Nicolas de Staël 1914 – 1955

Du 15 septembre 2023 – 21 janvier 2024, exposition Nicolas de Staël au Musée d’art Moderne de Paris, 11 avenue du Président Wilson, 75 016 – Paris. Métro : Alma-Marceau. Ligne 9.

Commissaires de l’exposition : la conservatrice Charlotte Barat-Mabille et l’historien d’art Pierre Wat. Marie du Bouchet, petite-fille du peintre, qui coordonne le comité Nicolas de Staël créé en 2005 pour veiller sur l’oeuvre de l’artiste, en est la conseillère scientifique.

Les expositions de Nicolas de Staël et de Manet dans les années 80 m’ont fait vraiment aimer la peinture, en autodidacte.

Nicolas de Staël. Paris. Galeries Nationales de Grand Palais. 22 mai-24 août 1981.

Manet : 1832-1883. Paris, Grand Palais, 22 Avril-1 Août 1983.

L’exposition du Musée d’art Moderne de Paris réunit environ 200 oeuvres. 70 n’ont quasiment jamais été montrées en France.

L’accrochage des toiles suit un ordre chronologique : Le voyage d’un peintre 1934-1947 ; Rue Gauguet 1948-1949 ; Condensation 1950 ; Fragmentation 1951 ; Un an dans le paysage 1952 ; Le spectacle du monde 1952-1953 ; L’atelier du sud 1953 ; Lumières 1953 ; Sicile 1953-1954 ; Sur la route 1954 ; Antibes 1954-1955 .

J’ai apprécié particulièrement la présence de nombreux dessins, les petits formats, les paysages de Sicile, les natures mortes et les toiles que je n’avais jamais vues.

La Route. Ménerbes, 1954. Collection privée.

Nicolas de Staël est un exilé, un nomade, un voyageur : Russie, Belgique, France, Espagne, Maroc, Algérie, États-Unis, Italie (Sicile). Il écrit en mai 1953 : « Tous les départs sont merveilleux pour le travail ». Il est à la recherche d’un ailleurs. La lumière du sud a eu une grande influence sur sa peinture. C’est une évidence. Je regrette seulement que les organisateurs n’aient pas insisté sur le rôle de ses deux voyages en Espagne ( juin-octobre 1935 et octobre 1954 )

J’ai relu pour l’occasion les deux petits recueils de correspondance publiés en 2011 par son fils, Gustave de Staël et la maison d’édition marocaine de Tanger, Khbar Bladna. (Lettres d’Espagne juin-octobre 1935 et Lettres d’Espagne octobre 1954). On retrouve ces textes dans Lettres 1926-1955. Le Bruit du temps. 2014.

1935. Itinéraire.

Juin : En Catalogne, voyage à bicyclette et sac à dos, avec un ami, Benoist Gibsoul. Il découvre l’art religieux médiéval catalan, les gitans. Il fait des croquis. Á Vich, il s’enthousiasme pour l’ ensemble sculptural roman ( première moitié du XII ème siècle ) : La descente de la croix de l’église Santa Eulàlia d’Erill la Vall au Musée épiscopal. ” Divin pays – cette Catalogne, des fresques du X, XI, XII, un art religieux immense. Je donne tout Michel-Ange pour le calvaire du musée de Vich. ” ( Á Georges de Vlamynck, juin 1935 ). Manresa. Ascension du Montserrat, Cervera ( églises et Ayuntamiento ) Lérida ( Castillo de Gardany )

Quelques semaines aux Baléares où il fait des aquarelles.

Fin juin : Monzón, Barbastro ( cathédrale ), Huesca, Triste, Jaca ( fresques ) .

Début juillet : Pampelune où il assiste aux Fêtes de San Fermín. Bilbao. Castro-Urdiales ( Nuestra Señora de la Anunciación ). Santander. Suances. ” Un ciel immense. Les nuages esquissent quatre fantastiques chevaux qui se cabrent sur la mer. Le sable et c’est tout ( Á Madame Fricero, juillet 1935 ). Santillana del Mar (églises, cloîtres, Collégiale de Santa Juliana). Peintures préhistoriques des grottes d’Altamira. ” Extraordinairement beaux de dessin et de couleur. La pierre épouse parfois la forme du taureau. (…) Je me suis couché par terre pour mieux voir. ” ( Á Georges de Vlamynck, 5 août 1935 ). Á partir de Bilbao, un autre ami, Emmanuel d’Hooghvorst, l’accompagne.

Mi-juillet : Burgos. Valladolid, Ávila. Segovia. El Escorial. Madrid. Visite du Musée du Prado. ” splendeurs des splendeurs. ”

Début août : Tolède. Oeuvres du Greco. Monastère royal de Santa María de Guadalupe ( XIV – XV èmes siècles – panneaux décoratifs de Zurbarán dans la sacristie )

Fin août : Andalousie. Cordoue, Séville, usines de céramique.

Début septembre : Cadix, les sierras, Arcos de la Frontera, Zahara de la Sierra, Ronda. Il dessine des chevaux, des taureaux, des animaux. Malaga, Grenade (l’Alhambra). Il apprécie beaucoup l’art islamique. ” Grenade, nous avons passé toute la journée dans l’Alhambra, Dieu que c’est beau, on a envie de s’y installer. Le jour où nous arriverons en architecture et en décoration à ces proportions, à cette mesure, je serai bien content. ” ( Á Madame Fricero, 18 septembre (?) 1935 )

Murcie, Cartaghène.

Mi-septembre : Alicante, Valence. Monastère Santa María de Poblet. Tarragone. Manresa.

Á Barcelone, il découvre mieux l’art catalan médiéval ( fresques romanes du Musée National d’Art de Catalogne – MNAC ), les peintres du Modernisme ( Ramón Casas, Santiago Rusiñol ), les artistes contemporains ( Pablo Picasso, Isidre Nonell, Ricard Casals, Joaquim Mir, Manolo Hugué )

Octobre : Vich et retour en France.

” J’aime le peuple, l’ouvrier, le mendiant. Quelle misère et quels gens sympathiques. ” ( Á Emmanuel Fricero, septembre 1935 )

Du 18 au 31 octobre 1954. Itinéraire.

Mi-octobre : départ de Grimaud (Var). Il voyage avec un ami, le poète Pierre Lecuire, dans une 4 CV à toit ouvrant.

Barcelone, Alicante, Valence. Il dessine une série de routes, de cyclistes, de paysages montagneux.

Il rejoint Grenade, visite l’Alhambra, fait des croquis. Il assiste à un concert de flamenco dans les grottes du Sacromonte. Il dessine l’orchestre, la chanteuse, les danseurs.

Il visite Séville et Cadix. Il achète des objets traditionnels pour composer des natures mortes. Il parcourt les villages des sierras.

Á Tolède, il voit L’enterrement du comte d’Orgaz du Greco (Église Santo Tomé)

Madrid. Dernière étape. Il a besoin de revoir la peinture espagnole. Au Musée du Prado, il admire particulièrement les Vélasquez, mais aussi certains tableaux de Goya, du Greco, de Rubens…

” Ici la salle Vélasquez. Tellement de génie qu’il ne le montre même pas, disant tout simplement au monde je n’ai que du talent mais j’en ai sérieusement. Quelle joie ! Quelle joie ! Solide, calme, inébranlablement enraciné, peintre des peintres à égale distance des rois et des nains, à égale distance de lui-même et des autres. Maniant le miracle à chaque touche, sans hésiter en hésitant, immense de simplicité, de sobriété, sans cesse au maximum de la couleur, toutes réserves à lui, hors de lui et là sur la toile. Donne l’impression claire d’être le premier pilier inébranlable de la peinture libre, libre. Le Roi des Rois. Et tout cela fonctionne comme les nuages qui passent les uns dans les autres, avant que le ciel ne soit ciel et terre, terre. Merveilleux Jacques, absolument merveilleux, il y a exactement vingt-cinq ans que je n’avais vu ces tableaux , j’y suis allé tout droit, mais je ne les ai vus que pour la première fois aujourd’hui. Nom de Dieu. quelle histoire ! (…) Au fond je garde deux impressions majeures, les colonnes à Grenade et la salle Vélasquez ici, le reste vacille. ” ( Á Jacques Dubourg, 29 octobre 1954 )

Début novembre. Après avoir parcouru 3000 kilomètres en voiture, il prend l’avion pour Nice et rejoint son atelier d’Antibes. Ce voyage lui a donné un élan extraordinaire. De novembre 1954 à mars 1955, il peint cent quatorze tableaux en quatre mois et demi.  Dans la nuit du 16 au 17 mars 1955, il se jette du toit de l’immeuble de son atelier. Sa dernière lecture, Fictions de Borges : ” Et j’ai lu plusieurs fois Borges. Eh bien , je ne sais en quelle langue il écrit, cela arrive à ne plus avoir d’importance, c’est dommage, mais sa façon d’écrire, non pas sur le papier mais comme une fourmi microbe dans l’épaisseur même de chaque feuille, c’est étourdissant. Les superbes parasites qui creusent dans le volume des tablettes, des cartons, des in-folio d’or et de cuir ont dû le hanter pertinemment. Lorsque cela évite le particularisme c’est très grand et très simple.”

Étude de visage de femme. Jeannine. Vers 1939. Collection particulière.

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