Bertrand Russell – Richard Dawkins

Bertrand Russell (Roger Fry). 1923. Londres, National Portrait Gallery.

Bertrand Russell (1872-1970). Prix Nobel de littérature 1950. Article Is there a God?, écrit pour un numéro de l’Illustrated Magazine de 1952 (mais qui ne fut jamais publié),

«De nombreuses personnes orthodoxes parlent comme si c’était le travail des sceptiques de réfuter les dogmes plutôt qu’à ceux qui les soutiennent de les prouver. Ceci est bien évidemment une erreur. Si je suggérais qu’entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j’aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j’affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n’est pas tolérable pour la raison humaine d’en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l’existence de cette théière était décrite dans des livres anciens, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l’école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d’excentricité et vaudrait au sceptique les soins d’un psychiatre à une époque éclairée, ou de l’Inquisiteur en des temps plus anciens. »

Dans son livre A Devil’s Chaplain (2003), le biologiste et éthologiste britannique Richard Dawkins (1941-) détaille ainsi le thème de la théière: « La religion organisée mérite la plus vive hostilité car, contrairement à la croyance en la théière de Russell, la religion organisée est puissante, influente, exemptée de taxes et systématiquement transmise à des enfants trop jeunes (le catéchisme commence à 7 ans) pour pouvoir s’en défendre. On ne force pas les enfants à passer leurs années de formation en mémorisant des livres farfelus sur les théières. Les écoles publiques n’excluent pas les enfants dont les parents préfèrent la mauvaise forme de théière. Les fidèles de la théière ne lapident pas les non-croyants en la théière, les apostats de la théière, les hérétiques de la théière ou les blasphémateurs de la théière. Les mères n’empêchent pas leurs fils d’épouser des shiksas de la théière sous prétexte que leurs parents croient en trois théières plutôt qu’une seule. Ceux qui versent le lait en premier ne mutilent pas ceux qui préfèrent commencer par verser le thé. »

Lors d’une conférence TED (Technology, Entertainment and Design) en 2002, il ajoute:

«[…] Strictement parlant, vous devriez être agnostique sur la question de l’existence d’une théière en orbite autour de Mars, mais cela ne signifie pas que vous considériez la probabilité de son existence comme étant égale à celle de sa non-existence. La liste des choses à propos desquelles nous devons être agnostiques strictement parlant ne s’arrête pas aux petites souris et aux théières. Elle est infinie. Si vous voulez en croire une en particulier, les licornes, les petites souris, les théières ou Yahvé, il vous incombe de le justifier. Il n’incombe pas au reste d’entre nous de dire pourquoi nous n’y croyons pas. Nous, les athées, sommes aussi des a-souristes et des a-théièristes. […]»

Richard Dawkins, 2009.

(Merci à Manuel de m’avoir fait connaître ces textes.)