José Ángel Valente

José Ángel Valente (Manuel Álvarez).

José Ángel Valente est né à Orense (Galice) le 25 avril 1929. Après des études de droit à Saint-Jacques de Compostelle et de philologie romane à Madrid (Licence à l’Université Complutense ), il est lecteur à Oxford. Il s’installe en 1958 à Genève et occupe un poste de traducteur à l’Organisation Mondiale de la Santé. Il dirige ensuite un département de l’Unesco à Paris. C’est un poète, essayiste et traducteur (Constantin Cavafis, Paul Celan, John Donne, Edmond Jabès, John Keats, Eugenio Montale, Dylan Thomas entre autres). Á la retraite, il s’installe dans la province d’Almería, poussé par ” l’appel ardent de la lumière ” ( “la irrenunciable llamada de la luz” ) . Il participe à la vie culturelle de la région et à la défense du Parc Naturel Cabo de Gata-Níjar. On peut visiter sa maison ( Casa del Poeta, calle José Ángel Valente n°7 à Almería) Il meurt d’un cancer à Genève le 18 juillet 2000. C’est l’une des grandes voix poétiques de l’Espagne de la seconde partie du XX ème siècle. On le classe habituellement parmi les poètes de la Génération de 1950.

– Prix Príncipe de Asturias de las Letras ( 1988 ).

– Prix Reina Sofía de Poesía Iberoamericana ( 1998 ).

– Prix national de littérature (Poésie) ( 2001 ) à titre posthume pour Fragmentos de un libro futuro.

On peut le lire facilement en français dans les excellentes traductions de Jacques Ancet : Trois leçons de ténèbres – Mandorle – L’Eclat. Poésie/Gallimard n°321. 1998.

Faro de Cabo de Gata (Almería) – Arrecife de las Sirenas.

J’ai choisi trois textes de ce poète.

El cabo entra en las aguas como el perfil de un muerto o de un durmiente con la cabellera anegada en el mar. El color no es color; es tan sólo la luz. Y la luz sucedía a la luz en láminas de tenue transparencia. El cabo baja hacia las aguas, dibujado perfil por la mano de un dios que aquí encontrara acabamiento, la perfección del sacrificio, delgadez de la línea que engendra un horizonte o el deseo sin fin de lo lejano. El dios y el mar. Y más allá, los dioses y los mares. Siempre. Como las aguas besan las arenas y tan sólo se alejan para volver, regreso a tu cintura, a tus labios mojados por el tiempo, a la luz de tu piel que el viento bajo de la tarde enciende. Territorio, tu cuerpo. El descenso afilado de la piedra hacia el mar, del cabo hacia las aguas. Y el vacío de todo lo creado envolvente, materno, como inmensa morada.

(Cabo de Gata) (4.X.1992)

Fragmentos de un libro futuro, 2000.

Le cap entre dans les eaux comme le profil d’un mort ou d’un dormeur, la chevelure noyée dans la mer. La couleur n’est pas la couleur ; elle n’est que la lumière. Et la lumière succédait à la lumière en lames d’une légère transparence. Le cap descend jusqu’aux eaux, profil tracé par la main d’un dieu qui aurait ici trouvé son terme, la perfection du sacrifice, la pureté de la ligne qui engendre un horizon ou le désir sans fin des lointains. Le dieu et la mer. Et au-delà, les dieux et les mers. Toujours. Comme les eaux déposent un baiser sur le sable et ne s’éloignent que pour revenir, je retourne à ta taille, à tes lèvres humectées par le temps, à l’éclat de ta peau que le vent bas de la soirée fait briller. Territoire, ton corps. La déclinaison tranchante de la pierre vers la mer, du cap vers les eaux. Et le vide de tout le créé enveloppant, maternel, comme une immense demeure.

(Cabo de Gata) (4.X.1992)

Fragments d’un livre futur. Librairie José Corti, Collection Ibériques, 2002. Traduction et préface de Jacques Ancet.

Ha pasado algún tiempo. El tiempo pasa y no deja nada. Lleva, arrastra muchas cosas contigo. El vacío, deja el vacío. Dejarse vaciar por el tiempo como se dejan vaciar los pequeños crustáceos y moluscos por el mar. El tiempo es como el mar. Nos va gastando hasta que somos transparentes. Nos da la transparencia para que el mundo pueda verse a través de nosotros o puedo oírse como oímos el sempiterno rumor del mar en la concavidad de una caracola. El mar, el tiempo, alrededores de lo que no podemos medir y nos contiene.

(Desde del otro costado) (4.IX.1993)

Fragmentos de un libro futuro, 2000.

Un peu de temps a passé. Le temps passe et ne laisse rien. Il emporte, il traîne beaucoup de choses avec lui. Le vide, il laisse le vide. Se laisser vider par le temps comme les petits crustacés et les mollusques se laissent vider par la mer. Le temps est comme la mer. Il nous use jusqu’à être transparents. Il nous donne la transparence pour que le monde puisse se voir à travers nous ou puisse s’entendre comme nous entendons la sempiternelle rumeur de la mer dans le creux d’un coquillage. La mer, le temps, alentours de ce que nous ne pouvons mesurer et qui nous contient.

(Depuis l’autre côté) (4.IX.1993)

Fragments d’un livre futur. José Corti, 2002. Traduction de Jacques Ancet.

El amor está en lo que tendemos

El amor está en lo que tendemos
(puentes, palabras).

El amor está en todo lo que izamos
(risas, banderas).

Y en lo que combatimos
(noche, vacío)
por verdadero amor.

El amor está en cuanto levantamos
(torres, promesas).

En cuanto recogemos y sembramos
(hijos, futuro).

Y en las ruinas de lo que abatimos
(desposesión, mentira)
por verdadero amor.

Breve son. 1968.

L’amour est dans ce que nous lançons.

L’amour est dans ce que nous lançons
(ponts, paroles).

L’amour est dans tout ce que nous hissons
(rires, drapeaux).

Et dans ce que nous combattons
(nuit, vide)
pour le véritable amour.

L’amour est dans tout ce que nous levons
(tours, promesses).

Dans tout ce que nous cueillons et semons
(enfants, futur).

Et dans les ruines de ce que nous abattons
(dépossession, mensonge)
pour le véritable amour.

Poésie espagnole. Anthologie 1945-1990. Unesco et Actes Sud, 1995. Traduction Claude de Frayssinet.

José Ángel Valente

Ángel Valente (Manuel Álvarez)José

Après avoir vu l’exposition de la BnF, je relis ces jours derniers les poèmes de Baudelaire, mais aussi ceux de José Ángel Valente. Pas de de rapport entre ces deux écrivains.
Je parcours Fragmentos de un libro futuro. Galaxia Gutenberg Círculo de Lectores, 2000. ( Édition française : Fragments d’un livre futur. Éditions José Corti, 2002. Traduction de Jacques Ancet. )
José Ángel Valente souhaitait publier ce recueil à titre posthume. Il est constitué de quatre-vingt-douze poèmes. Ils sont retranscrits dans l’ordre chronologique par date de composition. Ils couvrent les dix dernières années de la vie de ce poète galicien qui appartient à la génération de l’après-guerre civile ( Generación del 50 ). Dans cette sorte de journal, il revient sur ses sujets de prédilection : les questions métaphysiques, la douleur provoquée par la disparition des êtres chers. Son fils, Antonio, est mort d’une overdose en 1990. Le pressentiment de sa mort prochaine est très présente. On remarque dans ces poèmes le dépouillement, la simplicité du lexique, l’absence de sentimentalisme. La nostalgie colore tout ce qui illumine la vie : la chair, le désir, l’amour, la lumière.

José Ángel Valente est né à Orense (Galice). Après des études de philologie romane à Madrid (Licence à l’Université Complutense de Madrid), il est lecteur à Oxford. Il s’installe en 1958 à Genève et occupe jusqu’en 1975 un poste de fonctionnaire international. C’est un poète, essayiste et traducteur (Constantin Cavafis, Paul Celan, John Donne, Edmond Jabès, John Keats, Eugenio Montale, Dylan Thomas entre autres). Il meurt à Genève le 18 juillet 2000.

– Prix Príncipe de Asturias de las Letras ( 1988 ).

– Prix Reina Sofía de Poesía Iberoamericana ( 1998 ).

– Prix national de littérature (Poésie) ( 2001 ) à titre posthume pour Fragmentos de un libro futuro.

On peut le lire facilement en français dans les excellentes traductions de Jacques Ancet : Trois leçons de ténèbres – Mandorle – L’Eclat. Poésie/Gallimard n°321. 1998.

Llorar por lo perdido cuando no deja huella el pie en la arena que no sea borrada por la cierta sucesión de las aguas.

( 28.VI.1991 )

Pleurer ce qui est perdu quand le pied ne laisse sur le sable trace qui ne soit effacée par la succession certaine des eaux.

( 28.VI.1991 )

A Andrés Sánchez Robayna

El humo aciago de las víctimas.

Todo se deshacía en el aire.
La historia como el viento dorado del otoño
arrastraba a su paso los gemidos, las hojas, las cenizas,
para que el llanto no tuviera fundamento.
Disolución falaz de la memoria.
Parecía
como si todo hubiera sido para siempre borrado.

Para jamás, me digo.
Para nunca.

( Sonderaktion, 1943 ) ( 7.08.1992 )

A Andrés Sánchez Robayna

La fumée sinistre des victimes.

Tout se défaisait dans l’air.
L’histoire comme le vent doré de l’automne
traînait à son passage les gémissements, les feuilles, les cendres,
pour que les pleurs soient sans fondement.
Fausse dissolution de la mémoire.
On aurait dit
que tout avait été toujours effacé.

Á jamais, me dis-je.
Á tout jamais.

( Sonderaktion, 1943 ) ( 7.08.1992 )

Ha pasado algún tiempo. El tiempo pasa y no deja nada. Lleva, arrastra muchas cosas contigo. El vacío, deja el vacío. Dejarse vaciar por el tiempo como se dejan vaciar los pequeños crustáceos y moluscos por el mar. El tiempo es como el mar. Nos va gastando hasta que somos transparentes. Nos da la transparencia para que el mundo pueda verse a través de nosotros o puedo oírse como oímos el sempiterno rumor del mar en la concavidad de una caracola. El mar, el tiempo, alrededores de lo que no podemos medir y nos contiene.

( Desde del otro costado )( 4.IX.1993 )

Un peu de temps a passé. Le temps passe et ne laisse rien. Il emporte, il traîne beaucoup de choses avec lui. Le vide, il laisse le vide. Se laisser vider par le temps comme les petits crustacés et les mollusques se laissent vider par la mer. Le temps est comme la mer. Il nous use jusqu’à être transparents. Il nous donne la transparence pour que le monde puisse se voir à travers nous ou puisse s’entendre comme nous entendons la sempiternelle rumeur de la mer dans le creux d’un coquillage. La mer, le temps, alentours de ce que nous ne pouvons mesurer et qui nous contient.

( Depuis l’autre côté)(4.IX.1993 )

Caminabas despacio.

Tu cuerpo fatigado aún arrastraba
la absoluta ruina
de ti.

Te acariciaba tenuemente el sol.
Tú ibas disolviéndote en su luz.

Quedaban todavía algunos pasos.
¿Hacia dónde?
Ni siquiera sabías
con certeza cuántos podrías dar.

( La certeza ) ( 31.III.1996 )

Tu marchais lentement.

Ton corps fatigué traînait encore
la ruine absolue
de toi-même.

Le soleil te caressait doucement.
Tu te dissolvais peu à peu dans sa lumière.

Il restait encore quelques pas.
Mais vers où ?
Tu ne savais même pas
avec certitude combien tu pourrais en faire.

( La certitude ) ( 31.III.1996 )

Cima del canto.
El ruiseñor y tú
ya sois lo mismo.

( Anónimo: versión )( 25.V.2000 )

Cime du chant.
Le rossignol et toi
n’êtes plus qu’un.

( Anonyme: version ) ( 25.V.2000 )

Francisco de Quevedo – José Ángel Valente 1929 – 2000

Madrid, Glorieta de Quevedo.

Nostalgie de Madrid!
La glorieta de Quevedo est une place importante du quartier de Chamberí à Madrid. Au centre se trouve une sculpture de l’écrivain espagnol du Siècle d’or en marbre de Carrare, œuvre d’ Agustín Querol (1860-1909). Elle date de 1902.
Quatre sculptures allégoriques (la Satire, la Poésie, la Prose et l’Histoire) apparaissent sur le socle en calcaire.
La calle de Fuencarral, la calle de San Fernando et la calle de Bravo Murillo débouchent sur cette place. La statue se trouvait primitivement Plaza de Alonso Martínez. José Ángel Valente a dédié un poème à cette statue .

José Ángel Valente.

A Don Francisco de Quevedo, en piedra

«cavan en mi vivir mi monumento»

Yo no sé quién te puso aquí, tan cerca
–alto entre los tranvías y los pájaros–
Francisco de Quevedo, de mi casa.

Tampoco sé qué mano
organizó en la piedra tu figura
o sufragó los gastos,
los discursos, la lápida,
la ceremonia, en fin, de tu alzamiento.

Porque arriba te han puesto y allí estás
y allí, sin duda alguna, permaneces,
imperturbable y quieto,
igual a cada día,
como tú nunca fuiste.

Bajo cada mañana
al café de la esquina,
resonante de vida,
y sorbo cuanto puedo
el día que comienza.

Desde allí te contemplo en pie y en piedra,
convidado de tal piedra que nunca
bajarás cojeando
de tu propia cojera
a sentarte en la mesa que te ofrezco.

Arriba te dejaron
como una teoría de ti mismo,
a ti, incansable autor de teorías
que nunca te sirvieron
más que para marchar como un cangrejo
en contra de tu propio pensamiento.

Yo me pregunto
qué haces allá arriba, Francisco
de Quevedo, maestro,
amigo, padre,
con quien es grato hablar,
difícil entenderse,
fácil sentir lo mismo:
cómo en el aire rompen
un sí y un no sus poderosas armas,
y nosotros estamos
para siempre esperando
la victoria que debe
decidir nuestra suerte.

Yo me pregunto si en la noche lenta,
cuando el alma desciende a ras de suelo,
caemos en la especie y reina
el sueño, te descuelgas
de tanta altura, dejas
tu máscara de piedra,
corres por la ciudad,
tientas las puertas
con que el hombre defi ende como puede
su secreta miseria
y vas diciendo a voces:

– Fue el soy un será, pero en el polvo
un ápice hay de amor que nunca muere.

¿O acaso has de callar
en tu piedra solemne,
enmudecer también,
caer de tus palabras,
porque el gran dedo un día
te avisara silencio?

Dime qué ves desde tu altura.
Pero tal vez lo mismo. Muros, campos,
solar de insolaciones. Patria. Falta
su patria a Osuna, a ti y a mí y a quien
la necesita.
Estamos
todos igual y en idéntico amor
podría comprenderte.
Hablamos
mucho de ti aquí abajo, y día a día
te miro como ahora, te saludo
en tu torre de piedra,
tan cerca de mi casa,
Francisco de Quevedo, que si grito
me oirás en seguida.

Ven entonces si puedes,
si estás vivo y me oyes
acude a tiempo, corre
con tu agrio amor y tu esperanza – cojo,
mas no del lado de la vida – si eres
el mismo de otras veces.

Poemas a Lázaro (1955-1960). Madrid, Índice, 1960 (Premio de la Crítica 1961).

John Cornford 1

J’ai acheté cette semaine chez Gibert le roman de Javier Reverte, Banderas en la niebla. J’avais lu avec interêt il y quelque temps El tiempo de los héroes (2013), qui évoquait la figure du général républicain espagnol, Juan Modesto (1906-1969). Ce nouveau roman traite des combats sur le front d’Andalousie pendant la Guerre Civile espagnole et bien sûr de la bataille de Lopera (Jaén) qui se déroula du 27 au 29 décembre 1936. Des centaines de brigadistes de la XIV Brigade Internationale moururent alors. Parmi eux se trouvaient les poètes anglais Ralph Fox (1900-1936) et John Cornford (1915-1936). Dans son épilogue, Javier Reverte nous dit que plusieurs poèmes ont été écrits en mémoire du jeune poète John Cornford, arrière-petit-fils de Charles Darwin. Il se réfère surtout à un poème de José María Valverde (1926-1996) qui aurait situé la bataille de Lopera dans la province de Cordoue et non dans celle de Jaén. Il commet lui-même une erreur puisqu’il confond José María Valverde et un poète bien plus important, José Ángel Valente (1929-2000) qui fait partie de la Génération de 1950.

John Cornford, 1936 (José Ángel Valente)

                           Only in constant action was his constant certainty found.
                           He will throw a longer shadow as time recedes.

John Cornford, veintiún años
ametrallados sobre el aire
en que han nacido estas palabras.

El corazón de los fusiles
siguió latiendo inútilmente
cuando ya nunca alcanzaría
el rastro claro tu sangre.

Esto fue en Córdoba, en diciembre
en las montañas, combatiendo.

Después cayó, como dijiste,
la noche larga sobre Europa.
Los poetas retrocedieron
a su pasión consolatoria
y aquellas horas de amistad
en un ejército del pueblo
fueron borradas con la cola
subrepticia de la tristeza
en el tumulto repentino.

Así pasó, en efecto, todo.
Los años treinta en estampida
with the unnemployed demonstrators
carring «the coffin» to the Station.
Palidecieron los retratos.
Cedió el viento y se fue el público
y cundió la desesperanza.

Otros cayeron,
Entre el humo
de las ruinas y otras cosas
no apaciguadas por el tiempo
se levanta tu cuerpo joven.
De tú a tú puedes hablarnos
John Cornford, hermano nuestro,
de tú a tú como se hablan
en la verdad los hombres vivos.

Al rehacer aquella hora
cuento despacio tus palabras.
La inteligencia aún se pasea
en tren de lujo por los versos
mientras espera que otros caigan
para sentir horror de pronto.

Mas para ti solo fue uno
el camino de la certeza.
No quisiste huir de la vida
con el disfraz del pensamiento.

Así estás igual a ti mismo
con la pasión que aquí te trajo.
Un solo acto de vida y muerte,
la fe y el verso un solo acto.
Ametrallados, no vencidos,
Veintiún años, en diciembre,
Córdoba sola, un solo acto
tu juventud y la esperanza.

Obra poética 1. Punto cero (1953-1976)

José Ángel Valente en su casa de Almería.