Joseph Conrad

J’ai vu d’abord le film Lord Jim de Richard Brooks avec Peter O’Toole. Il date de 1965. Je n’ai lu le roman que bien plus tard. Richard Brooks se demandait pourquoi il avait passé plus de trois ans à réaliser son adaptation du roman de Joseph Conrad.

«Parmi les différents thèmes utilisés dans Lord Jim, expliquait-il, un en particulier demeure présent en ma mémoire depuis que j’ai lu pour la première fois le livre au lycée : c’est le thème de l’homme qui cherche et trouve une seconde chance. C’est un thème commun à la plupart des hommes. (…) C’est l’épine dorsale du film.»

Film intéressant de 154 minutes. Richard Brooks a peut-être eu du mal à maîtriser la grosse machine hollywoodienne: une équipe de techniciens britanniques, une bonne distribution, plus de 4 tonnes d’équipement transportées dans les ports et les jungles d’Asie du Sud-Est. Le livre, lui, est, passionnant

http://www.institut-lumiere.org/manifestations/lord-jim.html

Joseph Conrad. Lord Jim. Traduction: Philippe Neel. Édition de la nouvelle revue française. 1924. Incipit.

I

“Il avait six pieds, moins un ou deux pouces, peut-être; solidement bâti, il s’avançait droit sur vous, les épaules légèrement voûtées et la tête en avant, avec un regard fixe venu d’en dessous, comme un taureau qui va charger. Sa voix était profonde et forte, et son attitude trahissait une sorte de hauteur morose, qui n’avait pourtant rien d’agressif. On aurait dit d’une réserve qu’il s’imposait à lui-même autant qu’il l’opposait aux autres. D’une impeccable netteté, et toujours vêtu, des souliers au chapeau, de blanc immaculé, il était très populaire dans les divers ports d’Orient, où il exerçait son métier de commis maritime chez les fournisseurs de navires.”

CHAPTER 1

“He was an inch, perhaps two, under six feet, powerfully built, and he advanced straight at you with a slight stoop of the shoulders, head forward, and a fixed from-under stare which made you think of a charging bull. His voice was deep, loud, and his manner displayed a kind of dogged self-assertion which had nothing aggressive in it. It seemed a necessity, and it was directed apparently as much at himself as at anybody else. He was spotlessly neat, apparelled in immaculate white from shoes to hat, and in the various Eastern ports where he got his living as ship-chandler’s water-clerk he was very popular.»

Joseph Conrad

Joseph Conrad.

Joseph Conrad ( de son vrai nom Józef Teodor Konrad Korzeniowski) est né le 3 décembre 1857 à Berditchev (Ukraine, alors Empire russe). Il est mort le 3 août 1924 à Bishopsbourne (Angleterre). Ce Polonais est un des écrivains majeurs en langue anglaise du XX ème siècle.

Youth. 1898. Jeunesse. Traduit par G. Jean-Aubry Gallimard Paris, 1925.

«And we all nodded at him: the man of finance, the man of accounts, the man of law, we all nodded at him over the polished table that like a still sheet of brown water reflected our faces, lined, wrinkled; our faces marked by toil, by deceptions, by success, by love; our weary eyes looking still, looking always, looking anxiously for something out of life, that while it is expected is already gone—has passed unseen, in a sigh, in a flash—together with the youth, with the strength, with the romance of illusions.»

«Et tous nous l’approuvions: l’homme de finance, l’homme de chiffres, l’homme de loi, tous nous l’approuvions, par-dessus la table polie, qui comme une immobile nappe d’eau brune, réfléchissait nos visages sillonnés et ridés, nos visages marqués par le travail, par les déceptions, par le succès, par l’amour, et nos yeux las cherchant encore, cherchant toujours, cherchant avidement à arracher à la vie ce quelque chose qui, alors qu’on l’attend encore, s’est déjà dissipé – a passé à notre insu, dans un soupir, dans un éclair -avec la jeunesse, avec la force, avec la séduction romanesque des illusions.»