de l’espagnol (Argentine) par Laure Guille-Bataillon. Collection Folio n°2435.

Preámbulo a las instrucciones para dar cuerda al reloj
Piensa en esto: cuando te regalan un reloj te regalan un pequeño infierno florido, una cadena de rosas, un calabozo de aire. No te dan solamente el reloj, que los cumplas muy felices y esperamos que te dure porque es de buena marca, suizo con áncora de rubíes; no te regalan solamente ese menudo picapedrero que te atarás a la muñeca y pasearás contigo. Te regalan -no lo saben, lo terrible es que no lo saben-, te regalan un nuevo pedazo frágil y precario de ti mismo, algo que es tuyo pero no es tu cuerpo, que hay que atar a tu cuerpo con su correa como un bracito desesperado colgándose de tu muñeca. Te regalan la necesidad de darle cuerda todos los días, la obligación de darle cuerda para que siga siendo un reloj; te regalan la obsesión de atender a la hora exacta en las vitrinas de las joyerías, en el anuncio por la radio, en el servicio telefónico. Te regalan el miedo de perderlo, de que te lo roben, de que se te caiga al suelo y se rompa. Te regalan su marca, y la seguridad de que es una marca mejor que las otras, te regalan la tendencia de comparar tu reloj con los demás relojes. No te regalan un reloj, tú eres el regalado, a ti te ofrecen para el cumpleaños del reloj.

Instrucciones para dar cuerda al reloj
Allá al fondo está la muerte, pero no tenga miedo. Sujete el reloj con una mano, tome con dos dedos la llave de la cuerda, remóntela suavemente. Ahora se abre otro plazo, los árboles despliegan sus hojas, las barcas corren regatas, el tiempo como un abanico se va llenando de sí mismo y de él brotan el aire, las brisas de la tierra, la sombra de una mujer, el perfume del pan.
¿Qué más quiere, qué más quiere? Átelo pronto a su muñeca, déjelo latir en libertad, imítelo anhelante. El miedo herrumbra las áncoras, cada cosa que pudo alcanzarse y fue olvidada va corroyendo las venas del reloj, gangrenando la fría sangre de sus rubíes. Y allá en el fondo está la muerte si no corremos y llegamos antes y comprendemos que ya no importa.

Historias de Cronopios y de Famas, 1962.

Préambule aux instructions pour remonter une montre
Penses-y bien : lorsqu’on t’offre une montre, on t’offre un petit enfer fleuri, une chaîne de roses, une geôle d’air. On ne t’offre pas seulement la montre, joyeux anniversaire, nous espérons qu’elle te fera de l’usage, c’est une bonne marque, suisse à ancre à rubis, on ne t’offre pas seulement ce minuscule picvert que tu attacheras à ton poignet et promèneras avec toi. On t’offre – on l’ignore, le plus terrible c’est qu’on l’ignore -, on t’offre un nouveau morceau fragile et précaire de toi-même, une chose qui est toi mais qui n’est pas ton corps, qu’il te faut attacher à ton corps par son bracelet comme un petit bras désespéré agrippé à ton poignet. On t’offre la nécessité de la remonter tous les jours, l’obligation de la remonter pour qu’elle continue à être une montre ; on t’offre l’obsession de vérifier l’heure aux vitrines des bijoutiers, aux annonces de la radio, à l’horloge parlante. On t’offre la peur de la perdre, de te la faire voler, de la laisser tomber et de la casser. On t’offre sa marque, et l’assurance que c’est une marque meilleure que les autres, on t’offre la tentation de comparer ta montre aux autres montres. On ne t’offre pas une montre, c’est toi le cadeau, c’est toi qu’on offre pour l’anniversaire de la montre.

Instructions pour remonter une montre.

Là-bas au fond il y a la mort, mais n’ayez pas peur. Tenez la montre d’une main, prenez le remontoir entre deux doigts, tournez-le doucement. Alors s’ouvre un nouveau sursis, les arbres déplient leurs feuilles, les voiliers courent des régates, le temps comme un éventail s’emplit de lui-même et il en jaillit l’air, les brises de la terre, l’ombre d’une femme, le parfum du pain.

Que voulez-vous de plus? Attachez-la vite à votre poignet, laissez-la battre en liberté, imitez-la avec ardeur. La peur rouille l’ancre, toute chose qui eût pu s’accomplir et fut oubliée ronge les veines de la montre, gangrène le sang glacé de ses rubis. Et là-bas dans le fond, il y a la mort si nous ne courons pas et n’arrivons avant et ne comprenons pas que cela n’a plus d’importance.

Cronopes et Fameux,1977. Gallimard. Traduction de l’espagnol (Argentine) par Laure Guille-Bataillon. Collection Folio n°2435.

Bolivia -Simón Bolívar 1783 – 1830

Lago Titicaca. Caballitos de totora.

Coup d’état militaire en Bolivie le 12 novembre 2019. La droite bourgeoise et raciste revient au pouvoir avec l’aide de l’armée et de la police. Trump, Bolsonaro sont derrière tout cela. Envie de vomir.

Je me souviens de notre voyage dans ce pays magnifique en octobre 2016.

Copacabana – Lac Titicaca – Huatajata – Tiahuanaco – La Paz – Vallée de la Lune – Tarabuco – Potosí – Sucre – Oruro – Desaguadero.

L’indépendance du pays a été obtenue en 1825, grâce aux armées de Bolívar, en hommage duquel la Bolivie prit son nom.

La Paz. Chola.

Samedi 16 octobre (10h-11h). France Culture. Simon Bolivar, encore et toujours. Concordance des Temps de Jean-Noël Jeanneney.

https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/simon-bolivar-encore-et-toujours

Paris VIII. Cours La Reine. Statue de Simón Bolívar (Emmanuel Frémiet 1824-1910)

Un extrait du poème de Pablo Neruda, Un chant pour Bolivar, est lu par Pierre Constant (Émission “Poèmes du monde” France Culture, 10 juillet 1971).

UN CANTO PARA BOLÍVAR

Padre nuestro que estás en la tierra, en el agua, en el aire
de toda nuestra extensa latitud silenciosa,
todo lleva tu nombre, padre, en nuestra morada:
tu apellido la caña levanta a la dulzura,
el estaño bolívar tiene un fulgor bolívar,
el pájaro bolívar sobre el volcán bolívar,
la patata, el salitre, las sombras especiales,
las corrientes, las vetas de fosfórica piedra,
todo lo nuestro viene de tu vida apagada,
tu herencia fueron ríos, llanuras, campanarios,
tu herencia es el pan nuestro de cada día, padre.

Tu pequeño cadáver de capitán valiente
ha extendido en lo inmenso su metálica forma,
de pronto salen dedos tuyos entre la nieve
y el austral pescador saca a la luz de pronto
tu sonrisa, tu voz palpitando en las redes.
De qué color la rosa que junto a tu alma alcemos?
Roja será la rosa que recuerde tu paso.
Cómo serán las manos que toquen tu ceniza?
Rojas serán las manos que en tu ceniza nacen.
Y cómo es la semilla de tu corazón muerto?
Es roja la semilla de tu corazón vivo.

Por eso es hoy la ronda de manos junto a ti.
Junto a mi mano hay otra y hay otra junto a ella,
y otra más, hasta el fondo del continente oscuro.
Y otra mano que tú no conociste entonces
viene también, Bolívar, a estrechar a la tuya:
de Teruel, de Madrid, del Jarama, del Ebro,
de la cárcel, del aire, de los muertos de España
llega esta mano roja que es hija de la tuya.

Capitán, combatiente, donde una boca
grita libertad, donde un oído escucha,
donde un soldado rojo rompe una frente parda,
donde un laurel de libres brota, donde una nueva
bandera se adorna con la sangre de nuestra insigne aurora,
Bolívar, capitán, se divisa tu rostro.
Otra vez entre pólvora y humo tu espada está naciendo.
Otra vez tu bandera con sangre se ha bordado.
Los malvados atacan tu semilla de nuevo,
clavado en otra cruz está el hijo del hombre.

Pero hacia la esperanza nos conduce tu sombra,
el laurel y la luz de tu ejército rojo
a través de la noche de América con tu mirada mira.
Tus ojos que vigilan más allá de los mares,
más allá de los pueblos oprimidos y heridos,
más allá de las negras ciudades incendiadas,
tu voz nace de nuevo, tu mano otra vez nace:
tu ejército defiende las banderas sagradas:
la Libertad sacude las campanas sangrientas,
y un sonido terrible de dolores precede
la aurora enrojecida por la sangre del hombre.
Libertador, un mundo de paz nació en tus brazos.
La paz, el pan, el trigo de tu sangre nacieron,
de nuestra joven sangre venida de tu sangre
saldrán paz, pan y trigo para el mundo que haremos.

Yo conocí a Bolívar una mañana larga,
en Madrid, en la boca del Quinto Regimiento,
Padre, le dije, eres o no eres o quién eres?
Y mirando el Cuartel de la Montaña, dijo:
“Despierto cada cien años cuando despierta el pueblo”.

Tercera Residencia. (1935-1945). Buenos Aires, Edición Losada, 1947.

Un chant pour Bolivar

Notre Père qui est sur la terre, sur l’eau, sur l’air
de toute notre vaste étendue silencieuse,
tout porte ton nom, père, dans notre demeure:
ton nom incite la canne à sucre à la douceur,
l’étain bolivar a un éclat bolivar,
l’oiseau bolivar sur le volcan bolivar,
la pomme de terre, le salpêtre, les ombres singulières,
les courants, les couches de pierre phosphorique,
tout ce qui est à nous vient de ta vie éteinte,
les fleuves, les plaines, les clochers furent ton héritage,
ton héritage notre pain de chaque jour, père.

Ton petit cadavre de capitaine courageux
a déployé dans l’infini sa forme métallique,
tes doigts surgissent soudain entre la neige
et le pêcheur austral tire tout à coup ton sourire à la lumière,
ta voix palpitante entre ses filets.

De quelle couleur sera la rose qu’auprès de ton âme nous élèverons?
Rouge sera la rose qui rappellera ton passage.
Comment seront les mains qui recueilleront ta cendre?
Rouges seront les mains qui naissent de ta cendre.
Et comment est la graine de ton cœur mort?
Rouge est la graine de ton cœur vivant.

Voilà pourquoi il y a aujourd’hui autour de toi une ronde de mains.
Près de ma main il y en a une autre et il y en a une autre
auprès d’elle,
et une autre encore, jusqu’au fond du continent obscur.
Et une autre main que tu ne connus pas alors
arrive aussi, Bolivar, pour étreindre la tienne:
de Teruel, de Madrid, du Jarama, de l’Èbre,
de la prison, de l’air, des morts de l’Espagne
arrive cette main rouge qui est la fille de la tienne.

Capitaine, combattant, là où une bouche
crie liberté, là où une oreille écoute,
là où un soldat rouge brise un front brun,
là où un laurier d’homme libre surgit, là où un nouveau
drapeau se pare du sang de notre insigne aurore,
Bolivar, capitaine, apparaît ton visage.
Encore une fois entre poudre et fumée ton épée est en train de naître.
Encore une fois ton drapeau s’est brodé de sang.
La perversion attaque à nouveau ta semence,
le fils de l’homme est cloué sur une autre croix.

Mais ton ombre nous conduit vers l’espérance,
le laurier et la lumière de ton armée rouge
regardent par ton regard à travers la nuit d’Amérique.
Tes yeux qui veillent au-delà des mers,
au-delà des peuples opprimés et blessés,
au-delà des noires villes incendiées,
ta voix naît à nouveau, ta main naît une fois encore:
ton armée défend les drapeaux sacrés:
la Liberté agite les cloches sanglantes,
et un son terrible de souffrances précède
l’aurore rougie par le sang de l’homme.
Libérateur, un monde de paix est né dans tes bras.
La paix, le pain, le blé naquirent de ton sang,
de notre jeune sang qui est né de ton sang
surgiront paix, pain, blé pour le monde que nous ferons.

J’ai connu Bolivar par un long matin,
à Madrid, au sein du Cinquième Régiment.
Père, lui dis-je, es-tu ou n’es-tu pas ou qui es-tu?
Et regardant le Cuartel de la Montaña, il dit:
«Je m’éveille tous les cent ans quand le peuple s’éveille.»

Résidence sur la Terre, Traduit de l’espagnol par Guy Suarès. Collection Poésie/Gallimard N° 83 (1972)

Joan Margarit Prix Cervantes 2019

Le poète catalan Joan Margarit vient d’obtenir le Prix Cervantes 2019, le Prix Nobel des langues castillanes. Avant lui, l’ont obtenu d’autres catalans comme Juan Marsé, Ana María Matute, Juan Goytisolo et Eduardo Mendoza. Mais, c’est le premier qui possède une oeuvre pleinement bilingue en catalan et en castillan. Il a déclaré au journal El País: “No voy a renunciar a las dos lenguas digan lo que digan los políticos”.

Un peu d’espoir: un gouvernement de gauche, un début de dialogue. Attendre Voir.

El mar

Com els lloms foscos d’un ramat de poltres,
les onades s’acosten, desplomant-se
amb una remor sorda però lírica
que Homer va ser el primer a saber escoltar.
Cansades de la llarga galopada,
es posen a tremolar.
Després es queixen, ronques de plaer,
com una dona als braços de l’amant.
Les onades, més tard, comencen
a abraonar-se, escumejants, com llops
que haguessin olorat alguna presa.
El ponent, arribant de rere meu,
posa medalles roges als seus lloms.
En la vora mullada de la sorra
veig les teves empremtes i, per l’aire,
passa una ombra daurada del teu cos.
Era de tu que m’avisava, doncs,
amb els seus gestos de sordmut, el mar.
Està dient que el lloc, dins meu, que ocupes
serà part de l’infern si el deixes buit.
Que al fons d’aquest amor torna a esperar-me
la desolació dels meus vint anys.

Estació de França. Madrid: Hiperión, 1999. Edición bilingüe catalán-castellano.

El mar

Como lomos oscuros de un rebaño de potros
se aproximan las olas, desplomándose
con este rumor sordo pero lírico
que Homero fue el primero en escuchar.
Cansadas de su larga galopada,
se ponen a temblar.
Después se quejan, roncas de placer,
igual que una mujer en brazos de su amante.
Más tarde se abalanzan entre espumas,
como si fueran lobos que olfatearan la presa.
El poniente, llegando por mi espalda,
pone medallas rojas en sus lomos.
En la orilla mojada de la arena
veo tus huellas, por el aire pasa
una dorada sombra de tu cuerpo.
O sea que es de ti de quien, con gestos
de sordomudo, me está hablando el mar.
Dice que este lugar dentro de mí que ocupas
pasaría a ser parte del infierno
si tú lo abandonaras.

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2019/05/08/joan-margarit-2/

http://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/03/16/joan-margarit/

César Vallejo

Madrid. Busto de César Vallejo (Miguel Baca Rossi). Parque del Oeste. Paseo del Pintor Rosales.

Los pasos lejanos

Mi padre duerme. Su semblante augusto
figura un apacible corazón;
está ahora tan dulce…
si hay algo en él de amargo, seré yo.

Hay soledad en el hogar; se reza;
y no hay noticias de los hijos hoy.
Mi padre se despierta, ausculta
la huida a Egipto, el restañante adiós.
Está ahora tan cerca;
si hay algo en él de lejos, seré yo.

Y mi madre pasea allá en los huertos,
saboreando un sabor ya sin sabor.
Está ahora tan suave,
tan ala, tan salida, tan amor.

Hay soledad en el hogar sin bulla,
sin noticias, sin verde, sin niñez.
Y si hay algo quebrado en esta tarde,
y que baja y que cruje,
son dos viejos caminos blancos, curvos.
Por ellos va mi corazón a pie.

Los Heraldos Negros, 1918.

[Dante Liano (1948), écrivain guatémaltèque, utilise les quatre derniers vers de ce poème de Vallejo comme épigraphe de son roman Réquiem por Teresa, publié cette année dans la collection de poche du Fondo de Cultura económica.]

Santiago de Chuco. Maison natale de César Vallejo avant restauration.

Les pas lointains

Mon père dort. Son auguste visage
figure un cœur serein ;
il est maintenant si doux…
s’il est en lui quelque chose d’amer, ce doit être moi.

Il y a de la solitude au foyer ; on prie ;
et pas de nouvelles des enfants aujourd’hui.
Mon père s’éveille, ausculte
la fuite en Égypte, l’adieu apaisant.
Il est maintenant si proche ;
s’il est en lui quelque chose de lointain, ce doit être moi.

Et ma mère se promène là-bas dans les jardins,
savourant une saveur désormais sans saveur.
Elle est maintenant si suave,
si aile, si départ, si amour.

Il y a de la solitude au foyer sans tumulte,
sans nouvelles, sans vert, sans enfance.
Et s’il est quelque chose de brisé ce soir,
et qui descend et qui grince,
ce sont deux vieux chemins blancs, courbés.
Mon cœur les parcourt à pied.

(Traduit par Nicole Réda-Euvremer)

Manuel Vilas

Manuel Vilas.

(Gracias a ManuSM)

9. Los aviones

Los aviones requieren un capítulo aparte. Lo primero que se me ocurre es que tiene que ser un buen negocio, dada la abundancia de compañías aéreas. Lo segundo que se me ocurre es que volar ya no es viajar, sino solo moverse, o desplazarse, o más bien hacer colas, apretujarse, comprimirse.
Ya nadie viaja.
El viaje no existe. Lo que la gente hace es sufrir, pagar, e intentar dormir en un espacio físico indigno. Porque las compañías aéreas dividen los aviones en espacios minúsculos, en donde solo los liliputienses pueden viajar dignamente.
Tiene gracia eso: para viajar dignamente en un avión actual tienes que ser un liliputiense o un niño de seis años.
No hay urbanidad aquí.
Mejor viajar contemplando un mapa.
Los mapas antiguos son más humanos que los aviones modernos.
Los aeropuertos son todos hostiles y feos, aunque estén diseñados por grandes arquitectos, porque son solo lugares de paso, llenos de ruido, llenos de gente temerosa de perder su vuelo, o de que se retrase su vuelo, o de que cancelen su vuelo.
Lo mejor de los aeropuertos son las tiendas de marcas de lujo. Yo ne he visto nunca nadie comprar en esas tiendas.»

Nueva teoría de la urbanidad. Editorial: Carreño Books. Edición exclusiva para los lectores y amigos de la Fnac. Octubre de 2019.

María Teresa León 1903 – 1988

María Teresa León.

María Teresa León est née le 31 octobre 1903 à Logroño. Elle est morte le 13 décembre 1988 (à 85 ans) à Majadahonda, près de Madrid. Elle fut romancière, essayiste, dramaturge et scénariste.

Son père, Ángel León, était colonel. Sa mère, Olivia Goyri, l’envoie étudier à l’Institución Libre de Enseñanza où enseigne María Goyri, sa soeur, une des pemières femmes espagnoles à avoir obtenu un doctorat et épouse du grand philologue Ramón Menéndez Pidal. María Teresa León obtient une licence en Philosophie et en Lettres.

À 16 ans, elle fugue et fait scandale. Un an près en 1920, elle épouse le journaliste et écrivain Gonzalo de Sebastián Alfaro. Elle rencontre le poète Rafael Alberti en 1929 et quitte son mari. Elle sera déchue de ses droits sur ses deux fils (Gonzalo et Enrique) qu’elle ne pourra pas revoir avant des années.

Elle adhère au Parti communiste et épouse en 1932 Alberti. Ensemble, ils voyagent dans plusieurs pays d’Europe. De retour à Madrid, Maria Teresa León crée la revue Octobre, « pour la défense de l’URSS, contre le fascisme ». Quand éclate la révolte des mineurs des Asturies, en 1934, le couple est à Moscou, au premier congrès des écrivains soviétiques. En Espagne, leur maison est fouillée. Pour le Parti communiste, ils partent aux États-Unis, puis au Mexique et à Cuba, afin de multiplier les conférences et articles pour alerter sur la menace fasciste.

La guerre civile les surprend à Ibiza. Dans un premier temps, ils se cachent dans l’île, puis reviennent à Madrid. À la fin du mois de juillet 1936, sous les bombardements, elle fait évacuer de nombreux tableaux des musées madrilènes vers des villes plus sûres. Elle fonde et anime la revue El Mono Azul, crée les Guérillas du théâtre, qui donnent des représentations près des lignes de front auprès des soldats républicains. Secrétaire de l’Alliance des écrivains antifascistes, Marie Teresa León organise les réunions de 1937 qui aboutissent au congrès de Madrid pour la défense de la culture. Il réunit de nombreux écrivains d’Europe et d’Amérique latine.
À la fin de la guerre civile, le couple est hébergé à Paris chez leurs amis, Pablo Picasso et Pablo Neruda. Ils vivent en exil en Argentine de 1940 à 1963, puis à Rome de 1963 à 1977. Maria Teresa León continue d’écrire mais doit faire face à la maladie d’Alzheimer. Elle n’aura conscience ni de la mort de Franco ni de son retour en Espagne en 1977, après trente-huit ans d’exil.

Dans Las simsombrero. Las pensadoras y artistas olvidadas de la Generación del 27 (Espasa, 2016; Booket, 2019), Tània Balló insiste particulièrement sur son œuvre qui est trop méconnue.

Memoria de la melancolía (Editorial Losada, Buenos Aires, 1970; Clásicos Castalia, 1999) est une autobiographie importante qui mérite d’être lue et relue.
« Porque todos los desterrados de España tenemos los ojos abiertos a los sueños. León Felipe aseguró que nos habíamos llevado la canción en los labios secos y fruncidos, callados y tristes. Yo creo que nos hemos llevado la ley que hace al hombre vivir en común, la ley de la vida diaria, hermosa verdad transitoria. Nos la llevamos sin saberlo, prendida en los trajes, en los hombros, entre los dedos de las manos… Somos hombres y mujeres obedientes a otra ley y a otra justicia que nada tenemos que ver con lo que vino y se enseñoró de nuestro solar, de nuestros ríos, de nuestra tierra, de nuestras ciudades. No sé si se dan cuenta los que quedaron por allá, o nacieron después de quiénes somos los desterrados de España. Nosotros somos ellos, lo que ellos serán cuando se restablezca la verdad de la libertad. Nosotros somos la aurora que están esperando.

Un día se asombrarán de que lleguemos, de que nos regresemos con nuestras ideas altas como palmas para el domingo de los ramos alegres. Nosotros, los del paraíso perdido.» (páginas 97-98)

«La memoria puede tener los ojos indulgentes. Ya no llegan a nosotros los ruidos vivos sino los muertos. Memoria del olvido, escribió Emilio Prados, memoria melancólica, a medio apagar, memoria de la melancolía. No sé quién solía decir en mi casa: hay que tener recuerdos. Vivir no es tan importante como recordar. Lo espantoso era no tener nada que recordar, dejando detrás de sí una cinta sin señales. Pero qué horrible es que los recuerdos se precipiten sobre ti y te obliguen a mirarlos y te muerdan y se revuelquen sobre tus entrañas, que es el lugar de la memoria.» (página 130)

«Somos el producto de lo que los otros han irradiado de sí o perdido, pero creemos que somos nosotros. ¡Qué equivocados vamos hacia la muerte! Yo siento que me hice del roce de tanta gente: de la monjita, de la amiga de buen gusto, del tío abuelo casi emparedado, del chico de los pájaros, del beso, de la caricia, del insulto, del amigo que se nos insinuó, del que nos empujó, del que nos advirtió, del que callado apretó los dientes y sentimos aún la mordedura… Todos, todos. Somos lo que nos han hecho, lentamente, al correr tantos años. Cuando estamos definitivamente seguros de ser nosotros, nos morimos.¡Qué lección de humildad!» (páginas 146-147)

«No sé si podemos elegir sitio para morir; Lo que decididamente no elegimos en nuestro complicado mundo de fronteras y pasaportes es dónde vivir. Dicen que desde hace siglos ocurre esto y, a consuelo de tontos…» (página 209)

« Estas cuartillas que voy escribiendo se me han volado todas dispersándose, jugando a la mala pasada de huirme. Voy hacia ellas, amarillas o verdosas aún. Cómo se han reído siempre delante de mis pasos todos los otoños. Se las lleva el viento, los vientos que nos soplan en los oídos las medias palabras. No sé ya qué me cuentan. Sé que silabean corriendo, juntando puntas de palabras, hasta palabras caminando pequeñas, persuasivas, enhebrando una verdad que jamás comprendemos. Vuelas, vuelas bien, memoria, memoria de la melancolía. Puede que sean los falsos recuerdos, los amores menudos los que hayan decretado que te lo diga en este otoño. Un otoño más. Basta, no quiero números no he sabido jamás qué debo hacer con ellos. Dirán las hojas que me faltan manos para agarrar mi verdadera vida o dientes para morderla. No, no, es que amarilleo también y doblo la cabeza cuando comienzan los otoños. Miro cómo corren hasta los papeles creyéndose pájaros o ese mensaje por el cual se ha pagado más para que llegue como el viento. Papeles en la calle…¿Los habéis visto volar? El mal humor ciudadano levanta su cuerpo leve y vuelan hasta que las ruedas del automóvil los detiene y aplasta con la ley del más fuerte. ¿Así me ocurrirá? En esta poco arrulladora vida, ¿volarán las hojas de mi recuerdo hasta que alguien las aplaste por inútiles?

Hoy todas se me han dispersado con vida propia y no con la que yo les impuse al escribirlas. ¿Cuándo caerán de nuevo? Es la bandada que huye al llegar mordiendo el frío y apenas dice adiós.» (páginas 393-394)

Miguel Hernández

Orihuela. Monumento a Miguel Hernández.

Le 30 octobre 1910, il y a aujourd’hui 109 ans, naissait à Orihuela (Alicante) Miguel Hernández Gilabert ,”el pastor poeta”.

Le 18 janvier 1940, un Conseil de Guerre le condamna à mort l’accusant du délit d’adhésion à la rebellion. Le 9 juillet 1940, il vit sa peine commuée en trente années d’emprisonnement. Miguel Hernández connut les prisons de Madrid, Palencia, Ocaña, Alicante. Les conditions déplorables de détention eurent raison de sa santé. Le poète mourut de tuberculose pulmonaire le 28 mars 1942 à 31 ans. On l’enterra le lendemain au cimetière Nuestra Señora del Remedio d’Alicante. Sa condamnation n’a toujours pas été annulée par le Tribunal Suprême.

Le poème qui suit semble lui avoir été inspiré comme la plupart de ceux qui constituent El rayo que no cesa (1936) par sa relation avec la peintre Maruja Mallo (1902-1995). Ils se rencontrèrent chez Pablo Neruda à Madrid (La Casa de las Flores – Arguëlles) en 1935. Ils vécurent une relation très forte en 1935 et 1936, parcoururent ensemble l’Espagne, puis se séparèrent tout en maintenant une profonde amitié.

Maruja Malló évoque ainsi leurs rapports:

«Yo hice una evolución hacia la vida, hacia el campo, y fue entonces cuando brotó el trigo como un todo, el trigo por los caminos de Castilla. Miguel Hernández era el que tenía conocimiento de la astrología de la tierra, porque, a fin de cuentas, la tierra está dentro de los astros. Miguel decía que cuando había luna menguante, tal producto brotaba; cuando había creciente, estalla ese otro.»

«Fuimos los primeros iniciadores del autostop, sin proponerlo. Al llegar al camión, los campesinos nos entregaron un ramo de flores, pidiéndonos disculpas por el alojamiento que nos brindaban…Yo recordé la frase del conde Keyserling, cuando manifestó que la aristocracia de España estaba en el pueble.» (Tània Balló, Las sinsombrero, 2016)

¿No cesará este rayo que me habita
el corazón de exasperadas fieras
y de fraguas coléricas y herreras
donde el metal más fresco se marchita?

¿No cesará esta terca estalactita
de cultivar sus duras cabelleras
como espadas y rígidas hogueras
hacia mi corazón que muge y grita?

Este rayo ni cesa ni se agota:
de mí mismo tomó su procedencia
y ejercita en mí mismo sus furores.

Esta obstinada piedra de mí brota
y sobre mí dirige la insistencia
de sus lluviosos rayos destructores.

El rayo que no cesa, 1936.

Cessera-t-elle un jour cette foudre qui peuple
Mon coeur de féroces fauves exaspérés
Et d’enclumes colériques et forgeronnes
Où même le métal le plus frais se flétrit?

Cessera-t-elle un jour l’entêtée stalactite
De cultiver enfin ses dures chevelures
Pareilles aux épées et aux bûchers rigides,
Tournées contre mon coeur qui mugit et qui crie?

Cette foudre n’a de cesse ni ne s’épuise:
C’est en moi-même qu’elle a pris son origine,
Contre moi-même qu’elle exerce ses fureurs.

Cette pierre obstinée, de moi elle jaillit
Et c’est sur moi qu’elle dirige l’insistance
De ses foudres dévastatrices et pluvieuses.

Cet éclair qui ne cesse pas.

(Traduction Yves Aguila)

Sorpresa del trigo (Maruja Mallo). Mai 1936.

Sorpresa del trigo (mayo de 1936) es como el prólogo de mi labor sobre los trabajadores de mar y tierra, compenetración de elementos materiales. El trigo, vegetal universal, símbolo de la lucha, mito terrenal.

Manifestación de creencia que surge de la severidad y la gracia de las dos Castillas, de mi fe materialista en el triunfo de los peces, en el reinado de la espiga.”
Maruja Mallo. Buenos Aires, 31 de julio de 1937.

León Felipe 1884-1968

León Felipe (Walter Reuter y Javier de la Fuente)

Auschwitz ( León Felipe 1884-1968)

A todos los judíos del mundo, mis amigos, mis hermanos.

Estos poetas infernales,
Dante, Blake, Rimbaud …
Que hablen más bajo…
Que toquen más bajo…
¡Que se callen!
Hoy
Cualquier habitante de la tierra
Sabe mucho más del infierno
Que esos tres poetas juntos.
Ya sé que Dante toca muy bien el violín…
¡Oh, el gran virtuoso!
Pero que no pretenda ahora
Con sus tercetos maravillosos
Y sus endecasílabos perfectos
Asustar a ese niño judío
Que está ahí, desgajado de sus padres…
Y solo.
¡Solo!
Aguardando su turno
En los hornos crematorios de Auschwitz.
Dante… tú bajaste a los infiernos
Con Virgilio de la mano
(Virgilio, «gran cicerone»)
Y aquello vuestro de la Divina Comedia
Fue una aventura divertida
De música y turismo.
Esto es otra cosa… otra cosa…
¿Cómo te explicaré?
¡Si no tienes imaginación!
Tú… no tienes imaginación,
Acuérdate que en tu «Infierno»
No hay un niño siquiera…
Y ese que ves ahí…
Está solo
¡Solo! Sin cicerone
Esperando que se abran las puertas de un infierno
Que tú, ¡pobre florentino!,
No pudiste siquiera imaginar.
Esto es otra cosa… ¿cómo te diré?
¡Mira! Éste es un lugar donde no se puede tocar el violín.
Aquí se rompen las cuerdas de todos
Los violines del mundo.
¿Me habéis entendido poetas infernales?
Virgilio, Dante, Blake, Rimbaud…
¡Hablad más bajo!
¡Tocad más bajo!… ¡Chist!…
¡¡Callaos!!
Yo también soy un gran violinista…
Y he tocado en el infierno muchas veces…
Pero ahora, aquí…
Rompo mi violín… y me callo.

¡Oh, este viejo y roto violín! México, Fondo de Cultura Económica, 1965.

Auschwitz

A todos los judíos del mundo, mis amigos, mis hermanos.

Ces poètes de l’enfer,
Dante, Blake, Rimbaud…
Qu’ils parlent moins haut…
Qu’ils jouent moins haut…
Qu’ils se taisent!
Aujourd’hui
N’importe quel habitant de la terre
En sait beaucoup plus sur l’enfer
Que ces trois poètes ensemble.
Oui, je sais que Dante joue très bien du violon.
Ah, quel grand virtuose!
Mais qu’il n’ait pas la prétention
Avec ses merveilleux tercets,
Ses hendécasyllabes parfaits,
D’effrayer cet enfant juif,
Là, arraché à son père et à sa mère…
Et qui est seul.
Tout seul!
À attendre son tour
Devant les fours crématoires d’Auschwitz.
Dante…tu es descendu aux Enfers,
Ta main dans la main de Virgile
(«Grand cicérone», ce Virgile),
Et votre truc, la Divine Comédie,
Ça a été une aventure amusante,
Du tourisme en musique.
Ça, c’est autre chose…autre chose…
Comment t’expliquer?
C’est que tu manques d’imagination!
Toi…tu manques d’imagination,
Souviens-toi que dans ton «Enfer»
Il n’y a pas un seul enfant…
Et celui que tu vois, là,
Il est seul.
Tout seul! Sans cicérone…
À attendre que s’ouvrent les portes d’un enfer
Que toi, mon pauvre Florentin!
Tu n’as même pas pu imaginer.
Ça, c’est autre chose…Comment te dire?
C’est un lieu où se brisent les cordes de tous
Les violons du monde.
Vous m’avez bien compris, poètes de l’enfer?
Virgile, Dante, Blake, Rimbaud…
Parlez moins haut!
Jouez moins haut!… Chut!…
Taisez-vous!
Moi aussi je suis un grand violoniste…
Et j’ai joué en enfer, bien souvent…
Mais ici et maintenant,
Je brise mon violon…et je me tais.

Oh, ce vieux violon cassé! 1965. (Traduction Yves Aguila)
Anthologie bilingue de la poésie espagnole. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 1995.

León Felipe (pseudonyme de Felipe Camino Galicia) est né à Tábara, près de Zamora. Son père est notaire. Après des études de pharmacie, il gère plusieurs officines en Espagne, puis s’engage dans une troupe de comédiens ambulants et parcourt toute l’Espagne. De 1920 à 1922, il vit en Afrique dans l’île de Fernando Poo, en tant qu’administrateur des hôpitaux, puis au Mexique et aux Etats-Unis. Il revient dans son pays natal en 1934 et fait la connaissance du poète chilien Pablo Neruda. C’est un républicain espagnol exilé au Mexique de 1938 à sa mort en 1968. Il y jouera un rôle intellectuel considérable. Son œuvre est souvent associée à celle de Walt Whitman, qu’il traduit.

https://www.youtube.com/watch?v=eU1tIq6qO4U

     

Antico Caffè Greco

Artistes au Café Greco (Ludwig Passini), 1856.

L’antico Caffè Greco (86, via Condotti), situé dans le centre historique de Rome, est menacé de mort. L’actuel décor remonte à 1869. Il s’agit une enfilade de petites salles aux murs pourpres, couverts de tableaux complétées par de petites tables en marbre et de fauteuils de velours.

Ce café a été fondé en 1760 par un grec appelé Nicola della Maddalena. Dans les années 1780, l’âge d’or du Grand Tour, les touristes s’installaient là l’après-midi. La rareté du café sous le régime napoléonien et le blocus continental a permis ici l’invention de son absorption par petites tasses. Ce fut ensuite un lieu de rencontre pour les écrivains et les artistes, très actif au début du XXe siècle. Considéré comme une véritable institution, le Greco a vu défiler des artistes comme Giacomo Casanova, Giacomo Leopardi, Chateaubriand, Stendhal, Goethe, Byron, Franz Liszt, Brahms, John Keats, Charles Dickens, Friedrich Nietzsche, Henry James, Hector Berlioz, Felix Mendelssohn, Georges Bizet, Gogol, Herman Melville, Mark Twain, Arthur Schopenhauer, Ibsen, Guillaume Apollinaire, Giorgio de Chirico, Gabriele D’Annunzio, James Joyce, Thomas Mann, Orson Welles, Pier Paolo Pasolini. Dans les années 1950, il a aussi compté parmi ses clients María Zambrano et Ramón Gaya, exilés à Rome. Il a été classé monument historique en 1953 et a fêté dignement ses 250 ans en 2010 dans son décor en forme de corridor surchargé de peintures.

En novembre 2017, un conflit met son existence en péril. L’Ospedale Israelitico, propriétaire des murs depuis 138 ans, a profité de la fin du bail pour augmenter le loyer de manière exorbitante. Il se trouve en effet dans la rue la plus chère de Rome. Le Greco est situé en face de Bulgari. Une tasse de café, même à 7 euros, ne suffit pas à remplir les caisses comme les rivières de diamants ou les sacs à 5000 euros. Carlo Pellegrini, l’actuel patron du Greco, ne peut pas suivre. Il a lancé une campagne de presse pour la défense de cet établissement.

Je me souviens du poème déchirant écrit par María Zambrano le 21 juin 1958. Elle vit à Rome de 1953 à 1959 avec sa sœur Araceli qui depuis son arrestation par la Gestapo pendant la Seconde Guerre Mondiale souffre de graves problèmes physiques et mentaux.

Café Greco (situación de Araceli lux perpetua) (María Zambrano)

Pensar y no preocuparse.
Actuar sin decidir.
Seguir y no perseguir.
Reposar sin detenerse.

Ofrecer sin calcular.
No aferrarse a la esperanza.
No detenerse en la espera.
Escuchar sin casi hablar.

Respirar en el silencio.
Dejarse quieto flotar.
Perderse yendo hacia el centro.
Hundirse sin respirar.

Cruzar sin mirar fronteras.
Dejar límites atrás.
Recogerse. Abandonarse.
Solo dejarse guiar.
Ser criatura tan solo,
no haber de sacrificar.
Más allá del sacrificio,
cumplida la voluntad,
sin designio ni proyecto,
sin sombra, espejo ni imagen.
Alga en la corriente lenta.
Alga de vida no más.
Hijo. Criatura. Amante.
Alga de amor. Ya no más.
Lejos de toda ribera.
Por el corazón del agua; ya.

María Zambrano. Cuba. Años 40.