Rubén Darío

Buste de Rubén Darío. Square de l’Amérique Latine, Paris XVII.

Rubén Darío est né le 18 janvier 1867 à Metapa (aujourd’hui Ciudad Darío). Il est mort le 6 février 1916 à León au Nicaragua . Il avait 49 ans. Ce poète est le père du modernisme littéraire en langue espagnole. Il a eu une grande influence tout au long du XX ème siècle. On l’a surnommé «príncipe de las letras castellanas». Il a été marqué par Victor Hugo, les poètes symbolistes français et Walt Whitman. Il a eu une grande influence sur Juan Ramón Jiménez, Ramón del Valle Inclán et Antonio Machado. On la retrouve aussi chez Federico García Lorca et Pablo Neruda.

Lo fatal
A René Pérez

Dichoso el árbol, que es apenas sensitivo,
y más la piedra dura, porque ésa ya no siente,
pues no hay dolor más grande que el dolor de ser vivo
ni mayor pesadumbre que la vida consciente.

Ser, y no saber nada, y ser sin rumbo cierto,
y el temor de haber sido y un futuro terror…
¡Y el espanto seguro de estar mañana muerto,
y sufrir por la vida y por la sombra y por

lo que no conocemos y apenas sospechamos,
y la carne que tienta con sus frescos racimos,
y la tumba que aguarda con sus fúnebres ramos,
¡y no saber adónde vamos,
ni de dónde venimos!…

Cantos de vida y esperanza, 1905.

Fatalité
A René Pérez

Heureux l’arbre presque insensible,
et plus encor la pierre qui elle ne sent rien,
car il n’est douleur plus grande que celle d’exister
ni plus pesant fardeau que la vie consciente.

Être, et ne rien savoir, aller sans but certain,
la peur d’avoir été, la terreur à venir…
La certitude horrible de mourir demain,
et souffrir pour la vie, pour les ténèbres et pour

l’inconnu, ce que nous pressentons à peine,
et puis la chair qui tente avec ses fraîches grappes
et la tombe béante aux funèbres rameaux,
et ne savoir où nous allons,
ni d’où nous sommes venus…

Chants de vie et d’espérance. Traduction Lionel Igersheim. Paris, éditions Sillage, 2012.

Rubén Darío – Walt Whitman

Walt Whitman autour de la cinquantaine.

Walt Whitman est né le 31 mai 1819 à West Hills, New York (Long Island). Il est mort le 26 mars 1892 à Camden. L’influence du grand poète lyrique américain a été grande sur la littérature en langue espagnole, d’abord à travers Rubén Darío, fondateur du mouvement littéraire moderniste.

Walt Whitman

En su país de hierro vive el gran viejo,
bello como un patriarca, sereno y santo.
Tiene en la arruga olímpica de su entrecejo
algo que impera y vence con noble encanto.

Su alma del infinito parece espejo;
son sus cansados hombros dignos del manto;
y con arpa labrada de un roble añejo,
como un profeta nuevo canta su canto.

Sacerdote que alienta soplo divino,
anuncia en el futuro tiempo mejor.
Dice al águila: «¡Vuela!»; «¡Boga!», al marino,

y «¡Trabaja!», al robusto trabajador.
¡Así va ese poeta por su camino,
con su soberbio rostro de emperador!

Medallones, III, in Azul [1888]

Walt Whitman

Dans son pays de fer vit le grand vieillard,
beau comme un patriarche, saint et serein.
Il y a dans la ride olympique de sa gabelle
quelque chose de noble, de conquérant et d’enchanteur.

Son âme est comme le miroir de l’infini ;
ses épaules éreintées sont dignes de la mante ;
et d’une harpe ouvrée dans du chêne vieilli
tel un nouveau prophète il chante son chant.

Aruspice soufflant un souffle divin,
il annonce pour l’avenir un temps meilleur.
Il dit à l’aigle ; «Vole!»; «Vogue!» au marin,

et «travaille!», au robuste travailleur.
Ainsi va ce poète sur son chemin
avec son visage superbe d’empereur !

Médaillons, III, in Azul, suivi d’un choix de textes, Éditions José Corti, 2012, pp. 117-118. Traduit de l’espagnol (Nicaragua) par Jean-Luc Lacarrière.