Denis Diderot

Le Panthéon 1757-1790 (Jacques-Germain Soufflot-Jean-Baptiste Rondelet). Paris V.

On peut toujours voir sur la Montagne Sainte-Geneviève (Paris, Ve arrondissement) les portraits graffés de 28 personnalités inhumées ou honorées au Panthéon par l’artiste urbain CR 215 (Christian Guéry). Ils figurent sur le mobilier urbain des rues du V ème arrondissement. Au détour d’une ruelle, sur une façade en briques ou sur le côté d’une boîte aux lettres, surgissent ces fantômes du passé.

Aujourd’hui j’ai croisé Denis Diderot (1713-1784) rue Clotilde, près du Lycée Henri IV et du Panthéon.

Autorité politique -Article de l’Encyclopédie -1751.

” Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle : mais la puissance paternelle a ses bornes, et dans l’état de nature elle finirait aussitôt que les enfants seraient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d’une autre origine que de la nature. Qu’on examine bien, et on la fera toujours remonter à l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé, ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux et celui à qui ils ont déféré l’autorité. […] »

Entretiens sur “Le Fils naturel” : Dorval et moi », 1757.

«L’homme le plus heureux est celui qui fait le bonheur d’un plus grand nombre d’autres.»

Lettres à Sophie Volland, 1759-1774.

« Sommes nous-faits pour attendre toujours le bonheur, et le bonheur est-il fait pour ne venir jamais? »

Le Neveu de Rameau, 1762-1773. Publié en 1891.

« Pourquoi voyons-nous si fréquemment les dévots si durs, si fâcheux, si insociables? C’est qu’ils se sont imposés une tâche qui ne leur est pas naturelle. Ils souffrent, et quand on souffre, on fait souffrir les autres. »

Jacques le fataliste et son maître, 1765-1784. Publié en 1796.

«Nous croyons conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène.»
«On passe les trois quarts de sa vie à vouloir, sans faire.»
«La vérité est souvent froide, commune et plate.»

Supplément au voyage de Bougainville, 1772.
« Méfiez-vous de celui qui veut mettre de l’ordre. Ordonner, c’est toujours se rendre le maître des autres en les gênant. »

La Religieuse, vers 1780. Publié en 1796.
«Il faut peut-être plus de force d’âme encore pour résister à la solitude qu’à la misère: la misère avilit, la retraite déprave».

Denis Diderot (CR 215-Christian Guéry). Rue Clotilde. Paris V.

Denis Diderot (1713 – 1784)

Denis Diderot (Louis-Michel Van Loo). 1767. Paris, Musée du Louvre.

Denis Diderot, né le 5 octobre 1713, termine son livre athée et matérialiste Eléments de physiologie par cette triple recommandation:

” Il n’y a qu’une vertu, la justice; qu’un seul devoir celui de se rendre heureux ; qu’un corollaire, de ne pas se surfaire la vie et de ne pas craindre la mort “.

Denis Diderot

Denis Diderot (Louis-Michel Van Loo) 1767.

Denis Diderot, Lettres à Sophie Volland.

XXII

Au Grandval, le 15 octobre 1759.

Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent! que sais-je? Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état. Peut-être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent à leur manière au fond de l’urne froide qui les renferme. Nous jugeons de la vie des éléments par la vie des masses grossières. Peut-être sont-ce des choses bien diverses. On croit qu’il n’y a qu’un polype! Et pourquoi la nature entière ne serait-elle pas du même ordre? Lorsque le polype est divisé en cent mille parties, l’animal primitif et générateur n’est plus; mais tous ses principes sont vivants. Ô ma Sophie! il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre avec vous quand nous ne serons plus, s’il y avait pour nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun, si je devais dans la suite des siècles refaire un tout avec vous, si les molécules de votre amant dissous avaient a s’agiter, à s’émouvoir et à rechercher les vôtres éparses dans la nature! Laissez-moi cette chimère, elle m’est douce, elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous.