Francisco de Quevedo

Buste de Quevedo. León, Parque de Quevedo. Il se trouve près du Convento de San Marcos, aujourd’hui Parador Nacional, où il fut emprisonné.

Soneto enviado desde su Torre de Juan Abad a don José de Salas (Musa, II, 109)

Desde La Torre

Retirado en la paz de estos desiertos,
con pocos, pero doctos libros juntos,
vivo en conversación con los difuntos
y escucho con mis ojos a los muertos.

Si no siempre entendidos, siempre abiertos,
o enmiendan, o secundan mis asuntos,
y en músicos, callados contrapuntos
al sueño de la vida hablan despiertos.

Las grandes almas que la muerte ausenta,
de injurias de los años vengadora,
libra, ¡ oh gran don Iosef, docta la emprenta.

En fuga irrevocable huye la hora;
pero aquélla el mejor cálculo cuenta
que en la lección y estudios nos mejora.

Retiré dans la paix des déserts,
Je vis avec de doctes et rares livres dans les mains.
Je vis en conversation avec des morts.
J’écoute les morts avec les yeux. 

De La Torre

Dans ces déserts et leur paix retiré,
de rares et doctes livres entre les mains,
je vis dans le commerce des défunts,
et de mes yeux, j’entends les morts parler.

Sinon compris, sans cesse fréquentés,
ils amendent ou fécondent mes desseins ;
et par muets contrepoints musiciens
au songe de la vie parlent éveillés.

L’imprimerie, oh ! Grand Joseph, nous rend
les grands esprits effacés par la mort ;
elle venge les injures des ans.

L’heure s’enfuit en fuite sans remords
mais il faut la marquer d’un caillou blanc
celle qui par l’étude rend plus fort.

Les Furies et les Peines 102 sonnets. NRF Poésie/Gallimard n°463. 2010. Traduction Jacques Ancet.

La Torre de Juan Abad, petit village au sud de la Manche, au nord de la Sierra Morena, où Quevedo avait une maison dans laquelle il venait fuir l’agitation de la Cour. C’est de là qu’il envoie ce sonnet à Josef Antonio González de Salas qui fait le commentaire suivant : « Quelques années avant son dernier emprisonnement (décembre 1639), il m’envoya cet excellent sonnet, depuis La Torre » (1637). Quevedo fut emprisonné quatre ans au couvent de San Marcos de Valladolid dans une cellule humide qui ruina sa santé. il était accusé d’écrire des libelles hostiles au gouvernement du comte-duc d’Olivarès, valido et ministre de Felipe IV, après l’avoir longuement soutenu. L’écrivain était aussi intervenu dans la polémique relative au choix d’un saint patron pour l’Espagne. Ses faveurs s’étaient portées vers Saint Jacques de Compostelle au détriment de sainte Thérèse d’Avila. Il sortit de prison diminué en 1644 et mourut en 1645.

Convento de San Marcos (Juan de Orozco iglesia, Martín de Villarreal fachada – Juan de Badajoz el Mozo claustro y sacristía) 1515-1716 (Photo :CFA). Aujourd’hui luxueux Parador National *****. “Entre juillet 1936 y 1940 camp de concentration pour 6700 prisonniers républicains : 791 fusillés, 1563 tués sommairement, 598 sans précision (exécutés, tués sommairement ou morts dans les camps).

De La Torre

Retiré dans la paix de ces doctes retraites,
Avec un rare choix de bons livres anciens,
Les morts ont avec moi d’infinis entretiens,
Et j’écoute des yeux leurs paroles muettes.

Mal compris quelquefois, mais jamais oubliés,
Ils donnent à mes soins le blâme ou l’espérance,
Et dans des contrepoints d’harmonieux silence
Au songe de la vie ils parlent éveillés.

La docte Imprimerie, ô grand Joseph, délivre
Les grandes âmes que la mort tient dans la nuit,
Et du temps outrageux les venge par le Livre.

Et si l’heure de l’homme, invincible, s’enfuit,
Celle qu’un bon calcul persuade et conduit
Par l’étude et par la leçon nous fait mieux vivre.

1648. Traduction Jean-Pierre Bernès.

Jorge Gaitán Durán 1924-1962

Jorge Gaitán Durán .

Dans Los nombres de Feliza (Alfaguara, 2025), la biographie romancée de Juan Gabriel Vásquez, un des personnages évoqués est Jorge Gaitán Durán.

Cet écrivain était un célèbre poète et journaliste colombien. Il faisait partie du groupe des Cuadernícolas avec Fernando Charry Lara, Álvaro Mutis, Rogelio Echavarría, Guillermo Payán Archer, Jaime Ibáñez, Maruja Vieira et Fernando Arbeláez.

Il fonda la revue Mito avec l’essayiste Hernando Valencia Goelkel (1928-2004). Entre mai 1955 et juin 1962, ils publièrent 42 numéros. Cette revue eut une grand influence sur la littérature colombienne. Elle publia, entre autres, des auteurs comme Alfonso Reyes, Gabriel García Márquez (Pas de lettre pour le colonel en 1958), Octavio Paz, Jorge Luis Borges, Julio Cortázar, Eduardo Cote Lamus, Carlos Fuentes, Alejandra Pizarnik.

Jorge Gaitán Durán participa au mouvement de la jeunesse colombienne favorable à la candidature du libéral Jorge Eliécer à la présidence de la République. Ce dernier fut assassiné le 9 avril 1948 à Bogotá.

Il voyagea en Europe en 1950 (France, Italie, Espagne, Belgique, Pays-bas, Union Soviétique) et en l’Asie (Chine). Pendant ces voyages, il rencontra Nazim Hikmet, José Manuel Caballero Bonald, Vicente Aleixandre, Mao Tse Toung. Il épousa Dina Moscovici qu’il connut en Italie. Leur fille, Paula, naquit à Paris en novembre 1952. Le couple divorça en 1958. Jorge Gaitán Durán vécut ensuite avec la sculptrice Feliza Bursztyn (1933-1982)

Ses écrits sur Sade en 1955 firent scandale dans son pays : Sade contemporáneo (Diálogo entre un sacerdote y un moribundo) et Monsieur Le Six – Marqués de Sade (préface de Gilbert Lely).

Il publia les œuvres poétiques suivantes :

1946 Insistencia en la tristeza.
1947 Presencia del hombre.
1951 Asombro.
1959 Amantes.
1962 Si mañana despierto (Anthologie)

Le 21 juin 1962, il mourut à 38 ans dans un accident d’avion. Le vol Air France 117 qui reliait Paris à Santiago via Lisbonne, Santa Maria (Açores), Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Bogota et Lima s’écrasa lors de l’atterrissage en Guadeloupe sur le morne du Dos d’Âne à Deshaies. Bilan : 113 morts.

La revue Érudit (Volume 45, numéro 3 (261), septembre 2003, La poesía tiene la palabra) a publié deux poèmes traduits en français de cet auteur.

Se juntan desnudos (Jorge Gaitán Durán)

Dos cuerpos que se juntan desnudos
Solos en la ciudad donde habitan los astros
Inventan sin reposo al deseo.
No se ven cuando se aman, bellos
O atroces arden como dos mundos
Que una vez cada mil años se cruzan en el cielo.
Solo en la palabra, luna inútil, miramos
Cómo nuestros cuerpos son cuando se abrazan,
Se penetran, escupen, sangran, rocas que se destrozan,
Estrellas enemigas, imperios que se afrentan.
Se acarician efímeros entre mil soles
Que se despedazan, se besan hasta el fondo,
Saltan como dos delfines blancos en el día,
Pasan como un solo incendio por la noche.

Amantes, 1959.

Unis dans la nudité

Deux corps nus qui s’entrelacent
Seuls dans la ville habitée par les astres
Sans repos ils inventent le désir.
Sans se voir quand ils s’aiment, dans leur beauté
Ou dans l’horreur, ils brûlent comme deux mondes
Qui traversent le ciel une fois tous les mille ans.
Seulement dans le mot, lune inutile, nous voyons
Comment sont nos corps lorsqu’ils s’étreignent,
Se pénètrent, crachent, saignent, des roches qui se fracassent.
Étoiles ennemies, empires qui s’affrontent.
Ils se caressent éphémères entre mille soleils
Qui se déchirent, s’embrassent jusqu’aux abîmes.
Sautent comme des dauphins blancs en plein jour.
Ils passent comme un incendie seul au milieu de la nuit.

Amantes (Jorge Gaitan Duran)

Somos como son los que se aman.
Al desnudarnos descubrimos dos monstruosos
Desconocidos que se estrechan a tientas,
Cicatrices con que el rencoroso deseo
Señala a los que sin descanso se aman :
El tedio, la sospecha que invencible nos ata
En su red, como en la falta dos dioses adúlteros.
Enamorados como dos locos,
Dos astros sanguinarios, dos dinastías
Que hambrientas se disputan un reino,
Queremos ser justicia, nos acechamos féroces,
Nos engañamos, nos inferimos las viles injurias
Con que el cielo afrenta a los que se aman.
Solo para que mil veces nos incendie
El abrazo que en el mundo son los que se aman
Mil veces morimos cada dia.

Amantes, 1959.

Amants

Nous sommes comme ceux qui s’aiment.
Nous dénudant nous découvrons deux inconnus
Monstrueux qui s’étreignent à tâtons.
Cicatrices par lesquelles le désir rancunier
Révèle ceux qui s’aiment sans repos :
L’ennui, le soupçon qui invincible nous attrape
Dans son filet, comme dans la faute deux dieux adultères.
Amoureux comme deux fous,
Deux astres sanguinaires, deux dynasties
Qui affamées se disputent un règne,
Nous voulons être la justice, nous nous harcelons féroces,
Nous nous dupons, nous lançant de viles injures
Avec lesquelles le ciel punit ceux qui s’aiment.
Seulement pour que mille fois nous enflamme
L’étreinte qui dans le monde est à ceux qui s’aiment
Mille fois nous mourons chaque jour.

Louise Glück 1943 -2023

Louise Glück (Webb Chappell).

Un grand poète. Prix Nobel de littérature 2020. Souvenir : je l’ai lue essentiellement pendant le confinement. L’original en anglais, une traduction en français et deux versions en espagnol publiées par Pre-Textos et Visor.

Confession (Louise Glück)

To say I’m without fear—
It wouldn’t be true.
I’m afraid of sickness, humiliation.
Like anyone, I have my dreams.
But I’ve learned to hide them,
To protect myself
From fulfillment: all happiness
Attracts the Fates’ anger.
They are sisters, savages—
In the end they have
No emotion but envy.

Ararat. Ecco Press, 1990.

Confession

Dire que je suis sans peur –
Ce ne serait pas vrai.
J’ai peur de la maladie, de l’humiliation.
Comme tout le monde, j’ai mes rêves.
Mais j’ai appris à les cacher,
A me protéger
De l’accomplissement : toute félicité
Attire la colère de la destinée.
Ce sont des sœurs, des sauvages –
En fin de compte, elles n’ont
D’autre émotion que la jalousie.

Ararat. Traduction : Stéphane Chabrières.

Confesión

Decir que nada temo
sería faltar a la verdad.
La enfermedad, la humillación,
me atemorizan.
Tengo sueños, como cualquiera.
Pero aprendí a ocultarlos
para protegerme
de la plenitud: la felicidad
atrae a las Furias.
Son hermanas, salvajes,
que no tienen sentimientos,
sólo envidia.

Ararat. Pre-Textos, 2008. Traduction : Abraham Gragera López.

Confesión

Decir que no tengo miedo…
sería faltar a la verdad.
Temo a la enfermedad, a la humillación.
Tengo sueños, como todos.
Pero he aprendido a ocultarlos
para protegerme
de que se cumplan: la felicidad
atrae la ira de las Parcas.
Son hermanas, salvajes:
en el fondo, no tienen
más sentimientos que la envidia.

Ararat. Colección Visor de Poesía. 2021. Traduction Andrés Catalán.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2023/10/17/louise-gluck-1943-2023/

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2020/10/10/louise-gluck/

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2020/11/18/fidelite-ou-lois-du-marche/

Robert Desnos

Robert Desnos (Claude Cahun) 1930.

Merci à l’enseignante de ma petite-fille S. qui fait apprendre ce poème à ses élèves de CM2.

Demain

Âgé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : le matin est neuf, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
Á maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent.

État de veille, 1942. in Destinée arbitraire. NRF Poésie/Gallimard n°112. Octobre 1975.

William Butler Yeats 1865 – 1939

Portrait de W. B. Yeats (John Singer Sargent). 1908. Collection privée.

Nous regardons un peu par hasard une mini-série policière anglaise de Sean Cook, Redemption (2022). C’est aussi un drame familial. Colette Cunningham, enquêtrice au sein de la brigade criminelle de Liverpool, est une femme forte. Elle reçoit un appel inattendu de Dublin. Un corps a été retrouvé. Colette est indiquée comme son parent le plus proche. Elle s’envole pour Dublin afin d’identifier sa fille, Kate, disparue depuis vingt ans. Plein de chagrin et de culpabilité, Colette décide de rester en Irlande pour s’occuper des deux enfants de Kate et de travailler pour la Garda, la police irlandaise. Elle essaie de reconstituer la vérité sur la mort de sa fille. Elle veut résoudre le mystère qui entoure sa mort.

Lors de l’enterrement, Colette lit un poème de W.B. Yeats que sa fille aimait particulièrement :

Au bas des jardins de saules

Au bas des jardins de saules je t’ai rencontrée, mon amour.
Tu passais les jardins de saules d’un pied qui est comme neige.
Tu me dis de prendre l’amour simplement, ainsi que poussent les feuilles,
Mais moi j’étais jeune et fou et je n’ai pas voulu te comprendre.

Dans un champ près de la rivière nous nous sommes tenus, mon amour,
Et sur mon épaule penchée tu posas ta main qui est comme neige.
Tu me dis de prendre la vie simplement, comme l’herbe pousse sur la levée,
Mais moi j’étais jeune et fou et depuis lors je te pleure.

Quarante-cinq poèmes suivis de La Résurrection présentés et traduits par Yves Bonnefoy. Hermann, 1989. NRF Poésie/Gallimard n°273, 2004.

Down by the salley gardens

Down by the salley gardens my love and I did meet ;
She passed the salley gardens with little snow-white feet.
She bid me take love easy, as the leaves grow on the tree ;
But I, being young and foolish, with her would not agree.

In a field by the river my love and I did stand,
And on my leaning shoulder she laid her snow-white hand.
She bid me take life easy, as the grass grows on the weirs ;
But I was young and foolish, and now am full of tears.

Emilio Prados – Manuel Altolaguirre – Sur – Litoral

Malaga commémore le centenaire de l’imprimerie Sur, fondée en octobre 1925 par le poète Emilio Prados (1899-1962). Il collabora avec Manuel Altolaguirre (1905-1959) et plus tard brièvement avec José María Hinojosa (1904-1936).

Du 6 mars au 23 mai 2025, une exposition célèbre ce centenaire au centre culturel María Victoria Atencia de Malaga (Calle Ollerías, 34) : Imprenta Sur (1925-2025). Cien años, Cien objetos. Le commissaire de l’exposition est Rafael Inglada.

Jardin vertical. Place Pepe Mena. Malaga.

On peut voir dans deux salles des dessins, des photographies, des machines d’imprimerie d’époque, des objets personnels et bien sûr des éditions de Sur et de Litoral. Cette mythique revue fut remplacée en 1937, après l’occupation de la ville par les troupes franquistes, par Dardo.

Des œuvres d’Emilio Prados (Tiempo), Federico García Lorca (Canciones), Luis Cernuda (Perfil del aire) Rafael Alberti, Juan Gris ou Pablo Picasso furent imprimées là. Dans la revue Litoral, créée une année plus tard, en 1926, publièrent entre autres Juan Ramón Jiménez, Jorge Guillén, José Bergamín, Gerardo Diego, Federico García Lorca, Rafael Alberti, Luis Cernuda, Vicente Aleixandre, Salvador Dalí, Juan Gris, Manuel de Falla. Le peintre María Ángeles Ortiz conçut la première page de cette magnifique revue. Son poisson devint un des symboles de la Génération de 1927.

Premier numéro de la revue Litoral. 1926. Dessin de María Ángeles Ortiz.

L’imprimerie s’ installa d’abord Calle Tomás Heredia, n°24, puis Calle de San Lorenzo, n°12.

Manuel Altolaguirre l’évoqua ainsi : « …Nuestra imprenta tenía forma de barco, con sus barandas, salvavidas, faroles, vigas de azul y blanco, cartas marítimas, cajas de galletas y vino para los naufragios. Era una imprenta llena de aprendices, uno manco, aprendices como grumetes, que llenaban de alegría el pequeño taller, que tenía flores, cuadros de Picasso, música de don Manuel de Falla, libros de Juan Ramón Jiménez en los estantes. Imprenta alegre como un circo […]. Entre otras cosas, teníamos en un rincón una escafandra de buzo y en la vitrina una mano de madera articulada, de las que sirven para agrandar los guantes. Son recuerdos prosaicos. Pero la imprenta era un verdadero rincón de poesía. Con muy pocas máquinas, con muchos sillones, con más conversación que trabajo, casi siempre desinteresado, artístico, porque Emilio era y es el hombre más generoso del mundo. »

Antigua Imprenta Sur. Málaga.

L’imprimerie Sur fonctionne toujours grâce à une famille d’imprimeurs, les Andrade, bien qu’elle ait connu de nombreuses vicissitudes. Elle est gérée depuis 2000 par le Centro Generación del 27 de la Diputación de Málaga. De même, la revue Litoral a pu réapparaître à Torremolinos en 1968 grâce à José María Amado et à la société Revista Litoral, S.A.​ Son directeur actuel est le peintre Lorenzo Saval Prados et sa directrice adjointe María José Amado, son épouse.

Revista Litoral. S.A. Ediciones Litoral.
Urbanización La Roca, Local 8. 29620 Torremolinos Málaga.
litoral@edicioneslitoral.com
[+34] 952 388 257

https://edicioneslitoral.com/?v=11aedd0e4327

Litoral n°1. Mai 1968.

Charles Baudelaire

Les bons chiens

À M. Joseph Stevens

Je n’ai jamais rougi, même devant les jeunes écrivains de mon siècle, de mon admiration pour Buffon ; mais aujourd’hui ce n’est pas l’âme de ce peintre de la nature pompeuse que j’appellerai à mon aide. Non.
Bien plus volontiers je m’adresserais à Sterne, et je lui dirais : « Descends du ciel, ou monte vers moi des champs Élyséens, pour m’inspirer en faveur des bons chiens, des pauvres chiens, un chant digne de toi, sentimental farceur, farceur incomparable ; reviens à califourchon sur ce fameux âne qui t’accompagne toujours dans la mémoire de la postérité ; et surtout que cet âne n’oublie pas de porter, délicatement suspendu entre ses lèvres, son immortel macaron ! »
Arrière la Muse académique ! Je n’ai que faire de cette vieille bégueule. J’invoque la Muse familière, la citadine, la vivante, pour qu’elle m’aide à chanter les bons chiens, les pauvres chiens, les chiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poète qui les regarde d’un œil fraternel.
Fi du chien bellâtre, de ce fat quadrupède, danois, king-charles, carlin ou gredin, si enchanté de lui-même qu’il s’élance indiscrètement dans les jambes ou sur les genoux du visiteur, comme s’il était sûr de plaire, turbulent comme un enfant, sot comme une lorette, quelquefois hargneux et insolent comme un domestique ! Fi surtout de ces serpents à quatre pattes, frissonnants et désœuvrés, qu’on nomme levrettes, et qui ne logent même pas dans leur museau pointu assez de flair pour suivre la piste d’un ami, ni dans leur tête aplatie assez d’intelligence pour jouer au domino !
À la niche, tous ces fatigants parasites ! Qu’ils retournent à leur niche soyeuse et capitonnée ! Je chante le chien crotté, le chien pauvre, le chien sans domicile, le chien flâneur, le chien saltimbanque, le chien dont l’instinct, comme celui du pauvre, du bohémien et de l’histrion, est merveilleusement aiguillonné par la nécessité, cette si bonne mère, cette vraie patronne des intelligences !
Je chante les chiens calamiteux, soit ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l’homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : « Prends-moi avec toi, et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur ! »
« Où vont les chiens » disait autrefois Nestor Roqueplan dans un immortel feuilleton qu’il a sans doute oublié, et dont moi seul, et Sainte-Beuve peut-être, nous nous souvenons encore aujourd’hui.
Où vont les chiens, dites-vous, hommes peu attentifs ? Ils vont à leurs affaires. Rendez-vous d’affaires, rendez-vous d’amour. À travers la brume, à travers la neige, à travers la crotte, sous la canicule mordante, sous la pluie ruisselante, ils vont, ils viennent, ils trottent, ils passent sous les voitures, excités par les puces, la passion, le besoin ou le devoir. Comme nous, ils se sont levés de bon matin, et ils cherchent leur vie ou courent à leurs plaisirs.
Il y en a qui couchent dans une ruine de la banlieue et qui viennent, chaque jour, à heure fixe, réclamer la sportule à la porte d’une cuisine du Palais-Royal ; d’autres qui accourent, par troupes, de plus de cinq lieues, pour partager le repas que leur a préparé la charité de certaines pucelles sexagénaires, dont le cœur inoccupé s’est donné aux bêtes, parce que les hommes imbéciles n’en veulent plus.
D’autres qui, comme des nègres marrons, affolés d’amour, quittent, à de certains jours, leur département pour venir à la ville, gambader, pendant une heure, autour d’une belle chienne, un peu négligée dans sa toilette, mais fière et reconnaissante.
Et ils sont tous très exacts, sans carnets, sans notes et sans portefeuilles.
Connaissez-vous la paresseuse Belgique, et avez-vous admiré comme moi tous ces chiens vigoureux attelés à la charrette du boucher, de la laitière ou du boulanger, et qui témoignent, par leurs aboiements triomphants, du plaisir orgueilleux qu’ils éprouvent à rivaliser avec les chevaux ?
En voici deux qui appartiennent à un ordre encore plus civilisé ! Permettez-moi de vous introduire dans la chambre du saltimbanque absent. Un lit, en bois peint, sans rideaux, des couvertures traînantes et souillées de punaises, deux chaises de paille, un poêle de fonte, un ou deux instruments de musique détraqués, oh ! le triste mobilier ! Mais regardez, je vous prie, ces deux personnages intelligents, habillés de vêtements à la fois éraillés et somptueux, coiffés comme des troubadours ou des militaires, qui surveillent, avec une attention de sorciers l’œuvre sans nom qui mitonne sur le poêle allumé, et au centre de laquelle une longue cuiller de bois se dresse, plantée comme un de ces mâts aériens qui annoncent que la maçonnerie est achevée.
N’est-il pas juste que de si zélés comédiens ne se mettent pas en route sans avoir lesté leur estomac d’une soupe puissante et solide ? Et ne pardonnerez-vous pas un peu de sensualité à ces pauvres diables qui ont à affronter tout le jour l’indifférence du public et les injustices d’un directeur qui se fait la grosse part et mange à lui seul plus de soupe que quatre comédiens ?
Que de fois j’ai contemplé, souriant et attendri, tous ces philosophes à quatre pattes, esclaves complaisants, soumis ou dévoués, que le dictionnaire républicain pourrait aussi bien qualifier d’officieux, si la république trop occupée du bonheur des hommes, avait le temps de ménager l’honneur des chiens.
Et que de fois j’ai pensé qu’il y avait peut-être quelque part (qui sait, après tout ?), pour récompenser tant de courage, tant de patience et de labeur, un paradis spécial pour les bons chiens, les pauvres chiens, les chiens crottés et désolés. Swedenborg affirme bien qu’il y en a un pour les Hollandais et un pour les Turcs !
Les Bergers de Virgile et de Théocrite attendaient, pour prix de leur chant alterné, un bon fromage, une flûte du meilleur faiseur, ou une chèvre aux mamelles gonflées. Le poète qui a chanté les pauvres chiens a reçu pour récompense un beau gilet, d’une couleur, à la fois riche et fanée, qui fait penser aux soleils d’automne, à la beauté des femmes mûres et aux étés de la Saint-Martin.
Aucun de ceux qui étaient présents dans la taverne de la rue Villa-Hermosa n’oubliera avec quelle pétulance le peintre s’est dépouillé de son gilet en faveur du poète, tant il a bien compris qu’il était bon et honnête de chanter les pauvres chiens.
Tel un magnifique tyran italien, du bon temps, offrait au divin Arétin soit une dague enrichie de pierreries, soit un manteau de cour, en échange d’un précieux sonnet ou d’un curieux poème satirique.
Et toutes les fois que le poète endosse le gilet du peintre, il est contraint de penser aux bons chiens, aux chiens philosophes, aux étés de la Saint-Martin et à la beauté des femmes très mûres.

Le Spleen de Paris, 1869.

Paris. Cimetière du Montparnasse. Cénotaphe de Baudelaire (José de Charmoy) 1902.

” Les bons chiens est un hommage au peintre animalier Joseph Stevens (1816-1892), frère du marchand d’art Arthur Stevens et du peintre de genre Alfred Stevens. Baudelaire a fréquenté les trois frères durant son séjour en Belgique (avril 1864-juin 1866). Il a vu des peintures de Joseph Stevens et des ” chiens habillés ” dans la collection Crabbe. (…)

L‘Indépendance belge du 21 juin 1865 révèle que Joseph Stevens avait offert son gilet à Baudelaire ” sous la condition qu’il écrirait quelque chose sur les chiens des pauvres “.

(Baudelaire, Oeuvres complètes II. Bibliothèque de la Pléiade. NRF. 2024. Notices, notes et variantes. Page 1586.)

https://www.youtube.com/watch?v=5EKtP4QahR8

Les bons chiens. Extrait lu par Michel Piccoli. Baudelaire : Petits poèmes en prose (Le Spleen de Paris). Frémeaux & Associés. 2009.

Intérieur du saltimbanque (Joseph Stevens). 1850.

Terence Davies (1945 – 2023) – Emily Dickinson

Terence Davies (Henny Garfunkel)

Le cinéaste anglais a toujours fait des films personnels et intéressants malgré les difficultés de production qu’il a rencontrées.

En 1988, j’avais beaucoup aimé Distant voices, Still Lives, qui recrée la vie d’une famille de la classe ouvrière à Liverpool dans les années 1940 et 1950.

Son dernier film, sorti en en 2021, retrace la vie du poète anglais Siegfried Sassoon (1886 – 1967) : Les Carnets de Siegfried.

Il est mort à 77 ans le 7 octobre 2023 à Mistley (Essex – Angleterre).

J’ai repris à la Médiathèque de Noisiel la belle édition livre-DVD Collector (96 pages) Emily Dickinson, A Quiet Passion (2016).

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/08/03/emily-dickinson-a-quiet-passion-terence-davies/

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2024/04/14/terence-davies-siegfried-sassoon-wilfred-owen/

Les films de Terence Davies sont toujours beaux et âpres. La dureté des hommes (surtout celle des pères) ne donne aux femmes qu’une alternative : le sacrifice ou la rédemption. C’est le cas du personnage de la mère dans Distant voices, Still Lives, mais aussi dans celui de Chris Guthrie dans Sunset Song (2015).

Dans Emily Dickinson, A Quiet Passion, la femme reste prisionnière. La poétesse est enfermée dans une cage dont elle ne sortira pas. Il y a moins d’échappées musicales que dans les autres films du cinéaste (seulement une sortie à l’opéra et quelques moments dans la maison familiale d’Amherst – Massachusetts).

La récitation des poèmes ponctue tout le film qui commence par une séquence qui montre la violente opposition d’Emily à l’autorité, incarnée par la directrice de Mount Holyoke Seminary, (établissement d’études supérieures pour jeunes filles) où elle ne restera que dix mois. Plus tard, en présence de son père et de sa famille. elle refusera de s’agenouiller pour rendre grâce à la demande d’un nouveau pasteur.

La première partie de l’oeuvre est légère, presque frivole. On remarque des personnages réels (Susan Gilbert, sa belle sœur, jouée Jodhi May), et d’autres inventés (Vryling Buffam, incarnée par Catherine Bailey). Les bons mots, les paradoxes, l’humour pince-sans-rire font sourire le spectateur.

Ensuite, Emily Dickinson reste jusqu’à la fin de sa vie dans la maison de cette famille, austère et aimante. Elle se retire progressivement du monde extérieur, s’habille en blanc et refuse de descendre de sa chambre. Sa vie se termine dans les souffrances de la maladie de Bright, caractérisée par un dysfonctionnement rénal incurable.

Terence Davies dresse le portait d’une femme d’une grande intransigeance morale qui n’hésite pas à exprimer sa rage. Elle remet en cause de l’intérieur l’autorité des Puritains comme le font à la même époque Ralph Waldo Emerson (1803-1882) et les transcendantalistes.

On retrouve dans ce film certains thèmes caractéristiques de l’oeuvre de Terence Davies : la fuite du temps, la hantise de la mort, l’amour de la nature.

Trois poèmes lus dans le film :

1037

The dying need but little, dear,—
A glass of water’s all,
A flower’s unobtrusive face
To punctuate the wall,

A fan, perhaps, a friend’s regret,
And certainly that one
No color in the rainbow
Perceives when you are gone.

1865.

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Les Mourants ont besoin de peu, Doux Ami,
Un Verre d’eau, c’est tout,
Le Visage discret d’une fleur
Pour ponctuer le Mur,

Un Éventail, peut-être, le regret d’un Ami
Et la Certitude qu’on ne percevra plus
Les couleurs de l’arc-en-ciel
Quand tu auras disparu –

Traduction Françoise Dolphy.

453

Our journey had advanced –
Our feet were almost come
To that odd Fork in Being’s Road –
Eternity – by Term –

Our pace took sudden awe –
Our feet – reluctant – led –
Before – were Cities – but Between –
The Forest of the Dead—

Retreat – was out of Hope –
Behind – a Sealed Route –
Eternity’s White Flag – Before –
And God – at every Gate –

1862.

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Notre voyage était bien engagé –
Nos pieds étaient presque arrivés
Á cette étrange bifurcation sur la Route de l’Être –
Qu’on Nomme – l’Éternité –

Notre allure fut soudain entachée d’effroi –
Nos pieds – avançaient – de mauvaise grâce –
La Forêt des Morts –

Pas le moindre Espoir – de rebrousse chemin –
Derrière – une Route sans issue –
Le drapeau Blanc de l’éternité – devant –
Et Dieu – à chaque Portail –

Traduction Françoise Delphy.

519

This is my letter to the World
That never wrote to Me –
The simple News that Nature told –
With tender Majesty

Her Message is committed
To Hands I cannot see –
For love of Her – Sweet – countrymen –
Judge tenderly – of Me

1863.

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Ceci est ma lettre au Monde
Qui jamais ne M’a écrit –
Simples Nouvelles racontées par la Nature –
Avec une tendre Majesté

Elle confie son Message
À des Mains que je ne vois pas
Par amour pour Elle – Doux – compatriotes –
Jugez-Moi – avec tendresse

Traduction Françoise Delphy.

César Vallejo

Mario Vargas Llosa. Madrid, février 2003 (Miguel Gener)

Mario Vargas Llosa, l’« homme-plume », Prix Nobel de Littérature en 2010, est mort à Lima dimanche 13 avril 2025. Il avait 89 ans. Nous l’avions croisé un jour dans l’aéroport de Barajas à Madrid. Échange de sourires. Beaucoup d’articles dans la presse…

Je me souviens pourtant aujourd’hui du grand poète péruvien César Vallejo.

Il est né à Santiago de Chuco le 16 mars 1892. Il est mort à Paris le 15 avril 1938.

Il avait écrit dans Pierre noire sur une pierre blanche

Me moriré en París con aguacero,
un día del cual tengo ya el recuerdo.
Me moriré en París -y no me corro-
tal vez un jueves, como es hoy de otoño.

Poemas humanos, 1939.

Pierre noire sur une pierre blanche

Je mourrai à Paris par temps de pluie,
un jour dont j’ai déjà le souvenir.
Je mourrai à Paris – pourquoi rougir –
en automne, un jeudi, comme aujourd’hui.

Poèmes humains, 1939. Traduction Jacques Ancet.

https://www.lesvraisvoyageurs.com/2018/04/17/cesar-vallejo/

Un autre poème de Vallejo…

El poeta a su amada

Amada, en esta noche tú te has crucificado
sobre los dos maderos curvados de mi beso;
y tu pena me ha dicho que Jesús ha llorado
y que hay un viernesanto más dulce que ese beso.

En esta noche rara que tanto me has mirado
la Muerte ha estado alegre y ha cantado en su hueso
En esta noche de Setiembre se ha oficiado
mi segunda caída y el más humano beso.

Amada, moriremos los dos juntos, muy juntos;
se irá secando a pausas nuestra excelsa amargura;
y habrán tocado a sombra nuestros labios difuntos

Y ya no habrá reproches en tus ojos benditos
ni volveré a ofenderte. Y en una sepultura
los dos dormiremos, como dos hermanitos.

Los heraldos negros, 1918.

Le poète à son aimée

Aimée, cette nuit tu t’es crucifiée
sur les deux madriers cintrés de mon baiser ;
et ta peine m’a dit que Jésus avait pleuré
et qu’il est un Vendredisaint plus doux que ce baiser.

En cette nuit étrange où tant tu m’as regardé ,
la Mort a été joyeuse et a sifflé dans son os.
En cette nuit de Septembre on a célébré
ma seconde chute et le plus humain des baisers.

Aimée, nous mourrons tous deux ensemble, très unis ;
de loin en loin se desséchera notre suprême amertume ;
et nos lèvres défuntes auront sonné un glas d’ombre.

Et il n’y aura plus de reproche dans tes yeux bénits ;
et je ne t’offenserai plus. Et dans une même sépulture
nous dormirons tous deux, comme frère et soeur.

Poésie complète 1919-1937. Flammarion, 2009. Traduction Nicole Réda-Euvremer.

Paco Ibáñez a chanté une partie de ce poème dans son Album “Por una canción” (PDI, 1990).

https://www.youtube.com/watch?v=xCDerd6Ci3I

Charles Baudelaire 1821-1867

Baudelaire est né le 9 avril 1821 à Paris. Il est mort dans la même ville le 31 août 1867.

On peut aimer Baudelaire, mais aussi Rimbaud. Ce n’est pas un problème.

La voix

Mon berceau s’adossait à la bibliothèque,
Babel sombre, où roman, science, fabliau,
Tout, la cendre latine et la poussière grecque,
Se mêlaient. J’étais haut comme un in-folio.

Deux voix me parlaient. L’une, insidieuse et ferme,
Disait : « La Terre est un gâteau plein de douceur ;
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme !)
Te faire un appétit d’une égale grosseur. »

Et l’autre : « Viens ! Oh ! viens voyager dans les rêves,
Au delà du possible, au delà du connu ! »
Et celle-là chantait comme le vent des grèves,
Fantôme vagissant, on ne sait d’où venu,

Qui caresse l’oreille et cependant l’effraye.
Á cette belle voix je dis : Oui ! C’est d’alors
Que date ce qu’on peut, hélas ! nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors

De l’existence immense, au plus noir de l’abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.

Et c’est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J’aime si tendrement le désert et la mer ;
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer ;

Que je prends très souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit : « Garde tes songes ;
Les sages n’en ont pas d’aussi beaux que les fous ! »

Ce poème est publié d’abord dans la Revue contemporaine le 28 février 1861. Il ne figure pas dans les éditions de 1857 et 1861 des Fleurs du Mal. Il est repris dans L’Artiste le 1 mars 1862 et recueilli en 1866 dans Les Épaves.

Baudelaire a presque 40 ans quand il le compose. Il évoque, dès les premiers vers, son enfance au 13 Rue Hautefeuille (Paris VI) avant la mort de son père Joseph-François Baudelaire (1759-1821). C’ est unique dans sa poésie.

Fronstispice pour Les Epaves de Charles Baudelaire. Eau-forte 1866.