Portrait d’Arthur Rimbaud (Jean-Louis Forain). 1872. Dessin au lavis redécouvert par Jean-Jacques Lefrère.
Je relis Rimbaud et je me plonge dans la biographie publiée par le regretté Jean-Jacques Lefrère (1954 – 2015 ). Ce médecin, hématologue, directeur général de l’Institut national de Transfusion sanguine était aussi un spécialiste de Rimbaud, de Lautréamont et de Jules Laforgue. Il a publié Arthur Rimbaud Biographie chez Fayard en 2001. On peut lire aussi cet ouvrage de référence dans la collection Bouquins de Robert Laffont (édition de 2020). Jean-Jacques Lefrère codirigeait la revue par abonnement Histoires littéraires avec l’universitaire canadien Michel Pierssens. Il a réussi à retrouver des photos et des documents inédits de Lautréamont, de Rimbaud, de Laforgue mais aussi de Boris Vian et même des photos de Che Guevara !
Je relis le superbe poème de Rimbaud Larme. Ce texte de mai 1872 se trouve dans le recueil Vers nouveaux.
Larme (Arthur Rimbaud) Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises, Je buvais, accroupi dans quelque bruyère Entourée de tendres bois de noisetiers, Par un brouillard d’après-midi tiède et vert.
Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise, Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert. Que tirais-je à la gourde de colocase ? Quelque liqueur d’or, fade et qui fait suer.
Tel, j’eusse été mauvaise enseigne d’auberge. Puis l’orage changea le ciel, jusqu’au soir. Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches, Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.
L’eau des bois se perdait sur des sables vierges, Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares… Or ! tel qu’un pêcheur d’or ou de coquillages, Dire que je n’ai pas eu souci de boire !
Mai 1872.
Vers nouveaux.
On peut remarquer l’utilisation de l’ hendécasyllable (vers de 11 syllabes), ce qui est assez rare dans la poésie française, mais on peut le trouver aussi chez Banville et Verlaine. Rimbaud, poète voyant, est un chercheur d’or, un pêcheur de perles. Mais le texte se termine sur un sentiment d’échec, de frustration.
Après le Bal, le fêtard (Jean-Louis Forain). 1882. Pastel sur papier. Memphis, Dixon Gallery and Gardens.
Le texte de l’autographe de ce poème a été donné au peintre Jean-Louis Forain (1852-1931) qui a 19 ans lorsqu’il rencontre Rimbaud en 1871. Il est surnommé Gavroche par la bande des zutistes. Le Cercle des poètes zutiques a été fondé par Charles Cros à partir de septembre-octobre 1871. Ils se retrouvent dans un local de l’hôtel des Étrangers, à l’angle des rues Racine et de l’École-de-Médecine. Forain héberge Rimbaud rue Campagne-Première de janvier à mars 1872 dans une chambre louée par Verlaine. Il sert aussi de messager entre les deux poètes. C’est un de leurs compagnons de bamboche. Leur intimité a aussi fait jaser. La femme de Verlaine, Mathilde Mauté (1853-1914), dans Mémoiresde mavie, publiés en 1935 après sa mort chez Flammarion, rapporte les propos suivants tenus par son mari : “Quand je vais avec la petite chatte brune, je suis bon, parce que la petite chatte brune est très douce ; quand je vais avec la petite chatte blonde, je suis mauvais, parce que la petite chatte blonde est féroce.” Elle ajoute : “J’ai su que la petite chatte brune, c’était Forain et la petite chatte blonde, Rimbaud.”
Proche d’Edgar Degas, Forain participe plus tard à quatre des huit expositions impressionnistes (1879, 1880, 1881 et 1886). Il se marie en 1891, est nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1893 et devient membre de l’Institut en 1923. Opposé à la Troisième République, il est antidreyfusard comme Edgar Degas, Auguste Renoir, Auguste Rodin, Paul Cézanne ou Paul Valéry. Au plus fort de l’affaire Dreyfus, il crée, avec le dessinateur Caran d’Ache (1858-1909), Psst… !, un journal hebdomadaire satirique qui paraît en 1898 et 1899. Il y publie des caricatures atroces des juges ou d’Emile Zola. Plusieurs sont antisémites. Pendant la guerre de 1914-1918, il est nationaliste et patriotard. Sur la fin de sa vie, il n’évoque qu’avec réticence ses années de jeunesse.
Samedi, nous avons vu à la BnF François Mitterrand (Galeries 1 et 2) la très belle exposition Apocalypse Hier et demain (4 février – 8 juin 2025). Quelques 300 pièces. Des œuvres de Dürer, William Blake, Goya, Odilon Redon, Kandinsky, Ludwig Meidner, Natalia Gontcharova, Otto Dix, Antonin Artaud, Henri Michaux, Unica Zürn. Des contemporains aussi : Kiki Smith, Tacita Dean, Miriam Cahn, Abdelkader Benchamma, Anne Imhof.
Lettre du voyant (Arthur Rimbaud) à Paul Demeny. 15 mai 1871. Manuscrit. Paris, BnF. (CFA)
J’ai éprouvé une certaine émotion en voyant pour la première fois le manuscrit de la seconde lettre « du voyant ». Elle a été préemptée par la BnF en 1998 pour trois millions de francs. Ce texte de Rimbaud est touffu, parfois confus. Ses beaux éclairs sont très, très célèbres : « Je est un autre », « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens », « le poète est vraiment voleur de feu ». C’est devenu quasiment un texte sacré de la poésie moderne. Pourtant le thème de la voyance dans la poésie précède Rimbaud. On le retrouve dans la Bible, chez Hugo, Gautier, Baudelaire.
Première lettre
La première ( « la petite ») de ces deux lettres fut écrite le 13 mai 1871 et adressée à Georges Izambard (1848-1931), ancien professeur de Rimbaud au collège de Charleville. Elle fut publiée la première fois par Izambard en octobre 1928 dans la Revue européenne. Il avait quitté l’enseignement public pour le journalisme. Cette lettre contient le poème Le Cœursupplicié. Arthur Rimbaud dépeint sa situation et définit une nouvelle poétique.
Seconde lettre La seconde lettre « du voyant » ( « la grande ») fut adressée le 15 mai 1871 au poète Paul Demeny (1844-1918), ami de Georges Izambard. Rimbaud avait fait sa connaissance lors de son séjour à Douai en septembre 1870. Il lui avait confié ses poèmes recopiés avec soin avec l’espoir d’être publié (cahier de Douai). Paterne Berrichon (1855-1922) (pseudonyme de Pierre-Eugène Dufour), beau-frère posthume du poète, l’a fait connaître dans La Nouvelle Revue française le 1 octobre 1912. Elle a été reprise ensuite dans Le Grand jeu par Roger Gilbert-Lecomte (1907 – 1943). Elle contient trois poèmes : Chant de guerre parisien, Mes petites amoureuses et Accroupissements. Elle est plus précise et plus complète que la lettre précédente.
Arthur Rimbaud. Dessin de Paul Verlaine extrait du recueil des Poésies complètes de Rimbaud. 1895.
Charleville, 15 mai 1871
J’ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. Je commence de suite par un psaume d’actualité : CHANT DE GUERRE PARISIEN
Le Printemps est évident, car Du cœur des Propriétés vertes Le vol de Thiers et de Picard Tient ses splendeurs grandes ouvertes.
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Ô Mai ! quels délirants cul-nus ! Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières, Écoutez donc les bienvenus Semer les choses printanières ! —————- Ils ont schako, sabre et tam-tam Non la vieille boîte à bougies Et des yoles qui n’ont jam, jam… Fendent le lac aux eaux rougies ! —————-
Plus que jamais nous bambochons Quand arrivent sur nos tanières Crouler les jaunes cabochons Dans des aubes particulières ! —————–
Thiers et Picard sont des Éros Des enleveurs d’héliotropes Au pétrole ils font des Corots : Voici hannetonner leurs tropes… ————— Ils sont familiers du grand Truc !… Et couché dans les glaïeuls, Favre Fait son cillement aqueduc, Et ses reniflements à poivre ! —————
La Grand Ville a le pavé chaud Malgré vos douches de pétrole Et décidément il nous faut Vous secouer dans votre rôle… —————
Et les Ruraux qui se prélassent Dans de longs accroupissements Entendront des rameaux qui cassent Parmi les rouges froissements !
A. RIMBAUD.
– Voici de la prose sur l’avenir de la poésie – Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque, Vie harmonieuse. — De la Grèce au mouvement romantique, – moyen-âge, – il y a des lettrés, des versificateurs. D’Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu, avachissement et gloire d’innombrables générations idiotes : Racine est le pur, le fort, le grand. — On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin Sot serait aujourd’hui aussi ignoré que le premier venu auteur d’Origines. — Après Racine, le jeu moisit. Il a duré deux mille ans. Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m’inspire plus de certitudes sur le sujet que n’aurait jamais eu de colères un Jeune-France. Du reste, libre aux nouveaux ! d’exécrer les ancêtres : on est chez soi et l’on a le temps. On n’a jamais bien jugé le romantisme. Qui l’aurait jugé ? les critiques !! Les romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur ? Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène. Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs ! En Grèce, ai-je dit, vers et lyres, rythment l’Action. Après, musique et rimes sont jeux, délassements. L’étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s’éjouissent à renouveler ces antiquités : — c’est pour eux. L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes ramassaient une partie de ces fruits du cerveau ; on agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, l’homme ne se travaillant pas, n’étant pas encore éveillé, ou pas encore dans la plénitude du grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains : auteur, créateur, poète, cet homme n’a jamais existé ! La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ; cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! — Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage. Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant ! — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innommables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé ! – La suite à six minutes. – Ici j’intercale un second psaume hors du texte : veuillez tendre une oreille complaisante, – et tout le monde sera charmé. – J’ai l’archet en main, je commence :
MES PETITES AMOUREUSES
Un hydrolat lacrymal lave Les cieux vert-chou : Sous l’arbre tendronnier qui bave, Vos caoutchoucs
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Blancs de lunes particulières Aux pialats ronds, Entrechoquez vos genouillères Mes laiderons !
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Nous nous aimions à cette époque, Bleu laideron ! On mangeait des oeufs à la coque Et du mouron !
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Un soir, tu me sacras poète Blond laideron : Descends ici, que je te fouette En mon giron ;
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J’ai dégueulé ta bandoline, Noir laideron ; Tu couperais ma mandoline Au fil du front.
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Pouah ! mes salives desséchées, Roux laideron Infectent encor les tranchées De ton sein rond !
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Ô mes petites amoureuses, Que je vous hais ! Plaquez de fouffes douloureuses Vos tétons laids !
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Piétinez mes vieilles terrines De sentiments; Hop donc ! Soyez-moi ballerines Pour un moment !…
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Vos omoplates se déboîtent, Ô mes amours ! Une étoile à vos reins qui boitent, Tournez vos tours !
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Et c’est pourtant pour ces éclanches Que j’ai rimé ! Je voudrais vous casser les hanches D’avoir aimé !
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Fade amas d’étoiles ratées, Comblez les coins ! – Vous crèverez en Dieu, bâtées D’ignobles soins !
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Sous les lunes particulières Aux pialats ronds, Entrechoquez vos genouillères, Mes laiderons.
A. R. Voilà. Et remarquez bien que, si je ne craignais de vous faire débourser plus de 60 c. de port, – moi pauvre effaré qui, depuis sept mois, n’ai pas tenu un seul rond de bronze ! – je vous livrerais encore mes Amants de Paris, cent hexamètres, Monsieur, et ma Mort de Paris, deux cents hexamètres ! Je reprends : Donc le poète est vraiment voleur de feu. Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme : si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ; – Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra ! Il faut être académicien, — plus mort qu’un fossile, — pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! — Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle : il donnerait plus – que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès ! Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; — Toujours pleins du Nombre et de l’Harmonie, ces poèmes seront faits pour rester. — Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque. L’art éternel aurait ses fonctions ; comme les poètes sont citoyens. La Poésie ne rythmera plus l’action, elle sera en avant. Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l’homme, – jusqu’ici abominable, – lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des nôtres ? – Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons. En attendant, demandons aux poètes du nouveau, – idées et formes. Tous les habiles croiraient bientôt avoir satisfait à cette demande. – Ce n’est pas cela ! Les premiers romantiques ont été voyants sans trop bien s’en rendre compte : la culture de leurs âmes s’est commencée aux accidents : locomotives abandonnées, mais brûlantes, que prennent quelque temps les rails. – Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé par la forme vieille. – Hugo, trop cabochard, a bien du VU dans les derniers volumes ; LesMisérables sont un vrai poème. J’ai Les Châtiments sous la main ; Stella donne à peu près la mesure de la vue de Hugo. Trop de Belmontet et de Lamennais, de Jéhovahs et de colonnes, vieilles énormités crevées. Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de visions, – que sa paresse d’ange a insultées ! Ô ! les contes et les proverbes fadasses ! ô les nuits ! ô Rolla, ô Namouna, ô la Coupe ! tout est français, c’est-à-dire haïssable au suprême degré ; français, pas parisien ! Encore une œuvre de cet odieux génie qui a inspiré Rabelais, Voltaire, jean La Fontaine, ! commenté par M. Taine ! Printanier, l’esprit de Musset ! Charmant, son amour ! En voilà, de la peinture à l’émail, de la poésie solide ! On savourera longtemps la poésie française, mais en France. Tout garçon épicier est en mesure de débobiner une apostrophe Rollaque ; tout séminariste en porte les cinq cents rimes dans le secret d’un carnet. A quinze ans, ces élans de passion mettent les jeunes en rut ; à seize ans, ils se contentent déjà de les réciter avec cœur ; à dix-huit ans, à dix-sept même, tout collégien qui a le moyen, fait le Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent peut-être encore, Musset n’a rien su faire : il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : il a fermé les yeux. Français, panadif, traîné de l’estaminet au pupitre de collège, le beau mort est mort, et, désormais, ne nous donnons même plus la peine de le réveiller par nos abominations ! Les seconds romantiques sont très voyants : Th. Gautier, Leconte de Lisle, Th. de Banville. Mais inspecter l’invisible et entendre l’inouï étant autre chose que reprendre l’esprit des choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Encore a-t-il vécu dans un milieu trop artiste ; et la forme si vantée en lui est mesquine : les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles. Rompue aux formes vieilles, parmi les innocents, A. Renaud, – a fait son Rolla ; – L. Grandet, – a fait son Rolla ; – Les gaulois et les Musset, G. Lafenestre, Coran, Cl. Popelin, Soulary, L. Salles ; les écoliers, Marc, Aicard, Theuriet ; les morts et les imbéciles, Autran, Barbier, L. Pichat, Lemoyne, les Deschamps, les Desessarts ; les journalistes, L. Cladel, Robert Luzarches, X. de Ricard ; les fantaisistes, C. Mendès ; les bohèmes ; les femmes ; les talents, Léon Dierx, Sully-Prudhomme, Coppée, – la nouvelle école, dite parnassienne, a deux voyants, Albert Mérat et Paul Verlaine, un vrai poète. – Voilà. – Ainsi je travaille à me rendre voyant. – Et finissons par un chant pieux.
ACCROUPISSEMENTS
Bien tard, quand il se sent l’estomac écœuré, Le frère Milotus un œil à la lucarne D’où le soleil, clair comme un chaudron récuré, Lui darde une migraine et fait son regard darne, Déplace dans les draps son ventre de curé.
Il se démène sous sa couverture grise Et descend ses genoux à son ventre tremblant, Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise, Car il lui faut, le poing à l’anse d’un pot blanc, À ses reins largement retrousser sa chemise !
Or, il s’est accroupi frileux, les doigts de pied Repliés grelottant au clair soleil qui plaque Des jaunes de brioche aux vitres de papiers ; Et le nez du bonhomme où s’allume la laque Renifle aux rayons, tel qu’un charnel polypier.
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Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe Au ventre : il sent glisser ses cuisses dans le feu Et ses chausses roussir et s’éteindre sa pipe ; Quelque chose comme un oiseau remue un peu À son ventre serein comme un monceau de tripe !
Autour, dort un fouillis de meubles abrutis Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres ; Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis Aux coins noirs : des buffets ont des gueules de chantres Qu’entr’ouvre un sommeil plein d’horribles appétits.
L’écœurante chaleur gorge la chambre étroite ; Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons. Il écoute les poils pousser dans sa peau moite, Et parfois en hoquets fort gravement bouffons S’échappe, secouant son escabeau qui boite…
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Et le soir, aux rayons de lune qui lui font Aux contours du cul des bavures de lumière, Une ombre avec détails s’accroupit, sur un fond De neige rose ainsi qu’une rose trémière… Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond.
Vous seriez exécrable de ne pas répondre : vite car dans huit jours je serai à Paris, peut-être. Au revoir. A. RIMBAUD.
Lettre du Voyant. Rimbaud à Paul Demeny. Charleville, 15 mai 1871. Paris, BnF.
Je viens de terminer la relecture d’Absalon, Absalon ! de William Faulkner. Le bruit et la fureur (1928) et Absalon Absalon ! (1936) sont le plus souvent cités comme les deux plus grands romans du grand auteur américain. Le processus de la création littéraire et l’histoire du Sud des États-Unis sont au centre de ce livre. Le bruit et la fureur, écrit entre mars et septembre 1928, était son roman favori. ” Avec Le bruit et la fureur, j’appris à lire et à cesser de lire (…) “. Absalon Absalon ! évoque la chute de la maison Sutpen et l’histoire du Deep South de 1807 à janvier 1910. Il s’agit d’une réflexion sur l’héritage sudiste. Quentin pense comme l’auteur et répond à son ami Shreve à la fin du roman :
” (…) Pourquoi est-ce que tu hais le sud ? – Je ne le hais pas, répondit vivement Quentin, sur-le-champ, immédiatement. Je ne le hais pas. “
William Faulkner a écrit deux projets pour une introduction au Bruit et à la fureur. On les retrouve dans les notices du premier tome de ses Oeuvres romanesques dans la Bibliothèque de la Pléiade, édition présentée et annotée par Michel Gresset. NRF Gallimard, 1977 (pages 1267 – 1273). Voici le premier.
Premier projet d’introduction au Bruit et la fureur de William Faulkner [version courte]. Non daté. Probablement 1933.
” J’ai écrit ce livre et j’ai appris à lire. J’avais appris un peu de l’art d’écrire en travaillant à Monnaie de singe : comment approcher la langue, les mots, moins avec sérieux, comme le fait un essayiste, qu’avec une sorte de respect, de circonspection, comme lorsqu’on approche de la dynamite ; avec joie même, comme on approche les femmes, peut-être avec les mêmes intentions perfides. Mais, quand j’eus fini Le Bruit et la fureur, je découvris qu’il y a vraiment quelque chose à quoi le mot art, ce terme rebattu, non seulement peut mais doit être appliqué. Je découvris alors que j’avais parcouru tout ce que j’avais lu, de Henry James aux histoires de meurtres des journaux en passant par Henty, sans faire aucune discrimination, sans en rien digérer, comme l’aurait pu faire une mite ou une chèvre. Après Le Bruit et la fureur, sans me soucier d’ouvrir un autre livre, et à travers une série de répercussions à retardement semblables à celles d’un orage d’été, je découvris les Flaubert, les Dostoïevski, les Conrad dont j’avais lu les œuvres dix ans auparavant. Avec LeBruit et la fureur, j’appris à lire et à cesser de lire car, depuis, je n’ai rien lu. Je n’ai pas non plus l’impression d’avoir jamais rien appris par la suite. Pendant que j’écrivais Sanctuaire, le roman qui suivit Le Bruit et la fureur, cette partie de moi-même qui apprenait au fur et à mesure que j’écrivais, cette partie où se trouve peut-être la force première qui pousse un écrivain au labeur qu’est l’invention et à la besogne qui consiste à aligner soixante-quinze ou cent mille mots sur le papier, cette partie-là était absente, parce que je lisais encore par répercussion les livres que j’avais avalés tout ronds dix ans au moins auparavant. Ce n’est qu’en écrivant Sanctuaire que j’appris qu’il y manquait quelque chose, quelque chose que m’avait donné Le Bruit et la fureur et que Sanctuaire ne me donnait pas. En entreprenant Tandis que j’agonise, je savais ce que c’était, et je savais que j’en serais encore privé, parce que ce livre allait être un livre délibéré. J’avais fermement l’intention d’écrire un tour de force. Avant même d’avoir posé la plume sur le papier et tracé le premier mot, je savais quel serait le dernier, et presque où tomberait le point final. Avant de commencer, je m’étais dit : je vais écrire un livre qui sera, au besoin, mon triomphe ou ma faillite si jamais plus je ne touche à l’encre. Aussi, quand j’eus fini, la froide satisfaction était bien là, comme je m’y attendais mais, comme je m’y attendais également, l’autre qualité que j’avais trouvée dans Le Bruit et la fureur était absente : cette émotion définie, physique et pourtant vague et difficile à décrire : cette extase, cette foi ardente et joyeuse, cette anticipation de surprise que la feuille encore immaculée sous ma main retenait, inviolée, inépuisable, attendant que je la libère. Cela ne se trouvait pas dans Tandis que j’agonise. Je me dis : C’est parce que j’en savais trop sur ce livre avant de commencer à l’écrire. Je me dis : vraisemblablement je n’aurai plus jamais besoin d’en savoir autant sur un livre avant de me mettre à l’écrire ; la prochaine fois, ça reviendra. J’attendis presque deux ans, puis je commençai Lumière d’août sans en savoir davantage que ceci : il y a une jeune femme, enceinte, qui marche le long d’une route de campagne inconnue. Je pensai : maintenant je vais retrouver cela, puisque je n’en sais pas plus sur ce livre que je n’en savais sur Le Bruit et la fureur le jour où je me suis assis devant la première page blanche. Cela n’est pas revenu. Les pages écrites croissaient en nombre. L’histoire marchait assez bien ; je m’y mettais tous les matins, sans hésitation et pourtant sans cette anticipation et cette joie qui seules ont fait pour moi de l’acte d’écrire un plaisir. Il me fallut attendre que le livre fût presque achevée, pour que je m’incline devant l’évidence : cela ne reviendrait pas, car maintenant, avant que chaque mot tombe en place, j’étais conscient des actions précises qu’allaient accomplir les personnages, puisque maintenant je choisissais délibérément leur conduite parmi les possibilités et les probabilités, et je pesais, mesurais chacun de mes choix à la balance des James, des Conrad, des Balzac. Je savais que j’avais trop lu, que j’avais atteint cette période que chaque écrivain doit traverser, pendant laquelle il croit en savoir trop sur son métier. Je reçus un exemplaire du livre imprimé et je constatai que je ne tenais même pas à savoir quelle espèce de couverture Smith lui avait mise. Il me semblait l’apercevoir placé sur un rayon avec tous ceux qui suivaient Le Bruit et la fureur tandis que je regardais les dos titrés avec une attention déclinante qui tenait presque du dégoût, et sur laquelle chacun des titres s’enregistrait de moins en moins jusqu’au moment où l’Attention elle-même sembla dire enfin : Dieu merci, jamais plus je n’aurai à en ouvrir un seul. Je crus que je savais alors pourquoi je n’avais pas retrouvé cette première extase et que jamais plus je ne la retrouverais ; que les romans quels qu’ils fussent que j’écrirais par la suite seraient écrits sans hésitation, mais aussi sans anticipation et sans joie : que dans LeBruit et la fureur, j’avais déjà mis la seule chose en littérature qui parviendrait jamais à m’émouvoir profondément : Caddy grimpant dans le poirier pour regarder par la fenêtre la veillée funèbre de sa grand-mère tandis que Quentin, Jason, Benny et les Noirs lèvent les yeux vers son fond de culotte souillé de boue. Ce roman-ci est le seul des sept romans que j’ai écrits sans avoir en même temps l’impression d’effort, de tension, sans avoir ensuite l’impression d’épuisement, de soulagement ou de dégoût. Quand je l’ai commencé je n’avais aucun plan, je n’écrivais même pas un livre. Je pensais bien aux livres, à la publication, mais à l’envers, en me disant : peu m’importe que les éditeurs aiment ça ou non. Quatre ans auparavant j’avais écrit Monnaie de singe. Il ne m’avait pas fallu longtemps pour l’écrire et le livre fut publié rapidement, et il me rapporta environ cinq cents dollars. Je me dis : écrire des romans, c’est facile. Ça ne rapporte pas grand-chose, mais c’est facile. J’écrivis Moustiques. Ce ne fut pas tout à fait aussi facile à écrire ni aussi rapide à publier et cela me rapporta environ quatre cents dollars. Je me dis : apparemment ce n’est pas aussi simple que ça d’écrire des romans, d’être romancier. J’écrivis Sartoris. Il me fallut beaucoup plus longtemps et l‘éditeur le refusa tout de suite. Mais je continuai à le colporter pendant environ trois ans, m’entêtant dans un espoir qui s’amenuisait, peut-être pour justifier le temps que j’avais mis à l’écrire. Cet espoir s’éteignit lentement, mais je n’en éprouvai aucune douleur. Un jour, il me semble que je fermais une porte entre moi et toutes les adresses et catalogues d’éditeurs. Je me dis : maintenant je vais me faire une urne comme celle que cet ancien Romain gardait toujours à son chevet et dont il usa lentement le bord sous ses baisers. Ainsi, moi qui n’ai jamais eu de sœur et qui étais voué à perdre ma fille peu après sa naissance, j’entrepris de me faire une belle et tragique petite fille. “
Emilio Prados (1899-1962) écrit ce poème après la guerre civile, au tout début de son exil au Mexique. Il le publie à Mexico dans la revue Litoral qu’il a fondée en 1926 à Malaga avec Manuel Altolaguirre. José Moreno Villa, Juan Rejano et Francisco Giner de los Ríos se joignent à eux pour la faire revivre. La nostalgie de l’Espagne devient un des thèmes centraux des poètes républicains espagnols en exil. La détresse et la douleur apparaissent clairement dans ce poème. Emilio Prados se souvient d’un passé idyllique. Il le recrée à partir d’images successives (la mer, la plage, le parfum des jasmins, les cerisiers en fleur, la paix, les rêves d’amour). Le printemps en Espagne est idéalisé. La fin exprime pourtant la dure réalité vécue par les exilés. Elle est soulignée par le ¡ay!, si profondément andalou.
Cuando era primavera
Cuando era primavera en España: Frente al mar, los espejos Rompían sus barandillas Y el jazmín agrandaba su diminuta estrella hasta cumplir el límite de su aroma en la noche. Cuando era primavera.
Cuando era primavera en España: junto a la orilla de los ríos, las grandes mariposas de la luna fecundaban los cuerpos desnudos de las muchachas, y los nardos crecían silenciosos dentro del corazón hasta tapamos la garganta… Cuando era primavera.
Cuando era primavera en España: todas las playas convergían en un anillo y el mar soñaba entonces, como el ojo de un pez sobre la arena, frente a un cielo más limpio que la paz de una nave, sin viento, en su pupila. Cuando era primavera.
Cuando era primavera en España: los olivos temblaban adormecidos bajo la sangre azul del día, mientras que el sol rodaba desde la pie! tan limpia de los toros al terrón en barbecho recién movido por la lengua caliente de la azada. Cuando era primavera.
Cuando era primavera en España: los cerezos en flor se clavaban de un golpe contra el sueño y los labios crecían, como la espuma en celo de una aurora, hasta dejamos nuestro cuerpo a su espalda, igual que el agua humilde de un arroyo que empieza. Cuando era primavera.
Cuando era primavera en España: todos los hombres olvidaban su muerte y se tendían confiados, juntos, sobre la tierra, hasta olvidarse el tiempo y el corazón tan débil por el que ardían. Cuando era primavera.
Cuando era primavera en España: yo buscaba en el cielo, yo buscaba las huellas tan antiguas de mis primeras lágrimas, y todas las estrellas levantaban mi cuerpo, siempre tendido en una misma arena. al igual que el perfume, tan lento, nocturno, de las magnolias. Cuando era primavera.
Pero, ¡ay!, tan sólo cuando era primavera en España. Solamente en España antes, cuando era Primavera!
Penumbras I, 1939-1941. Número 2 de la etapa mexicana de la revista Litoral. 1944.
Punta de Torremolinos. Monumento a la Generación del 27 : Gala Dalí, Manuel Altolaguirre, Salvador Dalí, Emilio Prados. (CFA).
Lorsque que c’était le printemps
Lorsque que c’était le printemps en Espagne : Les miroirs, devant la mer, Brisaient leurs balustrades Et le jasmin épanouissait Son étoile minuscule Pour que son parfum, dans la nuit, S’exhale jusqu’à ses limites… Oui, lorsque c’était le printemps !
Lorsque que c’était le printemps en Espagne : Près de la berge des rivières, Les grands papillons de la lune Fécondaient les corps Des filles nues Et les nards croissaient en silence Dans nos coeurs Jusqu’à nous obstruer la gorge… Oui, lorsque c’était le printemps !
Lorsque que c’était le printemps en Espagne : Les oliviers tremblaient Ensommeillés sous le sang bleu du jour, Tandis que le soleil roulait Du pelage si luisant des taureaux Vers la parcelle de jachère Fraîche remuée par la langue brûlante de la houe. Oui, lorsque c’était le printemps ! Lorsque que c’était le printemps en Espagne : Les cerisiers en fleur Se clouaient d’un seul coup contre la terre Et les lèvres grandissaient, Comme l’écume en quête avide d’une aurore, jusqu’à laisser notre corps dans leur dos, Pareil à l’eau modeste D’un ruisseau à sa naissance. Oui, lorsque c’était le printemps !
Lorsque que c’était le printemps en Espagne : Tous les hommes se dépouillaient de leur mort Et sûrs d’eus-mêmes, s’étendaient, ensemble, sur la terre, Jusqu’à en oublier le temps Et le si faible coeur par lequel ils brûlaient… Oui, lorsque c’était le printemps !
Lorsque que c’était le printemps en Espagne : Je cherchais dans le ciel, Je cherchais Les traces si anciennes De mes premières larmes Et toutes les étoiles soulevaient mon corps Toujours allongé sur le même sable, Comme elles soulevaient le parfum nocturne Et si lent des magnolias… Oui, lorsque c’était le printemps !
Mais, hélas ! Seulement Lorsque c’était le printemps en Espagne. Rien qu’en Espagne, Avant, et lorsque c’était le printemps !
Traduction Claude Couffon. Le Romancero de la résistance espagnole. Dario Puccini. Tome II. Paris, Petite collection Maspero, 1967. Traduction reprise dans l’ Anthologie bilingue de la poésie espagnole. Bibliothèque de la Pléiade, NRF. Gallimard. 1995.
¿Para qué llamar caminos a los surcos del azar?… Todo el que camina anda, como Jesús, sobre el mar.
II
A quoi bon appeler chemins les sillons du hasard ?… Qui chemine marche toujours comme Jésus sur la mer.
XXIX
Caminante, son tus huellas el camino y nada más; Caminante, no hay camino, se hace camino al andar. Al andar se hace el camino, y al volver la vista atrás se ve la senda que nunca se ha de volver a pisar. Caminante no hay camino sino estelas en la mar.
XXIX
Voyageur, le chemin sont les traces de tes pas c’est tout ; voyageur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant. Le chemin se fait en marchant et quand on tourne les yeux en arrière on voit le sentier que jamais on ne doit à nouveau fouler Voyageur, il n’est pas de chemin rien que des sillages sur la mer.
XLIV
Todo pasa y todo queda, pero lo nuestro es pasar, pasar haciendo caminos, caminos sobre la mar.
XLIV
Tout passe et tout demeure, mais notre affaire est de passer, de passer en traçant des chemins des chemins sur la mer.
Campos de Castilla. 1912. CXXXVI. Proverbios y cantares.
Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi des Poésiesde la guerre. 1981. Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé. NRF Poésie/ Gallimard n°144.
Soria. Plaza del Vergel. Statue d’Antonio Machado près du lycée où il a enseigné le français de 1907 à 1912. (Ricardo González). 2010.
Paco Ibáñez vient d ‘avoir 90 ans le 20 novembre dernier. Cela ne l’empêche pas de commencer bientôt une mini-tournée : Barcelone le 16 janvier ( Palau de la Música ), Madrid le 27 janvier ( Teatro Coliseum ), Bilbao le 15 février ( Teatro Campos Elíseos) ainsi qu’un recital à Paris dont la date et le lieu restent à préciser.
Voir l’article de Borja Hermoso dans El País du 10/01/2024. “Paco Ibáñez, el juglar rojo: “Ya no hay indignación, ya no hay opinión, todo es yo, el ‘yoismo’!”
La más bella niña (Luis de Góngora). 1580. ” Dejadme llorar/orillas del mar “
” La poesía es como el mar, pregúntale al mar qué piensa de la crisis económica, social, cultural o moral…El mar está ahí y si quieres acercarte te recibirá con los brazos abiertos, y la poesía es igual. Si tú te alejas de la poesía, ella seguirá viviendo y siempre estará esperando.” (Paco Ibáñez. El País, 16 novembre 2024)
Luis de Góngora (Diego Velázquez). 1622. Boston, Musée des Beaux-Arts.
Balzac (Auguste Rodin). Variante de l’étude finale. 1897. Plâtre. Paris, Musée Rodin. (CFA. Photo prise au Musée Bourdelle à Paris. Exposition Rodin / Bourdelle. Corps à corps)
Nathalie de Courson a publié le 27 décembre 2024 sur son blog (Patte de mouette) un texte qu’elle a intitulé Robes de chambre. J’ai relu peu de temps après le poème de Vallejo Dos niños anhelantes.
” Es la vida no más, de bata y yugo. ” Les traductions de François Maspero et de Gérard de Cortanze sont assez décevantes. La bata a disparu. Elle devient chemise et corsage. Je ne leur jette pas la pierre. César Vallejo est très difficile, sinon impossible à traduire. La meilleure version est, selon moi, celle de Nicole Réda-Euvremer. (Poésie complète 1919-1937. Flammarion, 2009). Je ne l’ai pas sous la main en ce moment et je ne sais pas ce qu’elle propose.
Dos niños anhelantes (César Vallejo)
No. No tienen tamaño sus tobillos; no es su espuela suavísima, que da en las dos mejillas. Es la vida no más, de bata y yugo.
No. No tiene plural su carcajada, ni por haber salido de un molusco perpetuo, aglutinante, ni por haber entrado al mar descalza, es la que piensa y marcha, es la finita. Es la vida no más; sólo la vida.
Lo sé, lo intuyo cartesiano, autómata, moribundo, cordial, en fin, espléndido. Nada hay sobre la ceja cruel del esqueleto; nada, entre lo que dio y tomó con guante la paloma, y con guante, la eminente lombriz aristotélica; nada delante ni detrás del yugo; nada de mar en el océano y nada en el orgullo grave de la célula. Sólo la vida; así: cosa bravísima.
Plenitud inextensa, alcance abstracto, venturoso, de hecho, glacial y arrebatado, de la llama; freno del fondo, rabo de la forma. Pero aquello para lo cual nací ventilándome y crecí con afecto y drama propios, mi trabajo rehúsalo, mi sensación y mi arma lo involucran. Es la vida y no más, fundada, escénica.
Y por este rumbo, su serie de órganos extingue mi alma y por este indecible, endemoniado cielo, mi maquinaria da silbidos técnicos, paso la tarde en la mañana triste y me esfuerzo, palpito, tengo frío.
2 de noviembre de 1937.
Poemas humanos, 1939.
Ardents désirs de deux enfants
Non. Leurs chevilles n’ont pas d’épaisseur ; ce n’est pas leur éperon très doux, qui frappe les deux joues. C’est la vie, rien de plus, avec joug et chemise.
Non. Leur rire n’a pas de pluriel, même sorti d’un perpétuel, agglutinant mollusque, même entré dans la mer pieds nus, C’est un rire qui pense et qui marche, un rire fini. C’est la vie, rien de plus ; seulement la vie.
Cela je le sais, je le sens ; cartésien, automatique, moribond, cordial, splendide enfin. Il n’y a rien sur le cil cruel du squelette, rien entre ce qu’a donné et pris, avec un gant, la colombe, et un gant, encore, l’éminent lombric aristotélicien ; rien devant ni derrière le joug ; rien, ni mer ni océan, rien dans la fierté sévère de la cellule. Seulement la vie, telle qu’elle est ; âpre et belle.
Plénitude bornée, portée abstraite, bénéfique, en fait, glaciale et impétueuse, de la flamme ; mots du fond, queue de la forme. Mais ce pour quoi je suis né, emplissant mes poumons, et j’ai grandi entouré de tendresse et de drame, mon travail le refuse, mes sens et mon arme le figent. C’est la vie, rien de plus, solide, scénique.
Et sur ce chemin mon âme éteint sa série d’organes et sous ce ciel indicible possédé du démon, ma machinerie lance des sifflements techniques, je passe la soirée dans la matinée triste et je me débats, je palpite, j’ai froid.
2 novembre 1937.
Poèmes humains. Éditions du Seuil, 2011. Traduction François Maspero.
Deux enfants haletants
Non. Ses chevilles n’ont pas d’épaisseur ; ce n’est pas son éperon si doux, qui touche ses deux joues. C’est la vie, c’est tout, avec joug et corsage.
Non. Son éclat de rire n’a plus de pluriel, ni pour être sorti d’un mollusque perpétuel, agglutinant, ni pour être entré dans la mer déchaussée, elle est qui pense et qui marche, elle est finie. Elle est la vie, c’est tout ; rien que la vie.
Je le devine, par intuition, cartésien, automate, moribond, cordial, splendide enfin. Il n’y a rien sur le sourcil cruel du squelette ; rien, entre ce que donna et prit avec un gant la colombe, et avec un gant, l’éminent lombric aristotélicien ; rien devant ni derrière le joug ; rien de la mer dans l’océan et rien dans l’orgueil grave de la cellule. Rien que la vie ; ainsi : très dure.
Plénitude inétendue portée abstraite, heureuse, en fait, glaciale et emportée, de la flamme ; frein du fond, queue de la forme. Mais même cela Pourquoi je suis né en me ventilant et pourquoi je grandis avec mon affection et mon drame propres, mon travail le refuse, ma sensibilité et mon arme l’involucrent. C’est la vie, c’est tout, fondée et théâtrale.
Et en suivant cette direction mon âme éteint sa série d’organes et en suivant cet indicible, ciel démoniaque, ma machinerie lance des sifflements techniques, j’ai vu l’après-midi dans le matin triste et je m’évertue, je palpite, je grelotte.
2 novembre 1937.
Poésie complète. Traduction Gérard de Constanze. Flammarion, 1983.
Buste de César Vallejo Busto (Miguel Baca Rossi). Madrid. Parque del Oeste. Paseo del Pintor Rosales. (CFA)
Un bel article encore de Manuel Vicent dans El País. Envie de plus de soleil et de plus de lumière. « Mehr Licht ! (Plus de lumière !) » furent les dernières paroles de Goethe, définitivement ambiguës.
El País, 21 de diciembre de 2024
Divagaciones ante un turrón de coco
Los antiguos romanos también montaban mercadillos en el foro y por allí andarían Horacio, Ovidio y Virgilio comprando regalos
Hoy, sábado 21 de diciembre de 2024, a las tres de la madrugada en el hemisferio norte se ha producido el solsticio de invierno. La luz del sol ha empezado a crecer y así lo hará hasta que llegue el verano. Los antiguos romanos celebraban este acontecimiento con las Saturnales, unas fiestas paganas en honor a Saturno, el dios de la agricultura y la cosecha, y que originalmente transcurrían entre el 17 y el 23 de diciembre. En esencia nada ha cambiado en nuestra cultura desde entonces. Los romanos también montaban mercadillos en el foro y por allí andarían Horacio, Ovidio y Virgilio comprando regalos, velas, figuritas de barro y dulces tradicionales para amigos y parientes. Por una vez los esclavos se sentaban a la mesa y eran servidos por sus amos, como sucede en la película Plácido, de Berlanga. Las fiestas estaban presididas por la alegría de los niños y por la nostalgia de los ancianos. Como pasaba con la luz del solsticio, unos llegaban a la vida y otros la abandonaban.
Los cristianos convirtieron el sol naciente en el Niño Dios que nació en un portal. En Roma había toda clase de religiones. Uno elegía sin problemas la que más le gustaba. En aquel tiempo era muy popular un dios solar importado de Persia, llamado Mitra, que había nacido de una virgen y que moría y resucitaba cada año de la misma forma como lo hacen las semillas que primero se pudren bajo tierra y a continuación germinan, florecen y dan frutos de toda índole. En sus orígenes, el cristianismo fundado por el genio de Pablo de Tarso tomó de este dios persa toda la sustancia de su nueva religión que se expandió en los extramuros de las ciudades, primero entre judíos de la diáspora y después entre los gentiles. La nueva secta de los cristianos comenzó a ser perseguida y echada a los leones del circo no por creer en un dios extraño sino porque trataba de derribar el poder de Roma, en una lucha contra el sistema, cosa que al final logró cuando el emperador Constantino se convirtió al cristianismo y promulgó el edicto de Milán en el 313. En el Derecho Romano las deudas no pagadas podían convertirte en esclavo del acreedor. Durante su persecución, los cristianos rezaban el padrenuestro en las catacumbas, que era una oración revolucionaria y antiesclavista, puesto que pedía que las deudas fueran perdonadas. Por otra parte, el cristianismo fue creado para apaciguar a los pobres de este mundo al asegurarles que serían los primeros en sentarse en el cielo a la diestra de Dios Padre, de modo que debían dejar aquí en la tierra la rebelión para más adelante. Por su parte, el sol no perderá ni por un segundo la costumbre de ir ganando un poco de tiempo al amanecer y en su crepúsculo por la tarde.
Epifanía significa manifestación de la luz. A partir Reyes nos sorprenderá que el sol se ha demorado en el grafiti de la tapia. Ese Dios que unos creen que nació en el portal de Belén y otros que solo se trata de una fecha del almanaque, hará que se despierte la savia en los árboles cuando llegue la candelaria y después obligará a que en las ramas desnudas apunten las gemas que reventarán un poco más tarde. Habrá lluvias y sonarán los canalones; habrá nevadas y el sol de marzo producirá el deshielo y puede que se repita el milagro al que asistí hace años: un colibrí de color verde esmeralda, rojo y azul, se había detenido aleteando en el aire y con el pico cazaba una gota brillante, como de plata, que caía desde una rama del roble cargada de nieve. El sol irá madurando sobre la espalda jeroglífica de los lagartos y abril incidirá en el azúcar que liban los insectos en el corazón de las flores. Puede que en mayo se inicie la rebelión solar con la primera ola de calor sofocante que unos achacarán al cambio climático y otros a las tormentas solares, cosas que han pasado toda la vida, pero en la humanidad se seguirá extendiendo un sentimiento de culpa por lo que estamos haciendo con el planeta, puesto que los cataclismos, incendios, inundaciones, terremotos, huracanes, sucederán cada vez más a menudo y serán más destructivos, pese a los cual en los mercados habrá frutas de todas clases, cerezas y fresas en junio y uno se creerá más feliz por el hecho de haberse dado una crema en la playa, extender el cuerpo en la arena y esperar a que el sol elija entre hacerte un magnífico bronceado o un cáncer de piel. A fin de cuentas, para ser feliz basta con comprarse una camisa con palmeras y unas botas de montaña para escalar unas ruinas sin saber que es la propia la que uno escala. De pronto la luz del sol se irá apagando y cuando llegue la noche de san Juan con el solsticio de verano todos nuestros sueños de luz habrán vuelto a empezar o habrán terminado. Estas son divagaciones ante una bandeja de turrones de Navidad.
Saturnalia (Ernesto Biondi) 1905. Jardín Botánico de Buenos Aires.