Louise Glück

Louise Glück.

Louise Glück, poétesse américaine et prix Nobel de littérature en 2020, est morte à quatre-vingts ans d’un cancer le 13 octobre 2023 à Cambridge (Massachusetts). Son dernier recueil de poésie, Recueil collectif de recettes d’hiver, est sorti en France le 9 novembre 2023 dans la collection Du Monde entier (Gallimard), en même temps qu’un volume de la collection Poésie/Gallimard : L’iris sauvage – Meadowlands – Averno, avec une préface inédite de sa traductrice Marie Olivier.

Ce livre a été écrit après l’attribution du prix Nobel. Il est composé de quinze poèmes assez longs. Le lyrisme est retenu, la langue simple, les situations quotidiennes et familières. Ils renvoient au silence et à l’obscurité. Le premier texte, magnifique, incite à lire tous les autres dans la foulée.

Poème

Le jour et la nuit arrivent
main dans la main comme un garçon et une fille
s’arrêtant seulement pour manger des baies sauvages dans un plat
décoré de peintures d’oiseaux.

Ils gravissent la haute montagne couverte de glace,
puis ils s’envolent au loin. Mais toi et moi
ne faisons pas de telles choses –

Nous gravissons la même montagne ;
je prie pour que le vent nous soulève
mais cela ne fonctionne pas ;
tu caches ta tête afin de ne pas
voir la fin –

toujours plus bas, toujours plus bas, toujours plus bas, toujours plus bas
voilà où le vent nous emmène ;

j’essaie de te réconforter
mais les mots ne sont pas la réponse ;
je chante pour toi comme mère chantait pour moi –

Tes yeux sont fermés. Nous dépassons
le garçon et la fille que nous avons vus au début ;
maintenant ils sont sur un pont de bois ;
je peux voir leur maison derrière eux ;

comme vous allez vite nous crient-ils,
mais non, le vent nous rend sourds,
c’est lui que nous entendons –

Et puis, nous tombons tout simplement –

Et le monde passe,
tous les mondes, chacun plus beau que le précédent ;

je touche ta joue pour te protéger –

Recueil collectif de recettes d’hiver. Gallimard, 2023. Traduction: Marie Olivier.

Poem

Day and night come
hand in hand like a boy and a girl
pausing only to eat wild berries out of a dish
painted with pictures of birds.

They climb the high ice-covered mountain,
then they fly away. But you and I
don’t do such things—

We climb the same mountain;
I say a prayer for the wind to lift us
but it does no good;
you hide your head so as not
to see the end—

Downward and downward and downward and downward
is where the wind is taking us;

I try to comfort you
but words are not the answer;
I sing to you as mother sang to me—

Your eyes are closed. We pass
the boy and girl we saw at the beginning;
now they are standing on a wooden bridge;
I can see their house behind them;

How fast you go they call to us,
but no, the wind is in our ears,
that is what we hear—

And then we are simply falling—

And the world goes by,
all the worlds, each more beautiful than the last;

I touch your cheek to protect you—

Winter Recipes from the Collective. Farrar, Straus, and Giroux, 2021.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.