Déjame que te hable en esta hora de dolor con alegres palabras. Ya se sabe que el escorpión, la sanguijuela, el piojo, curan a veces. Pero tú oye, déjame decirte que, a pesar de tanta vida deplorable, sí, a pesar y aun ahora que estamos en derrota, nunca en doma, el dolor es la nube, la alegría, el espacio, el dolor es el huésped, la alegría, la casa. Que el dolor es la miel, símbolo de la muerte, y la alegría es agria, seca, nueva, lo único que tiene verdadero sentido. Déjame que con vieja sabiduría, diga: a pesar, a pesar de todos los pesares y aunque sea muy dolorosa y aunque sea a veces inmunda, siempre, siempre la más honda verdad es la alegría. La que de un río turbio hace aguas limpias, la que hace que te diga estas palabras tan indignas ahora, la que nos llega como llega la noche y llega la mañana, como llega a la orilla la ola: irremediablemente.
Alianza y condena. 1965.
Ce qui n’est pas un songe
Laisse-moi te parler, à cette heure de douleur, avec de joyeuses paroles. On sait bien que le scorpion, la sangsue, le pou, soignent parfois. Mais toi écoute, laisse-moi te dire que, malgré tant de vies déplorables, oui, malgré cela et même à présent que nous sommes déroutés, jamais domptés, la douleur est le nuage, la joie, l’espace ; la douleur est l’hôte, la joie, la maison. Car la douleur est le miel, symbole de la mort, et la joie est aigre, sèche, neuve, la seule chose qui ait un véritable sens. Laisse la vieille sagesse te dire : malgré, malgré tout, et même si elle est très douloureuse, et même si elle est parfois immonde, toujours, toujours la plus profonde vérité est la joie. Celle qui d’un fleuve trouble fait des eaux claires, celle qui me fait te dire ces paroles si indignes à présent, celle qui nous arrive comme nous vient la nuit et comme le matin, comme vient aux rives la vague irrémédiablement.
Poésie 1, n°52 – La nouvelle poésie castillane d’Espagne. 1978. Traduction : Annie Salager.
Federico García Lorca avec ses neveux, Manuel (1932-2013) et Vicenta (Tica) Fernández-Montesinos. Huerta de San Vicente (Grenade). Été 1935. (Eduardo Blanco Amor 1897-1979)
La nièce de Federico García Lorca, Vicenta Fernández-Montesinos García-Lorca (Tica) vient de mourir le 12 septembre 2023 dans une résidence pour personnes âgées d’Aravaca (Madrid). Elle était née le 9 décembre 1930.
Son père, Manuel Fernández-Montesinos (1901-1936), médecin, fut le maire socialiste de Grenade à partir du 1 juillet 1936. Sa mère, Concha García Lorca (1903-1962) était la soeur du poète. Le couple eut trois enfants : Vicenta (1930-2023), Manuel (1932-2013) et Concha (1936-2015). Cette dernière n’a connu ni son père ni son oncle.
Manuel Fernández-Montesinos fut fusillé le 16 août 1936 contre les murs du cimetière de la ville et enterré là. Son oncle, Federico fut assassiné à Víznar à l’aube du 18 août 1936. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Tica Fernández-Montesinos avait 5 ans à la mort de son père et son oncle. C’était la dernière personne vivante qui ait connu le grand poète andalou. Elle se souvenait de son rire, de sa voix, de ses gestes.
« Mi tío me sentaba en sus rodillas y me cantaba, me recitaba, se reía con la o y me estiraba de las trenzas. » «De la voz de Tío Federico recuerdo las “eses”: tenían una forma parecida a como la dicen en Granada y Málaga». Malgré les efforts de nombreux chercheurs, on n’ a retrouvé aucun enregistrement de la voix du poète.
La nièce de Federico s’appelait Vicenta Pilar Concepción. Le poète était son parrain et avait choisi de lui donner le prénom de sa propre mère, Vicenta Lorca Romero (1870-1959).
Tica avait grandi dans la résidence d’été de la famille García Lorca, la Huerta de SanVicente, achetée en 1925, un vrai paradis pour les enfants. Toute la famille s’exila à New York en 1940.
C’était une femme intelligente, cultivée, féministe et antifranquiste.
Elle a publié deux livres de souvenirs : Notas deshilvanadas de una niña que perdió la guerra (Editorial Comares, Granada 2007) et El sonido del agua en las acequias (La familia de Federico García Lorca en América) (Dauro Ediciones, 2017). Ils évoquent sa vie à Grenade enfant, puis à New York, en exil.
L’historien anglais Paul Preston estime que 5000 personnes furent exécutées pendant la Guerre Civile à Grenade. (El holocausto español: odio y exterminio en la guerra civil y después. Debate, 2011. Traduction française : Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1945, Belin, 2016).
Ángel González Muñiz est né le 6 septembre 1925 à Oviedo (Asturies).
Son enfance est marquée par la mort de son père, professeur de sciences et de pédagogie à l’école normale d’Oviedo en 1927 alors qu’il n’a que dix-huit mois. Sa situation familiale s’aggrave encore lorsque, pendant la Guerre civile espagnole, son frère Manuel est fusillé par les franquistes en novembre 1936. Son autre frère, Pedro, républicain aussi, doit s’exiler. Sa soeur Maruja ne peut plus exercer son métier d’institutrice.
La tuberculose l’empêche de terminer ses études de droit. Il devient ensuite fonctionnaire, puis professeur de littérature espagnole contemporaine aux États-Unis.
il fait partie du groupe de poètes appelé «Génération de 50» ou «Génération du milieu du siècle» qui compte aussi José Ángel Valente, Jaime Gil de Biedma, Carlos Barral, José Agustín Goytisolo, José Manuel Caballero Bonald, Claudio Rodríguez, Francisco Brines…
En 1985, il reçoit le prix Prince des Asturies de littérature. En janvier 1996, il est élu membre de l’Académie royale espagnole. La même année, il obtient le Prix Reina Sofía de Poésie ibéroaméricaine.
Il meurt le 12 janvier 2008 d’une insuffisance respiratoire à l’âge de 82 ans.
Esto no es nada
Si tuviésemos la fuerza suficiente para apretar como es debido un trozo de madera, sólo nos quedaría entre las manos un poco de tierra. Y si tuviésemos más fuerza todavía para presionar con toda la dureza esa tierra, sólo nos quedaría entre las manos un poco de agua. Y si fuese posible aún oprimir el agua, ya no nos quedaría entre las manos nada.
Áspero mundo. Adonais, Madrid, 1956.
Tout cela n’est rien
Si nous avions suffisamment de force pour bien serrer un morceau de bois, il ne resterait entre nos mains qu’un peu de terre. Et si nous avions plus de force encore pour écraser avec toute notre énergie cette terre, il ne nous resterait entre les mains qu’un peu d’eau. Et s’il était possible aussi de comprimer l’eau, il ne resterait alors entre nos mains rien du tout.
Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990. Actes Sud / Editions Unesco, 1995. Traduction : Claude de Frayssinet. Points-Poésie, 2007.
Soneto
Donde pongo la vida pongo el fuego de mi pasión volcada y sin salida. Donde tengo el amor, toco la herida. Donde dejo la fe, me pongo en juego.
Pongo en juego mi vida, y pierdo, y luego vuelvo a empezar, sin vida, otra partida. Perdida la de ayer, la de hoy perdida, no me doy por vencido, y sigo, y juego.
lo que me queda : un resto de esperanza. Al siempre va. Mantengo mi postura. Si sale nunca, la esperanza es muerte.
Si sale amor, la primavera avanza. Pero nunca o amor, mi fe segura: jamás o llanto, pero mi fe fuerte.
Sin esperanza, con convencimiento. Colliure, Barcelona, 1961.
Sonnet
Là où j’apporte la vie j’apporte aussi le feu de ma passion entière et sans issue. Si l’amour a surgi, j’en ressens la blessure. Et si je montre ma foi, je joue avec ma vie.
Je mets ma vie en jeu, je perds et je recommence, sans ma vie, la nouvelle partie. Déjà je l’ai perdue, je la reperds encore aujourd’hui, je ne m’avoue pas vaincu, je m’obstine
et je joue ce qui me reste : un lambeau d’espérance. Je joue à « toujours va ». Je maintiens mon enjeu. Si le sort dit « jamais », mon espérance est morte.
Si le sort dit « amour », le printemps s’avance. « Jamais » ou « amour », ma foi est grande ; « jamais» ou « larmes », ma foi demeure forte.
Anthologie bilingue de la poésie espagnole contemporaine. Marabout Université, Verviers (Belgique), 1969. Traduction : Jacinto Luis Guereña.
Porvenir Te llaman porvenir porque no vienes nunca. Te llaman: porvenir, y esperan que tú llegues como un animal manso a comer en su mano. Pero tú permaneces más allá de las horas, agazapado no se sabe dónde. … Mañana! Y mañana será otro día tranquilo un día como hoy, jueves o martes, cualquier cosa y no eso que esperamos aún, todavía, siempre.
Sin esperanza, con convencimiento. Colliure, Barcelona, 1961.
Avenir
On t’appelle avenir parce que tu ne viens jamais. On t’appelle : avenir, et on attend que tu arrives comme un animal docile manger dans leur main. Mais tu restes au-delà des heures, caché on ne sait où. … Demain ! Et demain sera un jour tranquille un jour comme aujourd’hui, jeudi ou mardi, n’importe quel jour et non ce que nous attendons encore et encore, toujours.
Antonio Gamoneda est né dans les Asturies à Oviedo en 1931. Il vit à León depuis 1934. Son père meurt en 1932. Sa mère l’élève dans une banlieue ouvrière, en proie à toutes sortes de difficultés matérielles. Il doit abandonner ses études en 1943 et travailler comme coursier dès 1945. Il a une formation d’autodidacte et a connu l’extrême pauvreté de l’après-guerre et la répression franquiste. Il a obtenu de nombreux prix dont le Prix Cervantès en 2006.
Malos recuerdos
La vergüenza es un sentimiento revolucionario
Karl Marx
Llevo colgados de mi corazón los ojos de una perra y, más abajo, una carta de madre campesina.
Cuando yo tenía doce años, algunos días, al anochecer, llevábamos al sótano a una perra sucia y pequeña.
Con un cable le dábamos y luego con las astillas y los hierros. (Era así. Era así. Ella gemía, se arrastraba pidiendo, se orinaba, y nosotros la colgábamos para pegar mejor).
Aquella perra iba con nosotros a las praderas y los cuestos. Era veloz y nos amaba.
Cuando yo tenía quince años, un día, no sé cómo, llegó a mí un sobre con la carta de un soldado.
Le escribía su madre. No recuerdo: «¿Cuándo vienes? Tu hermana no me habla. No te puedo mandar ningún dinero…»
Y, en el sobre, doblados, cinco sellos y papel de fumar para su hijo. «Tu madre que te quiere.» No recuerdo el nombre de la madre del soldado.
Aquella carta no llegó a su destino: yo robé al soldado su papel de fumar y rompí las palabras que decían el nombre de su madre.
Mi vergüenza es tan grande como mi cuerpo, pero aunque tuviese el tamaño de la tierra no podría volver y despegar el cable de aquel vientre ni enviar la carta del soldado.
Blues castellano, Gijón, Noega, 1982.
Mauvais souvenirs
La honte est un sentiment révolutionnaire Karl Marx
Je porte à mon coeur pendus les yeux d’une chienne et, plus bas, une lettre de mère paysanne.
Quand j’avais douze ans, un jour, à la tombée de la nuit, nous emmenâmes à la cave une chienne sale et petite.
Avec un câble nous la maltraitâmes et aussi avec des échardes et des fers. (C’était ainsi. C’était ainsi. Elle gémissait, elle se traînait suppliante, elle urinait, et nous la pendions pour mieux la maltraiter).
Cette chienne venait avec nous aux pâturages et sur les coteaux. Elle courait vite et nous aimait.
Quand j’avais quinze ans, un jour, je ne sais pas comment, parvint à moi une enveloppe avec une lettre pour un soldat.
Sa mère lui écrivait. Je ne sais plus: “Quand reviens-tu ? Ta soeur ne me parle pas. Je ne puis t’envoyer d’argent… “
Et, dans l’enveloppe, il y avait, cinq timbres pliés et du papier à cigarettes pour son fils. “Ta mère qui t’aime.” Je ne me souviens pas du nom de la mère du soldat.
Cette lettre n’est pas arrivée à sa destination : j’ai volé au soldat son papier à cigarettes et j’ai déchiré les mots qui disaient le nom de la mère.
Ma honte est aussi grande que mon corps, mais serait-elle aussi vaste que la terre je ne pourrais pas retourner pour détacher le câble de ce ventre ni envoyer la lettre au soldat.
Blues castillan. José Corti, 2004. Traduction Jacques Ancet.
Existían tus manos
Existían tus manos
Un día el mundo se quedó en silencio; los árboles, arriba, eran hondos y majestuosos, y nosotros sentíamos bajo nuestra piel el movimiento de la tierra.
Tus manos fueron suaves en las mías y yo sentí la gravedad y la luz y que vivías en mi corazón.
Todo era verdad bajo los árboles, todo era verdad. Yo comprendía todas las cosas como se comprende un fruto con la boca, una luz con los ojos.
Exentos I in Edad (Poesia 1947-1986). Cátedra, Madrid. 1987.
Il existait tes mains…
Il existait tes mains.
Un jour le monde devint silencieux ; les arbres, là-haut, étaient profonds et majestueux, et nous sentions sous notre peau le mouvement de la terre.
Tes mains furent douces dans les miennes et j’ai senti en même temps la gravité et la lumière, et que tu vivais dans mon cœur.
Tout était vérité sous les arbres, tout était vérité. Je comprenais toutes choses comme on comprend un fruit avec la bouche, une lumière avec les yeux.
Poésie espagnole, Anthologie 1945 – 1990. Actes Sud /Editions Unesco, 1995. Traduction Claude de Frayssinet.
Dernière photo connue de Federico García Lorca. Madrid, Juillet 1936. Il se trouve avec Manuela Arniches à la terrasse du Café Chiki-Kutz, Paseo de Recoletos 29.
Sur Twitter, on peut lire trois publications du journaliste culturel du quotidien La Razón, Víctor Fernández :
” Un día como hoy de 1936, el personaje de esta foto, Ramón Ruiz Alonso, se enteraba del lugar en el que Lorca estaba escondido. Por la tarde, redactaba la denuncia contra él y al día siguiente, con el visto bueno del Gobierno Civil de Granada, detenía al poeta. “
“Le 15 août 1936, ce personnage, Ramón Ruiz Alonso, apprenait où était caché Lorca. L’après-midi, il rédigeait une lettre de dénonciation et le lendemain, avec l’accord de la Préfecture de Grenade, il arrêtait le poète.”
Ramón Ruiz Alonso (1903-1982)
« Un día como hoy de 1936, Lorca fue detenido por los fascistas de Granada. Fue llevado al Gobierno Civil donde lo torturaron. Pocas horas después fue llevado a un paraje entre Víznar y Alfacar donde fue asesinado con otras tres víctimas. »
« Le 16 août 1936, Federico García Lorca fut arrêté par les fascistes de Grenade et emmené à la préfecture où il fut torturé. Peu de temps après il fut transféré dans un endroit entre Víznar et Alfacar où il fut assassiné avec trois autres victimes. »
« Éste es José Valdés Guzmán, el hombre que ordenó el asesinato de Lorca y de centenares de granadinos. Una urbanización lleva hoy su nombre en Granada. »
« Voici José Valdés Guzmán, l’homme qui a ordonné l’assassinat de Lorca et de centaines d’habitants de Grenade. Une zone résidentielle porte aujourd’hui son nom à Grenade. »
José Valdés Guzmán (1891-1939)
Federico García Lorca fut probablement fusillé le 18 août 1936 vers 4h 45 du matin. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il fut exécuté et enterré dans une fosse commune avec un instituteur, Dióscoro Galindo, et deux banderilleros anarchistes, Francisco Galadí et Joaquín Arcollas. José Valdés Guzmán demanda son avis à Gonzalo Queipo de Llano, général putchiste surnommé le vice-roi d’Andalousie. De Séville, celui-ci lui aurait répondu : «Dale café, mucho café». “El crimen fue en Granada”, il y a 87 ans. Le poète fait partie des 130.000 républicains disparus pendant la Guerre Civile et la répression qui suivit la fin du conflit.
Manuel Machado, poète et dramaturge, est né le 29 août 1874 à Séville. Le frère aîné d’Antonio Machado – né lui le 26 juillet 1875 – est un des représentants du modernisme en Espagne. Sa poésie est influencée par Verlaine et Rubén Darío, mais aussi par le folklore de sa région natale. Les deux frères ont écrit de concert plusieurs pièces de théâtre d’ambiance andalouse. En 1910, Manuel a épousé sa cousine, Eulalia Cáceres, femme profondément religieuse et conservatrice. Il est directeur de la bibliothèque municipale (actuelle bibliothèque historique municipale) et du musée d’histoire de Madrid de 1924 à 1944. Au début de la Guerre Civile, le couple se trouve à Burgos, ville contrôlée par les franquistes. Le conflit le sépare du reste de sa famille. En 1938, il est désigné pour occuper un fauteuil à l’Académie royale espagnole. Son appui au général Franco lui a valu la reconnaissance du régime, mais aussi le mépris de nombreux critiques et poètes postérieurs. Manuel Machado est mort le 19 janvier 1947 à Madrid. Il avait 72 ans.
Certains de ses poèmes méritent d’être relus. On peut se reporter à Poesías completas. Editorial Renacimiento. Ediciones Espuela de plata. 2019.
Ocaso
Era un suspiro lánguido y sonoro la voz del mar aquella tarde… El día, no queriendo morir, con garras de oro de los acantilados se prendía.
Pero su seno el mar alzó potente, y el sol, al fin, como en soberbio lecho, hundió en las olas la dorada frente, en una brasa cárdena deshecho.
Para mi pobre cuerpo dolorido, para mi triste alma lacerada, para mi yerto corazón herido,
para mi amarga vida fatigada… ¡el mar amado, el mar apetecido, el mar, el mar, y no pensar nada…!
Alma (poesías), 1902.
Alma. Museo. Los cantares, 1907. Deuxième édition du recueil par le libraire Gregorio Pueyo. Dessin de Juan Gris.
La lecture d’Irene Vallejo sur Twitter m’a incité à relire deux poèmes de Francisca Aguirre.
Francesca Aguirre (Álvaro García). Novembre 2018.
Despedida
Decir adiós quiere decir tan poco. Adiós dijimos a la infancia y vino detrás nuestro como un perro rastreando nuestros pasos. Decir adiós: cerrar esa obstinada puerta que se niega, la persistente cicatriz que destila memoria. Decir adiós: decir que no; ¿quién lo consigue? ¿quién encontró la mágica llave? ¿quién el instante que nos desliza hacia el olvido, la mano que extirpará raíces sin quedarse para siempre cerrada sobre ellas? Decir adiós: volver la espalda; pero ¿quién sabe dónde está la espalda? ¿quién conoce el camino que no muere en el pisado atajo? Decir adiós: gritar porque se está diciendo y llorar porque no se dice nada; porque decir adiós nunca es bastante, porque tal vez decir adiós completamente sea encontrar el recodo donde volver la espalda, donde hundirse en el no definitivo mientras escapa lentamente la vida.
Cuando el suave recodo de la tarde insinúa su curva desolada, algo también en nosotros se inclina. Muy pocas cosas tenemos entonces, ninguna posesión nos acompaña, ninguna posesión nos ultraja tampoco. Hay un lento desastre en estas horas que parecen las únicas del día, las que nos dejan en el viejo límite, las que no pueden entregarnos nada, a las que no pedimos nada. Hay un desastre tierno y descompuesto en las últimas horas de este día que ha pasado lo mismo que los otros, e igual que ellos ha alcanzado esa hermosura ardiente de todo cuanto se asoma hacia la nada. Inclinada sobre el hueco de mi ventana veo cómo resbala todo un tiempo; la tarde ha embalsamado suavemente el bullicioso suceder de la calle, se va agotando el cielo poco a poco y un estallido de paciencia envuelve al mundo en suaves abrazos de ceniza.
Mientras la noche se abre en las esquinas, cuaja la luna unas flores extrañas.
Ítaca. Madrid, Cultura Hispánica. 1971.
Torcy (Seine-et-Marne). Coucher de soleil. 12 août 2023.
Francisca Aguirre est née à Alicante le 27 octobre 1930 dans une famille d’artistes. Autodidacte, elle commence à écrire à l’adolescence. Les poètes qui l’inspirent sont Pablo Neruda, Miguel Hernández, Vicente Aleixandre, Antonio Machado, Blas de Otero, José Hierro, Constantin Cavafis.
À la fin de la Guerre d’Espagne, elle doit s’exiler avec sa famille en France. Son père, le peintre républicain Lorenzo Aguirre (1884-1942), est condamné à mort par la dictature franquiste et est exécuté au garrot le 6 octobre 1942 à la prison de Porlier de Madrid. Á 15 ans, elle commence travailler pour aider sa mère et ses deux soeurs.
Dans les années 50, elle fréquente les cercles littéraires de l’Ateneo de Madrid et le Café Gijón. Elle se lie d’amitié avec des écrivains tels que Luis Rosales, Gerardo Diego, Miguel Delibes, Antonio Buero Vallejo, Julio Cortázar, Juan Rulfo. Elle appartient à la génération de 1950 ( José Ángel Valente, Francisco Brines, Ángel González, Jaime Gil de Biedma o José Manuel Caballero Bonald), mais n’apparaît pas dans les anthologies. Elle rencontre le poète, critique littéraire et spécialiste du flamenco Félix Grande (1937-2014) qu’elle épouse en 1963. Le couple s’installe dans le quartier de Chamberí. Leur maison (Calle Alenza, 8) est connue alors comme ” l’Ambassade de l’Argentine et du Pérou ” en raison des visites d’intellectuels qu’elle reçoit, au cœur du militantisme politique et des idées de mai 68. À partir de 1971, elle travaille à l’Institut de Culture Hispanique comme secrétaire du poète Luis Rosales (1910-1992). Elle reçoit le Prix National de Poésie en 2011 pour Historia de una anatomía (Madrid, Hiperión, 2010) et le Prix National des Lettres Espagnoles en 2018. Elle meurt à Madrid le 13 avril 2019 à 88 ans. Sa fille Guadalupe Grande (1965-2021) était aussi poète.
Recueils de poésie : 1971 Ítaca. Madrid, Cultura Hispánica. 1976 Los trescientos escalones. San Sebastián, Caja de Ahorros Provincial de Guipúzcoa. 1978 La otra música. Madrid, Ediciones Cultura Hispánica. 1995 Ensayo general. El Ferrol, La Coruña. Sociedad de Cultura Valle-Inclán. 1998 Pavana del desasosiego. Madrid, Ediciones Torremozas. 2000 Ensayo general. Poesía completa 1966-2000. Madrid, Calambur. 2002 Memoria arrodillada. Antología. Valencia, Institució Alfons el Magnànim. 2006 La herida absurda. Madrid Bartleby Editores. 2008 Nanas para dormir desperdicios. Madrid, Hiperión. 2010 Historia de una anatomía. Madrid, Hiperión. 2011 Los maestros cantores. Madrid, Calambur Editorial. 2012 Conversaciones con mi animal de compañía. Madrid, Ediciones Rilke. 2018 Ensayo general. Poesía completa 1966-2017. Madrid, Calambur. 2019 Prenda de abrigo. Antología poética. Olé Libros.
Elle dit en novembre 2018 : “Escribes para no andar a gritos y para no volverte loca. La poesía tranquiliza. A mí me ayuda. El mundo es injusto, pero el lenguaje es inocente. El poder de las mujeres es tener la oportunidad de decir que no. Por eso es tan importante la educación, la independencia. Queda mucho por hacer porque la desigualdad sigue siendo enorme: entre hombre y mujeres, entre ricos y pobres…”.
Sculpture de Francisco de Quevedo. Balcon de la calle Escritorios, nº 11. Alcalá de Henares (Comunidad de Madrid ).
Francisco Gómez de Quevedo Villegas y Santibáñez Cevallos est né, probablement, le 14 septembre 1580 à Madrid. Il est mort le 8 septembre 1645 à Villanueva de los Infantes (Ciudad Real). Il était laid, boiteux et myope (en espagnol, los quevedos, ce sont les lorgnons). Il avait deux passions : la politique et l’écriture. Cet homme incarne toutes les contradictions de l’Espagne décadente de son époque. Il est réactionnaire, misogyne, antisémite et arriviste. Il attaque férocement la “nouvelle poésie”, et particulièrement Góngora et Lope de Vega. Il connaîtra l’exil et la prison. Il est enfermé de 1639 à 1643 par le Conde-Duque de Olivares, ministre favori de Philippe IV, dans un cachot du Couvent de San Marcos de León, prison misérable et humide, où sa santé se dégrade. Pendant la Guerre Civile espagnole, cet endroit servira de camp de concentration pour les prisonniers républicains. De 15 000 à 20 000 personnes y furent enfermées. Beaucoup seront fusillés. La population carcérale atteindra jusqu’à 6 700 hommes. C’est aujourd’hui un luxueux parador. Quevedo est un maître de l’écriture conceptiste. Son oeuvre, d’un pessimisme noir est toujours hantée par la mort. Elle a eu une influence considérable sur Rubén Darío, César Vallejo, Jorge Luis Borges, Pablo Neruda, Octavio Paz, Miguel de Unamuno, Ramón del Valle-Inclán, Jorge Guillén, Dámaso Alonso, Miguel Hernández, Blas de Otero, Camilo José Cela…
Convento de San Marcos de León (1515-1716), chef d’oeuvre du style plateresque espagnol.
Salmo XIX
¡Cómo de entre mis manos te resbalas! ¡Oh, cómo te deslizas, edad mía! ¡Qué mudos pasos traes, oh muerte fría, pues con callado pie todo lo igualas!
Feroz de tierra el débil muro escalas, en quien lozana juventud se fía; mas ya mi corazón del postrer día atiende el vuelo, sin mirar las alas.
¡Oh condición mortal! ¡Oh dura suerte! ¡Que no puedo querer vivir mañana, sin la pensión de procurar mi muerte!
¡Cualquier instante de la vida humana es nueva ejecución, con que me advierte cuán frágil es, cuán mísera, cuán vana.
Psaume XIX
Entre mes mains oh ! comme tu ruisselles mon âge, comme tu t’évanouis : Oh ! froide mort, quels pas tu fais, sans bruit : d’un pied muet, c’est tout que tu nivelles.
Féroce, au faible mur tu mets l’échelle en qui la fraîche jeunesse se fie ; pourtant mon coeur du dernier jour épie déjà le vol, sans regarder ses ailes.
Oh ! condition mortelle ! oh ! âpre sort ! Car je ne puis vouloir vivre demain sans le souci de rechercher ma mort !
Et chaque instant de cette vie humaine est une exécution qui dit combien elle est fragile et pauvre, et combien vaine.
Les furies et les peines. 102 sonnets. 2010. Traduction Jacques Ancet. Collection NRF Poésie/Gallimard. N°463.
Notes Vers 1-2 : « Il est certain que l’homme, dès qu’il naît, commence à mourir, et que le pied nouveau-né qui ne peut faire un pas dans la vie, le fait dans la mort. » Providencia de Dios, cité par Juan Manuel Blecua dans Poemas escogidos. Clásicos Castalia, Madrid, 1989. Salmo XVIII : “Antes que sepa andar el pie, se mueve camino de la muerte…” ( ” Vient-il déjà le pied à naître à peine, qu’il marche vers la mort… “
Vers 14 : Cette idée, venue de Sénèque, Quevedo la répète souvent : « Omnia mors poscit. Lex est, non poena, perite. » (« La mort emporte tout. C’est une loi, non un châtiment, que de mourir. »)
Des prisonniers dans le patio du Couvent de San Marcos.
Le journaliste et écrivain Ramón Lobo est mort mercredi 2 août à Madrid d’un cancer du poumon. Il était né le 23 janvier 1955 à Lagunillas (Venezuela) d’un père espagnol et d’une mère anglaise (Maud Leyder). Il vivait en Espagne depuis 1960. Licencié en journalisme à l’Université Complutense de Madrid en 1975, il a travaillé pour de nombreux moyens de communication. Pendant deux décennies (1992-2012), il a couvert comme correspondant de guerre pour El País les principaux conflits : Croatie, Serbie Bosnie, Albanie, Tchétchénie, Irak, Afghanistan, Philippines, Liban, Sierra Leone, Zaïre, Rwanda, Ouganda, Nigeria, Guinée équatoriale, Zimbabwe, Namibie, Haïti, Argentine etc.
Oeuvres
El héroe inexistente. Los viajes de un corresponsal de guerra al corazón de las tinieblas del fin de siglo. Aguilar, 1999. Isla África. Seix Barral, 2001. Cuadernos de Kabul. Historias de mujeres, hombres y niños atrapados en una guerra. RBA, 2010. El autoestopista de Grozni y otras historias de fútbol y guerra. KO, 2012. Todos náufragos. Ediciones B, 2015. El día que murió Kapuściński. Círculo de Tiza, 2019. Las ciudades evanescentes. Miedos, soledades y pandemias en un mundo globalizado. Península, 2020.
Isla África a été traduit en français par Claude Bleton. Actes Sud, 2003.
Il a écrit un bel article dans El País après la mort d’Almudena Grandes le 27 novembre 2021. Des centaines de personnes se sont rendues lundi 29 novembre, comme il le proposait, un livre à la main, au cimetière civil de Madrid où la romancière Almudena Grandes a été enterrée.
El País, 29/11/2021
Ahora necesitaré una flor más (Ramón Lobo)
Almudena Grandes, fallecida el sábado a los 61 años de edad, será enterrada el lunes en el cementerio civil de Madrid de acuerdo con sus deseos. Estará en compañía de los seis creadores del Instituto de Libre Enseñanza encabezados por Francisco Giner de los Ríos, enterrados en el mismo lugar. Estará junto a Pío Baroja, que ahí yace gracias a su sobrino Julio Caro, encargado de hacer cumplir su voluntad frente a los intentos de la Falange por apropiarse del cuerpo. Le separará de Benito Pérez Galdós una calle con tráfico, pues el gran novelista del XIX quedó en el otro lado, en el de la Almudena.
La escritora tendrá buena compañía con tres de los cuatro presidentes de la efímera Primera República, Nicolás Salmerón, Francisco Pi y Margall y Estanislao Figueras, autor de una frase vigente en esta España de derechas extremadas y desmemoria histórica: “Señores, voy a serles franco, estoy hasta los cojones de todos nosotros”.
Reposará junto a prohombres y promujeres de la España derrotada, de la que tanto escribió, como el poeta Blas de Otero, la periodista Carmen de Burgos (Colombine), el urbanista Arturo Soria o el historiador Américo Castro.
También están Pablo Iglesias, fundador del PSOE y de la UGT, y los socialistas Francisco Largo Caballero y Julián Besteiro, además de la dirigente comunista Dolores Ibárruri y el fundador de CC OO, Marcelino Camacho.
Y está Ascensión Mendieta junto a su padre asesinado, al que buscó con ahínco toda la vida, desaparecido en una fosa común de Guadalajara que nadie quería abrir.
Este cementerio destinado a masones, ateos, suicidas y gente de mal vivir se inauguró en 1884, cuando el Gobierno decidió acabar con el monopolio de la Iglesia sobre los cementerios. Pese a que cobraba por muerto, la Iglesia no gastaba en mantener las instalaciones; también prometía tumbas perpetuas que revendía a la primera oportunidad.
En la municipalización de los camposantos hubo bronca. La Iglesia pedía cinco pesetas de entonces por adulto y 2,5 por infante. Como el Gobierno no cedió, el cardenal se negó a bendecir la nueva Almudena, hasta entonces llamada cementerio del Este o de las epidemias. Alfonso XII mandó a parte de su Gobierno a la inauguración de la parte civil tras el suicidio de una joven de 20 años llamada Maravilla Leal. Fue la tumba inaugural. Ante la firmeza del Ejecutivo, el primado cedió, firmó y bendijo (y cobró).
Cada vez que fallece un amigo o un conocido pido permiso a la familia para robar flores de las coronas. No les comunico el fin por si hubiera discrepancia. Deposito las flores sobre las tumbas de los descreídos, rojos y semirrojos. También honro a un facha: Vintila Horia, que cada vez que entraba en clase se dejaba la ideología en la puerta para permitir la presencia de un profesor brillante de Literatura Universal.
Así conocí a Nieves Concostrina tras la muerte de Forges. Es la mujer que más sabe de muertos en una España que recuerda mal. Mucha de la información que acaban de leer se la debo a ella. Ahora necesitaré una flor más, la de Almudena. Ojalá que su despedida sea como la de Saramago: miles de lectores con un libro extendido en la mano como símbolo de agradecimiento.
Cimetière civil de Madrid la Almudena. (Olmo Calvo)
Son ami Gervasio Sánchez lui avait fait ses adieux il y a quelques jours dans le journal de Saragosse Heraldo de Aragón.
Retrato de Rafael Alberti. (Gregorio Prieto) 1923. Valdepeñas (Ciudad Real) , Museo Gregorio Prieto.
Rafael Alberti est né le 16 décembre 1902 à El Puerto de Santa María (Cadix). Il est mort dans sa ville natale le 28 octobre 1999. Il fait partie de la génération de 1927. En 1917, sa famille s’installe à Madrid où son père est amené à travailler. Il doit s’éloigner avec regret de la baie de Cadix. Il se destine à la peinture, mais, à l’automne 1920, la maladie l’oblige à garder la chambre, puis à faire un séjour dans la Sierra de Guadarrama. Il découvre alors sa vocation poétique. Il a 23 ans quand son premier recueil de poèmes, Marinero en tierra (Marin à terre), obtient le Prix national de Littérature. Dans le jury, figurent deux poètes : Antonio Machado et José Moreno Villa. Le montant du prix est de cinq mille pesetas. Une vraie fortune. Le recueil est publié à l’automne 1925 par la Biblioteca Nueva de Madrid. Juan Ramón Jiménez lui adresse une lettre enthousiaste le 31 mai 1925. (” Enhorabuena y gracias de su amigo y triple paisano: por tierra, mar y cielo del oeste andaluz, Juan Ramón. “) Il fréquente alors la Residencia de Estudiantes de Madrid et se lie d’amitié avec Federico García Lorca, Luis Buñuel, Pepín Bello et Salvador Dalí. Le premier cycle de sa poésie (Marinero en tierra, La amante, El alba del alhelí) se situe dans la tradition des recueils de chansons, mais sa position comme celle de Federico García Lorca, son ami et rival, est celle d’un poète d’avant-garde.
Sin título (Poniente). (Rafael Alberti). 1920. Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía.
1
El mar. La mar. El mar. ¡Sólo la mar!
¿Por qué me trajiste, padre, a la ciudad?
¿Por qué me desenterraste del mar?
En sueños, la marejada me tira del corazón. Se lo quisiera llevar.
Padre, ¿por qué me trajiste acá?
Marinero en tierra, 1924.
1
La mer. La mer. La mer. Rien que la mer !
Pourquoi m’avoir emmené, père, à la ville ?
Pourquoi m’avoir arraché, père, à la mer ?
La houle, dans mes songes, me tire par le coeur comme pour l’entraîner.
Ô père, pourquoi donc m’avoir emmené ?
Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée. 1985. Poésie Gallimard n°474. 2012. Traduction Claude Couffon.
19
Desde alta mar
No quiero barca, corazón barquero, quiero ir andando por la mar al puerto.
¡Qué dulce el agua salada con su salitre hecho cielo! ¡No quiero sandalias, no! Quiero ir descalzo, barquero
No quiero barca, corazón barquero, quiero ir andando por la mar al puerto.
Marinero en tierra, 1924.
19
Haute mer
Pas de barque, mon coeur pilote : je veux aller à pied sur la mer jusqu’au port.
Quelle douceur a l’eau salée dont le salpêtre s’est fait ciel ! Pas de sandales, non, mon coeur ! Je veux aller pieds nus, pilote.
Pas de barque, mon coeur pilote : je veux aller à pied sur la mer jusqu’au port.
Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée. 1985. Poésie Gallimard n°474. 2012. Traduction Claude Couffon.
21
Siempre que sueño las playas, las sueño solas, mi vida. …Acaso algún marinero… quizás alguna velilla de algún remoto velero…
Marinero en tierra, 1924.
21
Chaque fois que je rêve aux plages, je les rêve seules, ma vie. … Avec peut-être un matelot … aussi peut-être un petit foc, lointain, au-dessus d’une coque …
Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée. 1985. Poésie Gallimard n°474. 2012. Traduction Claude Couffon.
Sin título (Un sol de agrias notas). (Rafael Alberti). 1920. Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía
31
A la sombra de una barca, fuera de la mar, dormido.
Descalzo y el torso al aire. Los hombros, contra la arena.
Y contra la arena el sueño, a la sombra de una barca, fuera de la mar, sin remos.
Marinero en tierra, 1924.
31
Á l’ombre d’une barque hors de l’eau, endormi.
Pieds nus. Le torse au vent. Épaules contre sable.
Contre sable, rêvant, à l’ombre d’une barque, hors de l’eau, et sans rames.
Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée. 1985. Poésie Gallimard n°474. 2012. Traduction Claude Couffon.
49
Murallas azules, olas, del África, van y vienen.
Cuando van… ¡Ay, quién con ellas se fuera!
¡Ay, quién con ellas volviera! Cuando vuelven…
Marinero en tierra, 1924.
49
Murailles bleues, les vagues, d’Afrique, vont et viennent.
Quand elles vont… Ah ! Qui ne les suivrait !
Ah ! Qui ne les suivrait ! Quand s’en reviennent…
Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée. 1985. Poésie Gallimard n°474. 2012. Traduction Claude Couffon.
60
Si yo nací campesino, si yo nací marinero, ¿por qué me tenéis aquí, si este aquí yo no lo quiero?
El mejor día, ciudad a quien jamás he querido, el mejor día -¡silencio! – habré desaparecido.
Marinero en tierra, 1924.
60
Si je suis né homme des terres, si je suis né homme de mer, pourquoi me retenir ici, si je n’aime pas cet ici ?
Mais un beau jour tu apprendras, ville qui jamais ne m’as plu, mais un beau jour tu apprendras – silence ! – que j’ai disparu.
Marin à terre, L’Amante et L’aube de la giroflée. 1985. Poésie Gallimard n°474. 2012. Traduction Claude Couffon.