Ida Vitale

La Generación del 45 en ocasión de la visita de Juan Ramón Jiménez en 1948. De izquierda a derecha, parados: María Zulema Silva Vila, Manuel Arturo Claps, Carlos Maggi, María Inés Silva Vila, Juan Ramón Jiménez, Idea Vilariño, Emir Rodríguez Monegal, Ángel Rama. Sentados: José Pedro Díaz, Amanda Berenguer, Zenobia Camprubí, Ida Vitale, Elda Lago, Manuel Flores Mora.

Ida Vitale a reçu le 23 avril 2019 à l’Université d’Alcalá de Henares le Prix Cervantes. Elle est née le 2 novembre 1923 à Montevideo. Elle a 95 ans.

Fortuna

Por años, disfrutar del error
y de su enmienda,
haber podido hablar, caminar libre,
no existir mutilada,
no entrar o sí en iglesias,
leer, oír la música querida,
ser en la noche un ser como en el día.

No ser casada en un negocio,
medida en cabras,
sufrir gobierno de parientes
o legal lapidación.
No desfilar ya nunca
y no admitir palabras
que pongan en la sangre
limaduras de hierro.
Descubrir por ti misma
otro ser no previsto
en el puente de la mirada.

Ser humano y mujer, ni más ni menos.

Trema, Pre-Textos, 2005.

Fortune

Se délecter longtemps de l’erreur
et de son amendement,
avoir pu parler, marcher en liberté,
ne pas avoir été mutilée,
ne pas entrer ou entrer dans les églises,
lire, écouter la musique aimée,
être dans la nuit un être comme dans le jour.

Ne pas être mariée dans un commerce,
ni payée avec des chèvres,
souffrir la gouverne de parents
ou une légale lapidation.
Ne plus jamais défiler
et ne pas accepter des mots
qui répandent des limailles
de fer dans le sang.
Découvrir par toi-même
un autre être non prévu
dans le pont du regard.

Être humain et femme, ni plus ni moins.

Ni plus ni moins (Traduction: Silvia Baron Supervielle, François Maspéro) Le Seuil 2016)

À la suite d’une proposition de Clara Zetkin en août 1910, l’Internationale socialiste des femmes célèbre le 19 mars 1911 la première « Journée internationale des droits des femmes » et revendique le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail. Depuis, des rassemblements et manifestations ont lieu tous les ans.

Antonio Gamoneda

Antonio Gamoneda.

Le journal El País a publié au début du mois de février un entretien avec Antonio Gamoneda, un poète espagnol que j’aime bien.

Né dans les Asturies à Oviedo en 1931, il vit à León depuis 1934. Son père meurt en 1932. Sa mère l’élève dans une banlieue ouvrière, en proie à toutes sortes de difficultés matérielles. Il doit abandonner ses études en 1943 et travailler comme coursier dès 1945. Il a une formation d’autodidacte et a connu l’extrême pauvreté de l’après-guerre et la répression franquiste.
Il a obtenu de nombreux prix dont le Prix Cervantes en 2006.
Ces dernières années il a publié deux tomes de mémoires:
Un armario lleno de sombra, Galaxia Gutenberg – Círculo de Lectores, Madrid, 2009.
La pobreza, Galaxia Gutenberg, 2020.

Ses poèmes ont été bien traduits en français, particulièrement par Jacques Ancet et bien édités par José Corti dans sa collection Ibériques.

Principales traductions en français:
Poèmes, traduction Roberto San Geroteo, Noire et blanche, numéro spécial, 1995.
Livre du froid, traduction et présentation Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, 1996, Antoine Soriano Editeur. 2e éd. 2005.
Pierres gravées, Jacques Ancet, Lettres Vives, 1996.
Substances, limites, in Nymphea, traduction Jacques Ancet, La Grande Os, 1997.
Cahier de mars, traduit par Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, Myrrdin, 1997.
Blues castillan, traduction Roberto San Geroteo, Noire et Blanche, 1998.
Froid des limites, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2000.
Description du mensonge (extraits), traduction Jean-Yves Bériou et Martine Joulia, Myrrdin, 2002.
Pétale blessé, traduction Claude Houy, Trames, 2002.
Blues castillan, traduction et présentation Jacques Ancet, José Corti, 2004.
Description du mensonge, traduction et présentation Jacques Ancet, José Corti, 2004.
Passion du regard, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2004.
De l’impossibilité, traduction Amelia Gamoneda, préface Salah Stétié, Fata Morgana, 2004.
Clarté sans repos, traduction et présentation Jacques Ancet, Arfuyen, 2006.
Cecilia, traduction et présentation Jacques Ancet, Lettres Vives, 2006.
Le livre des poisons, traduction Jean-Yves Bériou. Actes Sud, 2009.

Ses relations avec les autres écrivains espagnols ne sont pas toujours au beau fixe, car il a un caractère ombrageux et a souvent la dent dure quand il parle de poètes reconnus de sa génération tels qu’ Ángel González, Blas de Otero, Gabriel Celaya ou Jaime Gil de Biedma.

El País, 07/02/2020 ENTREVISTA Antonio Gamoneda: “Todo hambriento es un microeconomista” https://elpais.com/cultura/2020/02/07/babelia/1581091598_442947.html

“P. ¿Cuál es el mejor poeta de su generación?
R. Claudio Rodríguez.
P. ¿Y el más sobrevalorado?
R. Jaime Gil de Biedma. Claudio era un monstruo que con 17 años escribió una monstruosidad: Don de la ebriedad. Los dos grandes del siglo XX español son Lorca y él. Y eso que por el medio hay hasta un premio Nobel como Aleixandre. Gil de Biedma era muy inteligente, se dio cuenta de que la cosa no daba para más y dejó de escribir. Como tenía mucha personalidad, en torno a él creció el mito.”

J’ai une certaine prédilection pour son recueil Blues castellano (1961-1966), publié en Espagne seulement en 1982 (Colección AEDA, Gijón, Noega) et en France par José Corti en 2004.

Présentation du recueil par l’auteur:
«J’ai écrit Blues castillan entre 1961 et 1966. Il a été publié tardivement et peu distribué. Il est passé presque inaperçu.

Blues castillan a à voir avec une certaine manière de penser le monde (“nous traversions les croyances” allais-je dire des années plus tard), et, surtout, avec la volonté de transformer en poèmes des événements et des états d’âme qui ont dominé ma vie pendant trente ans. Il comporte le récit de faits devant lesquels – ou dans lesquels – la souffrance est une affaire naturelle; j’y parle à voix basse d’un certain espoir (issu, peut-on supposer, de ces “croyances”) et il est- il m’importe beaucoup de le dire – une forme de consolation.

Blues castillan a des antécédents qui ne sont pas ceux que reconnaissaient mes contemporains. J’ai écris ce livre dominé par deux forces poétiques qui se sont avérées peut-être d’autant plus vigoureuses et actives en moi que, mal connues, à peine pressenties au début, j’ai dû les élaborer à partir de mon ignorance et les faire se développer en moi pour que cette ignorance puisse comporter quelque chose qui fût de l’ordre de la création.

Ces deux forces étaient le poète Turc Nazim Hikmet et les paroles des chants nord-américains à l’origine du jazz : le blues et le spiritual.

J’ai écrit (et traduit) des spirituals en castillan, et j’ai passé dans ma langue Nazim Hikmet. Sans ce travail, je crois que Blues castillan n’aurait jamais existé.»

Hablo con mi madre
Mamá: ahora eres silenciosa como la ropa
del que no está con nosotros.
Te miro el borde blanco de los párpados
y no puedo pensar.

Mamá: quiero olvidar todas las cosas
en el fondo de una respiración que canta.
Pasa tus manos grandes por mi nuca
todos los días para que no vuelva
la soledad.

Yo sé que en cada rostro se ve el mundo.
No busques más en las paredes, madre.
Mira despacio el rostro que tú amas:
mira mi rostro en cada rostro humano.

He sentido tus manos.
Perdido en el fondo de los seres humanos te he sentido
como tú sentías mis manos antes de nacer.

Mamá, no vuelvas más a ocultarme la tierra.
Esta es mi condición.
Y mi esperanza.

Blues castellano 1961-66, 1982.

Je parle avec ma mère
Maman : tu es maintenant silencieuse comme l’habit
de qui nous a quittés.
Je fixe le bord blanc de tes paupières
et je ne peux penser.

Maman : je veux tout oublier
au fond d’une respiration qui chante.
Passe-moi tes grandes mains sur la nuque
tous les jours pour que ne revienne pas
la solitude.

Je sais que sur chaque visage on voit le monde.
Ne va plus chercher sur les murs, maman.
Regarde le visage que tu aimes :
dans chaque visage humain, mon visage.

J’ai senti tes mains.
Perdu au fond des êtres humains je t’ai sentie
comme tu sentais mes mains avant ma naissance.

Maman, ne recommence plus à me cacher la terre.
Telle est ma condition.
Et mon espoir.

Blues castillan, traduction de Jacques Ancet, José Corti, 2004

Angelines
Cuando tengo sus manos en las mías, advierto que son suaves y algo frías, como han sido siempre. También, menos intenso, en una suspensión aparentemente lejana, no aquí, donde está, subiendo hasta mí desde su piel, respiro el perfume que tenía su cuerpo cuando era una niña.
No sé si voy a decir los deseos y las negaciones de Angelines, ni las que fueron mis respuestas. Vivimos juntos. De alguna manera, vivimos el uno en el otro. Nos necesitamos. Somos dos ancianos. Debería bastar.
Debería bastar. Esta perspectiva es también dudosa. Yo no voy a mentir, pero el silencio puede ser una impostura.
La pobreza. Galaxia Gutenberg, 2020.

René Char – Georges de La Tour

Nicolas de Staël.
Composition sans titre pour René Char, 1952.

René Char a découvert en 1934 le peintre Georges de La Tour (1593-1652) lors d’une exposition à l’Orangerie (Les peintres de la réalité en France au XVII ème siècle). Ce peintre, méconnu alors, surgit dans son imaginaire. Un tableau, intitulé Le Prisonnier (ou Job raillé par sa femme. 1650? Musée départemental d’art ancien et contemporain d’Épinal), le marque particulièrement. Il en achète plusieurs reproductions. Il va l’accompagner pendant de nombreuses années.

Pendant la seconde guerre mondiale, le résistant Char avait fixé au mur de son P.C. à Céreste (Alpes-de-Haute-Provence) la reproduction de ce tableau.

Il consacre plusieurs écrits au peintre.

Dans les Feuillets d’Hypnos 178, il dialogue avec le tableau en l’impliquant dans le contexte de Seconde Guerre mondiale. Il y évoque les «ténèbres hitlériennes».

Le Prisonnier (ou Job raillé par sa femme).1620-50. Epinal, Musée départemental d’art ancien et contemporain.

178

La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore.
Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains.

Feuillets d’Hypnos (1946), in Fureur et Mystère Poésie/Gallimard, 1967, p. 133.

Un autre texte de René Char, extrait aussi de Fureur et mystère, rend hommage à la Madeleine à la veilleuse.

Madeleine à la veilleuse (ou Madeleine Terff). vers 1642-44. Paris, Louvre.

MADELEINE A LA VEILLEUSE

par Georges de La Tour

Je voudrais aujourd’hui que l’herbe fût blanche pour fouler l’évidence de vous voir souffrir; je ne regarderais pas sous votre main si jeune, la forme dure, sans crépi de la mort. Un jour discrétionnaire, d’autres pourtant moins avides que moi, retireront votre chemise de toile, occuperont votre alcôve. Mais ils oublieront en partant de noyer la veilleuse et un peu d’huile se répandra par le poignard de la flamme sur l’impossible solution.

La Fontaine narrative, 1947, in Fureur et Mystère. Poésie/Gallimard, 1967, p. 215.

Dans Le Nu perdu , Char écrit un texte intitulé Justesse de Georges de La Tour. Il y fait allusion à des tableaux du peintre tels que Le tricheur ou Le vielleur.

Le tricheur à l’as de carreau (ou Le Tricheur Landry). 1635. Paris, Louvre.
Le Vielleur. 1631-36. Nantes, Musée des beaux-arts.

I

Justesse de Georges de La Tour

26 janvier 1966

L’unique condition pour ne pas battre en interminable retraite était d’entrer dans le cercle de la bougie, de s’y tenir, en ne cédant pas à la tentation de remplacer les ténèbres par le jour et leur éclair nourri par un terme inconstant.
٭

Il ouvre les yeux. C’est le jour, dit-on. Georges de La Tour sait que la brouette des maudits est partout en chemin avec son rusé contenu. Le véhicule s’est renversé. Le peintre en établit l’inventaire. Rien de ce qui infiniment appartient à la nuit et au suif brillant qui en exalte le lignage ne s’y trouve mélangé. Le tricheur, entre l’astuce et la candeur, la main au dos, tire un as de carreau de sa ceinture; des mendiants musiciens luttent, l’enjeu ne vaut guère plus que le couteau qui va frapper; la bonne aventure n’est pas le premier larcin d’une jeune bohémienne détournée; le joueur de vielle, syphilitique, aveugle, le cou flaqué d’écrouelles, chante un purgatoire inaudible. C’est le jour, l’exemplaire fontainier de nos maux. Georges de La Tour ne s’y est pas trompé.

Dans la pluie giboyeuse, in Le nu perdu 1964-1970 Poésie/Gallimard, 1978, p. 70.

Extrait d’un entretien de René Char avec Raymond Jean (Le Monde, 11 janvier 1969):

  • Pourquoi dans le texte central de Dans la pluie giboyeuse, avez-vous placé, côte à côte le peintre Georges de La Tour et le poème sur Albion?
  • Pour être celui, non qui édifie, mais qui inspire, il faut se placer dans une vérité que le temps ne cesse de fortifier et de confirmer. Georges de La Tour est cet homme-là. Baudelaire et lui ont des faiblesses mais pas des manques. Voilà qui les rend admirables. Georges de La Tour – ne souriez pas – est souvent mon Intercesseur auprès du mystère poétique, donc du mystère humain. Il n’y a pas d’auréole d’élu derrière la tête de ses sujets ni sur la sienne. Le peintre sait. Le peintre et l’homme. Je dis : sait, et non savait. Baudelaire également sait. Dieu et Satan sont chez lui tel le jour et la nuit chez de La Tour. Immense et juste allégorie ! C’est mortel, périssable, oui, mais c’est Imputrescible ! Capture de poète…
    Albion ? Permettez-moi d’affirmer que ce site, ce territoire superbe, étripé, empoisonné bientôt, couvert de crachats, démentiellement, pour des motifs sordides et sinistres, entre dans le contexte du Mal universel ; et si paradoxal que cela paraisse, il y a un exorcisme à lui opposer, point éloigné de celui que Georges de La Tour manie révolutionnairement, lorsqu’il peint Le Tricheur, ensuite Madeleine à la veilleuse, ou inversement.
  • Qu’entendez-vous par le dernier poème du livre et son titre Ni éternel, ni temporel?
  • J’aimerais disposer encore un peu de terre arable sur le rocher stimulant et obscur, avant de mourir. Ici mes intercesseurs sont des plus modestes : le corbeau et l’alouette. “

(Le plateau d’Albion a accueilli, de 1971 à 1996, les missiles qui constituaient une composante essentielle de la force de dissuasion nucléaire française. Les dix-huit silos à missiles et les deux postes de conduite de tir ont depuis été démantelés. Il y eut une vague de protestations lorsque l’installation des silos avait été soulevée en 1965-1966. L’Association pour la sauvegarde de la Haute-Provence avait organisé alors plusieurs manifestations, dont une à Fontaine-de-Vaucluse avec René Char, qui était l’auteur d’une affiche-poème emblématique, La Provence point Oméga.)


Juan Ramón Jiménez

Juan Ramón Jiménez (Juan de Echevarría). 1918 Vitoria. Museo de Bellas Artes de Álava.

Juan Ramón Jiménez est né le 23 de décembre 1881 à Moguer (Huelva) en Andalousie. Prix Nobel de littérature 1956. Il est mort en exil à San Juan (Porto Rico) le 29 mai 1958.

EL ESTUDIANTE

Sueña, sueña mientras duermes.
Lo olvidarás con el día.

(Día, alegre aprendizaje
de la gran sabiduría).

Aprende, aprende despierto.
Ya lo olvidarás dormido.

(Sueño, dulce aprendizaje
del definitivo olvido).

Rainer Maria Rilke – Paul Cézanne – Charles Baudelaire

Rainer Maria Rilke et Clara Westhoff-Rilke. 1906.

Rainer Maria Rilke (1875-1926) séjourne à Paris d’août 1902 à juin 1903. Il veut pouvoir être seul et créer. Il a besoin de s’éloigner un temps de sa femme Clara, artiste qui a été l’ élève de Rodin et qu’il a épousée en 1901. Ils ont une fille, Ruth. Le poète a reçu commande d’une monographie sur le sculpteur. Son essai, Sur Rodin, paraît en avril 1903. Il repart de Paris en juin, mais revient en septembre 1905. Il s’installe alors à Meudon avec Rodin et devient son secrétaire. Ils se brouillent en mai 1906, puis se réconcilient en 1908.
A Paris, Rainer Maria Rilke regarde Cézanne et travaille pour Rodin…
L’exemple du travail du sculpteur, la découverte des toiles de Cézanne ont transformé son attitude poétique. La deuxième série de ses poèmes, (Le Livre des images, 1906, et surtout les Nouveaux Poèmes, 1907-1908) représente le concept de «Dinggedicht». Il se concentre sur le monde des choses. Il rompt avec la subjectivité et l’omniprésence du je. Il choisit des sujets plus objectifs: statues, fleurs, animaux (dont la Panthère) et cathédrales.
Rainer Maria Rilke se situe entre deux artistes qu’il n’a jamais rencontrés : Baudelaire et Cézanne (décédé le 22 octobre 1906 à Aix-en-Provence). Il apprend combien ce dernier admirait, comme lui, Baudelaire : « Tu jugeras de mon émotion en apprenant que Cézanne, dans ses dernières années, savait encore par cœur et pouvait réciter sans oublier un seul mot ce poème, La Charogne… (Lettre à Clara du 19 octobre 1907). Rilke rappelle que lui-même y avait fait référence dans Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, livre commencé en 1904 et achevé en 1910.
Cézanne, comme Baudelaire, ne fait pas de différence entre le beau et le laid, le noble et l’ignoble. Tout trouve place dans son œuvre.

Portrait de l’artiste au fond rose (Paul Cézanne) v 1875. Paris, Musée d’Orsay.

XXIX

Une charogne (Charles Baudelaire)

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses.
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !

Les Fleurs du mal, Edition de 1861.

Vitrine de la boutique du poète-fleuriste, Stanislas Draber. 19 rue Racine. Paris VI.
                              

Pablo Neruda

Pablo Neruda. Mural en Valparaíso (Paula Guerra)

Il est aujourd’hui de bon ton de critiquer les côtés sombres du poète chilien: son séjour comme consul à Rangoon (Birmanie), ses rapports avec Josie Bliss en 1928, son mariage avec Maryka Antonieta Hagenaar (1930-1942), son lien avec sa fille Malva Marina, enfant hydrocéphale (1934-1943), son stalinisme etc. C’est un immense poète. «Ningún poeta del hemisferio occidental de nuestro siglo admite comparación con él», ha escrito el crítico literario Harold Bloom, quien lo considera uno de los veintiséis autores centrales del canon de la literatura occidental de todos los tiempos.” (Wikipedia en espagnol) Son amitié avec Federico García Lorca, son influence sur la poésie de la Generación de 1927 furent décisives. Residencia en la tierra (1925–1931), publié à Madrid en 1935, est un chef d’oeuvre. Son aide aux républicains espagnols fut aussi très importante. C’est le Victor Hugo de la littérature hispanique.

ODA A LA EDAD

Yo no creo en la edad.

Todos los viejos
llevan
en los ojos
un niño,
y los niños
a veces
nos observan
como ancianos profundos.

Mediremos
la vida
por metros o kilómetros
o meses?
Tanto desde que naces?
Cuanto
debes andar
hasta que
como todos
en vez de caminarla por encima
descansemos, debajo de la tierra?

Al hombre, a la mujer
que consumaron
acciones, bondad, fuerza,
cólera, amor, ternura,
a los que verdaderamente
vivos
florecieron
y en su naturaleza maduraron,
no acerquemos nosotros
la medida
del tiempo
que tal vez
es otra cosa, un manto
mineral, un ave
planetaria, una flor,
otra cosa tal vez,
pero no una medida.

Tiempo, metal
o pájaro, flor
de largo pecíolo,
extiéndete
a lo largo
de los hombres,
florécelos
y lávalos
con
agua
abierta
o con sol escondido.
Te proclamo
camino
y no mortaja,
escala
pura
con peldaños
de aire,
traje sinceramente
renovado
por longitudinales
primaveras.

Ahora,
tiempo, te enrollo,
te deposito en mi
caja silvestre
y me voy a pescar
con tu hilo largo
los peces de la aurora!

Tercer libro de las odas, 1957.

Bertolt Brecht

Bertolt Brecht.

Contre la séduction

Ne vous laissez pas séduire
Car il n’est pas de retour.
Déjà le jour approche
Le vent de la nuit souffle
Mais le matin ne viendra pas.


Ne vous laissez pas conter
que la vie est peu de choses.
Buvez la vie en grands traits
Il sera toujours trop tôt
Quand vous devrez la quitter.


Ne vous laissez pas rouler
Vous n’avez pas trop de temps.
Laissez pourrir les cadavres
La vie l’emporte toujours
Et l’on ne vit qu’une fois.


Ne vous laissez pas traîner
Aux corvées et aux galères.
De quoi donc auriez-vous peur?
Vous mourrez comme les bêtes
Après la mort le néant.

Sermons domestiques (Hauspostille, 1927).

Traduction de Jean-Claude Hémery, B. Brecht, Poèmes, L’Arche tome I, p. 139-140 reproduite dans Walter Benjamin, Oeuvres III (Commentaires de quelques poèmes de Brecht) Folio essais n°374. Pages 235-236. 2000.

« Le poète a grandi dans un faubourg dont la population était en majorité catholique; toutefois les ouvriers des grandes usines situées dans le périmètre urbain se mêlaient déjà aux éléments petits-bourgeois. Cela explique la teneur et le vocabulaire du poème Contre la séduction. Les gens étaient mis en garde par le clergé contre les tentations qui leur coûteraient cher dans une seconde vie, après leur mort. Le poète les met en garde contre les tentations qui leurs coûtent cher dans cette vie même. Il conteste qu’il y ait une autre vie. Le ton de sa mise en garde n’est pas moins solennel que celui des curés; ses affirmations sont tout aussi apodictiques. Comme les curés, il emploie le terme de tentation dans un sens absolu, sans complément; il leur emprunte leurs accents édifiants. Le ton solennel du poème peut ainsi vous induire à ne pas prendre garde à certains passages qui admettent plusieurs lectures et recèlent des beautés cachées.» ( Walter Benjamin, Oeuvres III (Commentaires de quelques poèmes de Brecht) Folio essais n°374. Pages 235-236. 2000.

Contra la seducción

No os dejéis seducir:
no hay retorno alguno.
El día está a las puertas,
hay ya viento nocturno:
no vendrá otra mañana.

No os dejéis engañar
con que la vida es poco.
Bebedla a grandes tragos
porque no os bastará
cuando hayáis de perderla.

No os dejéis consolar.
Vuestro tiempo no es mucho.
El lodo, a los podridos.
La vida es lo más grande:
perderla es perder todo.

Bertolt Brecht et Walter Benjamin. Skovsbostrand (Danemark) 1934.

Antonio Machado

Antonio Machado (Pablo Picasso). Exposition peinture-sculpture du 4 au 24 février 1955, Maison de la Pensée française, 2 rue de l’Elysée, Paris. Impr. Vogue, Paris, 1955.

Ce poème de 1913 toujours valable en 2020…

El mañana efímero
A Roberto Castrovido
La España de charanga y pandereta,
Cerrado y sacristía,
Devota de Frascuelo y de María,
De espíritu burlón y de alma quieta,
Ha de tener su mármol y su día,
Su infalible mañana y su poeta.
El vano ayer engendrará un mañana
Vacío y ¡por ventura! Pasajero.
Será un joven lechuzo y tarambana,
Un sayón con hechuras de bolero,
A la moda de Francia realista,
Un poco al uso de París pagano,
Y al estilo de España especialista
En el vicio al alcance de la mano.
Esa España inferior que ora y bosteza,
Vieja y tahúr, zaragatera y triste;
Esa España inferior que ora y embiste,
Cuando se digna usar la cabeza,
Aún tendrá luengo parto de varones
Amantes de sagradas tradiciones
Y de sagradas formas y maneras;
Florecerán las barbas apostólicas,
Y otras calvas en otras calaveras
Brillarán, venerables católicas,
El vano ayer engendrará un mañana
Vacío y ¡por ventura! pasajero,
La sombra de un lechuzo tarambana,
De un sayón con hechuras de bolero:
El vacuo ayer dará un mañana huero.
Como la náusea de un borracho ahíto
De vino malo, un rojo sol corona
De heces turbias las cumbres de granito;
Hay un mañana estomagante escrito
En la tarde pragmática y dulzona.
Mas otra España nace,
La España del cincel y de la maza,
Con esa eterna juventud que se hace
Del pasado macizo de la raza.
Una España implacable y redentora,
España que alborea
Con un hacha en la mano vengadora,
España de la rabia y de la idea.

Campos de Castilla (1907-1917)

Le lendemain éphémère
À Roberto Castrovido
L’Espagne des fanfares et des tambourins basques,
sentant le renfermé, fleurant la sacristie,
dévouée à Frascuelo, à la Vierge Marie,
d’esprit narquois et d’âme tranquille,
aura son marbre, son jour de gloire,
son lendemain inéluctable et son poète.
Ce vain hier engendrera un lendemain
vide et, par chance peut-être! passager.
Ce sera un jeune homme, noceur, écervelé,
un pénitent aux allures de danseur de boléro;
réaliste à la façon de France,
un peu mécréant à la mode de Paris,
et à la manière d’Espagne spécialiste
du vice à portée de la main.
Cette Espagne inférieure qui prie et qui bâille,
vieillie, aimant le jeu, bagarreuse et triste,
cette Espagne inférieure qui prie et fonce tête baissée,
quand elle daigne se servir de sa tête,
verra encore longtemps se produire des hommes
aimant les traditions sacrées,
les formes et manières sacrées;
fleuriront les barbes apostoliques
et d’autres calvities sur d’autres crânes
brilleront, vénérables et catholiques.
Ce vain hier engendrera un lendemain
vide et, par chance peut-être! passager,
l’ombre d’un noceur écervelé,
d’un pénitent aux allures de danseur,
cet hier de vide ne donnera qu’un lendemain de vide.
Comme la nausée d’un ivrogne
gorgé de mauvais vin, un rouge soleil couronne
de trouble lie les cimes de granit;
il y a un lendemain écœurant écrit
dans l’après-midi pragmatique et douceâtre.
Mais une autre Espagne naît,
l’Espagne du ciseau et de la masse,
avec cette jeunesse éternelle qui se fait
à partir du passé robuste de la race.
Une Espagne implacable et rédemptrice,
une Espagne qui commence à poindre
tenant en main la hache vengeresse,
Espagne de la rage, Espagne de l’idée.

(Traduction: Sylvie Léger / Bernard Sesé)

Collection Poésie/Gallimard  n° 144. Parution : 13-01-1981

Joan Margarit

Joan Margarit. Premio Cervantes 2019.

Lluny

Un gos abandonat va carretera enllà
buscant l’esclavitud en el perill.
Panteixant, al capvespre, li queda encara força
per bordar els primers fars, que l’enlluernen.
La carretera passa vora el mar
en una costa abrupta.
El món pot ser bellíssim
però ha de portar inclosa l’humiliació.
Somiar no és res més que buscar un amo.

Amar es dónde. Visor, 2015.

Lejos

Un perro abandonado va por la carretera,
busca la esclavitud en el peligro.
Cuando anochece,
jadeante, le quedan aún fuerzas
para ladrar a los primeros faros,
que lo deslumbran.
La carretera pasa junto al mar
en una costa abrupta.
El mundo puede ser bellísimo,
pero tiene que incluir la humillación.
Soñar tan sólo es
buscar un amo.

Amar es dónde. Visor, 2015.

Loin

Un chien errant marche sur la route,
cherchant sa soumission dans le danger.
Haletant, au crépuscule, il lui reste encore des forces
pour aboyer aux premiers phares qui l’éblouissent.
La route longe la mer
sur une côte abrupte.
Le monde peut être magnifique
mais doit porter en lui l’humiliation.
Rêver n’est que chercher un maître.

Leçons de vertige, anthologie établie par Noé Pérez-Núñez, poèmes traduits du catalan, édition bilingue français-catalan, éditions Les Hauts-Fonds, 2016.

Eliseo Diego ( La Habana 1920- Ciudad de México 1994)

Eliseo Diego.

Je remercie une fois de plus M P. F. qui poste sur Facebook de magnifiques poèmes, toujours excellemment illustrés. Elle m’ a fait rechercher les recueils de poésies d’Eliseo Diego qui se trouvent dans ma bibliothèque.

Ce grand poète cubain fait partie d’une grande famille d’écrivains et de musiciens: sa femme, Bella García Marruz, son fils Eliseo Alberto (Lichi) (1951-2011), sa fille Josefina de Diego (Fefé), son beau frère, Cintio Vitier (1921-2009), sa belle soeur Fina García Marruz (1923), ses neveux musiciens Sergio Vitier (1948-2016) et José María Vitier (1954).

Eliseo Diego, Cintio Vitier, Virgilio Piñera (1912-1979) étaient parmi les fondateurs de la revue Orígenes, dirigée par José Lezama Lima (1910-1976) et José Rodríguez Feo (1920-1993). Quarante numéros furent publiés entre 1944 y 1956. C’était la publication culturelle cubaine la plus importante de cette époque.

Eliseo Diego a obtenu le Prix national de Littérature de Cuba en 1986 et le Prix Juan Rulfo de littérature latino-américaine pour l’ensemble de son oeuvre poétique en 1993.

Trois exemples de sa poésie:

El oscuro esplendor

Juega el niño con unas pocas piedras inocentes
en el cantero gastado y roto
como paño de vieja.

Yo pregunto:
qué irremediable catástrofe separa
sus manos de mi frente de arena,
su boca de mis ojos impasibles.

Y suplico
al menudo señor que sabe conmover
la tranquila tristeza de las flores, la sagrada
costumbre de los árboles dormidos.

Sin quererlo
el niño distraídamente solitario empuja
la domada furia de las cosas, olvidando
el oscuro esplendor que me ciega y él desdeña.

El oscuro esplendor, 1966.

L’obscure splendeur

L’enfant joue avec quelques innocents cailloux
sur la plate-bande usée et trouée
comme un fichu de vieille.

Moi je demande
quelle irrémédiable catastrophe sépare
ses mains de mon front de sable,
sa bouche de mes yeux impassibles.

Et je supplie
le petit maître qui sait émouvoir
la tranquille tristesse des fleurs, la sainte
coutume des arbres endormis.

Sans le vouloir
l’enfant, distraitement solitaire, pousse
la fureur subjuguée des choses, sans se douter
de l’obscure splendeur qui m’aveugle et que lui dédaigne.

L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.

No es más

por selva oscura

Un poema no es más
que una conversación en la penumbra
del horno viejo, cuando ya
todos se han ido, y cruje
afuera el hondo bosque; un poema

no es más que unas palabras
que uno ha querido, y cambian
de sitio con el tiempo, y ya
no son más que una mancha, una
esperanza indecible;

un poema no es más
que la felicidad, que una conversación
en la penumbra, que todo
cuanto se ha ido, y ya
es silencio.

El oscuro esplendor, 1966.

Ce n’est que
por selva oscura…
Le poème ce n’est
qu’une conversation dans la pénombre
du vieux fourneau, lorsque déjà
tout le monde s’en est allé, et que frémit
dehors le profond bois; un poème

ce n’est que quelques mots
qu’on a chéris, et qui changent
de place avec le temps, pour n’être désormais
qu’une tache, qu’une
indicible espérance;

un poème ce n’est
que le bonheur, qu’une conversation
dans la pénombre, que tout
ce qui s’en est allé, et n’est plus
que silence.

L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.

Versiones

La muerte es esa pequeña jarra, con flores
pintadas a mano, que hay en todas las casas y que
uno jamás se detiene a ver.

La muerte es ese pequeño animal que ha
cruzado en el patio, y del que nos consuela la
ilusión, sentida como un soplo, de que es sólo el gato
de la casa, el gato de costumbre, el gato que ha
cruzado y al que ya no volveremos a ver.

La muerte es ese amigo que aparece en las
fotografías de la familia, discretamente a un lado,
y al que nadie acertó nunca a reconocer.

La muerte, en fin, es esa mancha en el muro
que una tarde hemos mirado, sin saberlo, con un poco
de terror.

Versiones, 1970.

Versions

La mort est cette petite jarre, couverte
de fleurs peintes à la main, qui est dans toutes
les maisons, et sur qui jamais ne s’arrêtent les yeux.

La mort est ce petit animal qui est
passé dans la cour et dont on se remet en se
disant dans une bouffée d’illusion que ce n’est
que le chat de maison, le chat de toujours, le
chat qui est passé et qu’on ne reverra plus.

La mort est cet ami qu’on voit sur les
photos de famille, discrètement marginal, et
que personne n’a jamais réussi à reconnaître.

La mort, enfin, c’est cette tache sur le
mur qu’un soir nous avons regardée, sans le
savoir, avec un soupçon de terreur.

L’obscure splendeur. Edition de la Différence, Orphée. 1996. Traduit par Jean-Marc Pelorson.