Luis Cernuda – Federico García Lorca

Vicente Aleixandre, Luis Cernuda, Federico García Lorca. 1931.

Il y a 85 ans, le vendredi 17 juillet 1936 au Maroc, alors protectorat, et le samedi 18 juillet 1936 en Espagne, des généraux félons (Sanjurjo, Franco, Mola) se soulevaient contre la République. C’était le début de la Guerre civile en Espagne. Une occasion de relire Luis Cernuda évoquant Federico García Lorca.

A UN POETA MUERTO (F.G.L.)

Así como en la roca nunca vemos
La clara flor abrirse,
Entre un pueblo hosco y duro
No brilla hermosamente
El fresco y alto ornato de la vida.
Por esto te mataron, porque eras
Verdor en nuestra tierra árida
Y azul en nuestro oscuro aire.

Leve es la parte de la vida
Que como dioses rescatan los poetas.
El odio y destrucción perduran siempre
Sordamente en la entraña
Toda hiel sempiterna del español terrible,
Que acecha lo cimero
Con su piedra en la mano.

Triste sino nacer
Con algún don ilustre
Aquí, donde los hombres
En su miseria sólo saben
El insulto, la mofa, el recelo profundo
Ante aquel que ilumina las palabras opacas
Por el oculto fuego originario.

La sal de nuestro mundo eras,
Vivo estabas como un rayo de sol,
Y ya es tan sólo tu recuerdo
Quien yerra y pasa, acariciando
El muro de los cuerpos
Con el dejo de las adormideras
Que nuestros predecesores ingirieron
A orillas del olvido.

Si tu ángel acude a la memoria,
Sombras son estos hombres
Que aún palpitan tras las malezas de la tierra;
La muerte se diría
Más viva que la vida
Porque tú estás con ella,
Pasado el arco de tu vasto imperio,
Poblándola de pájaros y hojas
Con tu gracia y tu juventud incomparables.

Aquí la primavera luce ahora.
Mira los radiantes mancebos
Que vivo tanto amaste
Efímeros pasar junto al fulgor del mar.
Desnudos cuerpos bellos que se llevan
Tras de sí los deseos
Con su exquisita forma, y sólo encierran
Amargo zumo, que no alberga su espíritu
Un destello de amor ni de alto pensamiento.

Igual todo prosigue,
Como entonces, tan mágico,
Que parece imposible
La sombra en que has caído.
Mas un inmenso afán oculto advierte
Que su ignoto aguijón tan sólo puede
Aplacarse en nosotros con la muerte,
Como el afán del agua,
A quien no basta esculpirse en las olas,
Sino perderse anónima
En los limbos del mar.

Pero antes no sabías
La realidad más honda de este mundo:
El odio, el triste odio de los hombres,
Que en ti señalar quiso
Por el acero horrible su victoria,
Con tu angustia postrera
Bajo la luz tranquila de Granada,
Distante entre cipreses y laureles,
Y entre tus propias gentes
Y por las mismas manos
Que un día servilmente te halagaran.

Para el poeta la muerte es la victoria;
Un viento demoníaco le impulsa por la vida,
Y si una fuerza ciega
Sin comprensión de amor
Transforma por un crimen
A ti, cantor, en héroe,
Contempla en cambio, hermano,
Cómo entre la tristeza y el desdén
Un poder más magnánimo permite a tus amigos
En un rincón pudrirse libremente.

Tenga tu sombra paz,
Busque otros valles,
Un río donde del viento
Se lleve los sonidos entre juncos
Y lirios y el encanto
Tan viejo de las aguas elocuentes,
En donde el eco como la gloria humana ruede,
Como ella de remoto,
Ajeno como ella y tan estéril.

Halle tu gran afán enajenado
El puro amor de un dios adolescente
Entre el verdor de las rosas eternas;
Porque este ansia divina, perdida aquí en la tierra,
Tras de tanto dolor y dejamiento,
Con su propia grandeza nos advierte
De alguna mente creadora inmensa,
Que concibe al poeta cual lengua de su gloria
Y luego le consuela a través de la muerte.

Poème écrit à Valence du 19 au 23 avril 1937. Il a été publié une première fois sous le titre Elegía a un poeta muerto dans la revue Hora de España VI. Valencia, junio de 1937.

Las nubes, 1937-1940. Buenos Aires, 1943.

La sixième strophe a été censurée lors de la première publication sous l’influence de Wenceslao Roces, communiste et Subsecretario de instrucción Pública du gouvernement républicain.

A un poète mort (F.G.L.)

Comme on ne voit jamais sur le rocher
La claire fleur s’épanouir,
Ainsi ne brille en sa beauté
Parmi un peuple hargneux et dur
L’ornement frais et noble de la vie.
C’est pourquoi ils t’ont tué: tu étais
verdure de notre terre aride,
Azur de notre ciel obscur.

Légère est la part de la vie
Que tels des dieux rachètent les poètes.
La destruction, la haine habitent pour toujours
Sourdement les entrailles
Toute de fiel de l’Espagnol terrible
Qui épie le sublime
Une pierre à la main.

Triste destin celui de naître
Avec un don illustre
Ici, où les hommes
Dans leur misère ne gardent
Qu’insulte, moquerie et défiance profonde
Pour celui qui éclaire les paroles opaques
Du feu secret originel.

Tu étais sel de notre monde,
Vivant tu étais un rayon de soleil,
Et seul voici ton souvenir
Qui passe errant et qui caresse
Le mur des corps
De la saveur de ces pavots
Que nos prédécesseurs ont ingérés
Aux rives de l’oubli.

Si vient ton ange à ta mémoire,
Ce sont des ombres, ces hommes
Qui palpitent encore dans les broussailles de la terre;
On dirait que la mort
Est plus vivante que la vie,
Parce que tu es chez elle,
Passé le porche de son vaste empire,
Et tu la peuples d’oiseaux et de feuilles
Avec ta grâce et ta jeunesse incomparables.

Ici le printemps brille en ce moment.
Vois les radieux garçons
Que vivant tu as tant aimés,
Éphémères passer dans la lueur marine.
Belles nudités qui traînent
Après elles les désirs
Avec leur forme exquise, et ne renferment
Qu’un suc amer, car leur esprit n’habite
Ni lumière d’amour ni hauteur de pensée.

Tout continue de même
Et, comme alors, magique,
Si bien que paraît impossible
L’ombre où tu es tombé.
Mais une immense aspiration secrète nous prévient
Que son aiguillon ignoré ne se peut
Émousser en nous qu’avec la mort,
Comme l’aspiration de l’eau
Á qui ne suffit pas de se sculpter en vagues,
Mais anonyme se veut perdre
Aux limbes de la mer.

Mais avant tu ne connaissais pas
La plus profonde réalité de ce monde:
La haine, la triste haine des humains,
Qui en toi voulut marquer
Par l’horreur de l’acier sa victoire,
Avec ton angoisse ultime
Sous la calme lumière de Grenade,
Lointain parmi cyprès et lauriers,
Parmi les tiens,
Et par les mêmes mains
Qui serviles un jour t’avaient flatté

La mort pour le poète est la victoire;
Un vent démoniaque le pousse dans la vie,
Et si une force aveugle
Sans compréhension ni amour
Par un crime te change,
Toi chanteur, en héros,
Considère en revanche, frère,
Comme dans la tristesse et le dédain
Un pouvoir plus magnanime permet à tes amis
de pourrir dans un coin librement.

Paix à ton ombre,
Qu’elle cherche d’autres vallées,
Une rivière où le vent
Pour une musique parmi les joncs
Et les iris avec le charme
Si vieillot de cette eau éloquente,
Où l’écho telle la gloire humaine roule,
Comme elle en un lointain
Étranger tout comme elle et stérile.

Trouve ton grand désir dépossédé
Le pur amour d’un dieu adolescent
dans la verdeur des roses éternelles;
Car ce désir divin, perdu sur notre terre
Après tant de douleur et d’abandon,
Nous révèle en sa propre grandeur
Je ne sais quel esprit immense et créateur
Qui du poète a fait la langue de sa gloire
Et par-delà la mort ensuite le console.

Les nuages. Traduction: Pierre Darmangeat.

1998. Traduction d’Anthony Bellanger.

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