De noche, bajo el lucero,
tan chico el almoraduj
y, ¡cómo huele!
Y… cuando en la tarde llueve,
¡cómo huele!
Y cuando levanta el sol,
tan chico el almoraduj
¡cómo huele!
Y, ahora, que del sueño vivo
¡cómo huele,
tan chico, el almoraduj!
¡Cómo duele!…
Tan chico.
Jardín cerrado (1946)
José Sanchis-Banús (1921-1987) qui fut mon professeur à l’Institut d’Etudes Hispaniques a magnifiquement analysé ce poème dans le livre Seis lecciones: Emilio Prados, su vida, su obra, su mundo (Pre-textos) 1987 .
La traduction en français de Nadine Ly qui figure dans l’Anthologie bilingue de la poésie espagnole (Bibliothèque de la Pléiade, NRF. 1995) est une grande déception.
Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. -Et je l’ai injuriée.
Je me suis armé contre la justice.
Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misère, ô haine, c’est à vous que mon trésor a été confié!
Je parvins à faire s’évanouir dans mon esprit toute l’espérance humaine. Sur toute joie pour l’étrangler j’ai fait le bond sourd de la bête féroce.
J’ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J’ai appelé les fléaux, pour m’étouffer avec le sable, avec le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime. Et j’ai joué de bons tours à la folie.
Et le printemps m’a apporté l’affreux rire de l’idiot.
Or, tout dernièrement, m’étant trouvé sur le point de faire le dernier couac! j’ai songé à rechercher le clef du festin ancien, où je reprendrais peut-être appétit.
La charité est cette clef. – Cette inspiration prouve que j’ai rêvé!
“Tu resteras hyène, etc….,” se récrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. “Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux.”
Ah! j’en ai trop pris: – Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l’écrivain l’absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache des quelques hideux feuillets de mon carnet de damné.
Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n’a pas d’ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer. C’est le désespoir et ce n’est pas le retour d’une quantité de petits faits comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre. Ce n’est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire. C’est un bateau criblé de neige, si vous voulez, comme les oiseaux qui tombent et leur sang n’a pas la moindre épaisseur. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Une forme très petite, délimitée par un bijou de cheveux. C’est le désespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l’existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir. Le reste, nous n’en parlons pas. Nous n’avons pas fini de deséspérer, si nous commençons. Moi je désespère de l’abat-jour vers quatre heures, je désespère de l’éventail vers minuit, je désespère de la cigarette des condamnés. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n’a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d’haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s’il est mort. Je vis de ce désespoir qui m’enchante. J’aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l’heure où les étoiles chantonnent. Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère. Je me lève chaque jour comme tout le monde et je détends les bras sur un papier à fleurs, je ne me souviens de rien, et c’est toujours avec désespoir que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit. L’air de la chambre est beau comme des baguettes de tambour. Il fait un temps de temps. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. C’est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on idée d’un désespoir pareil! Au feu! Ah! ils vont encore venir… Et les annonces de journal, et les réclames lumineuses le long du canal. Tas de sable, espèce de tas de sable! Dans ses grandes lignes le désespoir n’a pas d’importance. C’est une corvée d’arbres qui va encore faire une forêt, c’est une corvée d’étoiles qui va encore faire un jour de moins, c’est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie.
El motiu tant és. Cal buscar entre les restes el que ha sobreviscut. ¿Podríem no sentir-nos insegurs, si els nostres sentiments són territoris de frontera perduts, recuperats, tornats a perdre? Perquè estimar no és enamorar-se. És tornar a construir, una vegada, una altra, el mateix pati on escoltar les merles quan a la primavera encara és de nit. És l’únic cant d’ocell que podria ser Schubert. Tu i jo com als vint anys, sols a la cuina, ens fem forts escoltant aquesta melodia. Més claredat no l’hem tinguda mai.
Un hivern fascinant. OSSA MENOR, Editorial Proa, 2017.
Trabajos de amor
El motivo no importa. hay que buscar entre los restos lo que ha sobrevivido. Nunca estamos seguros. ¿Podríamos sentirnos de otro modo, si nuestros sentimientos son como territorios de frontera, tantas veces perdidos, recuperados, vueltos a perder? Porque el amor no es enamorarse. Es, una y otra vez, construir el mismo patio donde escuchar el canto de los mirlos, cuando aún es de noche, en primavera. De entre todos los pájaros, es el único canto que podría ser Schubert. Solos en la cocina, como a los veinte años, a ti y a mi nos hace fuertes esa melodía. Más claridad no la tuvimos nunca.
Emily Dickinson. Daguerréotype de 1846-47 (Amherst College).
We never know how high we are (1197)
We never know how high we are
Till we are called to rise;
And then, if we are true to plan,
Our statures touch the skies—
The Heroism we recite
Would be a daily thing,
Did not ourselves the Cubits warp
For fear to be a King—
(Emily Dickinson 1830-1886)
(1197)
Nous ne savons jamais quelles hauteurs nous avons atteint
Avant qu’on nous demande de nous élever
Et alors qu’on nous demande de nous élever
Notre stature touche les cieux –
L’Héroïsme dont on se gargarise
Serait monnaie courante
Si nous ne gauchissions nous-mêmes les instruments de Mesure
de peur d’assumer notre Royauté –
Emily Dickinson, Poésies complètes, Flammarion, 2009.
(Traduction de Françoise Delphy)
Soneto inédito III
Ya somos el olvido que seremos.
El polvo elemental que nos ignora
y que fue el rojo Adán y que es ahora
todos los hombres y los que seremos.
Ya somos en la tumba las dos fechas
del principio y el fin, la caja,
la obscena corrupción y la mortaja,
los ritos de la muerte y las endechas.
No soy el insensato que se aferra
al mágico sonido de su nombre;
pienso con esperanza en aquel hombre
que no sabrá quien fui sobre la tierra.
Bajo el indiferente azul del cielo,
esta meditación es un consuelo.
Los Justos
“Un hombre que cultiva un jardín, como quería Voltaire. El que agradece que en la tierra haya música. El que descubre con placer una etimología. Dos empleados que en un café de Sur juegan un silencioso ajedrez. El ceramista que premedita un color y una forma. Un tipógrafo que compone bien esta página, que tal vez no le agrada. Una mujer y un hombre que leen los tercetos finales de cierto canto. El que acaricia a un animal dormido. El que justifica o quiere justificar un mal que le han hecho. El que agradece que en la tierra haya Stevenson. El que prefiere que los otros tengan razón. Estas personas, que se ignoran, están salvando el mundo”.
Portrait de Charles Baudelaire (Gustave Courbet) 1848-49
L’âme du vin (Charles Baudelaire)
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles:
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! ”
Les Fleurs du mal, 1857.
Isla Negra Café Restaurante El rincón del poeta Oda al vino (Pablo Neruda)
ODA AL VINO (Pablo Neruda)
Vino color de día,
vino color de noche,
vino con pies de púrpura
o sangre de topacio,
vino,
estrellado hijo
de la tierra,
vino, liso
como una espada de oro,
suave
como un desordenado terciopelo,
vino encaracolado
y suspendido,
amoroso,
marino,
nunca has cabido en una copa,
en un canto, en un hombre,
coral, gregario eres,
y cuando menos, mutuo.
A veces
te nutres de recuerdos
mortales,
en tu ola
vamos de tumba en tumba,
picapedrero de sepulcro helado,
y lloramos
lágrimas transitorias,
pero
tu hermoso
traje de primavera
es diferente,
el corazón sube a las ramas,
el viento mueve el día,
nada queda
dentro de tu alma inmóvil.
El vino
mueve la primavera,
crece como una planta la alegría,
caen muros,
peñascos,
se cierran los abismos,
nace el canto.
Oh tú, jarra de vino, en el desierto
con la sabrosa que amo,
dijo el viejo poeta.
Que el cántaro de vino
al beso del amor sume su beso.
Amor mio, de pronto
tu cadera
es la curva colmada
de la copa,
tu pecho es el racimo,
la luz del alcohol tu cabellera,
las uvas tus pezones,
tu ombligo sello puro
estampado en tu vientre de vasija,
y tu amor la cascada
de vino inextinguible,
la claridad que cae en mis sentidos,
el esplendor terrestre de la vida.
Pero no sólo amor,
beso quemante
o corazón quemado
eres, vino de vida,
sino
amistad de los seres, transparencia,
coro de disciplina,
abundancia de flores.
Amo sobre una mesa,
cuando se habla,
la luz de una botella
de inteligente vino.
Que lo beban,
que recuerden en cada
gota de oro
o copa de topacio
o cuchara de púrpura
que trabajó el otoño
hasta llenar de vino las vasijas
y aprenda el hombre oscuro,
en el ceremonial de su negocio,
a recordar la tierra y sus deberes,
a propagar el cántico del fruto.
Odas elementales, 1954.
Buenos Aires Café Tortoni Jorge Luis Borges
Soneto del vino (Jorge Luis Borges)
¿En qué reino, en qué siglo, bajo qué silenciosa
Conjunción de los astros, en qué secreto día
Que el mármol no ha salvado, surgió la valerosa
Y singular idea de inventar la alegría?
Con otoños de oro la inventaron. El vino
Fluye rojo a lo largo de las generaciones
Como el río del tiempo y en el arduo camino
Nos prodiga su música, su fuego y sus leones.
En la noche del júbilo o en la jornada adversa
Exalta la alegría o mitiga el espanto
Y el ditirambo nuevo que este día le canto
Otrora lo cantaron el árabe y el persa.
Vino, enséñame el arte de ver mi propia historia
Como si ésta ya fuera ceniza en la memoria,
Le poète chilien Nicanor Parra, apôtre de l’« antipoésie » et Prix Cervantes 2011, est décédé mardi 23 janvier, à l’âge de 103 ans. La veillée funèbre a eu lieu dans la Cathédrale de Santiago à la demande de la famille même si le poète avait déclaré: “Soy ateo, gracias a Dios”. Les autorités ecclésiastiques ont essayé d’empêcher que résonnent dans la Cathédrale les chansons de sa soeur, Violeta Parra, qui s’est suicidée en 1967, à 49 ans. Le Gouvernement chilien a décrété deux jours de deuil national.
Nicanor Parra
Ultimo brindis
Lo queramos o no
sólo tenemos tres alternativas:
el ayer, el presente y el mañana.
Y ni siquiera tres
porque como dice el filósofo
el ayer es ayer
nos pertenece sólo en el recuerdo:
a la rosa que ya se deshojó
no se le puede sacar otro pétalo.
Las cartas por jugar
son solamente dos:
el presente y el día de mañana.
Y ni siquiera dos
porque es un hecho bien establecido
que el presente no existe
sino en la medida en que se hace pasado
y ya pasó…
como la juventud.
En resumidas cuentas
sólo nos va quedando el mañana:
yo levanto mi copa
por ese día que no llega nunca
pero que es lo único
de lo que realmente disponemos.
Dernier toast (Nicanor Parra)
Que nous le voulions ou non
Nous n’avons que trois possibilités:
L’hier, le présent et le lendemain.
Et pas même trois
Car comme dit le philosophe
L’hier c’est hier
Il n’est à nous que dans le souvenir:
Lorsque la rose a défleuri
On ne peut plus lui ôter de pétale.
Il n’y a que deux
Cartes à jouer:
Le présent et le lendemain.
Et pas même deux
Car c’est un fait bien établi
Que le présent n’existe
Que dans la mesure où il devient passé
Et il est passé…,
comme la jeunesse.
Tous comptes faits
Il ne nous reste que le lendemain:
Je lève mon verre
À ce jour qui n’arrive jamais
Mais qui est le seul
Dont nous disposions en réalité
Federico García Lorca . Reloj de sol. Universidad de Columbia. Otoño de 1929.
New York (Oficina y denuncia)
A Fernando Vela
Debajo de las multiplicaciones
hay una gota de sangre de pato;
debajo de las divisiones
hay una gota de sangre de marinero;
debajo de las sumas, un río de sangre tierna.
Un río que viene cantando
por los dormitorios de los arrabales,
y es plata, cemento o brisa
en el alba mentida de New York.
Existen las montañas. Lo sé.
Y los anteojos para la sabiduría.
Lo sé. Pero yo no he venido a ver el cielo.
Yo he venido para ver la turbia sangre.
La sangre que lleva las máquinas a las cataratas
y el espíritu a la lengua de la cobra.
Todos los días se matan en New York
cuatro millones de patos,
cinco millones de cerdos,
dos mil palomas para el gusto de los agonizantes,
un millón de vacas,
un millón de corderos
y dos millones de gallos,
que dejan los cielos hechos añicos.
Más vale sollozar afilando la navaja
o asesinar a los perros
en las alucinantes cacerías,
que resistir en la madrugada
los interminables trenes de leche,
los interminables trenes de sangre
y los trenes de rosas maniatadas
por los comerciantes de perfumes.
Los patos y las palomas,
y los cerdos y los corderos
ponen sus gotas de sangre
debajo de las multiplicaciones,
y los terribles alaridos de las vacas estrujadas
llenan de dolor el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.
Yo denuncio a toda la gente
que ignora la otra mitad,
la mitad irredimible
que levanta sus montes de cemento
donde laten los corazones
de los animalitos que se olvidan
y donde caeremos todos
en la ultima fiesta de los taladros.
Os escupo en la cara.
La otra mitad me escucha
devorando, orinando, volando, en su pureza
como los niños de las porterías
que llevan frágiles palitos
a los huecos donde se oxidan
las antenas de los insectos.
No es el infierno, es la calle.
No es la muerte, es la tienda de frutas.
Hay un mundo de ríos quebrados
y distancia inacesibles
en la patita de ese gato
quebrada por el automóvil,
y yo oigo el canto de la lombriz
en el corazón de muchas niñas.
Oxido, fermento, tierra estremecida.
Tierra tú mismo que nadas
por los números de la oficina.
¿Qué voy a hacer? ¿Ordenar los paisajes?
¿Ordenar los amores que luego son fotografías,
que luego son pedazos de madera
y bocanadas de sangre?
San Ignacio de Loyola
asesinó un pequeño conejo
y todavía sus labios gimen
por las torres de las iglesias.
No, no, no, no; yo denuncio.
Yo denuncio la conjura
de estas desiertas oficinas
que no radían las agonías,
que borran los programas de la selva,
y me ofrezco a ser comido
por las vacas estrujadas
cuando sus gritos llenan el valle
donde el Hudson se emborracha con aceite.
Federico García Lorca, Un poeta en Nueva York (1929-30) Publicado en 1940.
Hay golpes en la vida, tan fuertes… ¡Yo no sé!
Golpes como del odio de Dios; como si ante ellos,
la resaca de todo lo sufrido
se empozara en el alma. ¡Yo no sé!
Son pocos; pero son… Abren zanjas oscuras
en el rostro más fiero y en el lomo más fuerte.
Serán tal vez los potros de bárbaros atilas;
o los heraldos negros que nos manda la Muerte.
Son las caídas hondas de los Cristos del alma,
de alguna fe adorable que el Destino blasfema.
Esos golpes sangrientos son las crepitaciones
de algún pan que en la puerta del horno se nos quema.
Y el hombre… Pobre… ¡pobre! Vuelve los ojos, como
cuando por sobre el hombro nos llama una palmada;
vuelve los ojos locos, y todo lo vivido
se empoza, como charco de culpa, en la mirada.
Hay golpes en la vida, tan fuertes… ¡Yo no sé!
Los heraldos negros, juillet 1919.
Mort à Paris le 15 avril 1938, il est enterré au Cimetière du Montparnasse, douzième division. Epitaphe gravée sur sa tombe par son épouse, Georgette: « J’ai tant neigé pour que tu dormes. Georgette. »
LES HERAUTS NOIRS
Il y a, dans la vie, des coups si forts… Moi je ne sais!
Des coups comme de Dieu la haine; comme si avant eux
le ressac de tout ce qui fut souffert
se déposait dans l’âme… Moi je ne sais!
Ils sont peu nombreux; mais ils sont… Ils creusent d’obscurs sillons
sur le plus fier visage, sur le dos le plus fort.
Ils sont parfois les poulains de barbares attilas;
ou bien les hérauts noirs que la Mort nous envoie.
Ce sont les chutes profondes des Christs de l’âme,
d’une adorable foi que le Destin blasphème.
Ces coups sanglants sont les crépitations
d’un pain brûlant pour nous à la porte du four.
Et l’homme… Pauvre… Pauvre! Il tourne les yeux, comme
quand sur l’épaule un battement de main nous appelle;
il tourne des yeux fous, et tout ce qu’il vécut
se dépose, comme une flaque de remords, dans le Regard.
Il y a des coups dans la vie, si forts… Moi je ne sais!
Traduction de Nicole Réda-Euvremer (Elle enseignait au Lycée Fénelon à Paris. Épouse du poète Jacques Réda)
Philippe Lançon, dans Libération, en 2009, disait: ” Une première traduction, voilà quinze ans, déjà chez Flammarion, ne donnait pas satisfaction. En voici une autre, plus sobre. Elle bute, avec modestie, sur le rythme, les sonorités, les néologismes, les tendres violences intérieures faites à l’espagnol.Traduire Vallejo, c’est comme traduire Rimbaud: chaque poème pourrait faire l’objet de versions toujours refaites, toujours insatisfaisantes, jusqu’au moment où l’on rêverait la dernière, l’idéale, celle qui rend justice au coeur de la langue, puis on mourrait avant de se réveiller pour l’écrire.”