Pentagon Papers (Steven Spielberg)

Vu dimanche 4 mars à la Ferme du Buisson (Noisiel) :

Pentagon Papers (The Post) (2017) 1h55 Réal.: Steven Spielberg. Sc: Liz Hannah, Josh Singer. Int: Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson, Bob Odenkirk, Tracy Letts, Bradley Whitford, Bruce Greenwood, Matthew Rhys, Jesse Plemons, David Cross, Michael Stuhlbarg, Zach Woods, Pat Healy, David Costabile.

Steven Spielberg revisite depuis longtemps le cinéma classique américain et ses différents genres. Il le fait en général avec talent. Cela change alors des grandes machines hollywoodiennes réservées aux adolescents décérébrés.

1987 Empire du soleil. Film de guerre.
1998 Il faut sauver le soldat Ryan. Film de guerre.
2005 Munich. Thriller politique.
2012 Lincoln. Film historique.
2015 Le Pont des Espions. Film d’espionnage.
2017 Pentagon Papers (The Post). Film sur le journalistime.

Après Les Hommes du président (1976), d’Alan J. Pakula, grand film de journalisme sur l’affaire du Watergate avec Robert Redford et Dustin Hoffman, il y a maintenant Pentagon Papers, qui écrit le chapitre précédent, le premier affrontement du Washington Post avec le pouvoir. Le titre original est The Post et Pentagon Papers est le titre «français». Le travail de traduction des distributeurs me laisse souvent perplexe.

En 1971, le Washington Post est un journal local que sa propriétaire, Katharine Graham (Meryl Streep), essaie d’introduire en Bourse. Il n’a pas l’importance du New York Times. C’est à celui-ci que l’analyste Daniel Ellsberg, un lanceur d’alerte avant la lettre, va remettre les rapports qu’il a photocopiés en secret et qui montre que, de 1945 à 1967, les différentes administrations américaines ont menti sur les possibilités de victoire des États-Unis au Vietnam. Le journal est censuré par la justice, sous la pression du Président Richard Nixon, pour avoir publié des informations classées secrètes. Le rédacteur en chef, Benjamin Bradlee (Tom Hanks) va récupérer ces informations. Le personnage de Benjamin Bradlee était interprété dans Les Hommes du président par Jason Robards.

Les deux grands acteurs que sont Meryl Streep et Tom Hanks se complètent à merveille dans ce film très américain. Spielberg utilise aussi avec justesse toute une panoplie d’acteurs venus des séries télévisées et qui jouent les seconds rôles.

Steven Spielberg a lu le scénario de Liz Hannah et de Josh Singer en février 2017. Le film était prêt en novembre, ce qui est assez inhabituel. Cette urgence s’explique probablement par l’importance de la presse et des médias pour faire barrage à l’administration Trump. Le film est un plaidoyer très efficace sur l’importance du contre-pouvoir que représente une presse libre et puissante. Le personnage de Kay Graham est aussi d’actualité dans le contexte de l’affaire Weinstein et des revendications féministes.

Certain spectateurs trouveront le message naïf et conservateur, mais il est aussi présent chez les grands cinéastes américains humanistes que furent Frank Capra, Richard Brooks ou Joseph L.Mankiewicz.

Je tiens à signaler aussi l’importance du projet lancé par Steven Spielberg après le tournage, en Pologne, de La Liste de Schindler (1993). Il avait décidé alors d’aller au-delà de son travail de cinéaste et d’enregistrer, sur cassettes vidéo, les récits de tous les derniers survivants de l’Holocauste dans le monde. Il avait créé pour cela la fondation «Survivors of the Shoah Visual History Foundation» qui voulait conserver l’histoire transmise par ceux qui l’ont vécue et qui ont réussi à survivre. Ce projet était financé par Steven Spielberg, MCA-Universal, NBC, Wasserman Foundation, Time-Warner.

https://www.cinemarivaux-macon.fr/film/202434/video/vo-fa1/

Jules Renard

 

Jules Renard, Journal.

12 septembre 1901. “Dans  ma tasse, le café ne reflète que mes idées noires.”

1er octobre 1903 . “Avec l’orage qui s’éloigne, Dieu s’en va.
Les paysans sont contents : il vont pouvoir emblaver “mou”. Le temps a mal au coeur.
Les arbres, d’abord immobiles, anxieux, s’agitent bientôt de joie sous la bonne pluie désaltérante.
Sur le mur d’en face je vois une clarté : c’est la petite aube du soleil qui va reparaître. ”

Chitry-les-Mines Mémorial à Jules Renard. Maire de 1904 à 1910.

Tintoret Naissance d’un génie

A l’occasion du 500e anniversaire de la naissance du Tintoret, le Musée du Luxembourg célèbre un des peintres essentiels de la Renaissance vénitienne et un des plus audacieux. Ses rivaux étaient Titien (1488-1576) et Véronèse (1528-1588).

Jacopo Robusti, dit Tintoretto (en français le Tintoret) est né le 29 avril 1518 à Venise. Il est mort le 31 mai 1594. Il doit son surnom («petit teinturier») à son père, Battista Robusti, qui travaillait dans une teinturerie (tintorìa en italien) et à sa petite stature. Il ne quittera Venise qu’une fois en septembre 1580.

L’exposition se concentre sur les quinze premières années de sa carrière. Ce fut une période décisive pour lui. On suit les débuts d’un jeune homme ambitieux, pétri de tradition vénitienne mais ouvert aux différentes nouveautés venues du reste de l’Italie. Il est décidé à renouveler la peinture dans la Venise cosmopolite du XVI ème siècle. Peinture religieuse ou profane, décor de plafond ou petit tableau rapidement exécuté, portrait de personnalité ou d’ami proche, dessin ou esquisse… Il peut tout faire. A moins de 20 ans, c’est un maître indépendant qui possède son propre atelier. Les œuvres exposées montrent la diversité du travail du Tintoret et sa volonté de frapper les spectateurs par son audace. L’exposition retrace bien l’ascension sociale d’un homme d’extraction modeste qui, grâce à son talent, parvient à s’élever dans la société, à s’imposer et à se faire un nom.

Le Tintoret cherche à unir la couleur du Titien et le dessin de Michel-Ange. La salle n° 6 s’intitule «Observer la sculpture». Le Tintoret représente le trait d’union entre le monde idéal de la Renaissance et l’extravagance de la peinture baroque. Le travail qu’il a fait à la Scuola Grande di San Rocco en est l’exemple le plus marquant.

J’ai toujours préféré Le Titien au Tintoret, mais j’ai trouvé ce parcours vraiment riche et intéressant. Les portraits du Tintoret montrés ici valent ceux du Titien et l’originalité de beaucoup de ses tableaux est remarquable. La troisième salle qui s’intitule “Capter les regards” est remarquable.

Néanmoins, je dois signaler que le prix des expositions au Musée du Luxembourg, géré par le Sénat, m’a toujours paru excessif.

Rencontrez Tintoret, le génie vénitien. Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais Rmn.

https://www.dailymotion.com/video/x6ehqt5

11 M. 14 años.

Pendant des années, ce dessin de Forges m’a accompagné dans ma salle de classe…

Durante años estuvo este dibujo de Forges en la pared de la sala del Instituto en el que daba clases.

11M. Hace 14 años. No olvidamos.

Emily Dickinson

Emily Dickinson. Daguerréotype de 1846-47 (Amherst College).

We never know how high we are (1197)

We never know how high we are
Till we are called to rise;
And then, if we are true to plan,
Our statures touch the skies—

The Heroism we recite
Would be a daily thing,
Did not ourselves the Cubits warp
For fear to be a King—

(Emily Dickinson 1830-1886)

(1197)

Nous ne savons jamais quelles hauteurs nous avons atteint
Avant qu’on nous demande de nous élever
Et alors qu’on nous demande de nous élever
Notre stature touche les cieux –

L’Héroïsme dont on se gargarise
Serait monnaie courante
Si nous ne gauchissions nous-mêmes les instruments de Mesure
de peur d’assumer notre Royauté –

Emily Dickinson, Poésies complètes, Flammarion, 2009.
(Traduction de Françoise Delphy)

 

Simone Weil

Simone Weil. Guerre d’Espagne. 1937.

Simone Weil : Lettre restée inédite en France et publiée en fin d’ouvrage in F.de Lussy (Dir.) Simone Weil. Sagesse et grâce violente Paris Bayard 2009 p.297-305.
“Le génie se distingue du talent, à ce que je crois, par le regard profond qu’il jette sur la vie ordinaire de l’homme ordinaire – je veux dire sans talent -, et l’intelligence qu’il en a. La plus belle poésie est celle qui est capable d’exprimer, dans sa vérité, la vie des gens qui ne peuvent écrire de la poésie. Hors de cela, il n’y a que de la poésie habile; et les êtres humains peuvent très bien se passer de poésie habile. L’habileté suscite l’aristocratie de l’intelligence; l’âme du génie est caritas selon la signification chrétienne du mot; à savoir que tout être humain possède une importance extrême.”

Gabriel García Márquez

Gabriel García Márquez (Colita) 1969

Gabriel García Márquez, nacido el 6 de marzo de 1927 en Aracataca (Colombia).

“El machismo es lo que más detesto en este mundo. Toda mi obra es una condena larga y constante de esa actitud, porque el machismo es la peor desgracia que tenemos en América Latina y particularmente en el Caribe.”

Encuentro con Gabriel García Márquez. Retrato de García Márquez, 1989.

 

Ni juge, ni soumise (Jean Libon – Yves Hinant)

Vu lundi 5 mars à la Ferme du Buisson (Noisiel) :
Ni juge ni soumise. Documentaire belge de Jean Libon et Yves Hinant (2017). 99 mn.
La juge Anne Gruwez tente d’élucider à Bruxelles un crime non résolu depuis plus de deux décennies. Les réalisateurs ont suivi ce personnage haut en couleur au cours d’enquêtes criminelles, d’auditions, de visites de scènes de crime.

Strip-tease fut une émission de télévision documentaire belge créée sur RTBF1 en 1985, puis belgo-française depuis le 3 octobre 1992 et sa diffusion sur France 3. Elle avait pour but de traiter des sujets de société. Je regarde peu la télévision. Je ne connaissais donc même pas son existence.

Les créateurs de l’émission se plaçait dans les années 80 dans la continuation des comédies sociales à sketches italiennes. Un cinéma populaire qui ne respectait rien et passait tout à la moulinette: l’église, la famille, la bourgeoisie, les rapports homme-femme, le sexe etc.

L’émission s’est arrêtée en 2012. Les deux réalisateurs ont réalisé là leur premier long métrage de cinéma en choisissant le contexte du polar. La juge reprend une histoire réelle et non résolue: l’assassinat de deux prostituées assassinées dans le centre de Bruxelles. Les auteurs ont eu trois ans pour filmer les personnages et ont utilisé les mêmes techniques qu’à la télévision: pas de voix off, pas de commentaire, pas d’interview.

C’est une comédie noire qui mêle absurde, vulgarité, désespoir. Le film repose sur l’empathie avec le personnage de la juge. Elle roule en 2CV dans Bruxelles, mais au son de la Marche de Radetzky. Elle a quatre doigts coupés. Parmi les prévenus, une écrasante proportion de prévenus issus de l’immigration.

Les interrogatoires hallucinants se succèdent, mais deux scènes sont particulièrement éprouvantes: un cadavre est exhumé dans le cimetière de Berchem-Sainte-Agathe, une des 19 communes bilingues de la ville-région de Bruxelles-Capitale, pour un prélèvement d’ADN; la juge et la meurtrière de son fils de 8 ans qu’elle considère comme «le fils de Satan» corrigent ensemble la déposition de celle-ci devant l’ordinateur.

L’humain est partout bien sûr. Térence disait bien: «Homo sum, et humani nihil
a me alienum puto» («Je suis homme, et rien de ce qui touche un homme ne m’est étranger»).
Mais, ici, la misère humaine devient spectacle comique. Le spectateur est mal à l’aise. C’est le but.
Je préfère quant à moi les documentaires de Raymond Depardon comme Délits flagrants (1994), 10 ème chambre, instants d’audience (2004) ou 12 jours (2017).

https://www.youtube.com/watch?v=_DlC7-cclhI

Jorge Luis Borges

Jorge Luis Borges (Grete Stern) 1951

Soneto inédito III 
Ya somos el olvido que seremos.
El polvo elemental que nos ignora
y que fue el rojo Adán y que es ahora
todos los hombres y los que seremos.

Ya somos en la tumba las dos fechas
del principio y el fin, la caja,
la obscena corrupción y la mortaja,
los ritos de la muerte y las endechas.

No soy el insensato que se aferra
al mágico sonido de su nombre;
pienso con esperanza en aquel hombre

que no sabrá quien fui sobre la tierra.
Bajo el indiferente azul del cielo,
esta meditación es un consuelo.

Los Justos

“Un hombre que cultiva un jardín, como quería Voltaire. El que agradece que en la tierra haya música. El que descubre con placer una etimología. Dos empleados que en un café de Sur juegan un silencioso ajedrez. El ceramista que premedita un color y una forma. Un tipógrafo que compone bien esta página, que tal vez no le agrada. Una mujer y un hombre que leen los tercetos finales de cierto canto. El que acaricia a un animal dormido. El que justifica o quiere justificar un mal que le han hecho. El que agradece que en la tierra haya Stevenson. El que prefiere que los otros tengan razón. Estas personas, que se ignoran, están salvando el mundo”.

Jusqu’à la garde (Xavier Legrand)

Vu jeudi 1 mars à la Ferme du Buisson (Noisiel) un grand film français sur le thème de la violence conjugale:

Jusqu’à la garde (2018) 1h33 Réal. et scén.: Xavier Legrand. Prod: Alexandre Gavras. Int: Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Giora, Mathilde Auneveux, Mathieu Saïkaly.
Lion d’argent de la meilleure mise en scène et Lion du futur, prix “Luigi de Laurentiis” du meilleur premier film au festival de Venise 2017.
Prix du Public du Meilleur Film Européen au Festival International du Film de Saint Sébastien 2017

Antoine et Miriam Besson divorcent. Pour protéger son fils de 11 ans de la violence de son père, Miriam en demande la garde exclusive. Antoine se sert de son fils Julien et profite de la situation pour tenter de réconquérir celle qu’il considère toujours comme sa femme.

Le film est découpé en grands blocs. La première séquence au tribunal dure seize minutes. La tension est extrême, l’atmosphère étouffante, la violence palpable. Les parents parlent peu. Ce sont les avocates qui ont la parole. Celle du père se montre agressive. La juge finit par critiquer l’attitude de la mère et accordera le droit de visite à Antoine. On comprend vite que c’est lui qui représente  le danger. Il est massif, manipulateur, malheureux. Les deux rencontres entre le père et le fils forment le centre du film.  La fille, Joséphine, va avoir 18 ans. Son seul but est de fuir cette famille qui l’étouffe et rejoindre son petit ami. Sa fête d’anniversaire constitue le centre du film. Xavier Legrand joue sur la lenteur.   La maison paraît un refuge, mais la menace approche comme dans les thrillers. La dernière scène, dans l’obscurité,  est un long plan-séquence de six minutes.

Le film semble naturaliste. On pense à Maurice Pialat, mais c’est aussi un conte. Le metteur en scène se place du point de vue de l’enfant qui  a peur de l’ogre. Il n’insiste pas sur le monde extérieur, le contexte social. La mise en scène est rigoureuse, efficace. Il y a un vrai travail sur le son (Le bip de la ceinture de sécurité, l’interphone) ce qui est assez rare dans le cinéma français pour être souligné.

Les trois acteurs principaux sont excellents: Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Giora. L’enfant, Thomas Giora, est même exceptionnel. Il rappelle le jeune John Harper (Billy Chapin) du mythique film de Charles Laughton, La Nuit du chasseur (1955).  La vieille Rachel Cooper (Lillian Gish), à la fin de ce film, murmure le soir de Noël: “Seigneur, sauve les petits enfants. Le vent souffle et les pluies sont froides. Cependant, ils endurent. Ils endurent et ils supportent.”

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19204539&cfilm=4963.html

Xavier Legrand, acteur, scénariste et réalisateur, avait déjà réalisé en 2013 un court métrage de 22 minutes sur le même thème: Avant que de tout perdre avec déjà Léa Drucker et Denis Ménochet. Grand prix du Festival de Clermont-Ferrand 2013. Sélectionné aux Oscars du cinéma 2014 dans la catégorie meilleur court métrage de fiction. César du meilleur court métrage en 2014. Il y racontait uniquement la fuite de la femme et de ses deux enfants.

https://www.youtube.com/watch?v=VebMpwa-7w4

La violence conjugale en France
Les meurtres. En 2016, 123 femmes et 34 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire. 25 enfants mineurs ont été tués par l’un de leurs parents dans un contexte de violence au sein du couple (Source : ministère de l’intérieur).
La violence physique. En 2016, 225 000 femmes âgées de 18 à 75 ans déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint. Moins d’une femme sur cinq victimes de violence déclare avoir déposé plainte.
Plus de la moitié n’a fait aucune démarche auprès d’un professionnel ou d’une association (Source : Insee).
Condamnations. En 2016, 17 660 personnes ont été condamnées pour des violences sur leur partenaire ou ex-partenaire. 96 % sont des hommes.