Josée Kamoun – Gabriel García Márquez

Josée Kamoun chez elle en 2000.

Sur France Culture, j’ai écouté le Book Club de Marie Richeux en podcast. Dans la bibliothèque de Josée Kamoun, traductrice de Virginia Woolf, George Orwell, Philip Roth, Richard Ford, Jack Kerouac, Bernard Malamud.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-book-club/dans-la-bibliotheque-de-josee-kamoun-9389201

Elle lit des passages de Gustave Flaubert (Madame Bovary) Gabriel García Márquez (Cent ans de solitude) , Emily Brontë (Les Hauts de Hurlevent), Yasunari Kawabata (Les belles endormies), Richard Ford (Canada). Parmi ces cinq romans, il y en a trois que j’ai lus et relus.

Elle vient de faire paraître aussi un Dictionnaire amoureux de la traduction. Illustrations d’Alain Bouldouyre. Plon, 560 pages, 29 €.

On peut écouter aussi un autre entretien dans le magazine Diacritik : Josée Kamoun, dictionnaire amoureux de la traduction (entretien). 23 mai 2024.

https://diacritik.com/2024/05/23/dictionnaire-amoureux-josee-kamoun/

J’ai relu pour l’occasion des passages de Cent ans de solitude dont celui qu’elle lit dans l’émission. Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Julio Cortázar, Alejo Carpentier, des lectures marquantes dans les années 70.

« Remedios la Belle continua d’errer dans le désert de la solitude, sans endurer aucun malheur, s’épanouissant dans ses rêves jamais entrecoupés de cauchemars, dans ses bains interminables, ses repas à n’importe quelle heure, ses longs et profonds silences à ne remâcher nul souvenir, jusqu’à cet après-midi de mars où Fernanda décida d’aller au jardin plier ses draps de toile de Brabant et demanda de l’aide aux femmes de la maison. Á peine avait-elle commencé, qu’Amaranta remarque l’intense pâleur de Remedios la Belle qui la rendait presque diaphane.Tu ne te sens pas bien ?, lui demanda-t-elle.
Remedios la Belle qui avait empoigné le drap par l’autre bout, eut un sourire de commisération. – Tu ne te sens pas bien ?, lui demanda-t-elle.
Remedios la Belle qui avait empoigné le drap par l’autre bout, eut un sourire de commisération.
– Au contraire -dit-elle -, jamais je ne me suis mieux trouvé.
Á ces mots, Fernanda sentit une brise légère et lumineuse lui arracher les draps des mains et les déplier dans toute leur largeur. Amaranta éprouva comme un frissonnement mystérieux dans les dentelles de ses jupons et voulut s’accrocher au drap pour ne pas tomber, à l’instant où Remedios la Belle commençait à s’élever dans les airs. Ursula, déjà presque aveugle, fut la seule à garder suffisamment de présence d’esprit pour reconnaître la nature de ce vent que rien ne pouvait arrêter et laissait les draps partir au gré de cette lumière, voyant Remedios la Belle lui faire des signes d’adieu, au milieu de l’éblouissant battement d’ailes des draps qui montaient avec elle, quittaient avec elle le monde des scarabées et des dahlias, traversaient avec elle les régions de l’air où il n’était déjà plus quatre heures de l’après-midi, pour se perdre à jamais avec elle dans les hautes sphères où les plus hauts oiseaux de la mémoire ne pourraient pas même la rejoindre.
Bien entendu, les étrangers pensèrent que Remedios la Belle avait enfin succombé à son implacable destin de reine des abeilles, et que sa famille voulait sauver l’honneur par cette mensongère histoire de lévitation. Fernanda, dévorée par l’envie, finit par admettre la prodige et longtemps continua de prier Dieu qu’il rendît ses draps. »

Cent ans de solitude. Paris, Le Seuil, décembre 1968. Traduction Claude et Carmen Durand.

« Remedios, la bella, se quedó vagando por el desierto de la soledad, sin cruces a cuestas, madurándose en sus sueños sin pesadillas, en sus baños interminables, en sus comidas sin horarios, en sus hondos y prolongados silencios sin recuerdos, hasta una tarde de marzo en que Fernanda quiso doblar en el jardín sus sábanas de bramante, y pidió ayuda a las mujeres de la casa. Apenas había empezado, cuando Amaranta advirtió que Remedios, la bella, estaba transparentada por una palidez intensa.
– ¿Te sientes mal? – le preguntó.
Remedios, la bella, que tenía agarrada la sábana por el otro extremo, hizo una sonrisa de lástima.
– Al contrario – dijo -, nunca me he sentido mejor.
Acabó de decirlo, cuando Fernanda sintió que un delicado viento de luz le arrancó las sábanas de las manos y las desplegó en toda su amplitud. Amaranta sintió un temblor misterioso en los encajes de sus pollerines y trató de agarrarse de la sábana para no caer, en el instante en que Remedios, la bella, empezaba a elevarse. Úrsula, ya casi ciega, fue la única que tuvo serenidad para identificar la naturaleza de aquel viento irreparable, y dejó las sábanas a merced de la luz, viendo a Remedios, la bella, que le decía adiós con la mano, entre el deslumbrante aleteo de las sábanas que subían con ella, que abandonaban con ella el aire de los escarabajos y las dalias, y pasaban con ella a través del aire donde terminaban las cuatro de la tarde, y se perdieron con ella para siempre en los altos aires donde no podían alcanzarla ni los más altos pájaros de la memoria.
Los forasteros, por supuesto, pensaron que Remedios, la bella, había sucumbido por fin a su irrevocable destino de abeja reina, y que su familia trataba de salvar la honra con la patraña de la levitación. Fernanda, mordida por la envidia, terminó por aceptar el prodigio, y durante mucho tiempo siguió rogando a Dios que le devolviera las sábanas. »

Cien años de soledad. Buenos Aires, Editorial Sudamericana. Mai 1967.

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