Walter Reuter 1906-2005

Walter Reuter, photographe de la République.

El Palau de les Comunicacions de Valence (Espagne) présente du 31 mars au 2 juillet 2023 deux expositions de photographies d’une grande valeur historique et documentaire : Robert Capa. Retrospectiva (une centaine de photographies prises de 1932 à 1954) et Letras por la libertad de Walter Reuter (60 photographies inédites du second Congrès International des Écrivains pour la Défense de la Culture qui s’est tenu à Valence, Madrid, Barcelone et Paris du 4 au 17 juillet 1937). L’entrée est gratuite.

Quant on pense aux photographes qui ont couvert la guerre civile espagnole on pense à Robert Capa, Gerda Taro, David Seymour, Kati Horna. L’importance de Walter Reuter est assez peu souvent soulignée. Ses photos montrent pourtant clairement son humanisme, son empathie envers les gens qui souffrent et son refus du voyeurisme face à la misère. Il réussit même parfois à faire sourire ceux qu’il photographie, et cela dans les pires conditions de guerre (après un bombardement par exemple). Walter Reuter est resté en Espagne de 1933 à février 1939. Il était le photographe officiel du commissariat à la propagande du gouvernement républicain. Les négatifs espagnols de ce photographe que l’on pensait perdus ont réaparu en 2011 dans les archives personnelles de Guillermo Fernández Zúñiga (1909-2005), réalisateur de documentaires et père du cinéma scientifique espagnol. 2 200 négatifs de photos de guerre de juillet 1936 à janvier 1939 ont ainsi été retrouvés.

L’exposition de Valence présente le deuxième Congrès international des écrivains pour la défense de la culture. Il s’est ouvert le 4 juillet 1937 dans la salle des séances de la mairie de Valence, alors capitale de la République. Il est organisé conjointement par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts du gouvernement républicain et par l’Alliance des intellectuels pour la défense de la culture. Il s’est déroulé également à Madrid, Barcelone et Paris. Ce Congrès, résolument antifasciste, a constitué l’acte de propagande le plus spectaculaire organisé par le gouvernement républicain pendant la guerre civile espagnole et a eu un grand impact médiatique à l’échelle internationale. Il a d’autre part permis aux intellectuels du monde entier d’exprimer leur solidarité envers le gouvernement de Front populaire de la République espagnole, victorieux lors des élections démocratiques du 16 février 1936, mais victime du coup d’État mené par le général Franco avec l’aide de l’Allemagne nazi et de l’Italie fasciste.

Miguel Hernández sortant du Congrès International des Écrivains pour la Défense de la Culture. Valence 4 juillet 1937.

Biographie succincte : Walter Reuter est né le 4 janvier 1906 à Berlin dans le quartier ouvrier de Charlottenbourg. Il devient photographe pour la revue de gauche AIZ (Arbeiter-Illustrierte-Zeitung). On retrouve dans ses photos l’influence des avant-gardes des années 20. Il doit fuir l’Allemagne à l’arrivée des nazis au pouvoir en mars 1933. Il arrive en Espagne en mai 1933 avec sa première femme, Sulamith Siliava, d’origine juive, et leur fils, Jasmin, né à Malaga en 1934. Il participe à la guerre comme milicien, puis comme photoreporter. Après un séjour en France, au Maroc et en Algérie, il peut s’exiler au Mexique. La famille y arrive le 22 avril 1942. Walter Reuter a une fille, Almuth, avec sa première femme. Puis, devenu veuf, il se remarie avec Ana María Araujo. Ils ont trois filles : Marina, Claudia, Hely. Cette dernière se charge actuellement du classement de son œuvre qui comporte 120 000 négatifs (Allemagne, Espagne, Mexique). Il sera aussi réalisateur, scénariste, producteur et directeur de la photographie de courts métrages pour le cinéma mexicain. Il est décédé le 20 mars 2005 à Cuernavaca, dans l’état de Morelos.

Un milicien des Jeunesses Socialistes Unifiées. Madrid, hiver 1936.

Luis García Montero – Antonio Machado

Aujourd’hui, Luis García Montero évoque dans Infolibre le printemps, la guerre et Antonio Machado…

https://www.infolibre.es/opinion/columnas/verso-libre/primavera_129_1436782.html

Le poète est mort en exil à Collioure (Pyrénées Orientales) le 22 février 1939 des suites d’une pneumonie. Il avait 64 ans.

García Montero renvoie dans cet article à un poème écrit par Machado pendant la Guerre Civile. Celui-ci vécut avec sa famille de novembre 1936 à avril 1938 Villa Amparo (Rocafort, petit village agricole qui se trouve à sept kilomètres de Valence), dans la Huerta. Il écrivit là de nombreux articles pour la presse et quelques poèmes au service de la cause républicaine.

Rocafort. Villa Amparo. Sculpture métallique qui représente le poète, inspirée par un dessin de Ramón Gaya.

La primavera (Antonio Machado)

Más fuerte que la guerra -espanto y grima-
cuando con torpe vuelo de avutarda
el ominoso trimotor se encima
y sobre el vano techo se retarda,

hoy tu alegre zalema el campo anima,
tu claro verde el chopo en yemas guarda.
Fundida irá la nieve de la cima
al hielo rojo de la tierra parda.

Mientras retumba el monte, el mar humea,
da la sirena el lúgubre alarido,
y en el azul el avión platea,

¡cuán agudo se filtra hasta mi oído,
niña inmortal, infatigable dea,
el agrio son de tu rabel florido!

Poesías de guerra. Ediciones Asomante, San Juan de Puerto Rico. 1961.

Le printemps

Plus fort que la guerre — angoisse et frayeur —
quand de son lourd vol d’échassier
monte dans le ciel le trimoteur funeste
et que sur le toit inutile il s’attarde,

aujourd’hui ton salut joyeux anime la campagne,
le peuplier dans ses bourgeons garde ton vert clair.
La neige des sommets, fondue, s’écoulera
vers la glace rouge des terres brunes.

Tandis que tonne la montagne, fume la mer,
la sirène lance son hurlement lugubre,
et l’avion dans l’azur scintille,

comme parvient, aigu, à mon oreille,
mon enfant immortelle, inlassable déesse,
l’aigre son de ton rebec fleuri !

Poésies de la guerre (1936-1939).

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction : Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973 ; NRF Poésie/ Gallimard n°144.

J’ai relu un autre poème plus ancien qui parle aussi du printemps.

La primavera besaba (Antonio Machado)

La primavera besaba
suavemente la arboleda
y el verde nuevo brotaba
como una verde humareda.

Las nubes iban pasando
sobre el campo juvenil…
Yo vi en las hojas temblando
las frescas lluvias de abril.

Bajo ese almendro florido,
todo cargado de flor
-recordé-, yo he maldecido
mi juventud sin amor.

Hoy, en mitad de la vida.
me he parado a meditar…
¡Juventud nunca vivida,
quién te volviera a soñar!

Soledades, 1903.

Le printemps doucement (Antonio Machado)

Le printemps doucement
posait sur les arbres un baiser,
et le vert nouveau jaillissait
comme une verte fumée.

Les nuages passaient
sur la campagne juvénile…
J’ai vu sur les feuilles trembler
les fraîches pluies d’avril.

Dessous l’amandier fleuri,
tout chargé de fleurs,
— je m’en souviens —, j’ai maudit
ma jeunesse sans amour.

Aujourd’hui, au milieu de la vie,
je me suis arrêté pour méditer…
Oh ! jeunesse jamais vécue,
que ne puis-je encor te rêver !

Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre. Traduction: Sylvie Léger et Bernard Sesé Paris, Gallimard, 1973; NRF Poésie/ Gallimard n°144.

Dessin de Ramón Gaya. Machado traversant la acequia de Montcada, près de Villa Amparo, Rocafort.

L’Affiche rouge

Le 21 février 1944, les membres du groupe FTP-MOI de Missak Manouchian sont fusillés au Mont Valérien

La liste suivante des 23 membres du groupe Manouchian exécutés par les Allemands signale par la mention (AR) les dix membres que les Allemands ont fait figurer sur l’affiche rouge:
– Celestino Alfonso (AR), Espagnol, 27 ans.
– Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944).
– Joseph Boczov (József Boczor; Wolff Ferenc) (AR), Hongrois, 38 ans, Ingénieur chimiste.
– Georges Cloarec, Français, 20 ans.
– Rino Della Negra, Italien, 19 ans.
– Thomas Elek (Elek Tamás), (AR) Hongrois, 18 ans. Étudiant.
– Maurice Fingercwajg (AR), Polonais, 19 ans.
– Spartaco Fontano (AR), Italien, 22 ans.
– Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans.
– Emeric Glasz [Békés (Glass) Imre], Hongrois, 42 ans. Ouvrier métallurgiste.
– Léon Goldberg, Polonais, 19 ans.
– Szlama Grzywacz (AR), Polonais, 34 ans.
– Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans.
– Cesare Luccarini, Italien, 22 ans.
– Missak Manouchian (AR), Arménien, 37 ans.
– Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans.
– Marcel Rajman (AR), Polonais, 21 ans.
– Roger Rouxel, Français, 18 ans.
– Antoine Salvadori, Italien, 24 ans.
– Willy Schapiro, Polonais, 29 ans.
– Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans.
– Wolf Wajsbrot (AR), Polonais, 18 ans.
– Robert Witchitz (AR), Français, 19 ans.

Missak Manouchian était un héros de la résistance. Il a été exécuté il y a 79 ans. Nous sommes nombreux à le demander : il doit entrer entrer au Panthéon.

Le Groupe Manouchian, le 21 Février 1944

Joseph Epstein, dit Colonel Gilles, le supérieur hiérarchique de Missak Manouchian, est arrêté le même jour que lui lors d’un rendez-vous à la gare d’Evry-Petit-Bourg le 16 novembre 1943. Il est torturé pendant plusieurs mois, puis fusillé au fort du Mont-Valérien avec 28 autres résistants, le 11 avril 1944.

Raimon

Raimon. Barcelona, Poblenou. 1963. (Oriol Maspons 1928 – 2013)

Al vent (Al viento), c’est le titre d’une célèbre chanson de l’auteur-compositeur valencien Raimon (Ramón Pelegero Sanchis – Játiva, 1940). Elle a été composée en 1959 et enregistrée sur son premier disque Raimon: Al Vent, La Pedra, Som, A Cops en février 1963, il y a soixante ans. Cette chanson est devenue dans les années 60 et 70 le symbole de l’opposition au franquisme en Espagne. L’auteur tentait de transmettre les désirs de liberté de la jeunesse espagnole. Il a composé cette chanson lors d’un voyage en Vespa entre sa ville natale Játiva (Xàtiva) et Valence où il faisait des études d’histoire. Les paroles parlent de la recherche de la lumière, de la paix et de dieu avec une minuscule. Elle exprime l’esprit de liberté de la jeunesse. Il s’agit d’un cri, d’une proclamation reprise maintes fois par les jeunes espagnols dans les années 60 et 70. Elle a échappé à la censure car il s’agissait d’une chanson existentielle, et non directement politique comme plus tard Diguem no ou Jo vinc d’un silenci.

Concert de Raimon à l’ Université Complutense de Madrid. Faculté de sciences politiques et d’économie. 18 mai 1968. (Juan Santiso).

60 anys d’Al vent, La col·lecció d’art de Raimon i Annalisa, c’est le titre d’une exposition inaugurée le 16 février 2023 à la Casa de l’Ensenyança – Museu de Bellas Artes de Xàtiva. Elle durera jusqu’au 20 mars. C’est la première manifestation organisée par La Fundació Raimon i Annalisa, créée par le chanteur et son épouse pour mettre en valeur le legs de cet artiste. Les 62 oeuvres proposées proviennent de la collection du chanteur et de sa femme. Elles ont été créées par des artistes qui ont été le plus souvent des amis de l’auteur (Andreu Alfaro, Joan Miró, Artur Heras, Antoni Tàpies, Juan Genovés, Josep Guinovart, Manuel Boix, Josep Armengol, Eduardo Chillida, Julio González). Cette institution, Centro Raimon de Actividades Culturales – CRAC de Xàtiva, sera hébergée à l’avenir dans le monastère de Santa Clara de Játiva qui est en cours de restauration.

Al vent

Al vent

La cara al vent
El cor al vent
Les mans al vent
Els ulls al vent
Al vent del món
I tots
Tots plens de nit
Buscant la llum
Buscant la pau
Buscant a déu
Al vent del món

La vida ens dóna penes
Ja el nàixer és un gran plor
La vida pot ser eixe plor
Però nosaltres

Al vent
La cara al vent
El cor al vent
Les mans al vent
Els ulls al vent
Al vent del món

I tots
Tots plens de nit
Buscant la llum
Buscant la pau
Buscant a déu
Al vent del món
Buscant a déu
Al vent del món

https://www.youtube.com/watch?v=qHgaLK2c_6E

Logo de la fondation.

Iran

Taraneh Alidousti.

« Zan, Zendegi Azadi » en farsi (« Jin, Jiyan, Azadi  » dans sa version originale kurde). Femme, vie, liberté.

Trois figures du cinéma iranien ont été arrêtées ces derniers mois. Vendredi 8 juillet, Mohammad Rasoulof (Ours d’or en 2020, au Festival de Berlin pour Le diable n’existe pas) et son confrère Mostafa Al-Ahmad ont été interpellés chez eux et conduits en détention pour « troubles à l’ordre public », « propagande contre le régime » et « activisme anti-révolutionnaire ». Lundi 11 juillet, ce fut au tour du cinéaste Jafar Panahi (ex assistant d’ Abbas Kiarostami. Lion d’or à Venise en 2000 pour Le Cercle, Ours d’or à Berlin en 2015 pour Taxi Téhéran, prix du scénario à Cannes en 2018 avec Trois visages) venu devant la prison où étaient incarcérés ses deux collègues pour s’inquiéter de leur sort, d’être appréhendé. Ils sont incarcérés au centre de détention d’Evin.

Taraneh Alidousti, actrice iranienne de 36 ans, est très connue dans son pays. Elle y a remporté de nombreux prix et distinctions. Á l’étranger, on se souvient de ses nombreuses collaborations avec Asghar Farhadi. Elle est aussi remarquable dans Leila et ses frères de Saeed Roustaee ( réalisateur aussi de La loi de Téhéran en 2021 ), présenté au Festival de Cannes en 2022 et interdit de projection en Iran.

2002 Moi, Taraneh, 15 ans de Rasoul Sadr Ameli.
2004 Les Enfants de Belle Ville d’Asghar Farhadi.
2006 La Fête du feu d’Asghar Farhadi.
2009 Á propos d’Elly d’Asghar Farhadi.
2016 Le Client d’Asghar Farhadi. Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2017.
2022 Leila et ses frères de Saaed Roustaee. Prix de la critique internationale (FIPRESCI).

En janvier 1920, elle est convoquée par le bureau du procureur du ministère de la Culture et des Médias pour avoir diffusé une vidéo montrant la police des mœurs qui s’en prenait à une femme ne portant pas le hijab. Elle est inculpée « d’activités de propagande contre l’État », et relâchée sous caution. En juin, elle est condamnée à cinq mois de prison pour ces faits, avec un sursis à exécution de deux ans. Elle analyse cette condamnation comme un acte d’intimidation de la part du régime iranien, qu’elle avait critiqué plus tôt dans l’année dans un post sur Instagram : « Nous ne sommes pas des citoyens. Nous ne l’avons jamais été. Nous sommes des captifs. Des millions de captifs. »

Le 9 novembre 2022, dans le cadre des manifestations en Iran à la suite de la mort de Mahsa Amini ( 16 septembre 2022 ), elle poste sur les réseaux sociaux une photo où elle apparaît sans voile et tenant une pancarte sur laquelle est écrit en kurde « Femme, Vie, Liberté », en soutien aux manifestations. Elle promet de rester dans son pays malgré le risque de « payer le prix » pour défendre ses droits. Elle annonce son intention d’arrêter de travailler pour soutenir les familles des personnes tuées ou arrêtées lors de la répression. Elle dénonce le 8 décembre l’exécution de Mohsen Shekari, pendu après avoir été accusé de mener une « guerre contre Dieu ». Elle écrit « Toute organisation internationale qui regarde ce bain de sang sans réagir représente une honte pour l’humanité ». Elle est arrêtée le 17 décembre 2022 et est détenue aussi à la prison d’Evin.

Taraneh Alidousti , Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof. Liberté!

Gonzalo Queipo de Llano

Séville. Basilique de la Macarena. 1941-1949.

Les restes du général franquiste Gonzalo Queipo de Llano ( 1875-1951), surnommé le vice-roi d’Andalousie, et du général Francisco Bohórquez Vecina (1893-1955), auditeur militaire, responsables des massacres en Andalousie pendant la Guerre Civile, de l’assassinat entre autres de Blas Infante ou de Federico García Lorca ont été retirés dans la nuit du 2 au 3 novembre de la basilique de la Macarena à Séville selon les termes de la nouvelle Ley de Memoria histórica, entrée en vigueur le 21 octobre. La loi indique que « les restes des dirigeants du coup d’Etat militaire de 1936 ne pourront pas rester inhumés dans un lieu prééminent d’accès public, autre qu’un cimetière ».

Tout cela a eu lieu 47 ans après la mort du Dictateur !

Ces deux personnages sont responsables de 45 556 morts et de l’existence de 708 fosses communes selon les historiens. Queipo de Llano est aussi connu pour l’utilisation de la radio (Unión Radio Sevilla) comme arme de guerre psychologique chaque jour du 18 juillet 1936 au 1 février 1938.

Gonzalo Queipo de Llano.

10 phrases mémorables de ce criminel de guerre, citées par le journal conservateur ABC le 3 novembre 2022 :

—18 de julio: «¡Sevillanos! La suerte está echada y decidida por nosotros y es inútil que la canalla resista y produzca esa algarabía de gritos y tiros que oís por todas partes. Tropas del Tercio y Regulares se encuentran ya camino de Sevilla y, en cuanto lleguen, esos alborotadores serán cazados como alimañas. ¡Viva España!».

—23 de julio: «Nuestros valientes legionarios y regulares han enseñado a los cobardes de los rojos lo que significa ser un hombre. Y, de paso, también a las mujeres. Después de todo, estas comunistas y anarquistas se lo merecen. ¿No han estado jugando al amor libre? Ahora por lo menos sabrán lo que son hombres de verdad y no milicianos maricas. No se van a librar por mucho que forcejeen y pataleen». «Esta mañana ha sido fusilado el comandante de Artillería señor Loureiro, por haber ordenado la entrega de doscientos fusiles y otras tantas pistolas a los marxistas a fin para asesinar a nuestros valientes soldados. La misma pena han sufrido el capitán Justo Pérez y el teniente don Manuel Cangas. También ha sido fusilado el presidente del Sindicato Obrero de la Pirotecnia por haber declarado la huelga y ejercido coacciones sobre los obreros. La misma pena han de sufrir absolutamente todos cuantos caigan en nuestras manos por coacciones a los obreros».

—24 de julio: «Hay en Sevilla unos seres afeminados que todo lo dudan, incluso que en Sevilla está asegurada la tranquilidad […]. Esos seres se empeñan en propagar noticias falsas. ¿Qué haré? Pues imponer un durísimo castigo para acallar a esos idiotas congéneres de Azaña. Por ello faculto a todos los ciudadanos a que cuando se tropiecen con uno de esos sujetos lo callen de un tiro. O me lo traigan a mí, que yo se lo pegaré».

—25 de julio: «Si algún afeminado, algún invertido, se dedica a lanzar infundios alarmistas, no vaciléis en matarlo como a un perro o entregármelo a mí al instante».

—Finales de julio: «Ya conocerán mi sistema: por cada hombre de orden que caiga, yo mataré a diez extremistas por lo menos. Y los dirigentes que huyan, no crean que se librarán con ello: les sacaré de debajo de la tierra si hace falta y, si están muertos, los volveré matar».

—15 de agosto: «Hemos conseguido entrar en Higuera de la Sierra, punto que nos ayudará a aislar las minas de Río Tinto […]. Tengan en cuenta aquellos rebeldes que mientras mayor sea la resistencia que opongan, más duro será el castigo que reciban. Y como sé que están cometiendo crímenes, les recuerdo que tengo aquí setenta mineros de Río Tinto sobre los que puedo ejercer represalias, si lo estimase preciso».

—20 de agosto: «En Barcelona, después de tener tres Gobiernos distintos, parece que se ha proclamado el marxismo integral. ¿Qué habrá sido de Companys y demás que le rodeaban? Verdaderamente todos merecían morir degollados como cerdos».

—26 de agosto: «Ayer han vuelto los aviones rojos a Cádiz y en un nuevo bombardeo han causado seis muertos y veintidós heridos […]. Bien a pesar mío, he dado órdenes para que sean detenidos todos los familiares de tripulantes de la escuadra pirata, que había en la región; y serán inexorablemente fusilados cinco de ellos por cada víctima que causen los bombardeos aéreos».

—Nochebuena de 1936: «Será necesario establecer también campos de concentración a los que vayan a parar todos aquellos que están envenenando España. Será la única manera de que podamos vivir en paz las personas decentes y patriotas».

—1 de febrero de 1937, por la ‘Desbandá’: «Sí, canalla roja de Málaga… ¡Esperad hasta que llegue ahí dentro de diez días! Me sentaré en un café de la calle Larios bebiendo cerveza y, por cada sorbo que dé, caeréis diez. Fusilaré a diez por cada uno de los nuestros que fusiléis, aunque tenga que sacaros de la tumba para hacerlo». «¡Malagueños! Me dirijo en primer lugar a los milicianos engañados. Vuestra suerte está echada y habéis perdido. Un círculo de hierro os ahogará en breves horas, porque si por tierra y aire somos los más fuertes, la escuadra leal a la dignidad de la patria os quitara toda esperanza de huida, ya que la carretera de Motril está cortada».

Malgré certains désaccords avec Franco, il fut nommé Marqués de Queipo de Llano en 1950 et parvint à s’enrichir en achetant à très bas prix une propriété, le Cortijo Gambogaz (Camas, province de Séville), de 480 hectares au bord du Guadalquivir grâce à l’aide de la fondation qu’il avait créé et de la Banque d’Espagne. Il utilisait gratuitement la main d’oeuvre des camps de concentration situés à proximité. Ces terres très productives appartiennent encore aujourd’hui à ses héritiers.

Sur twitter aujourd’hui, le journaliste Ramón Lobo affirme avec justesse : ” Si quitamos los que hicieron fortuna en el franquismo y las familias que se forraron con la esclavitud, el alto empresariado español se quedaría en muy poca cosa. “

Tombe de Gonzalo Queipo de Llano. Séville. Basilique de la Macarena (Paco Puentes).
Séville. Basilique de la Macarena. Photo prise le 03/11/2022. Un tapis cache l’ancienne tombe de Queipo de Llano et de son épouse (Alejandro Ruesga).

Agustina González López, “la Zapatera”

Agustina González López, “la Zapatera” est née le 3 avril 1891 à Grenade dans le quartier de l’Albaicin, l’ancien quartier arabe. Cette écrivaine et activiste politique fit ses études au Real Colegio de Santo Domingo de la ville. Elle s’intéressait particulièrement à l’astronomie et à la médecine. Quand sa mère devint veuve, elle tomba à 13 ans sous le contrôle de ses frères aînés et de ses oncles paternels. Le conseil de famille lui permit la lecture, mais elle était strictement surveillée. Pour échapper à ce contrôle, elle commença à s’habiller en homme. On la considéra rapidement comme folle et hystérique. Elle voyageait seule et entrait dans les cafés et restaurants de la conservatrice et bourgeoise Grenade : “la peor burguesía de España” disait Federico García Lorca.

Elle publia en 1916 un essai Idearium Futurismo où elle prônait une simplification de l’orthographe et la suppresion de 7 lettres : y, c, h, q, v, x, z. « El sistema futurista de eskribir resuelbe las dificultades ortográfikas por lo mismo ke simplifika la ortografía. Este libro ba todo esckrito en futurismo… » (prologue)

En 1919, il y eut des manifestations contre les pratiques des caciques conservateurs locaux auxquelles participèrent Fernando de los Ríos, avocat et futur député socialiste, mais aussi deux groupes féministes la Juventud Universitaria Femenina (Milagro Almenara, pharmacienne fusillée le 2 novembre 1936 elle aussi entre Viznar et Alfacar) et la Agrupación Feminista Socialista (présidée par Agustina González López). Cette association regroupait 200 membres.

Á cette époque, Agustina González López fit la connaissance de Federico García Lorca qui vivait à 100 mètres de chez elle. Elle lui aurait inspiré le personnage de La zapatera prodigiosa (1930) et aussi par certains traits celui d’Amelia dans La casa de Bernarda Alba (1936). Agustina González utilisait le prénom Amelia pour signer certains de ses écrits.

En 1927 et 1928, elle publia deux autres essais Justificación et Las Leyes secretas. Membre de la franc-maçonnerie, elle exprimait sa liberté de pensée, sa conception théosophique de la vie et de la mort, ses idées féministes et progressistes. Elle publiait ses livres à compte d’auteur et les vendait dans son magasin de chaussures, calle de Mesones n°6.

Elle écrivit aussi deux pièces de théâtre Cuando la vida calla et Los prisioneros del espacio.

Elle souhaitait supprimer les frontières, créer une monnaie universelle et en finir avec les famines. Elle créa le Partido Entero Humanista et se présenta aux élections législatives de 1933. Elle obtint seulement 15 voix.

Après le coup d’état franquiste, elle fut emprisonnée, puis transférée à Viznar et fusillée avec deux autres femmes en août 1936. On ne connaît pas exactement la date de sa mort. La légende populaire affirme qu’elle mourut en contemplant les étoiles qu’elle avait tant étudiées. Le fasciste Juan Luis Trescastro Medina (1877 -1954), avocat et membre de la CEDA, se vantait après-guerre dans les bars de Grenade d’avoir tué Federico García Lorca (« le metí dos tiros en el culo, por maricón ») et d’avoir exécuté Agustina González (« por puta »). Elle fut condamnée a posteriori ( juillet 1941) par la justice franquiste et sa famille dut payer une amende de 8 000 pesetas.

Sources :
Enriqueta Barranco Castillo. Agustina González López (1891-1936). Espiritista, teósofa, escritora y política, Editorial Universidad de Granada. 2019.

Javier Arroyo. Kedan suprimidas por konpleto siete konsonantes del kastellano. El País, 17/12/2019.

Juan I. Pérez. Agustina González López, La Zapatera, fusilada por romper moldes. Blog Foro de la Memoria. El Independiente de Granada, 7/09/2019.

Marta Sánchez Gento. La Zapatera, una granaína cruelmente asesinada que inventó el lenguaje del chat en los años 20. La Voz del sur, 15/11/2021.

Manifestation à Grenade. Mai 1931. Agustina González, ‘la Zapatera’ se trouve au centre.

Île de Pâques

Moaïs sur le flanc du volcan Rano Raraku dans l’est de l’île de Pâques. Janvier 2018.

Le Monde, 8 octobre 2022

Sur l’île de Pâques, les célèbres statues moaïs ont subi des « dommages irréparables » à la suite d’un incendie

Un cinquième des sculptures moaïs, inscrites au Patrimoine mondial de l’humanité, ont été abîmées par le feu qui a ravagé le Parc national Rapa Nui.

Environ 80 statues moaïs, emblématiques de l’île de Pâques, ont été endommagées, parfois de manière « irrémédiable », par un incendie qui s’est déclaré en début de semaine dans l’île située à 3 500 kilomètres des côtes chiliennes. « L’incendie de la carrière du volcan Rano Raraku a été éteint (…), causant toutefois des dommages irréparables au Patrimoine culturel de l’humanité », a déclaré vendredi 7 octobre le président chilien, Gabriel Boric.

Une centaine d’hectares du Parc national Rapa Nui ont été dévastés. Le feu a atteint la zone du volcan Rano Raraku, et la carrière où l’ancienne civilisation indigène Rapa Nui fabriquait ses statues moais. On y compte 416 de ces sculptures à différents stades de fabrication.

Les engins de pompiers n’ont pu accéder au site

En raison des flammes, de la fumée et de l’eau, environ 20 % des statues du site ont été endommagées, selon le maire de l’île, Pedro Edmunds, qui affirme que l’une d’elles a subi des « dommages irrémédiables ».

« Elle va rester là, telle quelle, jusqu’à ce que nous évaluions les dégâts, et puis nous ferons appel à l’humanité pour voir quelle solution nous pouvons envisager. » (…)

En raison de la géographie, les engins des pompiers n’ont pas pu accéder au site même de l’incendie, vraisemblablement d’origine criminelle. « Cet incendie a été provoqué par les éleveurs de bétail pour les pâturages. Tout l’indique », a déclaré le ministre de l’agriculture chilien, Esteban Valenzuela…”

Cette nouvelle me donne envie de crier.

Moaï abîmé par l’incendie de Rapa Nui, le 6 octobre 2022 (AFP).

Federico García Lorca – Antonio Machado

Georges Soria-Federico García Lorca (Chim – David Seymour). Madrid, Plaza Mayor. Printemps-été 1936.

Le poète fut arrêté dans sa ville de Grenade le 16 août 1936. Il s’était réfugié dans la maison de la famille Rosales Camacho, calle Angulo número 1 . Il s’y croyait à l’abri puisque les fils de cette famille étaient des membres influents de la Phalange, l’organisation fasciste de José Antonio Primo de Rivera. Federico était très ami avec le poète Luis Rosales (1910-1992, Prix Cervantès 1982), le plus jeune des frères. Dans la nuit du 17 au 18 août 1936, probablement vers deux heures du matin, il fut transféré en voiture jusqu’au village de Viznar, à neuf kilomètres de là. Peu de temps après, il fut assassiné près du village voisin d’Alfacar avec trois autres personnes : l’instituteur de Pulianas Dióscoro Galindo González et deux banderilleros célèbres de de Grenade: Francisco Galadí Melgar (“el Colores”) et Joaquín Arcollas Cabezas (“Magarza”), membres du syndicat anarchiste CNT. L’historien anglais Paul Preston estime qu’il y eut 5000 exécutions à Grenade pendant la Guerre civile.

La publication dans un hors-série du « Figaro » (28 juillet 2022) d’un entretien de huit pages de la journaliste Isabelle Schmitz avec l’essayiste d’extrême droite Pío Moa, pour qui les gauches sont entièrement responsables du déclenchement de la guerre civile en Espagne en 1936, a suscité l’indignation de nombreux historiens. Comment peut-on publier en France un livre de ce pseudo-historien engagé dans sa jeunesse dans les GRAPO (Groupes de résistance antifasciste du premier octobre), groupuscule terroriste d’inspiration maoïste et condamné par la justice espagnole en 1983 ? Les Éditions L’Artilleur ont pourtant traduit et édité son livre révisionniste Les Mythes de la guerre civile 1936-1939, sorti en Espagne en 2003.

Antonio Machado écrivit ce poème au mois d’octobre 1936. Il en donna une lecture publique, à Valence, sur la Place Castelar.

El crimen fue en Granada (Antonio Machado)

A Federico García Lorca

I

El crimen

Se le vio, caminando entre fusiles,
por una calle larga,
salir al campo frío,
aún con estrellas, de la madrugada.
Mataron a Federico
cuando la luz asomaba.
El pelotón de verdugos
no osó mirarle la cara.
Todos cerraron los ojos;
rezaron: ¡ni Dios te salva!
Muerto cayó Federico
– sangre en la frente y plomo en las entrañas –
…Que fue en Granada el crimen
sabed – ¡pobre Granada! -, en su Granada.

II

El poeta y la muerte

Se le vio caminar solo con Ella,
sin miedo a su guadaña.
– Ya el sol en torre y torre, los martillos
en yunque – yunque y yunque de las fraguas.
Hablaba Federico,
requebrando a la muerte. Ella escuchaba.
“Porque ayer en mi verso, compañera,
sonaba el golpe de tus secas palmas,
y diste el hielo a mi cantar, y el filo
a mi tragedia de tu hoz de plata,
te cantaré la carne que no tienes,
los ojos que te faltan,
tus cabellos que el viento sacudía,
los rojos labios donde te besaban…
Hoy como ayer, gitana, muerte mía,
qué bien contigo a solas,
por estos aires de Granada, ¡mi Granada!”

III

Se le vio caminar…
Labrad, amigos,
de piedra y sueño, en el Alhambra,
un túmulo al poeta,
sobre una fuente donde llore el agua,
y eternamente diga:
el crimen fue en Granada, ¡en su Granada!

Le crime a eu lieu à Grenade

A Federico García Lorca

I

Le crime

On le vit, avançant au milieu des fusils,
Par une longue rue,
Sortir dans la campagne froide,
Sous les étoiles, au point du jour.
Ils ont tué Federico
Quand la lumière apparaissait.
Le peloton de ses bourreaux
N’osa le regarder en face.
Ils avaient tous fermé les yeux ;
Ils prient : Dieu même n’y peut rien !
Et mort tomba Federico
– Du sang au front, du plomb dans les entrailles –
… Apprenez que le crime a eu lieu à Grenade
– Pauvre Grenade! – , sa Grenade…

II

Le poète et la mort

On le vit s’avancer seul avec Elle,
Sans craindre sa faux.
– Le soleil déjà de tour en tour, les marteaux
Sur l’enclume – sur l’enclume des forges.
Federico parlait ;
Il courtisait la mort. Elle écoutait
« Puisque hier, ma compagne, résonnaient dans mes vers
Les coups de tes mains desséchées,
Qu’à mon chant tu donnas ton froid de glace
Et à ma tragédie le fil de ta faucille d’argent,
Je chanterai la chair que tu n’as pas,
Les yeux qui te manquent,
Les cheveux que le vent agitait,
Les lèvres rouges que l’on baisait…
Aujourd’hui comme hier, ô gitane, ma mort,
Que je suis bien, seul avec toi,
Dans l’air de Grenade, ma Grenade !»

III

On le vit s’avancer…
Élevez, mes amis,
Dans l’Alhambra, de pierre et de songe,
Un tombeau au poète,
Sur une fontaine où l’eau gémira
Et dira éternellement :
Le crime a eu lieu à Grenade, sa Grenade !

Poésie de guerre, 1936-1939. Traduction : Bernard Sesé.

Baeza (Jaén), calle san Pablo. Statue d’ Antonio Machado (Antonio Pérez Almahan) (2009).

La Grande Rafle (La Gran Redada o Prisión general de gitanos ).

L’Espagne est le pays d’Europe qui accueille la plus grande communauté de Gitans. Ils sont présents dans le pays depuis le début du XVe siècle. Ils seraient arrivés en 1425 comme pèlerins chrétiens et auraient obtenu un laissez-passer du roi d’Aragon, Alfonso V (1396-1458). Au début du XXIe siècle, il y avait environ 800 000 Gitans dans la péninsule.
Le 30 juillet 1749, est un jour marqué d’infamie dans l’histoire de l’Espagne. Un plan fut imaginé par l’évêque d’Oviedo (Asturies), alors gouverneur du Conseil de Castille, Gaspar Vázquez Tablada (1688-1749). Il fut mené à bien par le Marquis de La Ensenada (1706-1781), principal ministre du roi Ferdinand VI (1713-1759, roi d’Espagne et des Indes de 1746 à 1759, troisième de la dynastie des Bourbons, surnommé «el Prudente» ou «el Justo» !) qui autorisa l’opération. Le père jésuite Francisco Rávago, confesseur de Ferdinand VI déclara : « Les moyens proposés par le gouverneur du conseil pour extirper cette mauvaise race odieuse à Dieu et pernicieuse pour l’homme me semblent bons. Le roi ferait un grand cadeau à Dieu, notre Seigneur, s’il parvenait à se débarrasser de ces gens. ». L’opération reçut de plus l’aval du Vatican.

Marquis de La Ensenada v 1750. (Jacopo Amigoni 1682 – 1752).


Au cours de ce « mercredi noir », entre 9 000 et 12 000 gitans ( hommes, femmes et enfants ) furent arrêtés. Les hommes et les enfants de plus de 7 ans furent envoyés aux travaux forcés dans les arsenaux de la marine ; les femmes et les enfants de moins de 7 ans furent incarcérés ou condamnés à des travaux forcés. Pendant leur captivité, de nombreuses femmes gitanes prirent soin de bébés arrachés à des familles qui avaient été dispersées dans les régions les plus inhospitalières de la péninsule et même au nord du Maroc.
Les Gitans vécurent alors une période de terreur. Ils étaient accusés d’être des délinquants, de ne pas accepter les lois de la monarchie absolue, de ne pas respecter certains dogmes de l’Église catholique. Du jour au lendemain, on leur enleva leurs moyens de subsistance et on les éloigna de leurs foyers. Leurs biens furent saisis et vendus aux enchères pour couvrir les frais encourus par cette opération qui fut coordonnée par les autorités sur l’ensemble du territoire national. Il s’agissait d’un véritable plan de réclusion et d’extermination. Ce n’était pas le premier. Des rafles assez similaires avaient eu lieu en 1571 et 1637, mais elles ne furent pas aussi impitoyables. On doit rappeler qu’en 1749 les Gitans étaient déjà installés dans les villes. Dès 1499, ils ne pouvaient exercer que certains métiers et le nomadisme était interdit (“Pragmática” de Medina del Campo.)
Pendant ces années d’enfermement, il y eut des mutineries et des révoltes, menées le plus souvent par les femmes. De grandes évasions eurent lieu aussi, par exemple celle de la Casa de La Misericordia de Saragosse. Certaines furent couronnées de succès.

Cadix, Château de Santa Catalina.


Une amnistie fut promulguée en 1763 sous le règne de Charles III (1716-1788, roi d’Espagne de 1759 à 1788), mais il fallut attendre 1765 pour qu’elle soit effective. Pendant seize ans, des hommes, des femmes et des enfants moururent à cause des conditions de vie déplorables et de la répression militaire.
La culture et l’existence même du peuple gitan étaient niées. La communauté Rom d’Espagne toute entière ne s’est jamais remise complètement de ce sombre épisode du Siècle des Lumières. En effet, la rafle a eu des effets dévastateurs. Les structures internes de la communauté ont été bouleversées à la suite de la déportation, de l’internement, de l’envoi aux travaux forcés, des mauvais traitements et du meurtre de milliers de ses membres. Les spécialistes en veulent pour preuve la disparition, au bout de quelques décennies, du « caló », mélange de romani et de castillan propre aux Roms d’Espagne. La confiance dans les institutions et dans ses dirigeants a été mise à mal et cela dure encore aujourd’hui. Le traitement auquel a été soumis cette communauté n’a fait qu’accentuer le racisme et la marginalisation sociale. Le pouvoir civil, militaire et religieux a légitimé par ses actes l’idée que les Gitans n’étaient pas dignes de respect et de confiance.
Les préjugés envers les Gitans sont encore profondément ancrés dans la population espagnole. Le règlement de la Garde Civile précisait encore en 1978 : “ Se vigilará escrupulosamente a los gitanos, cuidando mucho de reconocer todos los documentos que tengan, confrontar sus señas particulares, observar sus trajes, averiguar su modo de vida […] ”.
Des associations et des instances représentatives ont vu le jour dans les années 1980 et ont lutté pour une meilleure intégration grâce à l’éducation et au travail. L’Espagne est l’un des rares pays à avoir donné a cette communauté le statut de minorité nationale. Le 30 juillet 2020, Pablo Iglesias, alors vice-président du gouvernement de Pedro Sánchez, a demandé pardon au peuple gitan pour le racisme institutionnel.

Les Gitans sont souvent socialement marginalisés mais culturellement appréciés.

La camisa de Camarón (Pablo Julià) 1989.

https://www.youtube.com/watch?v=tTvqC0pJsck

(Merci à Alfon Fernández)