L’insulte (Ziad Doueiri)

Vu dimanche 11 mars à la Ferme du Buisson (Noisiel) :

L’insulte (2017) 1h52 Réal.: Ziad Doueiri. Coproduction franco-libanaise. Sc: Joelle Touma, Ziad Doueiri. Int: Adel Karam (Toni Hanna), Kamel El Basha (Yasser Abdallah Salameh), Diamand Bou Abboud (Nadine Wehbe), Camille Salameh (Wajdi Wehbe), Rita Hayek (Shirine Hanna), Christine Salameh (Manal Salameh).

Dans le Beyrouth d’aujourd’hui, une insulte dégénère et conduit devant les tribunaux Toni, chrétien libanais, propriétaire d’un garage, et Yasser, réfugié palestinien, contremaître sur un chantier voisin. Le film se transforme en film de procès avec ses tensions, ses oppositions, ses révélations surprenantes. Les deux avocats qui s’opposent sont un père et sa fille. Cette situation mène le Liban au bord de l’explosion communautaire et sociale. A la fin, les deux hommes finissent par se regarder en face.

Le film est mené comme un thriller intense et efficace. Les deux acteurs sont très bons et complémentaires. Kamel El Basha joue avec retenue – il a obtenu la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise 2017) – et Adel Karam avec fougue et colère. Le film a aussi été nominé aux Oscars 2018 comme meilleur film étranger. Le film est un peu trop long et l’utilisation d’une musique tonitruante m’a semblé assez maladroite.

Le film rappelle des faits historiques que l’évolution du pays veut occulter:
– Le massacre de Damour, ville côtière située à environ 20 km au sud de Beyrouth, le 20 janvier 1976. 582 chrétiens, pour la plupart civils, furent assassinés, principalement par des milices palestiniennes. Ce fut une réaction contre un massacre précédent de réfugiés palestiniens par les milices des Phalanges libanaises. A la fin du film, Toni, qui  avait 6 ans lors de ces faits, reprend la route de Damour, retrouve sa maison abandonnée et se repose sous les bananiers de son enfance.
– Septembre Noir . Ce conflit débuta le 12 septembre 1970, lorsque la Jordanie du roi Hussein déclencha des opérations militaires contre les fedayins de l’OLP, dirigée par Yasser Arafat. La violence des combats fit plusieurs milliers de morts de part et d’autre, en majorité des civils palestiniens. Yasser a vécu ces événements.
– Le massacre de Sabra et Chatila fut commis du 16 au 18 septembre 1982 par les phalangistes chrétiens avec la bénédiction de l’armée israélienne, stationnée à proximité. Il y eut de 460 à 800 victimes. Ariel Sharon était alors Ministre de la défense d’Israël. «Sharon aurait dû tous vous exterminer», dit Toni à Yasser.

Ce conflit absurde entre les deux hommes est, bien sûr, la métaphore de celui plus général entre les différentes communautés qui composent le Liban. La loi d’amnistie, proclamée à la sortie de la guerre civile (1975-1990), a instauré une amnésie de fait.

Le réalisateur Ziad Doueiri vit en France. Il s’attaque au tabou des affrontements ethniques dans le Beyrouth d’aujourd’hui, encore meurtri par ce passé récent. Les chrétiens libanais coexistent avec les palestiniens dans une atmosphère tendue, comme si la guerre n’avait jamais vraiment pris fin. Ziad Doueiri appelle à la réconciliation, à l’oubli de cette fracture. Le film ose dire beaucoup de choses, déterrer le passé, renvoyer chacun à ses propres fautes. Le film a été un succès dans son pays, mais des critiques se sont aussi élevées.

En 2012, Ziad Doueiri a tourné L’Attentat, adapté du roman éponyme de Yasmina Khadra, publié en 2005, avec des acteurs israéliens, Evgenia Dodina et Ali Suliman . Il a exprimé son opposition au boycott d’Israël. Le 11 septembre 2017, de retour au Liban pour la sortie de L’insulte, il a été entendu pendant plusieurs heures par un tribunal militaire au Liban, en raison de ce tournage qui contrevenait à la législation libanaise.

https://www.youtube.com/watch?v=ltYa7uNuFvg

Filmographie de Ziad Doueiri.
1998: West Beyrouth.
2004: Lila dit ça.
2012: L’Attentat.
2017: L’Insulte.

2005: Sleeper Cell (série télévisée) – 1 épisode:Immigrant)
2016: Baron noir (série télévisée)

Il fut Assistant à la caméra notamment pour Quentin Tarantino dans les années 1990 pour les films Jackie Brown, Pulp Fiction et Reservoir Dogs.