Antonio Machado

Patio central du Palacio de las Dueñas (Séville).

Antonio Machado est né le 26 juillet 1875 au palais de Las Dueñas à Séville. C’est le deuxième enfant d’Antonio Machado Álvarez, folkloriste célèbre, et d’Ana Ruiz Hernández. Son frère aîné, Manuel, né le 29 août 1874, est un poète moderniste avec qui il collabore à de nombreuses reprises. Á huit ans, il part à Madrid avec ses parents. Il reçoit l’éducation de l’Institution libre d’enseignement. Il a gardé toute sa vie une grande affection et gratitude pour ses maîtres qui ont eu un rôle si important dans la modernisation de l’enseignement en Espagne à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème.

XCVII
Retrato

Mi infancia son recuerdos de un patio de Sevilla,
y un huerto claro donde madura el limonero;
mi juventud, veinte años en tierras de Castilla;
mi historia, algunos casos que recordar no quiero.

Ni un seductor Mañara, ni un Bradomín he sido
—ya conocéis mi torpe aliño indumentario—,
mas recibí la flecha que me asignó Cupido,
y amé cuanto ellas puedan tener de hospitalario.

Hay en mis venas gotas de sangre jacobina,
pero mi verso brota de manantial sereno;
y, más que un hombre al uso que sabe su doctrina,
soy, en el buen sentido de la palabra, bueno.

Adoro la hermosura, y en la moderna estética
corté las viejas rosas del huerto de Ronsard;
mas no amo los afeites de la actual cosmética,
ni soy un ave de esas del nuevo gay-trinar.

Desdeño las romanzas de los tenores huecos
y el coro de los grillos que cantan a la luna.
A distinguir me paro las voces de los ecos,
y escucho solamente, entre las voces, una.

¿Soy clásico o romántico? No sé. Dejar quisiera
mi verso, como deja el capitán su espada:
famosa por la mano viril que la blandiera,
no por el docto oficio del forjador preciada.

Converso con el hombre que siempre va conmigo
—quien habla solo espera hablar a Dios un día—;
mi soliloquio es plática con ese buen amigo
que me enseñó el secreto de la filantropía.

Y al cabo, nada os debo; debéisme cuanto he escrito.
A mi trabajo acudo, con mi dinero pago
el traje que me cubre y la mansión que habito,
el pan que me alimenta y el lecho en donde yago.

Y cuando llegue el día del último vïaje,
y esté al partir la nave que nunca ha de tornar,
me encontraréis a bordo ligero de equipaje,
casi desnudo, como los hijos de la mar.

Campos de Castilla, 1907-17.

Palacio de las Dueñas (Séville). Azulejo à la mémoire d’Antonio Machado.

XCVII
Portrait

Enfance, souvenirs d’un patio de Séville,
d’un clair jardin où mûrit le citronnier,
ma jeunesse, vingt ans en terre de Castille ;
Mon histoire, quelques faits que je ne veux pas rappeler.

Ni un séducteur Mañara, ni un Marquis de Bradomín,
– vous connaissez mon piètre accoutrement – ;
mais j’ai reçu la flèche que me destina Cupidon,
et j’ai aimé tout ce qu’elles ont d’accueillant.

Il coule dans mes veines du sang de jacobin,
mais mon vers jaillit d’une source sereine ;
et plus qu’un homme à la mode qui sait son catéchisme,
je suis, dans le bon sens du mot, un homme bon.

J’adore la beauté, et dans la moderne esthétique
j’ai cueilli les anciennes roses du jardin de Ronsard ;
mais je n’aime pas les fards de l’actuelle cosmétique,
ni ne suis un de ces oiseaux au nouveau gazouillis.

Méprisant la romance des ténors à voix creuse
et le choeur des grillons qui chantent à la lune,
je cherche à démêler les voix des échos ;
parmi toutes les voix, je n’en écoute qu’une.

Classique ou romantique ? Je ne sais. Je voudrais
laisser mon poème ainsi que son épée le capitaine :
fameuse par la main virile qui la brandissait
et non pour l’art savant du forgeur appréciée.

Je converse avec l’homme qui toujours m’accompagne
– qui parle seul espère à Dieu parler un jour – ;
mon soliloque est entretien avec ce bon ami
qui m’apprit le secret de la philanthropie.

Après tout, je ne vous dois rien ; c’est vous qui me devez ce que j’ai écrit.
J’accomplis mon labeur, de mes deniers, je paie
l’habit qui me couvre, la demeure où j’habite,
le pain qui me nourrit, la couche où je repose.

Et quand viendra le jour du dernier voyage,
quand partira la nef qui jamais ne revient,
vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
quasiment nu, comme les enfants de la mer.

Champs de Castille (1907-1917). Gallimard, 1973. Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé.

Antonio Machado par Manuel Tuñón de Lara (1915-1997). 1960. Pierre Seghers éditeur, Poètes d’aujourd’hui n°75.

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