Antonio Machado

Antonio Machado (José Machado) 1938.

Le dimanche 22 janvier 1939, trois jours avant la chute de Barcelone, Antonio Machado et sa famille (Ana Ruiz, sa mère, son frère José, peintre et dessinateur, et l’épouse de ce dernier, Matea Monedero) se dirigent en convoi, dans un véhicule de la Direction Générale de la Santé, vers la frontière française. Les réfugiés attendent du 23 au 26 janvier dans un mas situé près de Cervià de Ter, à environ 10 kilomètres de Gérone. Ils repartent le jeudi 26 dans l’après-midi, jour de la chute de Barcelone, et doivent s’arrêter à nouveau au Mas Faixà, près de Figueras. Ils repartent le lendemain. Le 27 au soir, ils traversent Portbou sous la pluie. Les véhicules doivent s’arrêter. Antonio Machado et ses proches abandonnent une partie de leurs bagages et se joignent à la foule immense qui dans l’obscurité et le froid prend le chemin de l’exil. Ils arrivent au poste frontalier du col des Balitres. Ils y retrouvent l’écrivain Corpus Barga (1888-1979) qui parvient à convaincre le commissaire de police de les laisser passer. Le 28 janvier, ils prennent à Cerbère le train jusqu’à Collioure. Ils logent à l’hôtel Bougnol-Quintana. Grand fumeur, malade du coeur, le poète est conscient de l’usure de son corps. A partir du 18 février, il reste alité à cause d’une pneumonie. Antonio Machado, asthmatique et âgé de 64 ans, meurt le 22 février 1939, mercredi des Cendres, à trois heures et demie de l’après-midi dans la chambre n°5, au premier étage. Ses obsèques ont lieu le lendemain, 23 février. Son cercueil est porté par douze soldats républicains. Il est enterré dans un caveau prêté dans le cimetière de Collioure. Sa mère décède 25 février à 85 ans. Le 5 mai 1941, il est expulsé post-mortem de sa chaire de professeur de lycée par les autorités franquistes.  Il ne sera réhabilité comme professeur qu’en 1981. Les deux corps seront transférés le 16 juillet 1958 dans une autre tombe, achetée grâce à des dons venant du monde entier. Parmi les donateurs: Pablo Casals, Albert Camus, André Malraux, René Char. Sur la pierre tombale se trouve depuis des décennies une boîte aux lettres qui ne désemplit pas.

Retrato

(…)
Cuando llegue el día del último vïaje,
y esté al partir la nave que nunca ha de tornar,
me encontraréis a bordo ligero de equipaje,
casi desnudo, como los hijos de la mar.

Campos de Castilla (1907-17).

Portrait

(…)
Et quand viendra le jour du dernier voyage,
quand partira la nef qui jamais ne revient,
vous me verrez à bord, et mon maigre bagage,
quasiment nu, comme les enfants de la mer.

Champs de Castille (1907-1917). (Traduction Sylvie Léger et Bernard Sesé)

Tombe d’Antonio Machado à Collioure.

Julio Cortázar (1914-1984)

Julio Cortázar.

Cette Lettre ouverte à Pablo Neruda  fut écrite par Julio Cortázar en  introduction à la version française de Residencia en la tierra, publiée dans la Collection Poésie/Gallimard en 1972 .Traduction de Laure Guille-Bataillon.

«…parce que contre vents et marées l’homme défend et sauve un territoire commun, une zone de rencontre où merveilleusement nous renonçons à la défense et au secret, où un poème, une peinture, un solo de trompette sont aussi importants que la rencontre du corps de l’homme et de la femme, que le cri des hirondelles aux dernières lumières du jour, que le frémissement d’un champs de blé que j’ai tellement aimé là-bas dans l’île de Tenglo, en 42, la première fois que j’ai vu ton Chili et me suis promené dans ses montagnes et dans ses îles et, sur une place de Valparaíso, un soir de chaleur et de tristesse, j’ai lu assis sur un banc ton Espagne au coeur qui devait par la suite faire partie de Troisième Résidence mais qui était alors un livre de grand format bien mal commode à trimbaler sauf lorsqu’il avait atteint la poitrine, cette région cachée et crépusculaire où vont peut-être bien mourir les éléphants et les oiseaux…
Voilà longtemps déjà que je répète monotonément que nous n’arriverons pas à nouer le destin auquel nous avons droit (…) si nous ne commençons pas par descendre au plus profond de nous-mêmes, hommes et choses, matières et mots, idéaux et tabous, discriminations raciales et sexuelles, tous ces drapeaux de pacotille et ces nationalismes de championnat. Comment ne pas sentir alors que tes premières Résidences sont, sur ton terrain de poète, cette descente aux enfers sans laquelle tu ne serais jamais remonter a riveder le stelle? Dans les années 40, en une période où presque tous les poètes suivaient une voie lyrique sans surprise, il tombe sur une génération sud-américaine stupéfaite, émerveillée ou furieuse, une énorme alluvion de mots chargés de matière épaisse, de pierres et lichens, de sperme sidéral, de vents du large et de mouettes de fin du monde, une nomenclature de bois et de métaux, de peignes et de femmes, de falaises et de bourrasques, et tout cela nous arrive, comme tant d’autres fois, de l’autre côté du monde, où un poète regarde par-dessus la mer son lointain Chili et le comprend et le connaît tellement mieux que d’autres qui ont le nez dessus.»

«…porque contra viento y marea el hombre defiende y salva un territorio común, una zona de encuentro donde maravillosamente renunciamos a la veda y al secreto, donde un poema o una pintura o un solo de trompeta valen como el encuentro de los cuerpos de la mujer y del hombre, como el silbar de las golondrinas en la última luz de la tarde, como el temblor de un trigal que amé en la isla Tenglo allá por el año cuarenta y dos cuando conocí tu Chile y anduve por sus tierras y sus islas y en una plaza de Valparaíso, una noche de calor y de tristeza, leí sentado en un banco tu España en el corazón que luego habría de entrar en la Tercera Residencia pero que entonces era un libro de grandísimo formato, tan incómodo de llevar salvo cuando ganaba el pecho, la región solapada y crepuscular donde acaso van a morir de verdad los elefantes y los pájaros…
Hace ya muchísimos años que insisto monótonamente en que no llegaremos a cuajar nuestro destino legítimo (…) si no empezamos por bajar a lo más hondo de nosotros mismos, hombres y cosas, materias y palabras, ideales y tabúes, descriminaciones y machismos, banderas de pacotilla y nacionalismos de campeonato. Cómo no sentir entonces que tus primeras Residencias son en tu terreno de poeta esa bajada a los infiernos sin la cual jamás habrías retornado «a riveder le stelle». En la cuarta década del siglo, en un periodo en el que casi todos los poetas continuaban una vía lírica sin sorpresas, cae sobre una genración latinoamericana estupefacta, maravillada o enfurecida, un enorme aluvión de palabras cargadas de materia espesa, de piedras y de líquenes, de esperma sideral, de vientos litorales y gaviotas de fin de mundo, un inventario de ruinas y nacimientos, una nomenclatura de maderas y metales y peines y mujeres y farallones y espléndidas borrascas, y todo eso, como tantas otras veces, desde el otro lado del mundo donde un poeta mira por encima del mar su Chile remotísimo y lo conoce tanto mejor que otros con las narices pegadas al cerro Santa Lucía o a los lagos australes.»

Valparaíso, Escalera Templeman. We are not Hippies, we are Happies (Art+Believe).

Pablo Neruda

Pablo Neruda.

No hay olvido (Sonata) 

Si me preguntáis en dónde he estado
debo decir “Sucede”.
Debo de hablar del suelo que oscurecen las piedras,
del río que durando se destruye:
no sé sino las cosas que los pájaros pierden,
el mar dejado atrás, o mi hermana llorando.
Por qué tantas regiones, por qué un día
se junta con un día? Por qué una negra noche
se acumula en la boca? Por qué muertos?
Si me preguntáis de dónde vengo, tengo que conversar con
cosas rotas,
con utensilios demasiado amargos,
con grandes bestias a menudo podridas
y con mi acongojado corazón.

No son recuerdos los que se han cruzado
ni es la paloma amarillenta que duerme en el olvido,
sino caras con lágrimas,
dedos en la garganta,
y lo que se desploma de las hojas:
la oscuridad de un día transcurrido,
de un día alimentado con nuestra triste sangre.

He aquí violetas, golondrinas,
todo cuanto nos gusta y aparece
en las dulces tarjetas de larga cola
por donde se pasean el tiempo y la dulzura.
Pero no penetremos más allá de esos dientes,
no mordamos las cáscaras que el silencio acumula,
porque no sé qué contestar:
hay tantos muertos,
y tantos malecones que el sol rojo partía,
y tantas cabezas que golpean los buques,
y tantas manos que han encerrado besos,
y tantas cosas que quiero olvidar.

Residencia en la tierra, (1925–1931). Madrid, Ediciones del Árbol, 1935.

Il n’y a pas d’oubli (Sonate)

Si vous me demandez où j’étais
je dois dire: «Il arrive que».
Je dois parler du sol que les pierres obscurcissent,
du fleuve qui en se prolongeant se détruit:
je ne connais que les choses perdues par les oiseaux,
la mer laissée en arrière, ou ma sœur qui pleure.
Pourquoi tant de régions, pourquoi un jour
se joint-il à un jour? Pourquoi une nuit noire
s’accumule-t-elle dans la bouche? Pourquoi des morts?
Si vous me demandez d’où je viens, je dois parler
avec les choses brisées,
avec des ustensiles trop amers,
avec de grandes bêtes souvent pourries
et avec mon coeur tourmenté.

Ce ne sont pas les souvenirs qui se sont croisés
ni la colombe jaunâtre qui dort dans l’oubli,
mais des visages avec des larmes,
des doigts dans la gorge,
et ce qui s’effondre des feuilles:
l’obscurité d’un jour écoulé,
d’un jour nourri de notre triste sang.

Voici des violettes, des hirondelles,
tout ce que nous aimons et qui figure
sur de douces cartes à longue traîne
où se promènent le temps et la douceur.
Mais ne pénétrons pas au-delà de ces dents,
ne mordons pas aux écorces que le silence accumule,
car je ne sais que répondre:
il y a tant de morts,
et tant de jetées que le soleil rouge transperçait,
et tant de têtes qui frappent les bateaux,
et tant de mains qui ont enfermé des baisers,
et tant de choses que je veux oublier.

Résidence sur la terre, (1925–1931) (1935) , traduit par Guy Suarès .Paris, Gallimard,«Du monde entier», 1969. réédition dans une traduction nouvelle de Guy Suarès, préface de Julio Cortázar, Paris, Gallimard, «Poésie» n°83, 1972;

Jorge Luis Borges

Jorge Luis Borges.

Posesión de las cosas

Sé que he perdido tantas cosas que no podria contarlas y que esas perdiciones, ahora, son lo que es mío. Sé que he perdido el amarillo y el negro y pienso en esos imposibles colores como no piensan los que ven. Mi padre ha muerto y está siempre a mi lado. Cuando quiero escandir versos de Swinburne, lo hago, me dicen, con su voz. Sólo el que ha muerto es nuestro, sólo es nuestro lo que perdimos. Ilión fue, pero Ilión perdura en el hexámetro que la plañe. Israel fue cuando era una antigua nostalgia. Todo poema, con el tiempo, es una elegía. Nuestras son las muejeres que nos dejaron, ya no sujeto a la víspera, que es zozobra, y a las alarmas y terrores de la esperanza. No hay otros paraísos que los paraísos perdidos.

Los conjurados, 1985.

Possession de l’hier

J’ai perdu tant de choses que je serais incapable d’en faire le compte, et je sais que j’ai perdu le jaune et le noir, et je pense à ces couleurs impossibles comme n’y pensent guère ceux qui voient. Mon père est mort et il continue d’exister auprès de moi. Lorsqu’il m’arrive de scander quelques vers de Swinburne, je le fais me dit-on avec sa voix. Celui-là seul qui est mort est nôtre, seul est nôtre ce que nous avons perdu. Ilion fut, mais Ilion perdure dans l’hexamètre qui la pleure. Israël fut lorsqu’il était une antique nostalgie. Tout poème, avec le temps, devient une élégie. Nôtres sont les femmes qui nous ont laissés, étrangers enfin à l’attente, qui est angoisse, et aux alarmes et aux terreurs de l’espérance. Il n’y a d’autres paradis que les paradis perdus.

Les conjurés, 1985.
Bibliothèque de la Pléiade, tome II, page 945, trad. Claude Esteban.

Juan Rulfo 1917-1986

Juan Rulfo.

Juan Rulfo (1917-1986), le célèbre écrivain mexicain (El llano en llamas, 1953, Pedro Páramo, 1955), rencontre Clara Aparicio au café Nápoles de Guadalajara vers 1941, alors qu’elle n’a que treize ans. Leurs rapports furent dans un premier temps uniquement épistolaires. Mais très rapidement, Juan Rulfo lui déclare qu’il veut l’épouser. Ils se marient le 24 avril 1948. Sa veuve a publié les 81 lettres qu’il lui a envoyées entre 1944 y 1950. Aire de las colinas: Cartas a Clara (Editorial Sudamericana, 2000, Buenos Aires; Plaza Janés, México; Debate, Espagne). Juan Rulfo était aussi un extraordinaire photographe.

México, Enero 10 de 1945
Muchachita:
No puedo dejar pasar un día sin pensar en ti. Ayer soñé que tomaba tu carita entre mis manos y te besaba. Fue un dulce y suave sueño. Ayer también me acordé de que aquí habías nacido y bendije esta ciudad por eso, porque te había visto nacer.
No sé lo que está pasando dentro de mí; pero a cada momento siento que hay algo grande y noble por lo que se puede luchar y vivir. Ese algo grande, para mí, lo eres tú. Esto lo he sabido desde hace mucho, más ahora que estoy lejos lo he ratificado y comprendido.
Estuve leyendo hace rato a un tipo que se llama Walt Whitman y encontré una cosa que dice:
El que camina un minuto sin amor,
Camina amortajado hacia su propio funeral.
Y esto me hizo recordar que yo siempre anduve paseando mi amor por todas partes, hasta que te encontré a ti y te lo di enteramente.
Clara, mi madre murió hace 15 años; desde entonces, el único parecido que he encontrado con ella es Clara Aparicio, alguien a quien tú conoces, por lo cual vuelvo a suplicarte le digas me perdone si la quiero como la quiero y lo difícil que es para mí vivir sin ese cariño que ella tiene guardado en su corazón.
Mi madre se llamaba María Vizcaíno y estaba llena de bondad, tanta que su corazón no resintió aquella carga y reventó.
No, no es fácil querer mucho.
Juan

Clara Aparicio (Juan Rulfo) v 1948.

Eugenio Montejo (1938-2008)

Eugenio Montejo.

Les temps sont particulièrement durs au Vénézuela. Il faut donc relire les poèmes du grand Eugenio Montejo. Beauté et clarté de son écriture.

Ce poète et essayiste est né le 19 octobre 1938 à Caracas. Il est mort le 5 juin 2008 à Valencia (Vénézuela). Professeur d’université et animateur de plusieurs revues, il reçoit en 1998 le Prix national de littérature du Venezuela et en 2004 le Prix international Octavio Paz de Poésie. Il a été aussi conseiller culturel à l’ambassade du Venezuela au Portugal. Un de ses poèmes (La tierra giró para acercarnos) est cité dans le film 21 grammes (2003) du metteur en scène mexicain Alejandro González Iñarritu (Scénario de Guillermo Arriaga). Sean Penn récite a Naomi Watts les trois premiers vers.

La tierra giró para acercarnos

La tierra giró para acercarnos,
giró sobre sí misma y en nosotros,
hasta juntarnos por fin en este sueño,
como fue escrito en el Simposio.
Pasaron noches, nieves y solsticios;
pasó el tiempo en minutos y milenios.
Una carreta que iba para Nínive
llegó a Nebraska.
Un gallo cantó lejos del mundo,
en la previda a menos mil de nuestros padres.
La tierra giró musicalmente
llevándonos a bordo;
no cesó de girar un solo instante,
como si tanto amor, tanto milagro
sólo fuera un adagio hace mucho ya escrito
entre las partituras del Simposio.

Adiós al siglo XX,1992.

The Earth Turned to Bring Us Closer

The earth turned to bring us closer,
it spun on itself and within us,
and finally joined us together in this dream
as written in the Symposium.

Soy esta vida 

Soy esta vida y la que queda,
la que vendrá en otros días,
en otras vueltas de la tierra.

La que he vivido tal como fue escrita
hora tras hora
en el gran libro indescifrable;
la que me anda buscando en una calle,
desde un taxi
y sin haberme visto me recuerda.

Ya no sé cuándo llegará, qué la detiene;
no conozco su rostro, su cuerpo, su mirada;
no sé si llegará de otro país
-es un tapiz volante-
o de otro continente.

Soy esta vida que he vivido o malvivido
pero más la que aguardo todavía
en las vueltas que la tierra me debe.
La que seré mañana cuando venga
en un amor, una palabra;
la que trato de asir cada segundo
sin saber si está aquí, si es ella la que escribe
llevándome la mano.

Terredad, 1978.

Dura menos un hombre que una vela

Dura menos un hombre que una vela
pero la tierra prefiere su lumbre
para seguir el paso de los astros.
Dura menos que un árbol,
que una piedra,
se anochece ante el viento más leve,
con un soplo se apaga.
Dura menos un pájaro,
que un pez fuera del agua,
casi no tiene tiempo de nacer,
da unas vueltas al sol y se borra
entre las sombras de las horas
hasta que sus huesos en el polvo
se mezclan con el viento,
y sin embargo, cuando parte
siempre deja la tierra más clara.

Muerte y memoria,1972.

https://www.youtube.com/watch?v=5Q1QvwkDXMo

Susana Soca (1906-1959) II

Susana Soca (Valentine Hugo).

Susana Soca (Jorge Luis Borges)

Con lento amor miraba los dispersos
colores de la tarde. Le placía
perderse en la compleja melodía
o en la curiosa vida de los versos.

No el rojo elemental sino los grises
hilaron su destino delicado,
hecho a discriminar y ejercitado
en la vacilación y en los matices.

Sin atreverse a hollar este perplejo
laberinto, atisbaba desde afuera
las formas, el tumulto y la carrera,

como aquella otra dama del espejo.
Dioses que moran más allá del ruego
la abandonaron a ese tigre, el Fuego.

Homenaje a Susana Soca. Entregas de La Licorne, nº 16, 1961.

Susana Soca

Se perdre au fil de la complexe mélodie
Lui plut; et du poème, univers curieux.
Avec un lent amour, elle suivait des yeux
L’aventure parfois du soir qui s’incendie.

On lui connut de délicates passions:
La limite, le choix différé, le scrupule.
Non le rouge foncier, mais le gris qui module
Tissait sa vie experte en hésitations.

Elle suivait de loin, sans désir et sans crainte,
Les formes du présent, la course, le fracas;
Telle la dame au fond de son miroir, ses pas

Jamais n’entrèrent au perplexe labyrinthe,
Un dieu la dévora que nul ne prie – un dieu
Qu’on pourrait nommer Tigre et qui se nomme Feu.

Oeuvre poétique 1925-1965. Éditions Gallimard, 1970. Mis en vers français par Ibarra.

Emil Cioran, Exercices d’admiration, “Elle n’était pas d’ici”, Pages 199 et 200, Editions Gallimard, Collection ARCADES, mais aussi Entregas de la licorne, N 16, 1961

“Je ne l’ai rencontrée que deux fois. C’est peu. Mais l’extraordinaire ne se mesure pas en termes de temps. Je fus conquis d’emblée par son air d’absence et de dépaysement, ses chuchotements (elle ne parlait pas), ses gestes mal assurés, ses regards, qui n’adhéraient aux êtres ni aux choses, son allure de spectre adorable. « Qui êtes-vous? D’où venez-vous? » était la question qu’on avait envie de lui poser à brûle-pourpoint. Elle n’eût pu y répondre, tant elle se confondait avec son mystère ou répugnait à le trahir. Personne ne saura jamais comment elle s’arrangeait pour respirer, par quel égarement elle cédait aux prestiges du souffle, ni ce qu’elle cherchait parmi nous. Ce qui est certain c’est qu’elle n’était pas d’ici, et qu’elle ne partageait notre déchéance que par politesse ou par quelque curiosité morbide. Seuls les anges et les incurables peuvent respirer un sentiment analogue à celui qu’on éprouvait en sa présence. Fascination, malaise surnaturel!

A l’instant même où je la vis, je devins amoureux de sa timidité, une timidité unique, inoubliable, qui lui prêtait l’apparence d’une vestale épuisée au service d’un dieu clandestin ou alors d’une mystique ravagée par la nostalgie ou l’abus de l’extase, à jamais inapte à réintégrer les évidences!

Accablée de biens, comblée selon le monde, elle paraissait néanmoins destituée de tout, au seuil d’une mendicité idéale, vouée à murmurer son dénuement au sein de l’imperceptible. Au reste, que pouvait-elle posséder et proférer, quand le silence lui tenait lieu d’âme et la perplexité d’univers? Et n’évoquait-elle pas ces créatures de la lumière lunaire dont parle Rozanov? Plus on songeait à elle, moins on était enclin à la considérer selon les goûts et les vues du temps. Un genre inactuel de malédiction pesait sur elle. Par bonheur, son charme même s’inscrivait dans le révolu. Elle aurait dû naître ailleurs, et à une autre époque, au milieu des landes de Haworth, dans le brouillard et la désolation, aux côtés des sœurs Brontë…

Qui sait déchiffrer les visages lisait aisément dans le sien qu’elle n’était pas condamnée à durer, que le cauchemar des années lui serait épargné. Vivante, elle semblait si peu complice de la vie, qu’on ne pouvait la regarder sans penser qu’on ne la reverrait jamais. L’adieu était le signe et la loi de sa nature, l’éclat de sa prédestination, la marque de son passage sur terre ; aussi le portait-elle comme un nimbe, non point par indiscrétion, mais par solidarité avec l’invisible.”

Recuerdo para Susana Soca (Juan Carlos Onetti)
“En un principio era un fantasma lejano —los hay demasiado próximos— que gastaba sus millones en París dándose el gusto de editar una revista llamada La Licorne en la que colaboraron los más destacados escritores, en aquella época, de Francia.
Cuando la horda teutona se puso en movimiento, Susana —como la primera persona de la chanson— tenía dos amores: su país y París. Eligió el último porque era el que más la necesitaba en aquellos años. De manera que se sumergió en el maquis. Es fácil imaginarla, diminuta, torcida en su bicicleta, recorriendo Francia, llevando y trayendo mensajes, bordeando el precipicio de la muerte. Terminada la guerra, Susana volvió a Montevideo con algún centenar de recuerdos que no podía suprimir y docenas de poemas que no quiso publicar. Y trajo también su idea fija: La Licorne.
No conocía a Susana Soca sino algunos poemas sueltos, en español o francés, que me produjeron más respeto que admiración. Y el deseo de saber más de ella.
Es natural en los provincianos un afán indudable por la clasificación veloz y definitiva. Por eso escuché en Madrid, de boca de un turista:
—¿Susana Soca? Claro. Era una esnob millonaria que compró un palacio en la calle San José y lo convirtió en museo.
Mucho y muy inteligente se ha escrito sobre los esnobs. Pertenecen a todas las categorías sociales. La palabra me hace recordar una definición de Benavente sobre la cursilería: quiero y no puedo. Porque el “museo” de Susana estaba hecho con obras maestras, de esas que contribuyen a creer que la vida no es tan mala, al fin y al cabo. Susana sufría, sufrió durante toda su vida. Pero me atrevo a suponer que mirar diariamente un Picasso, un Cézanne, un Modigliani ayuda a vivir y seguir viviendo. El arte justifica la vida, espectáculo, lectura o creación.
Ya instalada en su museo y con La Licorne a cuestas e impresa en español, Susana siguió luchando por la supervivencia de la revista, a pesar de las vallas presumibles.
Así, un día, le pidió al director de la revista – Guido Castillo – que me extrajera un cuento y fijara el precio. Por entonces yo también estaba influido por el ambiente “antilicorne”. De modo que pedí un precio increíble para aquellos tiempos y me tomé la mezquina venganza de colocarle un título casi tan largo como una página.
Susana pagó agregando su lamento por no ofrecerme más, ya que la revista mostraba un déficit implacable y previsto. El cuento fue publicado sin mutilar el título. Y hasta logré encontrarme con personas que me dijeron que se trataba de mi mejor relato, nombre incluido.
Unos meses después, convencida no sé por quién de que lo de cuentista no quitaba la buena educación, Susana Soca me invitó a una reunión en su casa. Me acerqué con timidez media hora antes a una esquina de café en la manzana de la residencia de Susana y estuve presenciando la descarga de comestibles y botellas que se hacía desde una camioneta, propiedad de la mejor confitería que teníamos entonces en Montevideo.
Yo estaba muy bien trajeado para la ocasión. Pero, en los llamados días laborales, también actuaba como un esnob al revés. Tenía camisas de hilo de Irlanda, zapatos hechos a medida, una serie de corbatas cuyo origen había olvidado. Pero me vestía y ambulaba con una tricota gastada, pantalones viejos, alpargatas barbudas.
Era la hora, terminé de envidiar y toqué el timbre. Un mayordomo,claro. Después, demasiada gente, demasiadas voces. Algún amigo o conocido con el que pude apartarme y remover los lugares comunes que parecen constituir el suelo de los hombres de letras. De pronto surgió Susana Soca para saludarme. Era pequeña, nerviosa, más hecha que yo para habitar un mundo de silencio. Recordaba una frase de Anatole France: “Tenemos que vivir y eso es una cosa muy difícil”. Sigo viendo sus hermosos ojos, siempre intimidados, su cuerpo frágil, apenas tembloroso, tan parecido al de un pájaro, armado para huir. Parecía estar en eterna actitud de pedir perdón por algún pecado inexistente.
Creo que esto se expresa mejor en el poema La demente que publicamos.
Luego todo continuó como cualquier reunión o fiesta, hasta que la mezcla de intelectuales y semiaristócratas juzgó que era prudente marcharse. Pero una pausa: en un momento tal vez calculado, Susana se acercaba sonriente: —Mi madre quiere saludarlos.
Entonces peregrinamos hasta una habitación lejana y nos era dado ver a la gran hechicera sentada en un sillón, entre almohadones dispersos, inmóvil y desconfiada, con ojos incongruentemente policiales. Iba extendiendo la mano seca y enjoyada mientras Susana recitaba nombres. Para mí se trataba de un trasplantado Saint-Germain y yo era Marcelo en el mundo de los Guermantes.
Terminada la ceremonia todo seguía igual; no para mí que había aumentado mi odio por la anciana. Porque sabía que su misión en la tierra era estropear todo posible destino de felicidad a Susana, dominarla, exigir que rogara su visto bueno antes de que la hija tomara cualquier resolución.
* * *
Una noche, después del besamanos y la bebida, quedamos solos Castillo y yo como resaca de la fiesta. Estábamos en el desordenado escritorio donde ella trabajaba y leía.
Uno de los muros de la biblioteca daba a un jardín lleno de perros enfurecidos e invisibles que reprochaban nuestra presencia. No queríamos irnos sin despedirnos de Susana. Pero los minutos pasaban entre frases tediosas y Susana no aparecía. De pronto y sin ruido se materializó en una puerta, con un abrigo oscuro y lista para marcharse. Balbuceando, encogida y temerosa. Nos dijo: —Recibí un mensaje y tengo que salir. Pero ustedes pueden quedarse. Les dejo una botella. Revuelvan donde quieran y si algún libro les gusta… No tienen que llamar; el portón queda abierto.
Aparte de vicios menores, Castillo era bibliómano; de modo que, revolviendo libracos, encontró muchos motivos de asombro y alegría. Por mi parte, pretextando novelas que nunca iba a escribir me dediqué a revolver escritorios y secrétaires. Y esta indelicadeza fue pronto y bien recompensada. Entre poemas y proyectos descubrí una carta de Pasternak a Susana. Estaba escrita en un francés casi peor que el mío,con grandes letras retintas y una grafía exótica.
Susana había hecho un viaje a Moscú para conversar con Pasternak, a quien admiraba mucho y dedicó un hermoso poema. La carta era muy anterior al premio Nobel y al vergonzoso escándalo y a las doscientas ediciones piratas de Doctor Zhivago que surgieron en español. Todas espantosas.
En aquella carta Pasternak le explicaba a Susana por qué no habían podido encontrarse: sus relaciones con la asociación oficial de escritores rusos patentados ya no eran buenas. Así que Susana fue despistada: un día Pasternak estaba en su dacha, al siguiente en Siberia, al otro internado por hidrofobia en un castillo de los Cárpatos.
En otro tono, claro, el poeta explicaba con dulzura la razón de los desencuentros y autorizaba a Susana a publicar en Uruguay o Francia (primera edición en todo el mundo) la novela hoy famosa. Pero, siempre en mi labor de comisario, encontré otra carta. Era de una hermana del escritor y le suplicaba abandonar el proyecto porque su realización significaría la muerte civil de Pasternak en la U.R.S.S. o, simplemente, la muerte a la que todos podemos aspirar y que lograremos comportándonos con bondad y obediencia.
Por eso Zhivago permaneció enrejado tantos años. Y aunque no se crea, hablamos aún de Susana Soca, que prefirió archivar los originales de la obra.
Hay escritores que sufren mucho para dar remate a sus obras. Otros padecen del principio al fin y también sus lectores. El final de Susana Soca tiene cierta afinidad con su persona. Había ido a Francia, libre ahora de autodenominadas razas superiores, para pedir un sencillo milagro a Nuestra Señora de Lourdes. No se trataba directamente de ella sino de una persona enferma y querida.
De vuelta en París, se encontró con una vieja amiga que tenía un pasaje de regreso a Montevideo para el día miércoles en un avión alemán; el de Susana era para el jueves, en avión norteamericano. Susana fue impulsada al juego misterioso que todos jugamos, sin saberlo y tal vez en este preciso momento. Rogó y obtuvo el cambio de pasajes para llegar a su destino veinticuatro horas antes. Llegó a la costa de Brasil, donde el aparato aterrizó entre agua y tierra para terminar incendiado.
Cuando se confirmó la muerte —el cambio de pasajes había provocado confusiones y esperanzas— mucha gente rezó por su alma; otra prefirió comprar una botella y seleccionar blasfemias polvorientas. Hay testigos.
Tal vez por todo esto uno de mis mejores amigos le dedicó un libro con estas palabras: Para Susana Soca: Por ser la más desnuda forma de la piedad que he conocido; por su talento.

Mundo Hispánico, nº 333, Madrid, diciembre de 1975.

Juan Carlos Onetti.

Susana Soca (1906-1959) I

Susana Soca devant son portrait réalisé par Picasso. 1943. (André Ostier 1906 – 1994)

Susana Soca est née à Montevideo le 19 juillet 1906. C’est la fille unique de Francisco Soca, un médecin uruguayen très réputé et de Luisa Blanco Acevedo. Son père a soutenu sa thèse à Paris en 1888, sous le patronage de Charcot. Il a occupé jusqu’à sa mort en 1922 la chaire de médecine clinique de la faculté de Médecine de Montevideo.
Henri Michaux la rencontre en Argentine ou en Uruguay lors de son voyage en Amérique du Sud à l’automne 1936. Il en tombe amoureux et en a été sans doute aimé. Il écrit à Jean Paulhan: « Je suis amoureux / tu crois qu’elle m’aimera?? » Susana, catholique fervente, ne se décide pas à se séparer de sa mère. Michaux se lasse et repart vers Paris en janvier 1937. Sa présence est pourtant patente dans ses poèmes La Ralentie et Je vous écris d’un pays lointain.
Cette poétesse, éditrice et mécène uruguayenne s’installe à Paris en 1938 et y restera pendant toute la guerre. De 1938 à 1948, elle vit dans un grand hôtel parisien.
Proche de Paul Éluard, Valentine Hugo, Roger Caillois et d’autres écrivains, elle crée et dirige Les Cahiers de la Licorne (1947-1948).
À Montevideo, elle poursuit la revue sous le nom de Entregas de la Licorne (1953-1959). Elle organise dans sa ville la première grande exposition rétrospective de Nicolas de Staël.
Elle voyage en Russie et au Royaume-Uni pour récupérer des textes manuscrits de Boris Pasternak.
Pablo Picasso fait son portrait en hommage à la générosité qu’elle a déployée vis-à-vis des artistes espagnols réfugiés en France.
Elle publie Maurice Blanchot, Jules Supervielle, Pier Paolo Pasolini, Felisberto Hernández et un grand nombre d’intellectuels de l’époque.
Alors qu’elle rentre en Uruguay, le 11 janvier 1959, le vol de la Lufthansa dans lequel elle voyage glisse sur la piste de l’aéroport de Rio de Janeiro et prend feu. Elle disparaît à 52 ans.
Trois recueils de ses textes sont publiés après sa mort: En un país de la memoria (1959), Noche cerrada (1962) et Prosas de Susana Soca (1966).
Aimant les arts, Susana Soca avait constitué une importante pinacothèque avec des œuvres de Modigliani, Michaux, Chirico, Picasso, Nicolas de Staël, Monet et Soutine. Mais lors de sa mort son projet de fondation culturelle est resté oublié et sa collection dispersée.
Le numéro 16 de sa revue lui est consacré et de nombreux textes lui rendent hommage, dont Elle n’était pas d’ici d’Emil Cioran. Jorge Luis Borges lui a dédié en 1960 le sonnet Susana Soca. Juan Carlos Onetti lui a dédié son roman Juntacadáveres (1964) (Ramasse-Vioques, Gallimard,1986): «Para SUSANA SOCA: Por ser la mas desnuda forma de la piedad que he conocido, por su talento.»
Dans la localité de Soca, à une cinquantaine de kilomètres de Montevideo, se trouve la chapelle de la famille, dessinée par l’architecte catalan Antoni Bonet i Castellana (1913-1989) et construite en 1959-1960.
Depuis, quelques études lui ont été consacrées ainsi qu’une exposition, Susana Soca et sa constellation vues par Gisèle Freund, en 2006, à la Maison de l’Amérique Latine, et en 2007 à la Chapelle Soca.
La romancière uruguayenne Claudia Amengual a publié en 2012 sa biographie: Rara Avis. Vida y obra de Susana Soca, Montevideo, Prisa Ediciones,

Capilla de Soca (Antonio Bonet i Castellana ) 1959-60.

Jorge Luis Borges

Jorge Luis Borges (Alicia Damico).

Las cosas ( Jorge Luis Borges )

El bastón, las monedas, el llavero,
la dócil cerradura, las tardías
Notas que no leerán los pocos días
que me quedan, los naipes y el tablero,
un libro y en sus páginas la ajada
violeta, monumento de una tarde
sin duda inolvidable y ya olvidada,
el rojo espejo occidental en que arde
una ilusoria aurora. ¡cuántas cosas,
láminas, umbrales, atlas, copas, clavos,
nos sirven como tácitos esclavos,
ciegas y extrañamente sigilosas!
Durarán más allá de nuestro olvido;
no sabrán nunca que nos hemos ido.

Antología poética 1923-1977, 1981.

Les choses (Traduction Nestor Ibarra)

La canne, le stylo, la rame de papier,
La clef docile, le portefeuille, les vieilles
Notes que ne reliront pas le peu de veilles
Qui me restent, le jeu de cartes, l’échiquier,
Un vieux livre où se fripe au cœur de Millevoye
La violette, monument exténué
D’un soir inoubliable assez vite oublié,
La glace occidentale où rutile et flamboie
Une illusoire aurore… Ô combien, ô combien
De choses, atlas, clous, tasses, limes, lunettes,
Portes, nous servant en esclaves et sans rien
Dire ni voir, toujours étrangement discrètes !
Elles vont persister au-delà des oublis ;
Elles ne sauront pas que nous sommes partis.

Eloge de l’ombre 1967-1969  in L’or des tigres 1976. Poésie Gallimard n°411. 2005. Mis en vers français par Nestor Ibarra.

Cette mise en vers français de Nestor Ibarra me laisse perplexe. L’évocation du poète Charles-Louis Millevoye (1782-1816) me paraît pour le moins curieuse.

Millevoye est né en 1782 à Abbeville, France. Durant son enfance, sa fragilité extrême inquiète ses parents qui l’entourent particulièrement. Si son état de santé n’est pas aussi stable que celui des autres garçons de son âge, il développe très rapidement ses facultés intellectuelles et dépasse ses condisciples. Sous l’influence de son professeur Collenot, il se consacre très tôt à la littérature.

Il tombe amoureux d’une jeune fille dont le père ne veut pas qu’elle l’épouse. Il « aimait mieux voir sa fille morte que femme d’un homme de lettres. »  Désespérée, elle tombe malade et meurt peu de temps après. Millevoye ne s’est jamais remis de cette mort qui apparaît dans un certain nombre de ses poèmes regroupés sous le titre d’Élégies.

De son vivant, ses œuvres sont couronnées par plusieurs prix et distinctions dont le Grand Prix des Jeux Floraux décerné par l’Académie de Toulouse pour son poème le plus célèbre, « La chute des feuilles ». En 1807, Napoléon lui commande même un poème sur ses campagnes d’Italie. Il est pensionné impérial.

Il est considéré comme un des précurseurs du romantisme français. Il meurt en 1815 à l’âge de trente-trois ans des suites d’une chute de cheval. La cécité l’avait empêché de retravailler ses Œuvres complètes.

José Emilio Pacheco (1939-2014)

José Emilio Pacheco.

Alta traición 

No amo mi Patria. Su fulgor abstracto
es inasible.
Pero (aunque suene mal) daría la vida
por diez lugares suyos, cierta gente,
puertos, bosques de pinos, fortalezas,
una ciudad deshecha, gris, monstruosa,
varias figuras de su historia,
montañas
(y tres o cuatro ríos).

No me preguntes cómo pasa el tiempo, 1969

Haute Trahison

Je n’aime pas ma Patrie. Sa splendeur abstraite
est insaisissable.
Mais (même si cela sonne faux) je donnerais ma vie
pour dix de ses endroits, certaines personnes,
des ports, des forêts de pins, des forteresses,
une ville brisée, grise, monstrueuse,
plusieurs figures de son histoire,
des montagnes
(et trois ou quatre rivières).

Ne me demande pas comment passe le temps.

José Emilio Pacheco est né 30 juin 1939 à Mexico. Il est décédé 6 janvier 2014 dans cette même ville à 74 ans. C’est un écrivain, poète, essayiste et traducteur mexicain ainsi qu’un scénariste de cinéma.
José Emilio Pacheco a étudié le droit et la littérature à l’université nationale autonome du Mexique, mais il en est sorti sans avoir obtenu de diplôme. Il a travaillé dans de nombreux journaux et revues littéraires. Il fait partie de ce que l’on appelle la Génération littéraire mexicaine des années 50 (Generación de los Años Cincuenta o del Medio Siglo) avec Juan García Ponce, Sergio Pitol, Carlos Monsiváis ou Salvador Elizondo. Dans les années 1960, il se fait connaître par des recueils de poèmes comme Los elementos de la noche, ainsi que par ses nouvelles et ses romans.
Il a enseigné dans de nombreuses universités au Mexique, aux Etats-Unis, au Canada, en Angleterre et a dirigé la Bibliothèque Universitaire de l’ Université nationale autonome du Mexique (UNAM).
Il a reçu en 2009 le Prix Reina Sofía de poésie ibéro-américaine et le prix Cervantes, le plus prestigieux du monde hispanique.
Ses ouvrages ont été traduits en plusieurs langues. Il a lui-même traduit en espagnol des œuvres d’auteurs aussi différents que Samuel Beckett, T.S. Eliot, Oscar Wilde, Tennessee Williams, Ernest Hemingway, Truman Capote, Victor Hugo et Marcel Schwob.

Œuvre poétique
1963 Los elementos de la noche (1958-1962). En français, Les éléments de la nuit, La Différence.
1966 El reposo del fuego (1963-1964).
La arena errante. Le sable errant. 1998.
1970 No me preguntes cómo pasa el tiempo. (1964-1968). Premio Nacional de Poesía de México. En français, Ne me demande pas comment passe le temps.
             El silencio de la luna
1973 Irás y no volverás.(1969-1972) En français, 1991 Le passé est un aquarium, La Différence.
1976 Islas a la deriva. (1973-1975)
1979 Desde entonces. (1975-1978)
1983 Los trabajos del mar. (1979-1983)
1987 Miro la tierra. (1984-1986)
1990 Ciudad de la memoria. (1986-1989)
1994 El silencio de la luna. (1985-1996)
1999 La arena errante. (1992-1998)
2000 Siglo pasado (Desenlace). (1999-2000)
2009 Tarde o temprano (Poemas 1958-2009) (2009; poesía completa, Fondo de Cultura Económica). En français, Tôt ou tard.
2009 Como la lluvia (2001-2009).
2009 La edad de las tinieblas (2009). Cincuenta poemas en prosa.
2012 El espejo de los ecos (Taller de comunicación gráfica)

Œuvre narrative
1963-1969 El viento distante. Nouvelles. En français, 1991 La lune décapitée. La Différence.
1967 Morirás lejos.  Roman.En français, Tu mourras ailleurs.La Différence 1991.
1972 El principio del placer. Premio Villaurrutia 1973. Nouvelles
1981 Las batallas en el desierto.  Roman. En français, 1987 Batailles dans le désert. La Différence.
1990 La sangre de Medusa y otros cuentos marginales (relatos reunidos de entre 1956 y 1984)
1992: Tarde de agosto.

J’ai relu ce grand auteur mexicain lors de mon voyage récent dans son pays.  Trois livres trouvés dans la magnifique ville coloniale de Puebla: El principio del placer; Las batallas en el desierto; La sangre de Medusa y otros cuentos marginales.

Puebla, Barrio del Artista.